| PORTRAITURER, verbe trans. Littér. ou p.iron. A. − Portraiturer qqn.Faire son portrait (par le dessin, la peinture, la sculpture, la photographie). Portraiturer un homme politique, les grands hommes. [Greco] portraiture l'élite de la société castillane, en même temps qu'il invente ses grands poèmes de peinture mystique (Barrès, Greco, 1911, p.27): . ... don Francisco Goya y Lucientes, réintégré dans ses fonctions, était redevenu le peintre ordinaire du roi d'Espagne (...), de tous les rois d'Espagne, depuis Charles jusqu'à Ferdinand, y compris Joseph Ierqu'il avait naguère portraituré superbe et endiamanté.
Morand, Flagell. Séville, 1951, p.367. − Constr. factitive pronom. Le Cabinet, d'un caractère plus intime et plus retiré, appartient au XVIesiècle. Il est alors à la mode de se faire portraiturer et de constituer des cabinets de portraits où les oeuvres sont logées en série, cadre à cadre (Musées Fr., 1950, p.17). − Au passif. La société fringante et sensuelle du Second Empire (...) fut portraiturée par ce robuste pétrisseur de glaise [Carpeaux] (Hourticq, Hist. Art, Fr., 1914, p.445). − Empl. pronom. réfl. Il a essayé ce matin de se portraiturer lui-même. Il travaille sur le cuivre non recouvert, avec une pointe de diamant qui a un tournant sur le métal que n'a pas la pointe d'acier (Goncourt, Journal, 1894, p.501). − Empl. part. passé. [Les] Muscadins de la fin du dix-huitième, peints, médisants et efféminés, croisaient, sans les regarder, les belles dames pensives à cheveux poudrés portraiturées par Reynolds et Gainsborough (Morand, Londres, 1933, p.119). ♦ Empl. subst. Nous autres, portraitistes, qui passons notre temps à étudier des visages pour en reproduire la ressemblance, nous arrivons à y lire tant de choses que le portraituré ignore lui-même (Bourget, Tapin, Enf. Morte, 1928, p.85). − [P. méton. du suj.] Il a été reconnu, depuis, que cette statue [de Notre Dame de Corbeil] (...) portraiturait la reine de Saba (Huysmans, Cathédr., 1898, p.249).Saint Jean que le Moyen Âge latin portraiture toujours imberbe pour notifier sa virginité sous ce signe (Huysmans, Cathédr., 1898, p.402). − P. anal. ♦ [En parlant d'un animal; au part. passé] [Le petit chien Japonais] s'appelle Tama: ville de magots pleine; Sa race y luit, portraiturée en porcelaine; Ou, dans l'or des coussins, s'y brode sur fond bleu (Montesquiou, Hort. bleus, 1896, p.227). ♦ [En parlant d'un inanimé] C'est à Augsbourg, que revient, entre toutes les cités germaniques, l'honneur d'avoir été portraiturée pour la première fois. La vue que contient la chronique d'Hector Muelich (milieu du XVesiècle) est la plus ancienne représentation connue d'une ville d'Allemagne (P.Lavedan, Urban., 1926, p.142). B. − LITT. Dépeindre, décrire (quelqu'un). Dans cette autobiographie, au jour le jour, entrent en scène les gens que les hasards de la vie ont jetés sur le chemin de notre existence. Nous les avons portraiturés, ces hommes, ces femmes, dans leurs ressemblances du jour et de l'heure (Goncourt, Journal, 1863, p.27).[Géraud:] J'ai cru l'amuser en lui portraiturant un peu en charge quelques-uns des personnages qu'elle devra recevoir ici (Bourget, Drame, 1921, p.166). Rem. Dupré 1972 note: ,,Portraiter ne s'est jamais répandu. Portraiturer ne s'emploie que par plaisanterie; c'est à cause de cette valeur plaisante qu'on s'est amusé à lui donner des graphies pseudo-archaïques, par un jeu puéril qu'on n'imitera pas``. REM. 1. Portraicturer, var. graph.Le bruit courait qu'il s'était fait portraicturer, sabre en main, le pied sur la tête d'un Arabe, quoiqu'il n'eût jamais fait campagne (Titeux, St-Cyr, 1898, p.426).J'ai lu des notes sur les paysages d'églises auxquels demeure attachée la mémoire des grands artistes qui les ont portraicturés (Barrès, Pitié églises, 1914, p.389).Au passif. Quand je me souviens des horreurs qu'il peut faire, je me soucie fort peu d'être portraicturée par lui [Bourgweilsdorf]. Nous avons pourtant pris jour pour visiter son atelier (Gide, École femmes, 1929, p.1270).Empl. subst. du part. passé. Combien peu de portraicturés témoignent, en leurs yeux, du transit de la pensée humaine et des intimes mouvements qui les agitent! (Boiget, Sc. coul., 1923, p.172). 2. Pourtraiturer, pourtraicturer, var. graph.Les années passent, je suis célèbre, me voici pourtraituré à mon tour (Verlaine, OEuvres posth., t.2, Souv. et prom., 1896, p.174).Litt. Ce soir, on parle du jeune Hugo, en train de faire revivre en sa personne les séducteurs cruels pourtraicturés dans les Liaisons dangereuses (Goncourt, Journal, 1890, p.1207). 3. Portraiter, hapax,au passif. Solange vous embrasse, et sera joliment fière d'être portraitée par vous (Sand, Corresp., t.2, 1837, p.77). 4. Portraitiser, hapax.Portraitiser qqn (dans...). Représenter quelqu'un (sous les traits de...). Saint Isidore de Séville (...) incorpore Jésus dans l'agneau à cause de son innocence (...). D'autres le portraitisent dans le boeuf, la brebis, le veau (Huysmans, Cathédr., 1898, p.414). Prononc.: [pɔ
ʀtʀ
εtyʀe], [-e-], (il) portraiture [-ty:ʀ]. Étymol. et Hist.1. 1540 pourtraicturer «faire le portrait, peindre» (Décharge donnée à Pierre de Corteville, garde des joyaux de Charles-Quint ds Havard); puis 1852 portraiturer (Th. Gautier, Caprices et zigzags, p.125 ds Quem. DDL t.7); 2. 1863 portraiturer «décrire quelqu'un» (Goncourt, Journal, p.27). Dér. de portraiture*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 36. Bbg. Quem. DDL t.3, 7, 17. |