| PIQUANT, -ANTE, part. prés., adj. et subst. I. − Part. prés. de piquer*. II. − Empl. adj. A. − [Corresp. à piquer I A et B] Qui présente une ou plusieurs pointes susceptibles de percer, de pénétrer dans la chair, de blesser. Synon. aigu.Ronces piquantes. Mais moi, lorsque, l'Été, les piquantes abeilles volent comme de petits morceaux de soleil, je plains le petit âne (Jammes, De l'angélus,1898, p.134).Je poussais de ma canne des châtaignes piquantes comme des oursins (Proust, Guermantes 2,1921, p.389): 1. ... il put s'accrocher à la saillie du quai et pratiquer une ouverture au travers des buissons piquants d'aubépines et de grenadiers, brèche étroite qu'il ne franchit sans y meurtrir cruellement ses mains, ses pieds et tout son corps.
Maurras, Chemin Paradis,1894, p.103. B. − [Corresp. à piquer I C] Qui produit une sensation de piqûres. 1. [En parlant d'une matière rugueuse, qui comporte des aspérités] Omer se fit embrasser par la barbe piquante (Adam, Enf. Aust.,1902, p.128). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Je sens sur ma nuque le piquant de leur barbe et la chaleur de leur haleine (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p.21). 2. [En parlant de qqc. qui affecte certains sens par une sensation rappelant celle de piqûres] Synon. aigre, âpre, cuisant, vif.Vent piquant; boisson piquante; condiment piquant. Ce vin de Chianti est d'une saveur piquante et mousse légèrement (A. France, Pierre bl.,1905, p.203).L'odeur piquante de la farine de moutarde emplit la pièce (Abellio, Pacifiques,1946, p.342): 2. J'attendrai le soleil ou le vent sec, ou mieux la gelée. Ah! l'excitation du froid piquant, qui cingle en poignées d'aiguilles mes poumons, fait de mon nez charmant un bonbon glacé!
Colette, Dialog. bêtes,1905, p.106. ♦ Eau piquante (fam.). Eau gazeuse. Les anciens Ambertois allaient s'égayer et manger des oeufs rouges dans les verts prés de Roddes, près de la fontaine d'eau piquante (Pourrat, Gaspard,1922, p.49). ♦ Sauce piquante. Sauce très relevée, dont les principaux ingrédients sont le vin blanc, la moutarde, le vinaigre, l'échalote. Un plat de raie et un plat de boeuf à la sauce piquante tenaient les deux bouts (Zola, Bonh. dames,1883, p.551).Les côtelettes à la sauce piquante (T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p.50). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Dans la salle où l'on boit, on sent le piquant du vinaigre cuit, versé sur la grillade, et qui mord les feuilles de persil (Vallès, J. Vingtras,Enf., 1879, p.145). C. − [Corresp. à piquer I D] 1. Destiné à irriter, à atteindre l'amour-propre. a) [Qualifie un écrit, un propos, un comportement] Synon. acerbe, blessant, caustique, mordant.Plaisanterie piquante; article, ton piquant. Sanréal eût bien voulu se fâcher, mais il craignit un mot piquant de Du Poirier (Stendhal, L. Leuwen,t.2, 1835, p.200). b) [P. méton., qualifie une pers.] MmeHocquart est une femme assez piquante, rude, brusque, décisive (Constant, Journaux,1805, p.201). 2. Qui suscite vivement l'attention, l'intérêt, la réflexion par son aspect curieux, original. Synon. excitant, pétillant, pittoresque, spirituel; anton. fade, morne. a) [Qualifie un écrit, un propos, un comportement] Narration, révélation piquante; spectacle piquant. Au milieu de ce grand salon aux meubles fanés et aux dorures ternies, ces deux personnages faisaient un aimable et piquant tableau d'intérieur (Theuriet, Mariage Gérard,1875, p.29).Il sortait de chez M. Sidoine et s'était fait un succès du récit piquant de son entrevue avec le haut fonctionnaire (Vailland, Drôle de jeu,1945, p.240): 3. ... il lisait des Mercures ou journaux anciens. Il y trouvait diverses anecdotes et circonstances de Beaumarchais. Cette lecture était piquante par l'extrême différence des moeurs, bien que dans des temps si voisins.
Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.1, 1823, p.882. ♦ Il est piquant de... + inf., que... + subj.Il est amusant, curieux, paradoxal de..., que... La vie n'est ennuyeuse que parce qu'elle finit. Si j'étais éternel, je m'amuserais bien de ce monde; mais il est piquant d'imaginer que les fous et les coquins nous survivent (Constant, Journaux,1804, p.163).Savez-vous combien il est piquant de tenir en suspens le coeur des jeunes filles, d'irriter leur rivalité (...)? (M. de Guérin, Poés.,1839, p.49).Il serait piquant que les photographes (...) donnent aux peintres la marche à suivre pour l'assainissement de leur corporation (Lhote, Peint. d'abord,1942, p.171). − En partic. Qui présente un caractère léger, grivois. Synon. coquin, croustillant (fam.), salé (fam.).Marguerite de Navarre, pour se désennuyer peut-être de ses poésies chrétiennes, écrivit le piquant Heptameron (Sainte-Beuve, Poés.,1828, p.264). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ça ne manque pas de piquant. Son air jeune et spirituel, ses beaux yeux bleus, ses charmants cheveux blonds et cette aisance qui donne tant de piquant à sa pudeur naturelle (Delécluze, Journal,1826, p.311).Maintenant que je sais que cette belle fille (...) est à moi, l'aventure a perdu de son piquant (Balzac, Fille yeux d'or,1835, p.368).Dès qu'un être n'a plus de piquant pour lui, sa curiosité tombe (Martin du G., Notes Gide,1951, p.1368). b) [Qualifie une femme] Une brune piquante. Madame Le Roy, une diablesse de trente-cinq ans, fort piquante et avec des yeux charmants (Stendhal, H. Brulard,t.1, 1836, p.177).Madame Boucher resta longtemps jolie; elle était assez piquante pour tenter les crayons de La Tour, qui exposa son image au Salon de 1737 (Nolhac, Boucher,1907, p.88). III. − Empl. subst. masc. A. − Partie dure et acérée de la carapace, du corps de certains animaux, ou de la tige, de l'écorce de certains végétaux. Synon. épine, aiguillon.Tuons ces espèces de cochons à piquants longs et durs (Maran, Batouala,1921, p.177).Nulle végétation, que celle des nopals −ces paradoxales raquettes vertes, couvertes de piquants venimeux (Gide, Si le grain,1924, p.558): 4. Un porc-épic, assez médiocre comme gibier, mais d'une incontestable valeur, grâce aux piquants dont il était hérissé. Ces piquants furent ajustés solidement à l'extrémité des flèches, dont la direction fut assurée par un empennage de plumes de kakatoès.
Verne, Île myst.,1874, p.117. − P. métaph. La cuisson de tous les piquants de l'imagination en révolte (Gobineau, Pléiades,1874, p.130). B. − Pointe aiguë (sur un objet, un instrument). Un formidable gourdin fait d'un bois des îles garni dans toute sa longueur de piquants aigus (Flaub., Champs et grèves,1848, p.330).Si je touche une étoffe de lin ou une brosse, entre les piquants de la brosse ou les fils du lin, il n'y a pas un néant tactile, mais un espace tactile sans matière, un fond tactile (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p.365). REM. Piquot, subst. masc.,synon. (supra III A).Le hérisson. Les bohémiens en mangent beaucoup. Ils le passent sur le feu, les «piquots» tombent (Renard, Journal,1902, p.741). Prononc. et Orth.: [pikɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Ac. 1694, 1718: picquant; dep. 1740: piquant. Étymol. et Hist. I. A. 1. 1372 «projectile quelconque» (Arch. JJ 104 pièce 73 ds Du Cange, s.v. Picare3); 2. 1416 «pointe d'une plante» (Alain Chartier, Quatre dames, éd. J. C. Laidlaw, 1895); 3. 1429 «pointe de certains instruments» (Compte de Jeh. Hillaire, Forteresse, XXXIX, Mandem. du 24 fevr., Arch. mun. Orléans ds Gdf. Compl.); 4. 1688 «chacune des armes du hérisson» (Rich.). B. 1722 «caractère paradoxal d'une situation» (A. Piron, Arlequin-Deucalion, p.347). II. 1. 1398 «qui fait une impression vive sur l'organe du goût» (Ménagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p.264, 21); 2. 1480 «mordant (d'une parole)» motz picquans (Guillaume Coquillart, Les Nouveaulx Droitz, 2185, éd. M. J. Freeman, p.237); 3. 1617 «qui produit sur l'épiderme la sensation de piqûres» (A. d'Aubigné, Faen., III, 7 ds Littré). Part. prés. subst. et adjectivé de piquer*. Fréq. abs. littér.: 1033. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2581, b) 1365; xxes.: a) 897, b) 918. |