| POUSSÉE, subst. fém. I. − [Corresp. à pousser I] A. − 1. Impulsion, choc donnés pour mettre en mouvement, déplacer, pénétrer. John Mangles démarra le radeau, et d'une poussée il le lança à travers les eaux de la [rivière] (Verne, Enf. cap. Grant,t.2, 1868, p.249).Elle levait davantage ses bras, et lui, avec une poussée plus forte, enfonçait son visage dans leur creux (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p.241). 2. Action de bousculer, fait d'être bousculé. Synon. bousculade, charge, presse.Au plus fort de la poussée, un coup de pistolet retentit (About, Roi mont.,1857, p.264).Des piaffes, des poussées, des cris de ralliement, des sifflets, éclataient de toutes parts (Huysmans, Soeurs Vatard,1879, p.78). − RUGBY. ,,Puissante impulsion collective des huit avants de chaque équipe, qui s'affrontent en mêlée fermée`` (Petiot 1982). − Vx. Synon. de bourrade, frottée, raclée.Joseph, plus près de la nature, a donné et reçu quelques bonnes poussées (Stendhal, Mém. touriste,t.1, 1838, p.284).J'ai administré à la commère une poussée dont elle se souviendra. Tâter une femme ainsi: vilaine malhonnêteté! (Reybaud, J. Paturot,1842, p.435). 3. Vx. La belle poussée! [Exclam. iron. exprimant p.antiphr. le caractère mesquin et ridicule d'une action] Synon. la belle affaire!Il est obligé de rester sur une chaise toute une journée à la Municipalité, pour gagner... quoi?... six cents misérables francs, la belle poussée! (Balzac, Rabouill.,1842, p.412).−Deux cents francs de rente viagère... −La belle poussée!... Mais c'est un gredin fini! (Balzac, Cous. Pons,1847, p.309). B. − 1. Pression exercée par une chose qui pousse, par une force. La nuit fut mauvaise; les ais du rancho craquaient à se rompre; il s'inclinait sous les poussées du vent et menaçait de s'en aller à chaque rafale (Verne, Enf. cap. Grant,t.1, 1868, p.209).Et, comme une poussée d'eau sale, la foule battait la cahute (Huysmans, Soeurs Vatard,1879, p.78). − BÂT., TRAV. PUBL. ,,Force horizontale exercée sur un mur, un support par un arc, une plate-bande; action horizontale exercée par une structure`` (GDEL). L'ogive dut son triomphe au peu de poussée qu'elle exerce sur ses côtés; on peut donc la placer à l'extrémité de colonnes excessivement sveltes, comme à l'église de Coutances (Stendhal, Mém. touriste,t.2, 1838, p.342). − ASTRONAUT. Force de propulsion d'un moteur. Un épais nuage de fumée blanche et grise s'échappe des puissants réacteurs (80 t de poussée) de la lourde fusée blanche Atlas (L'Aurore,21 févr. 1962, p.4 ds Guilb. Astronaut. 1967, p.203). − PHYS. Poussée (d'Archimède). ,,Force verticale dirigée de bas en haut et exercée sur tout corps plongé dans un fluide (liquide ou gaz) et égale au poids du volume du fluide déplacé`` (Sc. 1962). − Au fig. Les sacrements [pour les modernistes] sont nés de ce que les apôtres et leurs successeurs, sous la poussée des circonstances et des événements, ont interprété une idée et une intention du Christ (Théol. cath.t.14, 11939, p.561). 2. Pulsion, force provoquant le déplacement du sang, la montée de la sève. La poussée de la sève: . Au lieu d'apercevoir derrière les phrases la main qui les écrivait, le corps auquel tenait cette main, la poussée du sang dans ce corps, et aussi la poussée des images, toutes les sourdes et profondes origines animales du talent, elle aperçoit le songe du poète, l'au-delà inexprimable et mystérieux dont il a su faire comme un halo à ses vers.
Bourget, Essais psychol.,1883, p.179. − Au fig. J'en ai été enchanté [d'un ouvrage envoyé par les Goncourt]. C'est d'un seul jet et d'une poussée qui ne faiblit pas un instant (Flaub., Corresp.,1861, p.438).Cela vient de ce que je ne sais pas écrire. Par moment une poussée violente me vient, me fait couvrir une feuille ou deux. Et c'est tout (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p.206). 3. Force interne qui détermine un comportement. Synon. pulsion.Elle semblait vouloir s'afficher, chercher méchamment à ce que tout, chez elle, allât de mal en pis, lorsqu'elle obéissait avec une grande naïveté aux seules poussées de son tempérament (Zola, Fortune Rougon,1871, p.44). − En partic. Élan. Et pourtant, passer par des découragements, avoir les entrailles inquiètes, c'est la misère de nos natures si fermes dans leurs audaces, dans leur vouloir, dans leur poussée vers le vrai, mais trahies par cette loque en mauvais état qu'est notre corps (Goncourt, Journal,1865, p.122).Comme derrière une porte fermée, ainsi derrière la dure paroi du front et la dure paroi du coeur, c'était parfois vers le dehors, une poussée de tout son être: plus elle était violente, plus âprement il y résistait (Ramuz, A. Pache,1911, p.124). C. − 1. Manifestation soudaine et intense d'un mal. Synon. accès, crise.Une poussée de fièvre. Dans d'autres cas, il s'agit de poussées délirantes douces encore appelées oniriques (Quillet Méd.1965, p.361). − En partic. Brusque éruption cutanée. [Elle se tenait] tout le temps le dos dans le mur, par suite d'une poussée de boutons (Goncourt, Journal,1894, p.573). 2. Au fig. Développement soudain et intense d'un phénomène. Synon. flambée.Une poussée révolutionnaire; une poussée de xénophobie; poussée du chômage, des prix. [Le déficit] entraîne une poussée inflationniste qui est en soi fâcheuse par les conséquences néfastes qu'elle exerce sur l'économie (Univers écon. et soc.,1960, p.50-9). − [En parlant d'un sentiment] Ce qu'il [Zola] appelle ses haines, ce sont de belles poussées de colère, des indignations de jeunesse ruées à coups de tête, contre la routine et la convention (A.Daudetds J.O.1879ds Zola, Mes haines, Paris, 1928, p.286). D. − Pression exercée par une armée. Au centre et à droite la poussée ennemie paraissait définitivement enrayée (Joffre, Mém.,t.1, 1931, p.377). II. − [Corresp. à pousser VII] Rare, littér. Croissance (d'une plante). Synon. usuel croissance, pousse.Mais que vous êtes grande après moins de six mois! La tige qu'on mesure au temps de la poussée, Vienne la Saint-Michel, n'est pas plus élancée (Brizeux, Marie,1840, p.36).Et ce fut la poussée d'une flore immonde, l'épanouissement de la pâquerette des ténèbres, l'éclosion du lotus (Huysmans, En route,t.2, 1895, p.197). − Au fig. Il faut assister avec sympathie à cette invasion de barbares [écrivains comme Huysmans] précieux: car peut-être que c'est la dernière poussée originale d'une littérature finissante et qu'après eux il n'y aura rien −plus rien (Lemaitre, Contemp.,1885, p.335). Prononc. et Orth.: [puse]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1530 par poulcees «par une succession d'actions brèves et brusques» (Palsgr., p.833); b) 1611 «effort pour faire avancer, déplacer» (Cotgr.); c) 1646 fig. (Corneille, Lettre à Voyer d'Argenson, 18 mai ds DG); 2. 1636 «pression horizontale qui s'exerce sur les éléments qui supportent une voûte» (Monet); 1676 faire le trait des poussées (Félibien, p.709).; 3. a) 1773 phys. «force verticale de bas en haut à laquelle sont soumis les corps plongés dans un liquide» (Bourdé de Villehuet, Manuel des marins, t.2, p.169); b) 1904 centre de poussée (Marchis, Nav. aér., p.55); c) 1962 «force de propulsion des moteurs à réaction» (Sc.); 4. 1807 «croissance d'une plante» (Michel (J.-F.) Expr. vic., p.155); 5. 1852 «brusque éruption cutanée» (Journ. de méd. et de chir. pratiques, XXIII, p.38 ds Quem. DDL t.8); 6. 1868 fig. poussée de verve (Sainte-Beuve, Pensées et maximes, p.83). Part. passé fém. subst. de pousser*. Fréq. abs. littér.: 1833. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1001, b) 1952; xxes.: a) 4120, b) 3416. |