| POUSSIÉREUX, -EUSE, adj. A. − 1. [Corresp. à poussière A 1 a] a) [En parlant d'un inanimé concr.] Couvert de poussière. Chemin, dallage, trottoir poussiéreux; acacias, buissons, feuillages poussiéreux; barrière poussiéreuse; plaine, route poussiéreuse; chaussures poussiéreuses. Une route bordée de gros arbres poussiéreux (A. Daudet, Arlésienne,1872, I, tabl. 1, 1, p.363).Elle demeurait là, en robe de voyage, poussiéreuse, fripée, par les vingt heures de chemin de fer (Zola, Dr Pascal,1893, p.310).Le soleil de midi pesait sur le jardin aride. Entre les pelouses poussiéreuses, le sable des allées avait la couleur de la cendre (Mauriac, Génitrix,1923, p.357). − P. méton. [En parlant d'une pers.] Dont les vêtements sont couverts de poussière. Les fermiers venus de loin, poussiéreux, avec des chapeaux noirs (Goncourt, Journal,1857, p.380).Devant lui se tenait un grand Chinois maigre, poussiéreux, couvert de toiles d'araignée, mal protégé de la pluie par deux vieilles nattes en forme de chasuble attachées par des ficelles (Morand, Rococo,1933, p.236).Les restaurants pleins d'hommes poussiéreux, qui regardent, avalés à la hâte une soupe grasse et des ragoûts nostalgiques, le débarquement d'un train (Aragon, Beaux quart.,1936, p.10). b) [En parlant d'un phénomène atmosphérique] Chargé de poussière; où la poussière se maintient en suspension. Atmosphère poussiéreuse. La sécheresse était encore plus forte, et la chaleur non moins intolérable sous le souffle poussiéreux du vent du Nord, ce simoun des pampas (Verne, Enf. cap. Grant,t.1, 1868, p.158).Vers midi, dans la plaine où l'air poussiéreux brûle (Leconte de Lisle, Poèmes barb.,1878, p.288).Le grand vent souffle, poussiéreux et désolé, comme si c'était déjà l'été (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1907, p.162). 2. [Corresp. à poussière A 1 b] a) [En parlant d'un inanimé concr.] Couvert de poussière; à la surface de quoi la poussière s'est accumulée. Meuble, parquet poussiéreux; rideaux poussiéreux; armoire, bibliothèque, fenêtre, table poussiéreuse. Elle faisait des stations (...) aux devantures des antiquaires, à l'étal du bric-à-brac antique, aux vitrines poussiéreuses encombrées de lampes étrusques, de majoliques (Goncourt, MmeGervaisais,1869, p.29).Elle apporta d'une soupente qui servait de grenier et de bûcher tout ensemble une mallette en cuir poussiéreuse, aux serrures rouillées, et dont les clefs manquaient (Bourget, Disciple,1889, p.211).Il regardait la grange immense, avec ses murs poussiéreux, ses poutres vermoulues et ses toiles d'araignée si épaisses que quelques-unes avaient un air de vieilles quenouilles pendant du toit (Benjamin, Gaspard,1915, p.35). b) P. méton. [En parlant d'un endroit clos] Dont les surfaces et les meubles sont recouverts de poussière. Grenier, hangar, magasin poussiéreux. Je trouve qu'ils ne valent pas [les plaisirs de la société] mon chez moi, ma chambre modeste, encombrée et poussiéreuse (Léautaud, Journal littér.,3, 1913, p.128).Un appartement poussiéreux, anonyme (Mauriac, Trois récits,1929, p.87). B. − P. anal. Qui semble couvert de poussière; qui est pâle et terne. Chair, couleur poussiéreuse; gris, noir poussiéreux. Une femme charmante, une femme dont le teint, sous des cheveux bouffants du blond le plus poussiéreux, était légèrement café au lait (Goncourt, Journal,1881, p.108).Il se souvient tout à coup de sa mère sur son lit de mort, de ses traits décomposés, de son teint poussiéreux, de ses mâchoires saillantes, de ses lèvres raidies (Martin du G., Devenir,1909, p.193).Un rose poussiéreux, au ras de la mer, remplaçait peu à peu le bleu immuable qui régnait depuis le matin (Colette, Blé en herbe,1923, p.39). − Empl. subst. masc. sing. avec valeur de neutre, rare. Couleur poussiéreuse. Elle passait sous cette verdure vert-de-grisée, mêlant le poussiéreux de l'olivier à l'argenté du saule (Goncourt, MmeGervaisais,1869, p.187). C. − Au fig., péj. 1. [En parlant d'une pers., de son esprit] Qui n'a pas évolué ou qui est hostile à toute évolution; qui manque d'ouverture et de liberté d'esprit. Synon. rétrograde.La vieille petite cité romaine, envahie par plusieurs armées d'ingénieurs poussiéreux et de Limousins prolifiques, s'était accrue du double en quelques années (Bloy, Désesp.,1886, p.40).Un modeste fonctionnaire gagnant juste de quoi subsister. «Un esprit bourgeois, poussiéreux et rétréci» (Aymé, Confort,1949, p.38). 2. [En parlant d'un inanimé abstr.: d'une institution, d'une activité, d'un mode d'expression ou de pensée, etc.] a) Qui est figé; qui évoque la monotonie, le vieillissement. Synon. sclérosé.Vie poussiéreuse. Cet omnibus sentait le renfermé, l'administration poussiéreuse, le vieux bureau où la vie d'un homme s'enlise (Saint-Exup., Terre hommes,1939, p.146).Il trouvait dérisoire qu'on consumât sa vie dans de poussiéreux travaux d'érudition (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p.177). − Empl. subst. masc. sing. avec valeur de neutre, rare. Caractère vieux et sclérosé. [L'affaire des bandits en automobile] m'a passionnément intéressé, beaucoup plus que tous les mouvements révolutionnaires qui se sont succédé depuis et qui dégagent une certaine monotonie (...) par le poussiéreux de la doctrine (L. Daudet, Vers le roi,1920, p.273). b) Qui n'est plus actuel; qui est périmé ou démodé. Programme poussiéreux; discipline, oeuvre poussiéreuse. Claudine, cette effrontée, folle de Debussy, ayant imaginé par sadisme d'aller applaudir frénétiquement les opéras-comiques les plus poussiéreux (Colette, Cl. s'en va,1903, p.152).Une certaine atmosphère de science bienfaisante flottait encore autour de ces sentences poussiéreuses (Nizan, Chiens garde,1932, p.189).J'étais agacé par ce cérémonial incongru, par ces pompes poussiéreuses qui n'avaient d'autre résultat que d'éloigner les personnages (Sartre, Mots,1964, p.100). Prononc. et Orth.: [pusjeʀø], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist.1. 1801 «couvert de poussière» (Mercier Néol.); 2. 1842 «qui est gris et terne comme de la poussière» (Ac.); 1872 fig. «qui est routinier, qui n'a pas évolué» (Gautier, Souv. théâtre, art et crit., Beautés de l'Opéra, IV ds Rob. 1962). Dér. de poussière*; suff. -eux. Fréq. abs. littér.: 327. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 24, b) 293; xxes.: a) 699, b) 791. Bbg. Darm. 1877, p.105. _Quem. DDL t.27 (s.v. neige poussiéreuse). |