| * Dans l'article "PLIER,, verbe" PLIER, verbe I. − Empl. trans. A. − 1. Rabattre sur elle-même une matière souple (étoffe, papier, etc.) afin d'obtenir deux ou plusieurs épaisseurs. Synon. replier; anton. déplier, déployer, développer, étaler, étendre.Plier une couverture, des draps, du linge; plier un journal, une lettre, une carte routière; plier en deux, en trois, en éventail, en triangle. Personne ne savait plier une chasuble mieux que moi (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p.192).Il plia le papier en quatre et le posa devant son voisin, exactement entre ses deux coudes (Green,Moïra, 1950, p.164): 1. Enfin il déposa les couverts sur la table, régulièrement, l'un en face de l'autre; il plia les serviettes dessus avec soin, en bateau et en bonnet d'évêque, se plaçant tantôt à droite, tantôt à gauche, pour juger de la symétrie.
Erckm.-Chatr.,Ami Fritz, 1864, p.23. − Empl. abs., TECHNOL. Ma mère, malade, se fit brocheuse, coupa, plia (Michelet,Peuple, 1846, p.23).Les machines à coudre et à plier dotaient la reliure industrielle des outils qui, sans cesse améliorés, allaient lui permettre un constant développement (Civilis. écr., 1939, p.10-16). − Empl. pronom. réfl. Un seul ruban d'écume, qui se plie et se déplie au gré des mouvements du sol sur les pentes lentes ou rapides de ses collines (Lamart.,Voy. Orient, t.2, 1835, p.258). − Empl. pronom. à sens passif. Ces branches se pliaient facilement et volontiers pour entrer dans la fournaise (Bloy,Journal, 1903, p.205). 2. Expr. vieillies ♦ Plier sur la main. Enrouler de la laine, du fil, etc. autour des mains écartées d'un aide, afin de former un écheveau. (Dict.xixes., Lar. 20e, Lar. encyclop.). ♦ Plier la toilette (fam.). Voler les vêtements (de quelqu'un); p.ext., dévaliser (quelqu'un). (Ds J.-F. Rolland, Dict. mauv. lang., 1813, p.106). 3. P. méton., région. Emballer, rassembler, ranger (quelque chose). Plier ses affaires, ses livres; plier qqc. dans du papier de soie. Elle plia dans la serviette une tartine de pain bis qui était également restée sur la table (Zola,Faute Abbé Mouret, 1875, p.1227).Gilbert avait plié ses copies, et s'apprêtait à partir (Arland,Ordre, 1929, p.338): 2. ... [Napoléon] est donc arrivé tranquillement jusqu'aux bords du Niémen. Là, il a amusé l'Empereur et son Chancelier par de vaines négociations, puis il a traversé le fleuve sans coup férir, et, le 25 juin, il est entré à Vilna, chassant devant lui l'Empereur, qui à peine eut le temps de plier sa vaisselle.
J. de Maistre,Corresp., 1812, p.169. ♦ P. métaph. Je la connais, leur honnêteté. La grosse la plie tous les matins dans son armoire à glace, pour ne pas la salir (Zola,Ventre Paris, 1873, p.839). ♦ Plier bagage. V. bagage I C 3. − Arg. Plier ses chemises. Mourir. (Ds France 1907). Synon. plier bagage*. B. − Rapprocher les parties articulées (d'un objet, d'un ensemble) en les rabattant les unes sur les autres. Synon. replier, refermer; anton. déplier, déployer, dresser, ouvrir.Plier un éventail, un paravent, une table. Elle plia l'escabeau, que Catherine alla porter derrière le maître-autel (Zola,Faute Abbé Mouret, 1875, p.1283).L'homme (...) plia son couteau qui fit un déclic sec (Genevoix,Raboliot, 1925, p.196). ♦ Empl. pronom. à sens passif. Un de ces fauteuils en fer qui se plient comme celui que j'avais emporté en Italie (Mérimée,Abbé Aubain, 1847, p.157). − En partic. [L'obj. désigne une partie articulée du corps] Plier les bras, les jambes, les jarrets, les pattes. Les oiseaux pliaient leurs ailes humides et se réfugiaient dans les broussailles (Sand,Lélia, 1833, p.197).Il plia les genoux, ferma doucement ses paupières, et mourut (Flaub.,St Julien l'Hospitalier, 1877, p.98): 3. Le mouvoir est l'agir en tant qu'il s'applique à l'organe et non en tant qu'il se termine (...) aux choses et au monde (...). Je passe constamment d'un point de vue à l'autre; par exemple je puis dire: je suspens un tableau, je tiens un marteau, je plie les doigts.
Ricoeur,Philos. volonté, 1949, p.199. ♦ Empl. pronom. à sens passif. La manière dont se plient ou se plissent les ailes mérite quelques considérations (Cuvier,Anat. comp., t.1, 1805, p.461). ♦ Plier le(s) genou(x). Adopter une attitude d'adoration, de respect, de soumission. Déjà parlait une voix qui avait fait découvrir toutes les têtes et plier tous les genoux (Goncourt,MmeGervaisais, 1869, p.95). C. − Courber fortement une chose flexible au moyen d'une charge ou en exerçant une pression. Synon. arquer, incurver, ployer, tordre; anton. redresser.Plier une branche, un roseau, de l'osier, une lance. Sa force était telle qu'il [Léonard de Vinci] pliait facilement un fer de cheval (Stendhal,Hist. peint. Ital., t.1, 1817, p.183).Un enfant qui plie un jonc sur son genou (Romains,Vie unan., 1908, p.84): 4. Une haleine passait dans le souffle des vents;
Leur aile frissonnante aux sauvages allures
Qui brise dans les bois les grands feuillages roux,
En pliant les rameaux courbait des chevelures...
Banville,Cariat., 1842, p.162. 1. En partic. [L'obj. désigne tout ou partie du corps] Incliner, fléchir. Plier le buste, le dos, la nuque; plier l'échine sous un fardeau. Il plia le cou et baisa la main appuyée sur son épaule gauche (Zola,E. Rougon, 1876, p.178).Son corps adolescent se penchait sur des pupitres d'enfant qui le pliaient en deux (Green,Autre sommeil, 1931, p.12). ♦ HIPP. Plier un cheval. Lui amener la tête en dedans ou en dehors, afin de lui assouplir l'encolure. (Dict. xixeet xxes.). Synon. mettre un cheval dans un bon pli (v. pli1). − Au fig. [Avec une idée de respect, de soumission] Si leurs études leur avaient suffi pour se trouver eux-mêmes, ils n'auraient jamais rendu de culte à des idoles, n'auraient jamais plié le cou devant une créature ou redressé la tête contre leur créateur (Gilson,Espr. philos. médiév., 1932, p.15). − Empl. pronom. réfl. Ces réflexions brisèrent moralement Émile, comme un homme qui, se pliant un jour, ne peut se redresser et se trouve courbé en deux pour le reste de sa vie (Duranty,Malh. H. Gérard, 1860, p.119).De grosses dames impudiques se plient dans la pâleur des tangos, tournent dans la valse (Aragon,Beaux quart., 1936, p.192). 2. Au fig. Soumettre à une influence, à une autorité; faire céder, accoutumer à (faire) quelque chose. Synon. assujettir, discipliner. − [L'obj. désigne une pers.] Plier qqn à de nouvelles habitudes. Quelques jours après, il vint un poney pour Jacques, que son père, excellent cavalier, voulait plier lentement aux fatigues de l'équitation (Balzac,Lys, 1836, p.136).Il a enfin plié tous ses élèves à une discipline excellente et pour le corps et pour l'âme (Huysmans,Oblat, t.1, 1903, p.82): 5. C'est dès la prime enfance que les parents doivent veiller à ne pas favoriser ces fixations. Il faut pour cela qu'ils renoncent non pas à leur autorité, mais à l'égocentrisme qui y déborde plus ou moins largement. «L'exercice de l'autorité» est pour beaucoup d'entre eux le plaisir de plier un être faible à leurs caprices.
Mounier,Traité caract., 1946, p.99. − [L'obj. désigne l'esprit hum., les réalités abstr. qui s'y rattachent] Ils accordent plus de réalité à la logique qu'aux faits, et ils veulent plier les faits à la théorie au lieu de plier la théorie suivant les faits (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p.220).Je préfère ne plus rien écrire, plutôt que de plier mon art à des fins utilitaires (Gide,Journal, 1932, p.1149): 6. ... je me laisse très facilement tromper aux apparences et j'ai un esprit trop raide, trop maladroit pour pouvoir le plier à comprendre les détours des autres, du tien surtout. De là ces reproches que tu m'as souvent faits, de ne pas saisir à demi-mot, d'avoir besoin toujours d'explications.
Rivière,Corresp.[avec Alain-Fournier], 1909, p.131. − Empl. pronom. réfl. Se plier à qqc.Synon. s'adapter, se soumettre à qqc.Se plier aux circonstances, aux lois, aux usages; se plier de bonne grâce à qqc. Vous savez ce qu'il en coûte à l'esprit pour se plier à des formes vulgaires, pour déroger, pour s'amoindrir (Reybaud,J. Paturot, 1842, p.65).Cette collectivité est ainsi contrainte de se plier à des attitudes conçues en vue de satisfaire une réalité qui n'est plus la sienne (Gaultier,Bovarysme, 1902, p.144): 7. ... plutôt que de rester inactif, je me demande si Robert ne finirait pas par les rejoindre [les communistes]. Je n'aime pas cette idée. Ça lui serait plus dur qu'à n'importe qui de se plier à des mots d'ordre avec lesquels il ne serait pas d'accord.
Beauvoir,Mandarins, 1954, p.49. II. − Empl. intrans. A. − Se courber, s'incliner (sous l'effet d'une pression, d'une charge). Synon. fléchir, ployer. 1. [Le suj. désigne une réalité concr.] Branche, rameau, lame, planche qui plie. Le grand mât résista à peine deux secondes, plia... se rompit avec un bruit éclatant (Sue,Atar-Gull, 1831, p.3).Le bouleau perdit ses feuilles, le sapin plia sous la neige (Tharaud,Ombre de la Croix, 1917, p.274). 2. [Avec un compl. prép. introd. par sous] Plier sous la charge, le fardeau. Si leur dieu avait tant de puissance, dit Pharaon (...), les laisserait-il ainsi captifs, humiliés et pliant comme des bêtes de somme sous les plus durs travaux? (Gautier,Rom. momie, 1858, p.326).Des orangers en avenue plient sous le poids des oranges vertes (Gide,Voy. Congo, 1927, p.711): 8. ... l'enfant (...) resta creusé ainsi pendant de longues secondes, secoué de frissons et de tremblements convulsifs, comme si sa frêle carcasse pliait sous le vent furieux de la peste et craquait sous les souffles répétés de la fièvre.
Camus,Peste, 1947, p.1392. ♦ P. métaph. Les maisons de la Croix-Rousse descendent en escalier vers un fleuve pliant sous le joug de ses trente-huit ponts (Morand,Chron. homme maigre, 1941, p.49). B. − P. anal. [Le suj. désigne une armée, une troupe de soldats] Abandonner le terrain, battre en retraite. Synon. fléchir, reculer.Quelques bataillons hanovriens plièrent (Hugo,Misér., t.1, 1862, p.400).L'attaque autrichienne fit instantanément plier le front italien sur une étendue de 60 kilomètres (Joffre,Mém., t.2, 1931, p.287). C. − Au fig. [Le suj. désigne une pers. ou un groupe de pers., son comportement, ses sentiments] Céder, se soumettre. Synon. fléchir.Plier devant une contrainte, des exigences, une volonté. La femme réussit quelquefois où l'homme succombe, car elle sait plier (About,Grèce, 1854, p.104).Elle a un esprit hautain, contradicteur, qui ne veut jamais plier et cherche à faire plier les autres (Duranty,Malh. H. Gérard, 1860, p.212): 9. ... [la reine Victoria] sentait maintenant l'opinion hostile à une hégémonie allemande sur le continent. Pour prévenir une nouvelle guerre, elle écrivit de sa main à l'Empereur Guillaume et au Tsar (...) Bismarck plia, mais dit avec vigueur ce qu'il pensait de la famille royale d'Angleterre.
Maurois,Édouard VII, 1933, p.69. ♦ Proverbe. [P. allus. à la fable de La Fontaine, Le Chêne et le Roseau] Mieux vaut plier que rompre. Il est préférable de céder plutôt que de résister. [P. réf. à ce proverbe] Sans la reine qu'eût fait Mazarin? (...) Pour elle, il résistera, il pliera sans rompre, il gagnera la partie (Brasillach,Corneille, 1938, p.261).L'aristocratie ne s'imagine pas sans un peu de distance à l'égard de soi-même et de sa propre vie. On meurt s'il le faut, on rompt plutôt que de plier. Mais moi, je plie, parce que je continue de m'aimer (Camus,Chute, 1956, p.1512). III. − Empl. part. passé adj. (Être) plié.[Le suj. désigne tout ou partie du corps] D'autres [députés] pliés au bord de leurs pupitres comme sous l'ennui de cette corvée d'une séance publique, battaient doucement l'acajou du bout de leurs doigts (Zola,E. Rougon, 1876, p.13). ♦ Être plié en deux. Rire au point d'avoir le corps courbé en deux. Luce (...) se tord sur une banquette, pliée en deux, pleurant de joie, et, sur la figure, une telle expression de bonheur sans ombre, que le rire me gagne, moi aussi (Colette,Cl. école, 1900, p.317).La compagnie tout entière a éclaté de rire. Broucke étouffait, plié en deux (Dorgelès,Croix de bois, 1919, p.69). Prononc. et Orth.: [plije], (il) plie [pli]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. 881 pleier «contraindre quelqu'un à céder» (Eulalie, 9 ds Henry Chrestomathie, p.3); 2. ca 1100 «rabattre (une chose souple) sur elle-même, mettre en double une ou plusieurs fois» (Roland, éd. J. Bédier, 2677); 3. a) ca 1150 «rabattre l'une sur l'autre (les parties d'un ensemble articulé); fermer (cet ensemble)» (Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 723); b) 1420 pliant adj. «articulé de manière à pouvoir se plier» (Inventaire du Louvre ds Havard: chayère ployant); 1507 chaize pliant (Inventaire du duc de Bourbon, ibid.); 1658 pliant subst. «siège de toile sans dossier ni bras, à pieds articulés en X» (Abbé Audren, Inventaire du mobilier du château de Vitré, 64 ds IGLF); c) 1753 plié subst. chorégr. (Encyclop. t.3, s.v. chorégraphie, p.367b); 4. 1erquart du xiiies. «courber (une chose flexible)» (Renclus de Molliens, Carité, 108, 2 ds T.-L.). B. Intrans. 1. Ca 1140 «céder, faiblir» (Geffrei Gaimar, Histoire des Anglais, éd. A. Bell, 901); 2. 1160-74 «se courber, fléchir» (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 8733). Du lat. plicare «plier», devenu en a. fr. pleier, ploier, d'où ont été refaites, d'après des verbes à alternance vocalique comme nier* ou prier*, d'abord les formes à rad. accentué (ca 1165, [Chrétien de Troyes], Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 2585 < : die > , ca 1180, Vie de S. Gilles, éd. G. Paris et A. Bos, 3 04 < : finie > ;, etc.), puis les formes à finale accentuée (déb. du xiiies. plier, Philippe de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 138, var. du ms. S, xiiies. replier, Faits des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p.95, 14, début du xives. desplier, Roland, ms. de Châteauroux, éd. W. Foerster, p.379, 27, xives. desplié, Floovant, éd. S. Andolf, 2388). Au xviies., on a essayé d'introduire une différenciation sém. entre plier et ployer, v. FEW t.9, p.73a; Fouché Morphol., pp.51-52. Fréq. abs. littér. Plier: 1765. Plié: 850. Fréq. rel. littér. Plier: xixes.: a) 2267, b) 2945; xxes.: a) 2459, b) 2514. Plié: xixes.: a) 727, b) 1500; xxes.: a) 1456, b) 1314. DÉR. Pliable, adj.Susceptible d'être plié. a) [Le suj. désigne un obj.] Dont les parties articulées peuvent se rabattre les unes sur les autres. V. emboutible rem. s.v. emboutir ex. de Céline.b) Au fig. [Le subst. désigne l'esprit hum., ses manifestations] Capable de céder, disposé à se soumettre à un pouvoir, une volonté. Synon. accommodant, docile, soumis.Croyez-moi, rien n'est plus doux, plus pliable, plus aimant qu'une âme pieuse (E. de Guérin,Lettres, 1838, p.154).Convictions intransigeantes qui cachaient mal le caractère le plus pliable et le plus complaisant qui soit (Gide,Geneviève, 1936, p.1360).− [plijabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1resattest. a) ca 1200 ploiable «qui peut être plié aisément» (Dialogues Grégoire, 184, 9 ds T.-L.), xves. pliable (Gloss. lat.-fr., B.N., lat. 7679 ds Gdf. Compl.), b) 1543 fig. ployable (Marot, Psaumes, LXXXVI, 58 ds OEuvres compl., éd. C. A. Mayer, t.6, p.427); de plier, ployer, suff. -able*. BBG. −Dauzat Ling. fr. 1946, p.14. _ Gary-Prieur (M.-N.). Contribution à l'ét. de qq. règles sém. Thèse, Paris, 1979, pp.427-433, 441-444. _ Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp.103-104. _ Rothemberg (M.). Les Verbes à la fois trans. et intrans. en fr. contemp. The Hague-Paris, 1974, p.179, 194. |