| * Dans l'article "POMME,, subst. fém." POMME, subst. fém. A. − Fruit à pépins du pommier, généralement de forme ronde, de couleur et de saveur variables selon les espèces, à pulpe ferme et dont le jus fermenté produit le cidre. Des mains rampantes ramassent les trognons de pommes (Colette,Cl. école, 1900, p.242).Je n'avais fait que l'entrevoir, perché sur un pommier dont il gaulait les pommes (Gide,Journal, 1916, p.580). SYNT. Pomme acide, douce, jaune, mûre, pourrie, rouge, sauvage, sure, talée, verte; pomme à cidre, à cuire; pomme d'api*; pomme de merveille; pomme de reinette*; croquer, éplucher, peler une pomme; mordre dans une pomme; quartier, trognon de pomme; eau-de-vie, jus, sirop, sucre de pommes; conserve, production de pommes. ♦ Pomme d'abricot. Variété de pomme utilisée dans la fabrication du cidre. V. nectar ex. 2. ♦ Pomme à couteau. Pomme cultivée pour être consommée crue. Je greffai les pommiers pour obtenir plusieurs variétés de pommes à couteau (Debatisse,Révol. silenc., 1963, p.129). − En appos. Vert pomme. Il avait fallu passer pour lui de la pitié pour le mauvais habit vert pomme que tout le monde lui avait connu dans sa jeunesse, à l'envie pour ses chevaux normands (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p.142). − [La pomme entre dans de nombreuses préparations culinaires] Pommes au four; beignets, compote, gâteau, gelée de pommes; charlotte, chausson, tarte aux pommes; boudin aux pommes (à la compote de pommes). L'oncle Adolphe (...) a mangé silencieusement sa marmelade de pommes (Gyp,Souv. pte fille, 1928, p.199). 1. [La pomme est un symb. et l'objet de nombreuses allus. littér., hist., sc.] a) [Allus. à l'Ancien Testament] Pomme (du paradis terrestre). Fruit de l'arbre défendu du paradis terrestre. L'amerture du pépin De la sombre pomme d'Ève (Hugo,Chans. rues et bois, 1865, p.41): 1. Si je vous dis: «Quoi! vous avez soutenu que vous reconnaissez comme dogme et article de foi le premier livre de la Genèse, avec sa côte, sa pomme et son serpent», vous me répondez: «Ce sont des symboles.»
Vigny,Journal poète, 1862, p.1378. − P. métaph. Serais-je donc sans belles et folles amours? (...) Vivrais-je sans éprouver ces rages de coeur qui grandissent la puissance de l'homme? (...) Non! j'ai mordu la pomme parisienne de la civilisation (Balzac,Béatrix, 1839, p.118).À quarante ans, la femme et surtout celle qui a goûté à la pomme empoisonnée de la passion, éprouve un effroi solennel (Balzac,Pts bourg., 1850, p.67). − Croquer, cueillir la pomme. Se laisser séduire. Séduite un beau matin par le Serpent fait homme, Aux rameaux du Plaisir, Jeanne a cueilli la pomme (Rollinat,Névroses, 1883, p.171). b) [Allus. myth.] ♦ Pommes (du jardin des Hespérides). Pommes d'or qui étaient gardées par un dragon et qu'Hercule enleva. Ô belles plantes hespérides gardées par ces dragons immondes, ce n'est pas ma faute si je suis forcé d'accoler votre souvenir à celui de ces ignobles pourceaux dont le Majorquin est plus jaloux et plus fier que de vos fleurs embaumées et de vos pommes d'or (Sand,Hiver à Majorque, 1842, p.17). ♦ Pomme de discorde*. c) [Réf. littér. et hist.] Pomme (de Guillaume Tell): 2. gessler: (...) prépare-toi à tirer une pomme sur la tête de ton fils, mais je te le conseille, vise bien, car si tu n'atteins pas ou la pomme ou ton fils, tu périras. tell: Seigneur, quelle action monstrueuse me commandez-vous? qui! moi, lancer une flèche contre mon enfant! non, non, vous ne le voulez pas, Dieu vous en préserve! ce n'est pas sérieusement, seigneur, que vous exigez cela d'un père. Gessler: Tu tireras la pomme sur la tête de ton fils, je le demande et je le veux.
Staël,Allemagne, t.3, 1810, p.11. d) [Allus. sc.] La pomme de Newton (qui, en tombant de l'arbre, lui aurait fait découvrir les lois de l'attraction universelle). Tous les assistants étaient plongés dans le recueillement. L'un d'eux fut tout à coup distrait par les oscillations d'une lampe et cette circonstance vulgaire devint pour Galilée la pomme de Newton (Revue des Deux Mondes ds Lar. 19e). 2. [La pomme entre dans de nombreuses expr.] ♦ Haut comme trois pommes. Tout petit. La tête tondue d'un petit chasseur de l'Impérial, haut comme trois pommes, surgit (Colette,Entrave, 1913, p.72). ♦ Aux pommes (pop.). Excellent, parfait. Dans deux ou trois jours (...) i's [les Allemands] nous serviront un p'tit concert aux pommes (...) tu les entendras ronfler dans l'bois, les pruneaux! (Genevoix,Seuil guitounes, 1918, p.119). ♦ Donner la pomme. Donner la prééminence, distinguer. Synon. donner la palme (v. palme1).Dans cette assemblée, c'est à elle que j'aurais donné la pomme (Ac.1835). ♦ Être dans les pommes cuites. Être dans un état de fatigue, d'usure. Je compte encore livrer l'assaut à votre paresse et vous rendre plus jeune que moi. Ce ne sera pas beaucoup dire quant au physique; car je suis un peu dans les pommes cuites, comme vous verrez (Sand,Corresp., t.1, 1830, p.99).Jeter des pommes cuites à un acteur, le reconduire à coups de pommes cuites (vieilli). ,,Lui manifester violemment son mécontentement`` (Ac. 1935). ♦ Tomber dans les pommes (fam.). S'évanouir. [Gowan Stevens] se bourre d'alcool comme un régiment de gentlemen, démolit sa bagnole, se ressoûle à mort et tombe dans les pommes (Camus,Requiem, 1956, 1repart., 2etabl., p.840). B. − P. anal. 1. Production végétale dont la forme ressemble à celle de la pomme. ♦ Pomme d'amour. V. amour VII C. Rem. Pomme d'amour désigne aussi une pomme caramélisée, rouge et présentée au bout d'un bâtonnet de bois: Ils se sentaient la gorge aride et les yeux creux. Tant de trompettes glapissant aux lèvres d'enfants endimanchés, tant de pommes d'amour sucées au bout de leur petit bâton (Genevoix, Mains vides, 1928, p.56). ♦ Pomme de cajou*. ♦ Pomme de chêne. Synon. de noix de galle*. ♦ Pomme d'églantier. ,,Excroissance velue produite sur les branches de l'églantier par la piqûre d'un insecte`` (Littré). ♦ Pomme épineuse. Fruit du datura. Parmi les Solanées à capsules, (...) se trouve la Pomme épineuse (Plantefol,Bot. et biol. végét., t.2, 1931, p.424). ♦ Pomme-grenade. Synon. de grenade1*.Non point la rose seulement, mais l'olivier, et la vigne, et la pomme-grenade! (Claudel,Tobie et Sara, 1940, iii, 2, p.1265). ♦ Pomme de pin*. ♦ Pomme de rose. Synon. de jambose. (Ds Lar. Lang. fr.). ♦ Pomme de sauge. ,,Excroissance qui se trouve sur la sauge passifère et qui est le fruit de la piqûre d'un insecte`` (Littré). ♦ Pomme de terre. V. ce mot. 2. Objet ou partie d'objet arrondi(e) en forme de pomme. Pomme de chenet(s), d'escalier, de lit; sceptre à pomme. Sa canne de jonc, à pomme d'argent, tremblait sous sa main entre ses cuisses creuses (A. France,Orme, 1897, p.189).L'escalier privé se perdait dans le noir. À peine pouvais-je distinguer la pomme de la rampe (Sartre,Nausée, 1938, p.99): 3. Est-il beau quand il dort! Prenez-lui donc la tête sur votre épaule, Madame Couture. Bah! il tombe sur celle de Mademoiselle Victorine: il y a un dieu pour les enfants. Encore un peu, il se fendait la tête sur la pomme de la chaise.
Balzac,Goriot, 1835, p.206. ♦ Pomme d'arrosoir. Partie mobile arrondie et percée de petits trous, s'ajustant au bec de l'arrosoir. La pluie monotone, infinie, qui tombait des pommes d'arrosoirs sur les plantes touffues (A. Daudet,Femmes d'artistes, 1874, p.46). ♦ Pomme de douche. Partie arrondie et percée de petits trous, fixée sur le flexible de la douche. Des hampes calcinées au bout desquelles pendaient des feuilles noires et des disques de la forme des pommes de douche (Huysmans,Oblat, t.1, 1903, p.109). ♦ Pomme de senteur. Petit récipient dans lequel on mettait autrefois des parfums. Eh bien, René, votre valet de chambre, ne peut-il préparer pour eux des pommes de senteur pareilles à celles que vous envoyâtes à Jeanne d'Albret, deux heures avant sa mort? (A. Dumas père, Henri III, 1829, i, 1, p.122). − Spécialement ♦ ARCHIT. Motif de décoration en forme de pomme. (Dict.xxes.). Pomme de pin. V. pin B 1 c. ♦ BOT. Coeur d'un légume formé de feuilles serrées disposées en boule. Une pomme de choux, de laitue (Ac.). ♦ MARINE Pomme de mât. ,,Petit bloc en bois, de forme cylindrique, conique ou sphérique, ajusté à l'extrémité de la flèche d'un mât, ou au sommet d'un bâton de pavillon`` (Gruss 1952). Quant à ce dernier [un chien bulgare], il ronflait toutes les nuits auprès de son tonneau, la face aux étoiles, avec l'ombre des agrès qui lui marbraient la peau du ventre selon le roulis et l'ombre portée de la pomme du mât qui lui faisait comme un trou noir au beau milieu du visage (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.216).Pomme de racage. ,,Boule de bois que l'on enfile sur les cordages dans le but de faciliter les déplacements des vergues le long du mât`` (Gruss 1952). 3. Pomme d'Adam*. 4. Populaire a) Tête, figure; p.méton., personne. Si tu me fais appeler à ton bureau, où tu me défends toujours de mettre les pattes, je pense que c'est pas uniquement pour te rincer l'oeil de ma pomme? (Gyp,Cayenne, 1899, pp.43-44).Ma, ta, sa pomme. Moi, toi, lui, elle. T'en tires pas un croc pour ta pomme (Céline,Mort à crédit, 1936, p.685).Vous en faites pas, vous entendrez parler de ma pomme (Riv.-Car.1969). ♦ Se sucer la pomme. ,,S'embrasser`` (Esn. 1965). b) Personne naïve, crédule. Synon. cave (arg.), poire (pop.).C'est une vraie pomme! [À mon hôte clandestin: Recherché par la police] Je vais m'arranger pour pas rester plus longtemps chez toi. (...) − [Mon hôte à sa femme:] Tu l'entends, cette pomme, qui veut nous quitter[?] (Simonin,Touchez pas au grisbi, 1953, p.135). − Empl. adj. Je te parie qu'il en tient pour Catherine et qu'il pensait: «Faut-il que je sois pomme pour l'avoir fourrée dans les pattes de Nacrelle!» (H. Bazin,Lève-toi, 1952, p.169). c) Expressions ♦ Se payer la pomme de qqn. Se moquer de quelqu'un. Synon. se payer la tronche* de qqn.Omessa, qu'est un brave homme Qui n'aim' pas les quiproquos, Occit l'officier d'turcos Qui s'était payé sa pomme (E. Blévert,Chansons de faubourgds France1907). ♦ En avoir gros sur la pomme. Être plein de dépit. Synon. en avoir gros sur la patate*.Je peux dire qu'elle était en rage... Elle en avait gros sur la pomme... Elle arrêtait plus de glapir (Céline,Mort à crédit, 1936, p.549). REM. Pommage, subst. masc.,agric., région. a) ,,Cru du cidre ou production de cidre en Normandie`` (Fén. 1970). Georges (...) me fit part de ses ambitions électorales, se plaignit du pommage de l'année (Coppée,Contes en prose, 1882, p.189).b) Nom qu'on donne en Normandie aux diverses variétés de pommiers. Un pommage précoce. (Dict. xixeet xxes.). Prononc. et Orth.: [pɔm]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 «fruit du pommier» [ici, sert de symb.] (Roland, éd. J. Bédier, 386: En sa main tint [Roland] une vermeille pume: Tenez, bel sire, dist Rollant a sun uncle, De trestuz reis vos present les curunes); 1121-34 (Philippe de Thaon, Bestiaire, 1356 ds T.-L.); ca 1165 pumes sauvages (Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 432); ca 1210 (Raoul de Houdenc, Méraugis, 5297 ds T.-L.: [Meraugis] ... si sains com une pome); 1225-30 (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 802: Deduiz fu biaus e lonc e droiz...; la face avoit con une pome, Vermeille e blanche tot entor); ca 1270 (Richard le Beau, 169 ds T.-L.: ...Et la mamielle que ot dure Li sousliewe sa viestëure, Rëonde aussi con une pomme); 2. p.ext. a) ca 1200 pume de pin (Beuve de Hantone, I, 674, ibid.); ca 1256 poume de paradis «banane» (Régime du corps de Aldebrandin de Sienne, 99, 6, ibid.); id. pume citrine (id., 148, 20, ibid.); 1549 pomme d'amour (Est.); pome grenate; pome d'orange, v. grenade, orange; pomme de terre, v. ce mot; b) ca 1393 «coeur de chou disposé en boule» (Ménagier, II, 143 ds T.-L.); 3. fig. a) 1remoit. xiiies. allus. au fruit défendu du paradis terrestre dont la tradition a fait une pomme [Gen. III, 1-9] (Robert Grosseteste, Château d'Amour, éd. J. Murray, 120); 1355 (Miracles de N.-D., éd. G. Paris et U. Robert, XVI, 819); b) 1626 pomme de discorde, allus. à la pomme jetée par la Discorde parmi les déesses et que le berger Pâris dut attribuer à la plus belle (D'Aubigné, Hist. universelle, éd. Amsterdam, 1626, t.1-2, col. 1073). B. Nom donné à divers objets sphériques 1. a) 1260 «boule creuse de cuivre renfermant de la braise pour se chauffer les mains» (Album de Villard de Honnecourt, ms. Paris B.N. fr. 19093, 17d, éd. H. R. Hahnloser, p.45: pume de keuvre de .II. moities clozeice); b) 1269-78 pome d'ambre «objet, bijou en forme de pomme où l'on enfermait du parfum» (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 19002); c) 1694 pomme de pin «élément de décor» (Corneille t.2, p.256); 2. 1680 pomme d'arrosoir (Rich.); 3. 1730 mar. pommes de raque (Savary Suppl. d'apr. FEW t.9, p.156b; éd. 1741, t.3, col. 938); 1773 pomme de tournevire «gros bourrelet de fil fait sur le cordage de tournevire pour l'empêcher de riper ou de glisser sur le cabestan» (Bourdé de Villehuet, Manuel des marins, t.2, p.159). C. 1. av. 1519 «sein d'une femme» (Cl. Marot, Epistre de Maguelonne à P. de Prov., 43 ds OEuvres, éd. C. A. Mayer, t.3, p.116); 1640 pomme d'Adam (Oudin Curiositez, s.v. pomme). D. 1. 1867 pop. «tête» (Delvau); 1881 se sucer la pomme (lang. pop. d'apr. Esn.); 2. 1890 ma pomme «moi» (arg. des voyous, ibid.), v. Renson, pp.470-471; 3. 1895 empl. adj. pop. «sot» (Esn.). Du lat. poma, plur. neutre coll., pris comme subst. fém. sing., de pomum «fruit d'un arbre, fruit à pépins ou à noyau», qui, en lat. tardif (Italie du Nord, partie du domaine rhéto-rom. et majeure partie du domaine ibéro-rom.), a pris le sens de «pomme» (dep. Marcellus Empiricus, déb. ves.) entrant en concurrence avec le class. malum (sur les rapports entre les deux mots, v. FEW t.9, p.157b); pour le procédé de formation, cf. pêche (et esp. prisco, ibid., t.8, p.267b), poire* (et rhéto-rom. pair, per, ibid., t.8, p.576a), prune* (et calabrais prunu, ibid., t.9, p.496a). Pomum est demeuré au sens de «fruit» en roum., ital., a. cat., a. esp. (ibid., t.9, p.157b); dans le domaine gallo-rom., il est représenté par le subst. masc. a. fr. pon, pom (ca 1100 «pommeau de l'épée» Roland, 684; ca 1140 «boule en forme de pomme surmontant un toit, une tente» Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 263; ca 1200 «pomme» Sermo de Sapientia ds Dialogue Grégoire, 295, 1 ds T.-L.; demeuré en pic. et en wallon; v. aussi pomeau) et l'a. prov. pom (ca 1180 «boule de métal surmontant une tente» Girart de Roussillon, éd. W.M. Hackett, 170 et 928, cf. fin xiies. Bertran de Born, éd. C. Appel, 28, 5; fin xiie-déb. xiiies. «pomme» Raimbaud de Vaqueiras ds Rayn., 1195-1200 Guiraud de Calançon, ibid.; ca 1330 «pommeau de l'épée» Pseudo-Turpin ds Levy Prov.). STAT. −Pomme et comp. (pomme de terre notamment). Fréq. abs. littér.: 2149. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1654, b) 3842; xxes.: a) 4368, b) 3041. BBG. −Boulan 1934, p.116. _ Dauzat Ling. fr. 1946, p.257. _ Lew. 1968, p.71. _ Lommatzsch (E.). Blumen und Früchte. Z. fr. Spr. Lit. 1966, t.76, pp.327-333. _ Quem. DDL t.6, 12. |