| * Dans l'article "PIPE,, subst. fém." PIPE, subst. fém. A. − 1. Vieux a) Pipeau; chalumeau, tuyau. (Dict. xixeet xxes.). b) LITURG. ANC. Chalumeau avec lequel le célébrant buvait le vin consacré. À Saint-Denys le diacre et le sous-diacre communiaient à la grand-messe avec une pipe d'or (Ac. Compl.1842). 2. MÉTROLOGIE a) Ancienne capacité de mesure pour les liquides équivalant à un muid et demi, soit quatre-cent deux litres environ. (Dict. xixeet xxes.). Quinze ou vingt grandes tables, un jeu continuel, des bals éternels (...): voilà les états. J'oublie trois ou quatre cents pipes de vin qu'on y boit (Chateaubr., Mém.,t.1, 1848, p.198). b) Grande futaille, de capacité variable selon les régions; p.méton., son contenu. Une pipe de cidre, de cognac, d'eau-de-vie. La récolte de vin qui, en 1813, s'élevait à vingt-deux mille pipes, est tombée, en 1845, à deux mille six cent soixante-neuf (Verne, Enf. cap. Grant,t.1, 1868, p.61).Et que l'entrepôt mammouth pète comme une pipe de rhum! (Claudel, Échange,1954, iii, p.776): 1. Nous avions pris à bord de chaque bâtiment soixante pipes de vin: cette opération nous avait obligés de désarrimer la moitié de notre cale pour trouver les tonneaux vides qui étaient destinés à le contenir.
Voy. La Pérouse,t.2, 1797, p.18. 3. a) Arg. Gosier, gorge. J'ai la confession qui m'étrangle la pipe (Queneau, Zazie,1959, p.220). b) Loc. fam. Casser sa pipe (pop.). Mourir. V. casser I A 2 b; v. aussi casse-pipe(s).Se fendre la pipe (pop.). V. fendre A 2 b.Saigner à pleine pipe (arg.). Saigner abondamment. (Ds Esn. 1966). B. − 1. Instrument de fumeur, constitué d'un fourneau qu'on bourre de tabac ou d'une autre substance fumable (opium, etc.) et d'un tuyau par lequel on aspire la fumée. Synon. bouffarde (fam.), brûle-gueule, calumet.On remplit de nouveau les verres, quand Yann fut assis, et on appela le mousse pour rebourrer les pipes et les allumer (Loti, Pêch. Isl.,1886, p.8).Le soir d'hiver où l'on était allé voler des allumettes à la chapelle, près de la veilleuse, pour fumer des feuilles sèches de marronnier dans des pipes de roseau (Zola, L'OEuvre,1886, p.36): 2. ... un des bouviers tira de sa poche une pipe, un paquet de tabac belge, bourra le fourneau, puis, renversé sur sa chaise, alluma la pipe, et son visage apparut rouge et bleu, dans l'éclair de la flamme et de la fumée.
R. Bazin, Blé,1907, p.282. SYNT. Courte, grande, grosse, longue, petite, vieille pipe; pipe noire, turque, d'argent, de porcelaine, en bois, en bruyère, en écume, en terre; fourneau, talon, tuyau de pipe; pipe culottée, allumée, éteinte; avoir la pipe à la bouche, au bec, aux dents, aux lèvres, à la main, entre les dents; allumer, bourrer, débourrer, culotter, curer, écurer, ramoner, vider sa pipe. − Loc. verb. fam. Se soucier de qqc. comme d'une vieille pipe. Ne pas s'en soucier du tout, s'en moquer éperdument. Je suis peu sentimental de ma nature, et (...) je me soucie de la vie humaine comme d'une vieille pipe (Ponson du terr., Rocambole,t.3, 1859, p.435). − CÉRAM. Terre de pipe. Faïence blanche, poreuse. Synon. faïence* fine.La table (...) n'avait rien qui sentît le luxe. La vaisselle était en terre de pipe (Balzac, Méd. camp.,1833, p.63).Mon goûter passa en un instant de la cheminée sur la table. Avec quel plaisir je retrouvai mon assiette de terre de pipe! (Sand, Hist. vie,t.2, 1855, p.309). 2. P. méton. a) Contenu d'une pipe, ce qu'on peut fumer en une fois avec une pipe. Synon. pipée1*.Allumer, fumer, griller une (bonne) pipe. Je t'attends dans le mois de septembre (...) nous pourrons aller en barque et fumer quelques pipes (Flaub., Corresp.,1841, p.83).Il parla, sans désemparer, jusqu'à midi et demi. S'il s'interrompit deux ou trois fois, ce fut pour rallumer sa pipe. Il fumait régulièrement, par bouffées égales, comme la cheminée d'une machine à vapeur (About, Roi mont.,1857, p.4). − En partic. [Chez les toxicomanes] Dose d'opium ou de hachisch qui s'absorbe en fumant une pipe. Ferral faisait semblant de fumer −une, deux pipes, toujours moins qu'il n'en eût fallu pour qu'il éprouvât l'action de l'opium − (Malraux, Cond. hum.,1933, p.345): 3. ... je la vis se «fabriquer» dès le matin, fumant encore quelques pipes, reprenant une prise de cocaïne, encore deux pipes, oui-non, une petite prise, c'est trop, une pipe pour atténuer (...) faisant à la fin d'infinis calculs sur ce qu'un souffle d'opium, une poussière de cocaïne, ajouterait à son brio...
Vailland, Drôle de jeu,1945, p.37. b) Odeur de tabac de pipe. Relent de pipe. Elle sentait la pipe et l'eau-de-vie comme la gloire au bivouac (Chateaubr., Mém.,t.4, 1848, p.293). c) Action, habitude de fumer la pipe. Le conseiller aulique Hans et Meister Philippe Pour elle avaient laissé le genièvre et la pipe (Gautier, Albertus,1833, p.140).Les hommes (...) interrompaient leur pipe ou leur partie de bézigue (Huysmans, Marthe,1876, p.14): 4. ... j'ai pris, d'accord avec Pierre, la résolution de m'abstenir momentanément de thé, et même j'avais commencé par renoncer aussi à la pipe...
Du Bos, Journal,1927, p.294. 3. P. anal. a) Bonbon de sucre d'orge en forme de pipe. Madame Lepic (...) ramène sur un papier jaune une pipe en sucre rouge. Poil de Carotte (...) sa pipe en sucre rouge entre deux doigts seulement (...) se cambre, incline la tête du côté gauche (Renard, Poil Carotte,1894, p.117). b) Objet en terre en forme de pipe servant de cible au tir à la carabine sur un champ de foire. Il y eut trois baraques (...): un tir de pipes, un carrousel et un petit cirque (Ramuz, A. Pache,1911, p.298). c) Verre muni d'un chalumeau permettant de déguster des alcools. Pipe à cognac. 4. Arg. ou pop. Cigarette. Un paquet de pipes. −T'as du tabac? Il dit. Donne une pipe. −T'en veux un paquet? J'en ai trois dans ma musette (Giono, Gd troupeau,1931, p.97).−Tu veux une pipe? interrogea le chauffeur en tendant un paquet de Craven par-dessus son épaule (Fallet, Banl. Sud-Est,1947, p.311). 5. Expr. et loc., fam. ou pop. ♦ Tête de pipe (pop.). Individu laid, grotesque ou borné. (Dict. xixeet xxes.). Je n'aimais point qu'il appelât têtes de pipe les portraits bizarres des ancêtres (A. France, Livre ami,1885, p.127).Par tête de pipe (fam.). Par personne (dans un groupe). Moûlu compte les cigarettes: «Quatre-vingts. Ça fait onze par tête de pipe et il en reste trois à tirer au sort. On les distribue?» (Sartre, Mort ds âme,1949, p.229). ♦ Nom d'une pipe! [Juron fam. p.euphém. de nom de Dieu!, servant à marquer l'étonnement, l'indignation] Nom d'une pipe! je suis méchant comme le diable avec ceux qui me tracassent, ou qui ne me reviennent pas (Balzac, Goriot,1835, p.118).Oh! nom d'une pipe, trois heures et demie!... et les autres qui doivent venir me chercher!... (Feydeau, Dame Maxim's,1914, i, 23, p.26). ♦ Fumer la/sa pipe (arg.). Avoir une attaque d'apoplexie. [Dans une hémiplégie] l'attention du médecin est attirée par la déviation de la commissure labiale vers le côté sain et le soulèvement expiratoire de la joue du côté paralysé. On dit que le malade «fume sa pipe» (Quillet Méd.1965, p.367). 6. Trivial. Synon. de fellation, pompier (vulg.).Faire, se faire faire une pipe. Freddy la Lope, qu'était gourmand de ce truc-là, taillait des pipes dans les tasses près de la gare Montparnasse (Le Breton1960). C. − TECHNOLOGIE 1. Élément de tuyauterie, tube d'adduction d'un combustible liquide, d'air (comprimé). Synon. conduit, tuyau.Pipe d'aération; pipe d'alimentation d'un poêle; pipe de W.C. Ces collecteurs, appelés souvent pipes (d'admission ou d'échappement) sont en fonte et généralement assemblés côte à côte (Chapelain, Techn. automob.,1956, p.38). 2. Tuyau isolateur d'une conduite électrique; tuyau de canalisation de gaz. Pour la traversée des plafonds, murs, etc. (...) il faut isoler la conduite [de canalisation] par une pipe en fer forgé ou en cuivre qu'on emmure dans la maçonnerie (Quéret, Industr. gaz,1923, p.239). 3. ,,Tuyauterie amenant les gaz carburés du carburateur au cylindre`` (Lar. Lang. fr.). Le pot d'échappement a été supprimé et les pipes ouvrent sur l'air directement (Chambe, Enlevez cales,1935, p.54). Prononc. et Orth.: [pip]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1225 «flûte champêtre» (Gerbert de Montreuil, Continuation de Perceval, éd. M. Williams, 3824); 2. ca 1225 «tuyau servant à prélever un liquide» (Henri d'Andeli, Bataille des vins, éd. A. Héron, 4, p.22); ca 1283 «tuyau» (Roisin, éd. R. Monier, § 82, p.58); 3. 1269-78 «mesure de liquide» ici dans une expr. dévalorisante (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 5024); 1306 pippe «tonneau» (Guillaume Guiart, Royaux lignages, éd. de Wailly et Delisle, 12065). P. ext. B. 1. 1636 (Monet: Pipe, Pipeau à tabac, à humer la fumée du tabac); 1665-66 [éd. 1674] fumer une pipe (M. de Thévenot, Suite du Voyage de Levant, p.82 ds Fr. mod. t.21, p.294); d'où 1900 pop. «cigarette» (Esn., s.v. piper1); 1901 (Rossignol, Dict. arg.); 2. 1803 technol. (Boiste: Pipe, coin, t.de meunier); 1924 électr. (Coustet, T.S.F. prat., p.53: pipe d'entrée). P. ext. de B 1 C. a) 1649 casser sa pipe «crever de rage» d'apr. Esn.; 1856 casser* sa pipe; 1867 pipe «tête, visage» (Chanson ds Delvau); 1878 (Rigaud, Dict. jargon paris., p.230: moule de pipe à Gambier. Personne grotesque); 1883 (Fustier, Suppl. dict. Delvau, p.554: Tête de pipe. Idiot); 1948 par tête de pipe (H. Bazin, Vipère, p.113); 1947 se fendre la pipe «rire» (Stollé, Douze récits hist., p.11); b) 1790 sacré nom d'une pipe juron (Si tu t'en fouts, je m'en contre..., p.3 ds Quem. DDL t.19, s.v. nom d'une pipe!); c) 1927 arg. (Dussort, Preuves exist., dép. par G. Esnault, 1938, p.113: On dit [...] en jargon «prendre la pipe» au sens de coït buccal pratiqué à l'homme); 1935 faire la pipe «id.» (Lacassagne, Arg. «milieu», p.154). Déverbal de piper1*; cf. le lat. médiév. pipa «tuyau» 867 ds Nierm. et «tonneau» 1212 ds Latham. Fréq. abs. littér.: 1972. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1664, b) 4231; xxes.: a) 3385, b) 2658. DÉR. Pipier, -ière, subst. et adj.a) Subst. Ouvrier, ouvrière employé(e) dans la fabrication des pipes, notamment au tournage et au façonnage. Pipiers de Saint-Claude, pipières de Cogolin. (Dict. xixeet xxes.). b) Adj. Qui concerne la fabrication des pipes. L'industrie pipière en France (Littré).− [pipje], fém. [-jε:ʀ]. − 1resattest. 1703 subst. masc. pipier «fabricant de pipes» (Arch. Seine-Inf., C. 312, in C. de Beaurepaire, Dern. mélanges hist. et archéol., 27 ds Fonds Barbier: Pierre Gonfreville, pipier, sa femme distribuant tabac), 1869 adj. (Littré: pipier, -ière. Qui a rapport à la fabrication des pipes à fumer); de pipe B 1, suff. -ier*; cf. le lat. médiév. piparius «celui qui joue de la pipe» 1362 ds Latham. BBG. −Baldinger (K.). Zur Entwicklung der Tabakindustrie und ihrer Terminologie. In: [Mél. Piel (J.M.)]. Heidelberg, 1969, p.37 (et s.v. pipière). _Brücker (F.). Die Blasinstrumente in der altfranzösischen Literatur. Giessen, 1926, p.28. _Chautard Vie étrange Argot 1931, pp.77-78. _Quem. DDL t.8; 19 (s.v. nom d'une pipe!). |