| PERDITION, subst. fém. A.− Ruine, destruction totale. Synon. perte.C'était comme une eau d'hommes, de femmes et d'enfants mélangés, et ça dansait jusqu'à la perdition des forces (Giono, Solit. pitié,1932, p. 52): 1. ... Se-Ma-Tsien, philosophe chinois, qui codifia la musique, raconte qu'un prince voulut à tout prix se faire chanter un chant de perdition dont le caractère destructeur était tel qu'on ne pouvait impunément l'écouter.
Art et litt.,1935, p. 88-2. − En perdition. Qui va à sa perte, qui va à la ruine. Entreprise, négoce en perdition. Dès lors, on peut dire que le ménage a été en perdition (...) Le double adultère était nécessairement au bout (Zola, Fécondité,1899, p. 410).Mais un critique soucieux de ses responsabilités dans ce monde en perdition est tenu de rappeler qu'il y a des ordres, et que l'univers de Partage de midi transcende incomparablement celui d'Antigone et des Mains sales (G. Marcel, Heure théâtr.,1959, p. 104). ♦ MAR. [En parlant d'un navire] Qui court les plus grands risques de faire naufrage. Synon. en danger, en détresse.Il passait quelquefois ainsi toute sa journée dans le risque, dans la vague, dans la grêle, dans le vent, accostant les navires en perdition, sauvant les hommes, sauvant les chargements, cherchant dispute à la tempête (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 83). B.− RELIG. Situation d'un être qui, par le péché, s'est éloigné des voies du salut. Royaume de perdition. Et dans l'univers immense, dans la splendeur infinie des mondes, quelle œuvre, ô mon Dieu! parmi toutes tes œuvres, pourrait égaler celle qui fait passer une âme des ténèbres à la lumière, du péché à la sainteté et de la perdition au salut? (Monod, Sermons,1911, p. 215).Ils se sont élevés par orgueil contre le créateur, ont été précipités haut du ciel et condamnés. Leur perdition est irréparable (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 383): 2. Il fait son jeu dans le jeu de Dieu, dans le jeu même de Dieu. Et tout ce que Dieu nous a donné pour nous aider à faire notre salut, Jésus même et les mérites, Jésus et les promesses, il l'emploie pour nous perdre, il le fait servir à nous perdre, il le fait servir à notre perdition éternelle.
Péguy, Myst. charité,1910, p. 150. − Expr. Avoir des yeux à la perdition de l'âme. Avoir des yeux extrêmement beaux. Sainte Vierge, mademoiselle, vous avez les yeux à la perdition de votre âme! Ne regardez donc pas le monde comme ça (Balzac, E. Grandet,1834, p. 185). ♦ P. anal. À la vérité presque aucun n'ose affronter, les yeux ouverts, le grand jour de l'amour en quoi se confondent, pour la suprême édification de l'homme, les obsédantes idées de salut et de perdition de l'esprit (Breton, Manif. Surréal.,2eManif., 1930, p. 172). ♦ P. ext. État d'immoralité et de corruption. Et des sourires par-là, des dents blanches et mouillées sous le retroussis rouge des lèvres, des frôlements en sourdine, avec ces yeux toujours brûlants, à la sûre perdition de cette âme de femelle (Genevoix, Raboliot,1925, p. 33).Pour elle, elle n'aurait qu'une idée : retirer de la perdition celui qui était son mari, épousé devant Dieu (Pourrat, Gaspard,1925, p. 82): 3. Je donne et lègue, comme héritier de Mademoiselle Esther Gobseck, une somme de sept cent soixante mille francs aux hospices de Paris pour fonder un asile spécialement consacré aux filles publiques qui voudront quitter leur carrière de vice et de perdition.
Balzac, Splend. et mis.,1846, p. 471. − Lieu de perdition. Lieu de débauche. La ville était un lieu de perdition pour l'homme sensible (Faure, Hist. art,1921, p. 191). Prononc. et Orth. : [pε
ʀdisjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 perdiciun « fin lamentable » (Roland, éd. J. Bédier, 3969); 1787 vaisseau en perdition (B. de St-Pierre, Paul et Virginie ds Romanciers du XVIIIes., éd. M. du Cheyron, t. II, p. 1305); 2. 1remoitié xiies. « état d'une personne éloignée de Dieu et qui perd son âme par le péché » (Psautier Oxford, 106, 20 ds T.-L.). Empr. au b. lat. perditio « perte, gaspillage » en lat. chrét. au sens 2; perditio est formé sur le supin perditum de perdere (v. perdre). Fréq. abs. littér. : 207. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 239, b) 206; xxes. : a) 431, b) 306. |