| * Dans l'article "PITTORESQUE,, adj." PITTORESQUE, adj. A. − Vieilli 1. Qui appartient, qui est relatif à la peinture. Synon. pictural.Art, composition pittoresque. La technique pittoresque n'est pas un langage arbitraire, soumis au caprice individuel, que chacun puisse remettre en question (Séailles, E. Carrière,1911, p.31).[Le cubisme] est défunt en tant que formule pittoresque, il est très vivant en tant que formule décorative (Gillet, Art fr.,1938, p.183): 1. [À propos du premier tableau de Gros en 1788] Une destinée de peintre semble y prendre un joyeux essor; une composition pittoresque, expressive et vivante, un bouquet de couleurs claires et chantantes montrent quels dons révélait cet enfant...
A. Michel, Peint. fr. XIXes.,1928, p.41. 2. Spécialement a) IMPR. Papier de format 57 x 78 cm, légèrement supérieur au grand jésus. Jésus pittoresque (E. Leclerc, Nouv. manuel typogr.,1932, p.286). b) LIBR., vx. [En parlant de publication, dans le titre d'anc. revues] Dont les pages sont ornées de gravures, surtout de gravures imprimées dans le texte. Synon. mod. illustré.Magasin pittoresque; édition pittoresque. (Dict.xixeet xxes.). 3. Qui fournit, qui contient des renseignements utiles aux peintres et aux amateurs d'art. Guide pittoresque. Voyage pittoresque en Italie (Ac. Compl.1842). B. − Qui produit un grand effet en peinture, dans un tableau par le contraste, la richesse des coloris. Beauté pittoresque. On sent, plus ou moins nettement, la monotonie d'un paysage où la lumière est également répartie; les effets vraiment pittoresques, c'est-à-dire dignes du pinceau, ne se rencontrent guère à midi, l'heure moyenne, mais vers le soir (Griveau, Élém. beau,1892, p.84): 2. Il faut avoir attention à ne pas trancher tout à coup les différents effets contenus dans les espaces et à les amener au contraire par degrés; c'est de là que dépend l'effet pittoresque de ce tableau.
D'Allemagne, Hist. jouets,1902, p.279. C. − 1. Qui est digne d'être peint, de fournir un sujet à un peintre, à un graveur; p.ext., qui plaît, qui charme ou qui frappe par sa beauté, sa couleur, son originalité. Anton. banal, insipide, plat.Campagne, château, manoir, panorama, paysage, quartier, région, route, rue, site pittoresque; ruines pittoresques. Rien n'est plus pittoresque et plus saisissant pour l'oeil que l'intérieur de Saint-Marc, avec ses voûtes d'or, ses dallages de marbres variés, ses splendides mosaïques (Ménard, Hist. Beaux-Arts,1882, p.35).L'ère néolithique venue, surgirent les pittoresques villages lacustres, avec leurs habitations sur pilotis reliées par des séries de passerelles (P. Rousseau, Hist. transp.,1961, p.11). 2. Qui a un aspect original, un caractère coloré, exotique bien marqué. L'immuable Islam charme Delacroix par son exotisme pittoresque (Réau, Art romant.,1930, p.59).Un monde pittoresque, grouillant et bariolé, où les saints coudoyaient la canaille (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p.104): 3. La pauvreté du Midi n'a rien qui attriste, elle se présente à vous pittoresque, colorée, rieuse, insouciante, chauffant ses poux à l'air chaud et dormant sous la treille; mais celle du nord (...) semble toujours humide de pleurs, engourdie, dolente et méchante comme une bête malade.
Flaub., Champs et grèves,1848, p.286. − [À propos d'une pers., de ses qualités propres] Synon. original, surprenant.Homme, personnage, personnalité pittoresque. Les Turcs, si pittoresques autrefois avec leurs longues robes aux vives couleurs (Dumas père, Monte-Cristo,t.1, 1846, p.520).Une magnifique pléiade de savants, hommes admirables de courage et de ténacité, hommes d'épopée, quelquefois sublimes, ou véritables génies, souvent singuliers ou pittoresques (Hist. gén. sc.,t.3, vol. 1, 1961, p.437): 4. ... ses grotesques parvenus tchèques et son pittoresque colonel russe, semblent n'avoir été créés que pour permettre à l'auteur de montrer les prodigieuses ressources de son imagination verbale.
Arts et litt.,t.2, 1936, p.50-6. − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Le pittoresque des corridas, d'une expression, d'un mot, d'un propos. Le pittoresque d'un personnage (Ac.1935).Noirmoutiers, pour le pittoresque, ne laisse rien à désirer. Des bois, des falaises, la mer (Mérimée, Abbé Aubain,1847, p.153).C'est pour avoir négligé le pittoresque de la phrase que Stendhal (...) est traité par M. Edmond de Goncourt (...) de «pauvre styliste» (Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p.192). 3. Qui étonne, surprend par son caractère insolite et étrange; qui ne manque pas de saveur ni de piquant. Krouchtchev révèle des faits assez pittoresques sur la cruauté de Staline, idole aujourd'hui piétinée par ses adorateurs d'hier (...). Il suffisait qu'on le regardât de travers pour être exécuté le lendemain (Green, Journal,1956, p.178).Les joies pittoresques de l'atterrissage en campagne, sur lesquelles les vélivoles sont intarissables (Jeux et sports,1967, p.1621). D. − Qui dépeint particulièrement bien; qui a de la couleur, du relief, du mouvement, une originalité qui captive l'attention. Beethoven, doué d'un génie gigantesque, d'une verve brûlante, d'une imagination pittoresque, dédaigne ces vaines difficultés [de la symphonie] (Prod'homme, Symph. Beethoven,1921, p.121). ♦ LITT. Description, expression, langage, propos, récit, style pittoresque. Son nom [de Chamfort] restera attaché à quantité de mots concis, aigus, vibrants et pittoresques, qui piquent l'attention et qui se fixent bon gré mal gré dans le souvenir (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t.4, 1851, p.565).Le village chante avec le parler de tous les jours, avec ses locutions pittoresques, ses mots savoureux (Menon, Lecotté, Vill. Fr.,2, 1954, p.105): 5. ... une infinité de notes historiques, captivantes, pertinentes, pittoresques, pétillantes (...) qui font mon admiration et ma joie par tout ce que ces vieux bouts de papiers recèlent de vie condensée...
Cendrars, Bourlinguer,1948, p.18. ♦ MUS. Suite pittoresque; sonorités pittoresques. Tout désormais [après Mozart] nous semblera incohérent, forcé, grossier, de Beethoven à Wagner, dans la musique pittoresque (Ghéon, Prom. Mozart, 1932, p.165).La musique extrêmement savante, pittoresque, est d'une variété et d'une couleur merveilleuses (Dumesnil, Hist. théâtre lyr.,1953, p.178). − Empl. subst., PEINT. Caractère de ce qui est pittoresque. Israël Silvestre (...) est un véritable spécialiste des images de villes (...). Par son goût du pittoresque, il se rapproche de Callot et de Bosse. Il eut surtout un sens très vif de la beauté urbaine, comme le prouvent ses vues de Paris, Lyon, Grenoble, Venise (P. Lavedan, Urban.,1926, p.134).Comme dans les meilleures oeuvres d'art, le pittoresque y a été sacrifié au pictural (Arts et litt.,t.1, 1935, p.84-10). ♦ [À propos d'un type de peintre] Les pittoresques. [L'école hollandaise] vous y trouverez (...) dans chaque catégorie, presque autant de sous-genres que de tempéraments, depuis les pittoresques jusqu'aux idéologues, depuis les copistes jusqu'aux arrangeurs (Fromentin, Maîtres autrefois,1876, p.167). Prononc. et Orth.: [pitɔ
ʀ
εsk]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist.1. 1658 à la pittoresque «à la manière des peintres» (Scarron, A Monsieur Mignart ds Poés. diverses, éd. M. Cauchie, t.2, p.330); 1708 «qui concerne la peinture» (R. de Piles, Cours de peinture, p.118 ds Fonds Barbier); 2. 1719 «qui est particulièrement expressif, original (d'une oeuvre d'art)» (J.-B. Du Bos, Réflexions crit. sur la poés. et sur la peint., t.1, p.254: J'appelle composition Pittoresque, l'arrangement des objets qui doivent entrer dans un tableau par rapport à l'effet general de ce tableau. Une bonne composition pittoresque est celle dont le coup d'oeil fait un grand effet suivant l'intention du peintre et le but qu'il s'est proposé); 1721 subst. (A.Coypel, Conférences ds H. Jouin, Conf. de l'Ac. Roy. de peint. et de sculpt., p.242 ds Brunot t.6, p.760: le pittoresque n'est autre chose qu'un choix piquant et singulier des effets de la Nature assaisonné de l'esprit et du goût et soutenu par la raison); 3. 1738 «qui est digne d'être peint» (Marquis d'Argens, Lettres juives, t.6, p.71: drapperies pittoresques); 4. 1749 «qui plaît, qui retient l'attention par son caractère original» ([A. N. Dezallier d'Argenville fils], Voyage pittoresque des environs de Paris [titre] ds Fonds Barbier); 5. 1833 Le Magasin pittoresque [titre], rec. habdomadaire illustré ayant existé de janv. 1833 à juill. 1938. Empr. à l'ital. pittoresco, att. au sens 2 dep. le xviies. (Redi, D. Bartoli ds Tomm.-Bell.; aussi alla pittoresca «à la manière des peintres» au xvies., Vasari, ibid.), dér. de pittore «peintre», du lat. pictor, -oris «id.» (cf. peintre). Fréq. abs. littér.: 1135. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1988, b) 1682; xxes.: a) 1251, b) 1476. DÉR. Pittoresquement, adv.D'une manière pittoresque. a) [Corresp. à supra B] Moissonneurs pliés en deux, et moissonneuses (...) et gerbes (...) et charrettes (...) toute cette activité se groupe pittoresquement dans l'embrasement doré (Goncourt, Ét. art,1893, p.100).b) [Corresp. à supra C] C'était jour de marché, et la place était couverte d'ânes, de mulets pittoresquement harnachés, et de paysans à mines singulières et farouches (Gautier, Tra los montes,1843, p.25).− [pitɔ
ʀ
εskəmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1762. − 1reattest. 1732 (Mercure de France, déc., 1, 2706 ds DG); de pittoresque, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.: 47. BBG. −Darm. 1877, p.207. - Duch. Beauté. 1960, p.177, 178. _Gohin 1903, p.368. _Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p.225. _Hope 1971, p.364. _Quem. DDL t.17 (s.v. pittoresquement). |