| PERVERS, -ERSE, adj. et subst. I. − Empl. adj. A. − [En parlant d'une pers. ou d'une divinité] 1. Enclin au mal; qui fait, qui aime à faire le mal. Synon. corrompu, malfaisant, méchant.Créature, dieu, divinité, jouisseur, race pervers(e). L'homme (...) devient pervers; il vole, il ment; L'âme inconnue et sombre a des vices d'esclave (Hugo, Légende,t.2, 1859, p.605).Beaucoup de ces rustres (...) croient (...) aux ondines perverses et naufrageuses (Arnoux, Rhône,1944, p.64). 2. PSYCHOPATHOL. Qui est totalement dépourvu de sentiments et de sens moral (d'apr. Méd. Biol. t.3 1972). L'enfant dit «pervers», c'est-à-dire celui qui manifeste des tendances pathologiques à accomplir des actes immoraux, agressifs (Leif1974,s.v. perversité).L'homme pervers (atteint de perversité) «ne s'abandonne pas seulement au mal, mais le désire» (VirelPsych.1977).V. cupide B 2 ex. de Mounier. − En partic. Dont le comportement sexuel s'écarte de la normalité. Synon. dépravé, vicieux.Bien des individus (...) résistent parfois difficilement à l'invasion de leur imagination par des fantasmes sexuels dits pervers sans qu'on puisse les classer parmi les personnalités perverses (Bastin1970, s.v. perversion). B. − [P. méton., en parlant d'un attribut d'une pers., d'une manifestation de l'esprit humain] 1. Qui caractérise, qui est le fait d'une personne encline au mal, qui fait, qui aime à faire le mal. Je parle des femmes vraiment femmes, douées de cet esprit (...) de canaillerie charmante, de tromperie exquise, de délicieuse perfidie, de toutes ces perverses qualités qui poussent au suicide les amants imbécilement crédules (Maupass., Contes et nouv.,t.1, Avent. paris., 1881, p.761).Un besoin pervers et enfantin de mystifier le lecteur (Sarraute, Ère soupçon,1956, p.73). SYNT. Âme, esprit, intelligence, nature pervers(e); conseil, curiosité, désir, goût, impulsion, instinct, joie, plaisir, sensualité, volupté pervers(e). ♦ P. anal. Effet pervers. Conséquence néfaste, pernicieuse, qui n'était pas prévue ou prévisible, et qui n'en est que plus redoutable. C'est (...) à l'actionnaire (l'État) ou à l'épargnant (en souscrivant à des emprunts) de financer l'investissement (...). D'abord, on risque de déclencher des «effets pervers», ces conséquences imprévues qui vont à l'encontre du but recherché (Le Point, 1ermai 1978, p.86, col. 2).La guerre des ondes a eu un autre effet pervers. En cryptant leurs programmes pour riposter au piratage, les responsables des chaînes câblées ont du même coup cassé le marché des installations satellites aux États-Unis (L'Express 2, 21 nov.-18 déc. 1986, p.34). 2. PSYCHOPATHOL. Qui caractérise un pervers constitutionnel (v. infra). Disposition perverse. Du point de vue médico-légal, (...) il convient d'apprécier dans quelle mesure un acte pervers est le résultat dans l'intention de mal faire, d'une libération volontaire des tendances mauvaises de la nature, ou l'effet malfaisant d'une détérioration pathologique de la personnalité morale (Porot1960). − En partic. Qui caractérise un sujet dont le comportement sexuel s'écarte de la normalité. La disposition perverse polymorphe définit toute sexualité infantile, (...) la plupart des perversions se rencontrent dans le développement psychosexuel de tout individu (Lapl.-Pont.1967,s.v. perversion).Ce n'est qu'au cours de la deuxième poussée sexuelle (puberté) que la fraction des activités «perverses» (érotiques extra-génitales) qui n'a pas été refoulée (...) sera réintégrée à la sexualité, sous forme des plaisirs préliminaires (Chazaud1973, s.v. perversion).V. Bastin 1970 supra: 1. ... ce qui (...) leur avait été présenté comme vice, (...) −l'homosexualité, les drogues, les formes compliquées ou perverses de l'érotisme −la jeunesse en faisait étalage devant eux comme d'amusements presque normaux...
Druon, Gdes fam.,t.1, 1948, p.26. ♦ P. méton. [En parlant d'une chose] Qui corrompt, qui incite à faire le mal dans le domaine sexuel. Beauté perverse. L'odeur perverse des parfums (Huysmans, À rebours,1884, p.72).Sa rousse et perverse chevelure (...) était parcourue (...) d'ondes étonnantes qui m'arrivaient droit par vibrations jusqu'au périnée (Céline, Voyage,1932, p.123): 2. Les sons pervers de l'accordéon perçaient encore ses oreilles, l'horreur des yeux humains excités par la concupiscence restait sur elle.
Jouve, Paulina,1925, p.205. II. − Empl. subst. A. − 1. Personne qui est encline au mal, qui fait ou qui aime à faire le mal. Que toute la nature Crie à l'aspect de ces pervers: Hou, les vils scélérats! Les monstres! Les infâmes! (Chénier, Ïambes,1794, p.270). 2. PSYCHOPATHOL. Pervers (constitutionnel). ,,Sujet totalement dépourvu de sentiments et de sens moral, enclin à faire le mal volontairement et dont le caractère asocial se manifeste très tôt, dès l'enfance`` (Méd. Biol. t.3 1972). Méchanceté foncière du pervers. «L'honnête homme» (...) n'est «l'honnête homme» que pour lui, parce qu'il lui plaît. Le saint ni le pervers ne sont aussi bien maîtres d'eux-mêmes (Jouhandeau, M. Godeau,1926, p.55).Le niveau intellectuel du pervers conditionne largement son comportement social et rend compte du plan d'organisation plus ou moins habile de ses méfaits (Porot1960,s.v. perversion).Les véritables pervers sont rares; ce sont de «mauvais sujets», incapables de se plier à une discipline, égoïstes, (...) méchants, [ils] font souffrir les animaux, se répandent en calomnies (...) et prennent plaisir à accomplir des actes antisociaux ou contre nature (Sill.1965, s.v. perversion).V. perversité ex. de Mounier. − En partic. Sujet dont le comportement sexuel s'écarte de la normalité. Pervers dont la satisfaction complète est inséparable des actes que l'on pourrait appeler accessoires ou préparatoires au coït normal (Porot1960,s.v. perversions sexuelles).Selon la théorie classique, le petit enfant humain est un pervers polymorphe, c'est-à-dire que ses désirs sexuels infantiles ne sont canalisés dans aucune direction et qu'il considère les différentes zones érogènes comme interchangeables (Rycr.1972, s.v. perversité polymorphe): 3. Elle trouva amusant de déniaiser ce gamin (...). Lui, immédiatement possédé, hanté, éperdu de passion pour cette perverse, en devint follement amoureux et jaloux.
Van der Meersch, Invas. 14,1935, p.171. B. − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre, littér. et/ou PSYCHOPATHOL. Goût du mal, caractère de celui, celle qui est enclin au mal, qui fait, qui aime à faire le mal. Ce qui est nul finit un jour ou l'autre par tomber dans le pervers (Gobineau, Pléiades,1874, p.278).[L'] inactivité (...) oriente les nerveux vers le frémissement brutal de l'anormal et du pervers (Mounier, Traité caract.,1946, p.253): 4. ... Lafcadio (...) pousse son compagnon hors du wagon, pour rien, par curiosité de lui-même. Cette dangereuse curiosité de soi, c'est pourtant le principe de l'éthique d'André Gide, comme ce goût du pervers, celui de son esthétique.
Massis, Jugements,1924, p.12. REM. Perversement, adv.D'une manière perverse. Leurs mains perversement câlines [des femmes des bars] En servant ont d'heureux hasards (Lorrain, Modern.,1885, p.23).Inaccessible au sacré, j'adorais la magie: le cinéma, c'était une apparence suspecte que j'aimais perversement pour ce qui lui manquait encore (Sartre, Mots,1964, p.101). Prononc. et Orth.: [pε
ʀvε:ʀ], fém. [-ε
ʀs]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1remoitié xiies. subst. purvers «celui qui est enclin à faire le mal» (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, XVII, 26); 1176-81 adj. pervers «qui est enclin à faire le mal» (Chrétien de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 1352). Empr. au lat. perversus «renversé» et au fig. «appliqué à contre temps; vicieux», part. passé adj. de pervertere, v. pervertir. Fréq. abs. littér.: 590. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 692, b) 635; xxes.: a) 1130, b) 897. |