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PERRUQUE, subst. fém.
A. − Coiffure de cheveux postiches naturels ou artificiels. Nos grands-pères étaient attendris par l'Oreste d'Andromaque, joué avec une grande perruque poudrée, et en bas rouges avec des souliers à rosette de rubans couleur de feu (Stendhal, Racine et Shakspeare,t.1, 1825, p.98).Si elle avait été belle (...), il n'y paraissait guère, surtout avec la coiffure qu'elle portait et qui consistait en une petite perruque blonde frisée à l'enfant ou à la Titus sur toute la tête. Rien n'était si laid et si ridicule que de voir une vieille femme avec ce simulacre de tête nue et de cheveux courts, blondins et frisotés (Sand, Hist. vie,t.2, 1855, p.321).
SYNT. Énorme, grosse perruque; perruque de cheveux, de soie, de laine, de chanvre, de chiendent; perruque à la Louis XIV; perruque à queue de rat; perruque d'acteur; magistrats à perruque; mettre, porter une perruque; porter perruque; être affublé, coiffé d'une perruque; monter une perruque.
HIST. DE LA COIFF. Perruque à/en bourse*, à la brigadière*, à marteau(x)*; perruque poudrée à frimas*; perruque in-folio*.
Perruque à la frégate ou à la Belle-Poule. Perruque exécutée en souvenir de la victoire de la frégate la Belle-Poule sur la frégate anglaise l'Aréthuse (en 1778):
1. Chez M. Clarkson, ce ne sont, posées sur leurs champignons, que chevelures de soie, barbes postiches (...), faux cheveux refrisés au fer chaud, perruques à catogan, hautes perruques Louis XVI à la frégate, pièces montées qui servent encore pour jouer les comédies de Sheridan. On dirait la fameuse planche des perruques, de Hogarth. Morand, Londres,1933, p.247.
P. métaph. Le classique napoléonien était le génie du dix-neuvième siècle affublé de la perruque de Louis XIV, ou frisé comme au temps de Louis XV (Chateaubr., Mém.,t.2, 1848, p.50).
Loc. et expr.
Tête à perruque. ,,Tête en bois, sur laquelle on place une perruque pour l'accommoder`` (Littré). [Une académie] a donné 3956 approbations, tant sur de nouvelles recettes de fard, de pommades (...) que sur la forme la plus avantageuse des faux toupets, des têtes à perruque, des canules de seringue, et sur mille autres objets de pareille importance (Marat, Pamphlets,Charlatans mod., 1791, p.287).Au fig. V. infra C.
Vx. Donner, recevoir une perruque. Réprimander (quelqu'un), être réprimandé fortement. Je suis allé à Saint-Sauveur l'autre jour et j'y ai reçu une forte perruque pour avoir mal parlé du duc d'Albe (Mérimée, Lettres Mmede La Rochejacquelein,1859, p.251).
B. − P. anal.
1. BIJOUT. ,,Outil de bijoutier, masse de fil de fer sur laquelle on soude les métaux`` (Pt Rob.; ds Lar. Lang. fr., Lexis 1975).
2. BOT. Arbre(-)à(-)perruque(s). Arbrisseau méditerranéen de la famille des Térébinthacées. Des plumules de l'arbre-à-perruque, des pétales de clématites pleuvaient sur elle [la chatte] (Colette, Chatte,1933, p.65).Chez le Rhus Cotinus (...) les pédoncules floraux s'allongent après la fécondation et se couvrent de poils, d'où le nom d'arbre à perruques qui lui est donné (Bot.,1960, p.1017 [Encyclop. de la Pléiade]).
3. PÊCHE. Amas formé par une ligne qui s'emmêle. Le fil s'est pelotonné, mêlé, noué, ramassé en paquet. Cela s'appelle une perruque. Un démêloir y perdrait ses dents, un pêcheur sa patience et ses ongles (Genevoix, Boîte à pêche,1926, p.155).Une perruque se produit quand le moulinet tourne plus vite que le Nylon [ne] s'échappe ou si quelque chose est venu contrarier le lancement du tambour fixe (Pollet1970).
C. − P. méton., fam., vx. (Vieille) perruque, tête à perruque. Personne âgée ou considérée comme telle et dont les idées, les goûts, les habitudes sont ridiculement surannés. Qu'attendre de la moralité d'un de ces êtres qui avec la jeunesse cessant d'être poupées, deviennent des têtes à perruque? (Barb. d'Aurev., Memor. 1,1838, p.211).Je vais aller trouver cette vieille perruque, cette absurde ganache! (Hugo, Misér.,t.2, 1862, p.251).
[Le plus souvent empl. par les Romantiques ou p.réf. au romantisme pour désigner les classiques ou leurs adeptes] Je m'attendais à trouver un homme d'esprit [Lemercier], peut-être un peu paradoxal, j'ai trouvé une vraie perruque, un homme encroûté de tous les préjugés littéraires les plus surannés. C'est une bizarrerie, et ce n'est pas la moins déplaisante, que cette prétention à la pédanterie classique (J.-J. Ampère, Corresp.,1825, p.330).Ne sommes-nous pas des littérateurs enthousiastes de romantisme; ne fuyons-nous pas un joug que nous mordions en frémissant de rage, comme disent les perruques de l'Institut? (Du Camp,Mém. suic.,1853, p.74):
2. Soyez romantique. Les romantiques se composent de jeunes gens, et les classiques sont des perruques: les romantiques l'emporteront. Le mot perruque était le dernier mot trouvé par le journalisme romantique, qui en avait affublé les classiques. Balzac, Illus. perdues,1839, p.265.
Empl. adj. [Qualifie péjorativement une pers. ou une chose, princ. dans la terminol. romant. ou p.réf. à celle-ci] Le genre perruque triompha en France sous Louix XV et Louis XVI (Stendhal, Prom. ds Rome,t.2, 1829, p.66).La jeune école normale vous trouve un critique démodé, un critique perruque, un critique vieux jeu (Goncourt, Journal,1888, p.888):
3. ... on arrivait par la filière d'épithètes qui suivent: ci devant, faux toupet, aile de pigeon, perruque, étrusque, mâchoire, ganache, au dernier degré de la décrépitude, à l'épithète la plus infâmante: académicien et membre de l'Institut! Gautier, Jeunes-Fr.,1833, p.87.
D. − Arg. ouvrier. Travail que l'ouvrier fait en fraude pour son propre compte, avec le matériel ou sur le temps de l'employeur. Faire de la perruque. «Le patron croit qu'il ne paie pas pour les outils que nous avons, mais les trois quarts sont faits en perruque (I) dans la boîte; ils lui reviennent plus cher que s'il les fournissait» (...) (I) Faire une perruque, c'est faire un outil pour soi (Poulot, Sublime,1870, p.288).Conjointement à la fauche, moins connue, mais très répandue dans le milieu industriel, il existe une autre pratique de «désaffection» dans le monde du travail: la «perruque». Terme emprunté au langage technique... des coiffeurs (qui confectionnaient autrefois des perruques entre deux rendez-vous avec les cheveux coupés de leurs clients) (Le Monde dimanche,16 nov. 1980, p.i, col. 2).
REM. 1.
Perruquard, subst. masc.,hapax. Celui qui porte perruque. Dans le salon Galart, il [le Japonais] ne détonnait pas trop, malgré les commandeurs de Malte et les perruquards Louis XIV. Il s'associait avec le palmier (La Varende, Bric-à-brac,1953, p.62).
2.
Perruqué, -ée, adj.Coiffé d'une perruque. Convaincus qu'il suffit d'apprendre un rôle par coeur pour le savoir, ils [les comédiens] ne s'inquiètent plus que d'une chose, la façon dont ils seront perruqués et costumés (A. Daudet,Journal officiel,5 mars 1875,p.2474, 1recol. ds Littré).Un petit vieux (...) perruqué d'un faux toupet noir (Richepin, Miseloque,1893, p.223).
3.
Perruquer, verbe intrans.,pêche. Provoquer une perruque (supra B 2). On trouve actuellement de très bons moulinets de série à tambour tournant (...), de 300 F à 500 F. Dans la gamme à tambour fixe, il est possible de s'équiper correctement pour la moitié de cette somme avec du matériel à engrenages de bronze et traitement anti-corrosif sérieux, qui ne «perruquent» pas (M. van Havre, La Pêche en mer,Verviers, Marabout, 1982, p.35).
4.
Perruquerie, subst. fém.a) Art, métier du perruquier. Déjà la perruquerie devenait un art; mais les chercheurs de détails nous ont appris que, pour avoir des raies de tête en soie blanche avec cheveux implantés un par un, il fallait dépenser au moins soixante pistoles (Sand, Beaux MM. Bois-Doré,t.1, 1857, p.39).[Un chanteur] nommé le Professore par tout ce monde ignorant la musique, sans éducation et sorti du bas des métiers, de la perruquerie, etc. (Goncourt, Journal,1858, p.505).b) ,,Vieilli, péj. Ce qui est vieux, passé de mode, méprisable et méprisé`` (Littré). La plupart des artistes qui en faisaient partie, admirateurs exclusifs de Beethoven et de l'école moderne, n'exécutèrent le chef-d'oeuvre de Haendel qu'avec des préventions défavorables, en ricanant, et sans soins; l'ouvrage ne fit point d'effet, et il fut décidé que cette musique formidable était une perruquerie (F.-J. Fétis, La Mus. mise à la portée de tout le monde,1834, p.268).
5.
Perruquifier, verbe trans.,hapax. Donner l'air vieilli, démodé de celui qui porte perruque. Saint-Victor arrive, hérissé, ébouriffé, non peigné, non lustré, en déshabillé de tout l'être, charmant garçon, beau comme un éphèbe de la Renaissance dans tout son rayonnant désordre, non fait pour l'habillement moderne, qui le grossit et le perruquifie (Goncourt, Journal,1858p.490).
Prononc. et Orth.: [pε ʀyk], [pe-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1465 parrucque «longue chevelure» (La Folie des Gorriers, 412 ds Rec. gén. des sotties, éd. E. Picot, t.1, p.464); 1480 perrucque (G. Coquillart, Droitz nouveaulx, 612 ds OEuvres, éd. M. J. Freeman, p.159); 2. 1480-90 perrucque faincte «chevelure postiche» (Id., Monologue des perrucques, 380, ibid., p.337); 1530 perruque «id.» (Inv. de Charles Quint ds Gay); 3. 1765 au fig. se dit d'une personne obstinément attachée au passé, dépassée par son temps (Voltaire, lettre à d'Argental, 11 oct. ds Littré); 4. p.anal. a) 1845 mycol. (Besch.); b) 1926 pêche (Genevoix, loc. cit.); c) 1962 bijout. (Rob.). B. 1856 arg. faire en perruque «travailler pour soi pendant son temps de travail, souvent avec des matériaux détournés» (ouvriers d'apr. Esn.); 1858 perruque «détournement de matériaux appartenant à l'État» (Larch.). Orig. obsc. Peut-être empr. à l'ital. parrucca «chevelure» (Bl.-W.1-5; Hope, p.47), att. 2 fois au xives. (Libro della cura delle malattie et Fra Giordano ds Tomm.-Bell.; cette 2eattest. est cependant douteuse, v. Cor.-Pasc.), lui-même d'orig. inc. On ne peut rattacher le mot au lat. pilus «poil» (Diez3, p.247; V. Pisani ds Romanica t.6, pp.157-159; Guir. Lex. fr. Étymol. obsc.) car cet étymon n'explique pas le -a- de la 1resyll. des plus anc. attest. et explique mal la géminée. Un dér. régr. de perroquet* (EWFS2; Cor.-Pasc.) n'est possible que si le mot est né en France, ce qui n'est pas prouvé. Dans les expr. sous B perruque est prob. un synon. arg. de tromperie, trompe-l'oeil. Fréq. abs. littér.: 620. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1101, b) 1389; xxes.: a) 685, b) 540. Bbg. Greimas Mode 1948, p.60. _Quem. DDL t.13, 27.