| PIÈCE, subst. fém. I. − Partie d'un ensemble considérée comme un tout autonome. A. − [Gén. dans le tour une pièce de + subst.] 1. a) Pièce + inanimé.Morceau, partie généralement importante (en volume, en poids ou en longueur) d'une substance ou d'une matière. Pièce d'étoffe, de viande. C'est le jour des coupons, celui où l'administration liquide à son compte les fins de pièces et les échantillons des différents comptoirs (Lorrain, Âmes automne, 1898, p.29). − Étoffe en pièce(s). Quantité déterminée de tissu roulée avant son débit au mètre. Je ne puis, après ma nomenclature des étoffes en pièce (...) que citer une étoffe privilégiée ou deux: (...) le tulle gris argent et (...) le tulle noir entièrement brodé de jais (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p.799). − Arg. milit. Pièce grasse. Pièce d'étoffe servant à graisser le fusil; au fig., cuisinier, cuisine roulante (d'apr. France 1907, Esn. 1966). − Vieilli. Une pièce de pain. Un morceau de pain. (Dict. xixeet xxes.). − Pièce de résistance. Plat principal d'un repas (généralement de la viande) proposé de manière copieuse. Un beau dîner contient des pièces de résistance et les hors-d'oeuvre (Baudel., Salon, 1846, p.145). ♦ P. métaph. Le préfet (...) était humilié, car la pièce de résistance de sa vanité comme de son espoir d'avancement, c'étaient les lettres de la propre main du ministre (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1835, p.87). ♦ Arg. du journ. Pièce de boeuf, pièce de résistance: 1. ... la pièce de boeuf c'est un grand article sur les choses du moment, qu'on appelle aussi pièce de résistance. Un excellent journal, qui ne servirait pas tous les jours à ses abonnés la pièce de boeuf, ne serait pas sûr de réussir. On donne pour synonyme à pièce de boeuf: tartine, ce qui n'est pas tout à fait exact; la tartine peut fort bien ne pas être la pièce de résistance d'un journal quoi que celle-ci soit presque toujours effectivement une tartine.
Coston, A.B.C. journ., 1952, p.197. b) Pièce + inanimé ou animé − Pièce (de gibier, de poisson). Animal capturé à la chasse ou à la pêche. Quant à Poil de Carotte, il est spécialement chargé d'achever les pièces [de gibier] blessées (Renard, Poil Carotte, 1894, p.5): 2. Brusquet, le nez en terre et la queue frétillante, indiquait le gibier à son maître: la pièce partait; un coup de fusil la couchait par terre; le chien, qui la rapportait, était aussitôt remis en poche avec elle...
Jouy, Hermite, t.4, 1813, p.181. − Vieilli. Pièce de bétail. Chacune des bêtes composant un troupeau. Synon. tête.Frère, entends-tu? j'ai été vendu à différents maîtres comme une pièce de bétail (Hugo, Bug-Jargal, 1826, p.212). − P. anal., vx. [Appliqué à une pers.] Une grande pièce de fille qui se promène tout le temps en maillot couleur de brique (Veuillot, Odeurs de Paris, 1866, p.136). ♦ La/une bonne pièce. Un bon sujet ou, p. antiphr., personne maligne, rusée. Elle était habillée superbement (...) et la bonne pièce, toujours la même! riait à se tenir les côtes (Mérimée, Carmen, 1845, p.58). 2. Étendue limitée de terre ou d'eau. a) Pièce d'eau. Étendue d'eau naturelle ou créée artificiellement pour agrémenter un décor. On arrivait à la pièce d'eau. Des jeunes filles s'y miraient et l'eau, pleine de leurs châles aux couleurs éclatantes, semblait une ville de papillons derrière un voile de cristal (Montherl., Bestiaires, 1926, p.468). b) Pièce de terre. Parcelle de terre bien délimitée, labourée, cultivée ou non: 3. À droite et à gauche, les clos de vignes, les vergers et quelques pièces de terre labourables plantées de noyers, descendent rapidement, enveloppent la maison de leurs massifs, et atteignent les bords de l'Indre...
Balzac, Lys, 1836, p.36. − P. méton. Pièce de blé. Terrain où l'on cultive le blé. En passant une haie, ils se trouvèrent dans une vaste pièce de blé noir (Stendhal, Chartreuse, 1839, p.53). c) P. anal., pop., vieilli. Pièce (de temps). Moment, période plus ou moins longue. Nous avons arrivé à Bougie que c'était une pièce de cinq heures et demie (Musette, Cagayous chauffeur, 1909, p.104). ♦ Avoir une pièce de. Être âgé de. J'ai trouvé un petit enfant (...). Il doit avoir une pièce de huit mois (D'Esparbès, Guerre sabots, 1914, p.9). d) VITIC. Quantité déterminée de vin contenue dans une futaille, un tonneau. Dans le pressoir large, les pelles de bois des hommes aux manches retroussées égalisaient le tas noir où les tiges de grappes fourmillaient vert. Dix pièces de deux cents litres de cuvée giclèrent des quatre mille kilogs (Hamp, Champagne, 1909, p.141). − P. méton. Le tonneau lui-même. Il y a encore des athlètes comme ce cent-garde, qui fait un trou à une pièce de vin et la boit en la tenant au-dessus de lui (Goncourt, Journal, 1865, p.198). 3. Spécialement a) ARTILL. Pièce (d'artillerie, de canon). Élément d'un ensemble comprenant une bouche à feu et son affût. Pièce de 16, de 30, de 75; charger la pièce. Deux cents pièces de canon qu'on aurait pu mettre en batterie à Montmartre contre les Prussiens (Adam, Enf. Aust., 1902, p.162): 4. Les consommations de munitions (...) avaient augmenté dans des proportions très considérables pendant la bataille de la Marne, où certaines artilleries divisionnaires avaient tiré 300 coups par pièce et par jour.
Joffre, Mém., t.1, 1931, p.425. ♦ Pièce de campagne. Pièce d'artillerie légère transportée par l'armée au cours de ses campagnes. Quelques pièces de campagne, et derrière, les fédérés de la section des Quatre-Nations (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t.2, 1870, p.70). − En partic. Division d'une batterie d'artillerie. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Chef de pièce. Canonnier commandant cette unité. Le bataillon est menacé d'être tourné. Ses sections de mitrailleuses se déplacent (...). Les chefs de pièces désignent calmement les objectifs. Le sergent Narcisse (...) est tué d'une balle en plein front (Bordeaux, Fort de Vaux, 1916, p.221). b) BOUCH. [Après découpe de la carcasse] Pièce de coupe. ,,Morceaux élémentaires ayant une base anatomique précise`` (Clém. Alim. 1978). c) HIST. DU COST. Pièce de corsage, d'estomac. V. estomac C 1. − Arg. Pièce d'estomac. Amant d'une prostituée (d'apr. Delvau 1867, p.369 et France 1907). d) GASTR. Pièce montée. V. monté II B 4. − P. anal. Il (...) bondit jusqu'à l'étagère; il rasa du bras cette pièce montée qu'était la coiffure de la caissière (Morand, Homme pressé, 1941, p.11). e) LITT., MUS. Pièce (de vers, de musique). Composition littéraire ou musicale, extraite ou non d'une oeuvre plus large et constituant un tout à elle seule. Pièce pour piano, violon, orchestre; un recueil de pièces. Vico gagnait sa vie en composant des pièces de vers et de prose de la plus détestable rhétorique (Renan, Avenir sc., 1890, p.416).Admirables pièces pour orgue (Trois Chorals) de César Franck, dans lesquelles je me plonge et me replonge chaque soir (Gide, Journal, 1902, p.126). ♦ Pièce d'éloquence. Morceau, discours particulièrement réussi (v. morceau IV B). Le règlement se terminait par une belle pièce d'éloquence, un discours sur l'utilité du règlement lui-même (A. Daudet, Pt Chose, 1868, p.60). f) THÉÂTRE. Pièce (de théâtre). OEuvre en vers ou en prose destinée à être représentée sur une scène par une troupe d'acteurs. Écrire, faire, jouer une pièce; aller voir jouer une pièce; pièce classique, historique, moderne; pièce à succès; bonne, mauvaise pièce; pièce en 4, en 5 actes; pièce de circonstance. Peut-être pourroit-on souhaiter quelquefois, même dans les meilleures pièces de Molière, que la satire raisonnée tînt moins de place et que l'imagination y eût plus de part (Staël, Allemagne, t.3, 1810, p.210): 5. Une vraie pièce de théâtre bouscule le repos des sens, libère l'inconscient comprimé, pousse à une sorte de révolte virtuelle et qui d'ailleurs ne peut avoir tout son prix que si elle demeure virtuelle, impose aux collectivités rassemblées une attitude héroïque et difficile.
Artaud, Théâtre et son double, 1938, p.34. ♦ Pièce à tiroirs. Pièce dont l'intrigue comporte une série de scènes sans rapport direct avec l'action principale. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Pièce à thèse. Pièce développant des opinions politiques, philosophiques ou religieuses (Dict. xixeet xxes.). − P. anal. Les humains jouent une pièce absurde pleine de sang et de cris arrachés par la souffrance, un mélodrame sans queue ni tête: moi, je n'en suis pas (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p.160). − P. méton. Représentation d'une pièce. Nana avait voulu voir la pièce, car elle hésitait à jouer encore dans un rôle de cocotte (Zola, Nana, 1880, p.1323). − Loc. fig., vieilli. Faire pièce à (qqn) ♦ Jouer un mauvais tour à (quelqu'un). Quand tous ses gouvernants [du peuple français] s'en allèrent un jour, croyant lui faire pièce et le laisser en peine, d'autres se présentèrent qu'on ne demandait pas (Courier, Pamphlets pol., Au réd. «Censeur», 1819, p.25). ♦ S'opposer à quelqu'un, le contrecarrer dans ses projets, dans ses entreprises. Mais il fallait faire pièce aux jésuites, au P. de Barry, au P. Crasset, les discréditer par tous les moyens (Bremond, Hist. sent. relig., t.4, 1920, p.300). ♦ Faire pièce à qqc. S'opposer à, être en contradiction avec (quelque chose). Nous aurions dû faire de toi un compositeur! Et cette remarque fait pièce à de précédentes réflexions (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p.105). − En partic. Pièce écrite spécialement pour le cinéma, la radio. Pièce radiophonique. On y a [dans «Le mauvais génie»], en plus de toutes les qualités qu'on aime relever dans ce genre de pièces cinématographiques, des «clous sensationnels» (Film-revue, 25 déc. 1912, no1, p.3). 4. Pièce (de monnaie). Petit disque plat gravé dans un métal plus ou moins précieux et servant de monnaie d'échange. Pièce d'argent, de métal; pièce métallique; pièce de 5 sous, de 5 francs, de 10 francs; une fausse pièce; pièce ancienne; donner, jeter une pièce à qqn; petite pièce (v. piécette); frapper des pièces. Les pièces de cent sous, ça ne me représente rien, ce sont comme des palets de jeu de tonneau que j'échange contre des jouissances des yeux (...). Ah! ce qu'ils m'auront coûté, ces gredins-là! (Goncourt, Journal, 1888, p.858).La femme le regardait ouvrir le couvercle, compter les billets de banque et les pièces de monnaie. Fût-ce le bruit de pièces? Duffieux entr'ouvrit les paupières (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p.129): 6. Elle y avait trouvé la pièce d'or. Ce n'était pas un napoléon, c'était une de ces pièces de vingt francs toutes neuves de la Restauration sur l'effigie desquelles la petite queue prussienne avait remplacé la couronne de laurier.
Hugo, Misér., t.1, 1862, p.505. − Donner la pièce à (qqn). Donner un pourboire à quelqu'un. Tu ferais bien de donner la pièce à Georges (le chauffeur). Ça se fait, tu sais (Montherl., Célibataires, 1934, p.781). − Fam. Être près de ses pièces. Être avare, intéressé. Synon. être près de ses sous. − Au fig., gén. péj. Rendre (à qqn) la monnaie de sa pièce. Traiter quelqu'un de la même manière que l'on a été traité par lui, lui rendre la pareille. Il rendit à l'alma mater [la Sorbonne] la monnaie de sa pièce. Il lui donna les mêmes mots qu'elle lui avait donnés. Seulement il ne les rendit pas dans l'ordre où il les avait reçus (A. France, Vie littér., 1888, p.28). − Arg., pop. Pièce de 10 sous. Anus, cul. Tout le monde y veut p... [= péter] en dessus sa pièce de dix sous (Musette, Cagayous poilu, 1919, p.25). B. − Loc. (À la) pièce, (aux) pièces 1. Acheter, vendre à la pièce, tant de francs pièce. Acheter, vendre au détail, article par article. Et encore, vers la fin du deuxième jour, se faisaient-elles si rares [les pommes de terre], que les soldats ayant de l'argent les achetaient jusqu'à cinq sous pièce (Zola, Débâcle, 1892, p.443). 2. Être, travailler aux pièces. Être rémunéré en fonction de la tâche accomplie et non en fonction du temps passé à l'effectuer. Salaire, devis aux pièces. Le travail aux pièces montre (...) que dans le monde des salariés il y a un groupe d'hommes (...) ayant la confiance du patron et qui n'appartiennent pas au monde du prolétariat (Sorel, Réflex. violence, 1908, p.190): 7. Parfois, elles réchauffaient dans leur corsage leurs doigts engourdis par la glace pilée. Mais elles flânaient peu, étant aux pièces: dix centimes par petite caisse de cent harengs et vingt centimes par caisse glacée; il faut ranger le poisson.
Hamp, Marée, 1908, p.36. C. − Gén. en empl. abs. Chacune des parties d'une maison ou d'un appartement (à l'exclusion des couloirs, dégagements, parties communes et généralement de la cuisine et des sanitaires) destinées à un usage précis (chambre, salon, bureau, etc.). Étroite, immense, large, longue, petite, vaste pièce; pièce carrée, commune, habitable, mansardée, principale, voûtée; largeur, longueur, milieu, surface de la pièce; angle, coin, extrémité de la pièce; chaleur de la pièce; murs de la pièce; arpenter la pièce. Je l'ai vu mille fois se lever d'un air absent, faire le tour de sa table, traverser la pièce en deux enjambées (Sartre, Mots, 1964, p.30): 8. L'endroit, une grande pièce basse de plafond, avec ses vieilles poutres en bois de châtaignier, dur et foncé comme le fer, des murs autrefois blanchis, une seule petite fenêtre dans une embrasure d'un mètre de profondeur, et le plancher aux planches disjointes par où passait un ouragan...
Triolet, Prem. accroc, 1945, p.12. ♦ Appartement de deux, trois pièces ou, p. ell., un deux(-) pièces, un trois(-)pièces. Appartement comprenant deux, trois pièces. Je n'arrivais pas encore à me limiter à un deux pièces, quatre-vingt mètres carrés (É. Ajar, L'Angoisse du roi Salomon, 1979, p.321). II. − Élément d'un tout. A. − Élément d'un tout envisagé dans ses rapports avec l'ensemble dont il fait partie. − En partic. 1. Chacun des éléments (morceaux, figurines) d'un jeu. Pièces d'un puzzle, d'un jeu d'échecs, de meccano, de trictrac, de petits chevaux. Le padre et le docteur décrivaient encore leurs cadavres tout en manoeuvrant prudemment les pièces d'ivoire du petit échiquier (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p.24).Boîte soldats en plomb (...) contenant 56 pièces (Catal. jouets(Trois-Quartiers), 1936). 2. Chaque élément d'un mobilier, d'un service de table. Pièce d'argenterie, d'orfèvrerie; un service de 74 pièces. Il fut obligé de vendre l'argenterie pièce à pièce, ensuite il vendit les meubles du salon (Flaub., MmeBovary, t.2, 1857, p.201). ♦ Pièce de collection, de musée, pièce rare. Article, objet de grande valeur généralement destiné à une exposition publique ou privée: 9. C'était une riche pièce de musée, une sorte de tout petit mortier en bronze qui portait, gravé sur son ventre de crapaud, ses date et lieu de naissance: 1848, République française, Toulouse.
Dorgelès, Croix bois, 1919, p.148. ♦ Arg. Service trois pièces. Le sexe de l'homme. Eustache d'Apremont il a l'air mort, assassiné, en travers de son pageot... sa chemise fendue retroussée... ses jambes velues... On lui voit son service trois-pièces (A. Boudard, Les Matadors, 1968 [1966], p.117 ds Cellard-Rey 1980, s.v. service). B. − Spécialement 1. ANAT., ZOOL. a) Pièce anatomique. Partie du corps humain prélevée sur un cadavre et préparée pour l'étude. (Dict. xixeet xxes.). V. anatomique A. b) Pièce anatomique, osseuse. Élément de l'anatomie, du squelette humain ou animal qui, ajouté à d'autres éléments, forme avec eux un tout fonctionnel et organisé. On compte dans la mâchoire inférieure du crocodile du Nil, et dans celle du caïman, jusqu'à douze pièces osseuses (Cuvier, Anat. comp., t.3, 1805, p.15). − [Gén. chez les insectes] Pièces (buccales). Appendices articulés entourant la bouche des Arthropodes. Taons, moustiques et punaises piquent et sucent le sang à l'aide de pièces, les unes pointues, les autres en gouttière (Lar. encyclop.). 2. ARMURERIE − Pièce d'(une) armure. Élément particulier d'une armure. Sur les murs nus et rudes, des brocarts d'or, quelques armes, des pièces d'armure, des paniers de bât et des harnais de guerre (Montherl., Malatesta, 1946, i, p.437). − (Être) armé de toutes pièces. (Être) revêtu de l'armure et de tous ses accessoires et, p. ext., de tous les accessoires nécessaires au combat. Plusieurs assassins, armés de toutes pièces, s'élancent du milieu du taillis (...), le percent de coups, et prennent aussitôt la fuite (Jouy, Hermite, t.4, 1813, p.72). ♦ Au fig. (Être) prêt à affronter tous les dangers, tous les risques encourus dans une épreuve difficile. (Dict. xixeet xxes.). ♦ P. plaisant. Mademoiselle votre fille et une très-belle personne, armée de toutes pièces (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p.220). 3. COST. Élément d'un ensemble vestimentaire pour homme ou femme. Un costume (de) deux, trois pièces. Maillot une pièce, deux pièces. Costume Esquimau trois pièces (Catal. jouets(Louvre), 1936).P. ell. Un deux-pièces, un trois-pièces. Géométrie des couleurs et fluidité des matières pour ces trois-pièces. Poppy Moreni (Femmes d'Aujourd'hui, 9févr. 1984, no6, p.31). 4. DR. (ADMIN., COMM., FISCAL, PÉNAL) a) Écrit, document servant à établir un droit, à prouver la réalité d'un fait ou l'existence d'une chose. Pièce justificative, officielle; pièce fausse, à charge; pièce jointe; pièces d'identité; vérifier les pièces; classer les pièces d'un dossier. Quelque rassurant que fût cette bonne et honnête réponse, ma grand'mère n'en persista pas moins à se munir des pièces qui pouvaient lui laisser l'espoir de rompre le mariage (Sand, Hist. vie, t.2, 1855, p.99).Nous avons confiance dans Sarrien qui pense qu'on peut condamner un homme sans lui montrer les pièces qui l'accusent (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p.93). ♦ Pièce à conviction. V. conviction A 2.Pièce comptable. V. comptable I B 2. − DR. MILIT. Pièce matricule. Les pièces matricules sont des documents administratifs sur lesquels sont portés les faits influant sur la carrière d'un militaire et susceptibles de modifier ses droits (Lubrano-Lavadera, Législ. et admin. milit., 1954, p.67). b) Locutions − Contrôler, juger sur pièces. Juger en s'appuyant sur les documents ou les pièces matérielles versés au dossier d'une affaire. ♦ P. ext. Juger sur pièces. Se faire une opinion de quelqu'un ou de quelque chose uniquement d'après des éléments objectifs et des preuves matérielles. Parfois, notre discipline [la parapsychologie] pourra, afin de réunir les faits et juger sur pièces, recourir aux règles de la pratique historique et judiciaire (Amadou, Parapsychol., 1954, p.26). − Pièce(s) en main, pièce(s) sur table, pièce(s) à l'appui. Avec preuves à l'appui. Si tu veux donner à Nathan quelque bonne leçon, nous irons tous trois chez toi; là je te prouverai, pièce en main, que tu peux l'empêcher d'aller rue de Clichy, sous peu de temps, si tu veux être bonne fille (Balzac, Fille Ève, 1839, p.197).Quelques semaines auparavant, Géraud lui avait annoncé brusquement, pièces sur table, qu'ils étaient presque ruinés (Bourget, Drame, 1921, p.15). 5. GRAV. Cube de bois que l'on insère à la place d'un fragment de planche sur lequel s'était inscrit une erreur et qui permet de corriger celle-ci (d'apr. Adeline, Lex. termes art, 1884; Maire, Manuel biblioth., 1896, p.380; Bég. Estampe 1977). 6. HÉRALD. Chacune des figures géométriques obtenues en divisant l'écu en lignes verticales, horizontales ou diagonales. L'identité des familles ne s'établit que d'après les armoiries, et nous avons déjà donné celle de cette famille (l'écusson bandé de vair et de gueules de six pièces) (Nerval, Filles feu, Angélique, 1854, p.562). 7. TECHNOLOGIE a) MÉCAN., FOND. Chacune des parties d'un mécanisme dont l'agencement permet d'assurer le bon fonctionnement. Pièce d'une machine, d'un mécanisme, d'un moteur; pièce brute, coulée, finie, moulée, polaire*; pièce d'usure; pièces d'assemblage; assembler, fabriquer des pièces; changer une pièce défectueuse. Le montage des différentes pièces constitutives d'un organe mécanique ou électrique, l'assemblage des organes du véhicule se font également à la chaîne (Tinard, Automob., 1951, p.391): 10. Il avait rassemblé les fragments de sa machine électrique dans une caisse. Il tenta de les rafistoler (...), s'obstina, tâtonna, vissa et dévissa, rajusta des pièces avec maladresse et inexpérience.
Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.221. ♦ Pièce détachée, pièce de rechange. Pièce isolée neuve destinée à remplacer une pièce défectueuse. Rien que des pièces détachées! achetées n'importe où! assemblées au goût du client! (Céline, Mort à crédit, 1936, p.441). b) MENUIS., CHARPENT. Morceau de bois taillé, entrant dans la construction d'une charpente, la fabrication d'un outil. Pièce d'angle, d'appui, d'épaisseur; pièce travaillante; pièce à tronçonner. Des tondeurs taillaient les arbres et leur donnaient une forme ronde ou ellipsoïde; à l'aide d'une houe faite de deux pièces de bois dur reliées par une corde formant crochet (Gautier, Rom. momie, 1858, p.242). ♦ Pièce maîtresse, maîtresse pièce. V. maître2B 1.Au fig. De même pourtant que l'imagination philosophique est la maîtresse pièce de son intelligence [de Taine], de même l'émotion philosophique est la maîtresse pièce de la sensibilité (Bourget, Essais psychol., 1883, p.160). C. − Locutions 1. De toutes pièces. De toutes les parties qui constituent un tout. Au fig. Créer, forger de toutes pièces. Inventer (une chose) en en imaginant tous les détails. Pour un homme d'État...! Il vit dans un univers irréel que son imagination mystique a créé de toutes pièces (Martin du G.,Thib., Épil., 1940, p.806).Des souvenirs forgés de toutes pièces ou fantastiquement dénaturés ou embellis (Arnoux, Roi, 1956, p.92). 2. Être (fait) tout d'une pièce. Être fait d'un seul morceau, d'un seul tenant. D'une coupe spéciale (il est tout d'une pièce [le corset]) et d'un travail si parfait qu'on ne le cache qu'à regret sous la robe! (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p.801). − Au fig. [Le suj. désigne une pers.] ♦ Avoir un caractère entier, sans nuances, sans compromission possible. Je suis tout d'une pièce, moi, carré par la base: ce que je pense, je le dis; ce que je dis, je le fais (Augier, Fils Giboyer, 1862, p.162): 11. ... l'homme n'est pas fait d'une pièce. Il est fait de sentiments et d'idées souvent contraires, mais qu'il lui suffit de penser vraiment pour être un honnête homme.
Goncourt, Journal, 1860, p.841. ♦ Tomber, se retourner, s'asseoir tout d'une pièce. Tomber, se retourner, s'asseoir d'un seul coup. Il tomba d'une pièce, à la renverse, dans la neige (Adam, Enf. Aust., 1902, p.93).Je me retournai tout d'une pièce et sursautai en froissant de ma joue la robe d'une femme (Gracq, Syrtes, 1951, p.83). D. − Élément rajouté. 1. Morceau rajouté à un objet et fait généralement dans la matière de cet objet. Poser, mettre une pièce à un vêtement (synon. rapiécer). L'étoffe de son pantalon ne se reconnaissait plus sous le nombre infini des raccommodages et des pièces (Balzac, Paysans, 1844, p.230). ♦ P. métaph. Si vous voulez conserver une vieille chose, humaine ou divine, code ou dogme, patriciat ou sacerdoce, n'en refaites rien à neuf, pas même l'enveloppe. Mettez des pièces tout au plus. Par exemple, le jésuitisme est une pièce mise au catholicisme (Hugo, Homme qui rit, t.3, 1869, p.128). − Spécialement ♦ MÉCAN., MENUIS. Pièce (rapportée). Morceau de métal ou de bois servant à remplacer la partie manquante ou détériorée d'un objet, d'un ouvrage. [Des Bohémiens] étaient venus pour rétamer les casseroles et poser des pièces aux chaudrons du faubourg (Zola, Contes Ninon, 1864, p.181).Pièce rapportée. −On peut, dans certains cas, exécuter une plaque forgée en tôle d'épaisseur plus ou moins grande (...). Cette plaque, qui sera appliquée directement sur la cassure, devra épouser exactement la forme de la pièce sur laquelle elle doit s'adapter (Ambroise, Monteur mécan., 1949, p.52).Au fig. Élément disparate d'un ensemble. Ici tout est suspendu par la suspension de l'Angleterre; on ne sait quel parti prendra ce nouveau ministère, composé de pièces rapportées (J. de Maistre, Corresp.1806, p.68). ♦ RELIURE. Pièce de titre. ,,Morceau de cuir de couleur différente qu'on applique sur le dos des livres dans les entrenerfs et sur lequel on pousse les titres`` (Maire, Manuel biblioth., 1896, p.380). 2. Loc. (Fait) de pièces et de morceaux. V. morceau II B. III. A. − Morceau détaché d'un ensemble, volontairement ou non. Recoller les pièces d'un vase. B. − Locutions 1. [Le suj. désigne une pers.] Mettre, briser, tailler en pièces a) [Le compl. désigne un inanimé concr.] Casser en plusieurs morceaux. Il lacéra et jeta au feu tous ses livres; et, s'armant d'une hache appendue en trophée, il mit en pièces, l'un après l'autre, les meubles qui garnissaient son logis (Borel, Champavert, 1833, p.230). b) [Le compl. désigne une pers.] Déchiqueter, massacrer. Des femmes et des enfans furent mis en pièces. Une malheureuse femme grosse fut jetée morte sur le pavé (Barante, Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.181). c) Au fig. Démolir, éreinter (quelqu'un ou une oeuvre littér.). Il serait impubliable [ce récit de voyage] à cause des excentricités humoristiques qui s'y glissent à notre insu. Nous serions mis en pièces par tout ce qu'il y a d'honnêtes gens dans la Presse, ou au moins prétendant l'être (Flaub., Corresp., 1847, p.58). 2. [Le suj. désigne un inanimé concr.] Se briser, tomber, voler en pièces. Je tenais cependant la tasse, et j'allais et venais par la chambre. Je ne pus m'empêcher d'éclater de rire, et je la lançai sur le carreau. Elle s'y brisa en mille pièces, que j'écrasai à coups de talon (Musset, Confess. enf. s., 1836, p.321).Nos premiers coups balayèrent les voitures comme de la paille, elles volaient en mille pièces (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t.2, 1870, p.252). 3. Emporter la pièce. V. emporter II B 1 et emporte-pièce. Prononc. et Orth.: [pjεs]. Ac. 1694, 1718: piece; dep. 1740: pièce. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 «partie d'une chose déchirée, cassée» (Roland, éd. J. Bédier, 3437); 1460-66 mettre en pièces «massacrer» (Martial d'Auvergne, Les Arrêts d'amour, éd. J. Rychner, XLI, 41); 1579 tailler en pièces (Larivey, Laquais, IV, 2 ds Anc. Th. fr., éd. Viollet-Le-Duc, t.5, p.75); 2. ca 1223 une piece de viés fust «un vieux morceau de bois» (Gautier de Coinci, Miracles ND, éd. V. F. Koenig, I Mir 28, t.2, p.262, 34); 4equart du xiiies. piece de pain (Lex. Abavus, 373 ds Roques t.1, p.12); xiiies. une pece de char (Isopet de Lyon, éd. W. Foerster, 229). B. 1. a) [Fin xies. «penne de la chaîne d'un tissu» (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t.1, p.110, no803)]; ca 1165 cout. (Troie, éd. L. Constans, 13363); ca 1170 une piece de samit (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, VIII, 135); ca 1265 «petit morceau d'étoffe qu'on coud sur un habit pour boucher un trou» (Rutebeuf, OEuvres, éd. E. Faral et J. Bastin, t.2, p.33); fin xives. «plastron de fer qui se plaçait sur la cotte de maille antérieurement à l'usage de la cuirasse» (Froissart, Chroniques, éd. G. Raynaud, t.10, p.198); fin xves. «accessoire qui corrigeait ce que le décolleté des robes avait de trop hardi» (Olivier de La Marche, Le Triomphe des dames, éd. J. Kalbleisch, p.19); 1492 pièce d'estomac (Vie Anne de Bretagne, éd. A. J. V. Le Roux de Lincy, t.4, p.93); b) fin xes. pece sens peu clair peut-être adv. de temps «quelque temps» ou subst. «quelque chose de pire» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 366); ca 1140 une piece «quelque temps» (Geffrei Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 2714); ca 1150 grant piece «longtemps» (Charroi Nymes, éd. D. McMillan, 18); c) 1208 une piece de candoile (doc. ds Du Cange, s.v. pecia); 1315 pieche de berbis (Arch. Nord, B 6949, fo28 rods IGLF); 1674 travailler à ses pièces (Vaugelas, Rem. sur la langue fr., chap. 270); 1840 presque tous les ouvriers sont aux pièces (A. Perdiguier, Le Livre du compagnonnage, p.52); 1845 travailler aux pièces (Besch.); d) au fig. 1240-80 piece d'omme «individu» (Baudoin de Condé, Dits et Contes, éd. A. Scheler, XII, 309); xiiies. [date du ms.] pieche a saten terme d'injure (Partenopeus de Blois, éd. J. Gildea, Continuation, 125, var. ms. G); e) ca 1275 blas. (Adenet le Roi, Enfances Ogiers, éd. A. Henry, 5153); f) 1497 pièce de bois «solive» (doc. ds Gdf. t.6, p.98b, s.v. perelle); g) 1549 cuis. pièce de four (Rabelais, Sciomachie, éd. Ch. Marty-Laveaux, t.3, p.411); 1694 pièce de pâtisserie (Ac.); 1807 pièce montée (Almanach des gourmands, 72-74 ds Quem. DDL t.1); h) 1924 un trois-pièces (de bure grise) terme de mode pour dames (Gazette du bon ton, 7eannée, numéro 2, sept., 56, ibid., t.16); 2. spéc. a) 1176-84 piece de tiere (Gautier d'Arras, Ille et Galeron, éd. Fr. A. G. Cowper, 1972); 1694 pièce d'eau (Ac.); b) 1260 pieche de vin (Estienne Boileau, Métiers, éd. R. de Lespinasse et Fr. Bonnardot, p.244); c) ca 1285 pièce d'argent (Rutebeuf, op. cit., p.279); 1787 donner à qqn la monnaie de sa pièce (Fér. Crit., s.v. monnoie); d) ca 1500 pièce (d'artillerie) (Philippe de Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t.1, p.62 et 184); e) 1535 pièces justificatives (v. justificatif étymol.); f) 1559 «chacune des figures dans un jeu d'échecs» (Philieul, trad. de Vida, Le jeu des échecs, foapr. β iiii); g) 1580 «oeuvre littéraire» (Montaigne, Essais, I, 28, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, t.1, p.184); 1625 pièce de musique, de peinture (Stoer Fr.-Lat.); 1631 [éd.] «oeuvre dramatique» (G. de Balzac, Prince, p.157); 1640 faire pièce «faire un bon compte, une histoire de quelque chose, faire quelque plaisanterie» (Oudin Curiositez); 1659 faire une pièce à (Molière, Précieuses ridicules, 16); h) 1694 «chacune des parties des chambres d'un logement» (Corneille); 3. a) 1172-90 tote d'une piece «d'un seul tenant, d'un seul bloc» (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 3251); ca 1660 tout d'une pièce «sans souplesse d'esprit» (Retz, III, 164 ds Littré); 1690 «sans souplesse et sans grâce» (Fur.); 1553 pièce à pièce (Bible de l'imprimerie Jean Gérard, Ezechiel, 24, 6); 1690 fait de pièces et de morceaux (Fur.); b) fin xives. ar[re]és et aparilliés de toutes pièces «complètement armés» (Froissart, op. cit., p.212); 1461 armé de toute pièce (Chastellain, Chronique, IV, éd. Kervyn de Lettenhove, t.3, p.153); ca 1500 armé de toutes pièces (Philippe de Commynes, op. cit., p.132); c) fin xves. «objet qui entre dans la composition d'un tout et qui contribue pour sa part à faire fonctionner celui-ci (en parlant d'une armure)» (Olivier de La Marche, Mém., éd. H. Beaune et J. D'Arbaumont, t.1, p.322); d) 1580 pièces rapportées (Montaigne, Essais, I, 9, éd. citée t.1, p.36). D'un gaul. *pettia que l'on peut restituer d'apr. le gall. peth et le bret. pez (cf. lat. médiév. petia «petit morceau d'or battu», att. vers 800 ds les Compositions Lucenses, ital. pezza, esp. pieza). Au sens A 1 le mot a été fortement concurrencé dès le xives. par mors et son dér. morsel (morceau* lequel tend à remplacer trons, v. tronçon), alors que les dér. dépecer*, rapiécer* continuaient à être très employés dans la lang. écrite. Fréq. abs. littér.: 17036. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 16848, b) 27792; xxes.: a) 34272, b) 22569. Bbg. Archit. 1972, p.35, 62 (s.v. pièce double). _Gohin 1903, p.372. _Greimas Mode 1948, p.48 (s.v. pièce d'estomac). _Gröber (G.). Etymologien. In: [Mél. Caix (N.), Canello (U.A.)]. Firenze, 1886, pp.47-48. _Hubschmid (J.). Zur einer neueren Etymologie von fr. pièce... Z. rom. Philol. 1956, t.72, pp.289-294. _Quem. DDL t.4 (s.v. pièce d'estomac), 13 (s.v. pièce convictive), 15 (s.v. pièce d'artillerie et s.v. pièce-mère), 16 (s.v. trois(-)pièces), 22 (s.v. pièce de résistance). _Wexler 1955, pp.16-17; p.22, 24; pp.56-57, 128-129. |