| * Dans l'article "PERDRE,, verbe trans." PERDRE, verbe trans. I.− [Le compl. d'obj. dir. désigne un animé] A.− Empl. trans. 1. Être privé provisoirement ou définitivement de. a) Être séparé d'une personne par la mort. Perdre ses enfants, son père; perdre beaucoup de monde dans un combat. Vous n'aurez guère perdu que soixante hommes, vous aurez les six pièces qu'ils ont placées là... Vous les tournerez du côté de Reims... À onze heures... onze heures et demie la position sera à nous (Vigny, Serv. et grand. milit.,1835, p. 197): 1. Ainsi celui qui aime tend à imiter l'objet aimé. Plus encore, l'enfant qui a perdu une mère aimée, tend à s'identifier à la mère morte. Peu importe que l'objet soit un objet d'hostilité : on imite son ennemi, en le combattant, dans cela même que l'on combat.
Mounier, Traité caract.,1946, p. 67. b) Ne plus avoir auprès de soi la présence d'un être cher. Je ne voulais rien prendre au sérieux; je ne touchais aux idées et aux êtres qu'avec précaution, me tenant toujours prêt à les perdre, pour ne pas souffrir si je les perdais (Maurois, Climats,1928, p. 143): 2. Quand une femme perd son mari, c'est sa faute! Si Jérôme avait trouvé dans ta société ce qu'il demande sans doute ailleurs, tu n'aurais pas à courir après lui, ma belle!
Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922, p. 607. − Locution proverbiale, p. plaisant. [Se dit pour consoler qqn de la perte d'un amoureux, d'une amoureuse] Un(e) de perdu(e), dix de retrouvé(e)s. c) Perdre de vue, des yeux un être vivant.
α) Cesser d'apercevoir. Fabrice s'approcha du cheval et passa la bride dans son bras gauche, sans perdre de vue le soldat qui s'éloignait lentement (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 62): 3. ... elle fit un appel à son énergie, et, rasant les murailles en talus des gigantesques édifices, elle parvint à ne pas perdre de vue le jeune hébreu, qui tourna l'angle de l'immense enceinte de briques du palais, et s'enfonça à travers les rues de Thèbes.
Gautier, Rom. momie,1858, p. 273.
β) Oublier, ne plus fréquenter quelqu'un; ne plus lui porter d'intérêt. Est-elle donc si difficile à connoître, la destination première de l'homme? Si cette découverte étoit impossible à la raison, Dieu nous auroit perdus de vue (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 126).Je le perdis de vue vers 1805, 1806, 1807 et 1808 (Delécluze, Journal,1828, p. 487).[Avec ell. de vue] Rien n'est plus éloigné de lui [l'écrivain américain] que l'idée de collège ou de cléricature; on le fête un temps, puis on le perd, on l'oublie (Sartre, Sit. II,1948, p. 203). − Empl. pronom. Pour moi je crois y retrouver le vœu d'un être qui, jamais ne se perdant de vue, cherche comme par instinct à vivre dans les autres encore plus que dans lui-même (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 242). d) Ne plus réussir à retenir la confiance, à conserver la fidélité de. Perdre un ami, ses adhérents, sa clientèle, ses électeurs. Le Figaro, dans l'aventure, ne perdit pas un lecteur. De même, par la suite, le Journal ne devait pas perdre un lecteur, ni un abonné, quand il fut mis sur la sellette dans la personne de son infortuné directeur Charles Humbert, sénateur (L. Daudet, Brév. journ.,1936, p. 22): 4. Si l'une d'elles avait un mouvement d'impatience ou se montrait trop satisfaite d'une bonne réponse, les demoiselles Poupon perdaient des élèves, elle perdait sa place.
Sartre, Mots,1964, p. 65. 2. Causer la perte de. a) Causer la mort de, faire périr. Ce qui perd le lièvre, ce sont ses ruses. S'il ne faisait que courir droit devant lui, il serait immortel (Renard, Journal,1900, p. 623).J'honore mes parents, je perds nos ennemis (Moréas, Iphigénie à Aulis,1903, p. 251) b) Conduire quelqu'un à sa perte; déconsidérer, déshonorer. Quant à la pauvre princesse je me dispense de la plaindre (...) C'est elle qui a perdu son fils en l'idolâtrant à deux genoux (Feuillet, Journal femme,1878, p. 226): 5. Je pense que l'archiduchesse craint le rayonnement d'une reine invisible et que, non content de répandre sur elle des ordures (...) d'exciter nos groupes et de les pousser au crime, vous projetez de l'attirer dans sa capitale, de la perdre, de l'humilier, de l'exaspérer, de la pousser à bout, de la mettre hors d'elle-même, de la faire passer pour folle...
Cocteau, Aigle,1946, III, 2, p. 392. ♦ Perdre d'honneur, de réputation. Elle se moque de toutes les femmes qui sont laides, et perd de réputation celles dont la beauté lui porte ombrage. Elle a de l'esprit comme un petit diable (Fiévée, Dot Suzette,1798, p. 142). ♦ Perdre qqn auprès, dans l'esprit de qqn. Un cercle de curieux se forma autour de madame Laure et de Crainquebille, qui échangèrent encore plusieurs injures (...). Mais cette scène acheva de perdre Crainquebille dans l'esprit du faubourg Montmartre (A. France, Crainquebille,1904, p. 44). c) Pervertir, corrompre. Il n'est pas rare qu'en méprisant trop les hommes on les corrompe, et qu'en se défiant trop des femmes on les perde (Feuillet, Camors,1867, p. 72): 6. Reconnaissant le même Dieu que les Musulmans, fondant leur croyance sur les mêmes livres, admettant comme eux un premier homme qui perd tout le genre humain en mangeant une pomme...
Volney, Ruines,1791, p. 148. d) Troubler au point de faire perdre la maîtrise de soi. Je rouvris les yeux et je vis qu'elle me regardait; ce regard me perdit. − Oui, monsieur, répondis-je dans mon trouble (A. France, Livre ami,1885, p. 175). e) Égarer quelqu'un volontairement ou non. Ne vaudrait-il pas mieux ne plus le voir, l'abandonner, le perdre dans les rues, ou se sauver soi-même très loin, si loin, qu'il n'entendrait plus jamais parler de rien, jamais! (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, M. Parent, 1886, p. 603). B.− Empl. pronom. 1. Causer sa propre perte matérielle ou morale. Se perdre de réputation. Ta fille se meurt, c'est fort bien; mais ta femme se perd, c'est autre chose (Sand, Jacques,1834, p. 265).Un homme (...) n'est jamais que l'expression d'une idée. C'est par elle qu'il se fortifie ou se perd (Proudhon, Révol. soc.,1852, p. 60). − RELIG. Tomber en état de perdition. « Là où Dieu vous appelle, il faut monter », avait dit l'autre. Il était appelé. « Monter ou se perdre! » Il était perdu (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 142). 2. Ne plus retrouver le chemin; s'égarer. Ce fourré (...) cachait, comme tous les halliers bretons, un réseau de ravins, de sentiers et de chemins creux, labyrinthes où les armées républicaines se perdaient (Hugo, Quatre-vingt-treize,1874, p. 99). − Au fig. Dans la forêt enchantée du Langage, les poètes vont tout exprès pour se perdre, et s'y enivrer d'égarements (Valéry, Variété IV,1938, p. 245). 3. Se confondre avec le milieu environnant au point d'échapper aux regards. Elle disparaît, il ne reverra plus, plus jamais, son visage. Et il a le cœur serré comme si celle qui se perdait dans la foule était une inconnue belle et coupable qui disparût couverte de son désir (Montherl., Bestiaires,1926, p. 479). ♦ Se perdre dans la foule. Retourner à l'anonymat. Et plus tard, quand l'autocratie achève d'écraser sous ses ruines l'aristocratie, quand l'ouvrier est séparé de l'ouvrier par la mort des corporations, l'artiste se perd dans la foule, qui l'ignore, ou le méconnaît (Faure, Hist. art,1921, p. 11). 4. Au fig. Se perdre dans, en a) Avoir du mal à comprendre ou à expliquer clairement; s'embrouiller. À tout cela, Mitonneau avait répondu par des faux-fuyants, des phrases dans lesquelles il s'était embrouillé, perdu (Kock, Compagn. Truffe,1861, p. 204). ♦ Je m'y perds, on s'y perd. Ne plus savoir où on en est; n'y comprendre plus rien. L'histoire des rapports de ces deux pays, Italie et Flandre, est curieuse : elle est longue, elle est diffuse; ailleurs on s'y perdrait; ici, je vous l'ai dit, on la lit couramment (Fromentin, Maîtres autrefois,1876, p. 12). ♦ Se perdre dans les détails. S'appliquer aux détails au détriment de l'essentiel. Pour l'empêcher de se perdre dans les détails, pour rendre un peu de vie à une interprétation « traditionnelle » à l'excès, il ne faudrait qu'un grand chef d'orchestre (P. Lalo, Mus.,1899, p. 346). ♦ Se perdre dans les nuages, dans les nues. S'égarer dans les digressions, les rêves. Quand MmeNecker était sur le sentiment avec M. Thomas il n'y avait plus moyen de les suivre. Elle se perdait dans les nues, on ne pouvait les suivre et l'on se rappelait alors l'estampe où l'on ne voit que les 4 petits pieds (Chênedollé, Journal,1809, p. 46). ♦ Se perdre en conjectures, en considérations. Émettre de nombreuses hypothèses et n'en retenir aucune. Si notre vie manque de soufre, c'est-à-dire d'une constante magie, c'est qu'il nous plaît de regarder nos actes et de nous perdre en considérations sur les formes rêvées de nos actes, au lieu d'être poussés par eux (Artaud, Théâtre et son double,1938, p. 13). b) S'absorber entièrement dans; s'intégrer à un milieu, se livrer à une action, s'enfermer dans une conviction au point d'y sacrifier sa personnalité. Se perdre dans ses pensées. Assis sur un tronc de pin, au milieu d'une lande, dans l'étourdissement du soleil et des cigales, ivre à la lettre d'être seul, je ne pouvais pourtant pas supporter cette confrontation avec moi-même à laquelle j'avais tant aspiré, et ne me retrouvais que pour me perdre, pour me dissoudre dans la vie universelle (Mauriac, Commenc. d'une vie,1932, p. 51).Le trait de génie de Hitler (...) ç'a été de fournir chaque Allemand (...) d'un uniforme (...) de retrouver enfin cette discipline (...) où il se perd et se fond avec un sentiment d'anéantissement et de transfiguration de soi-même (Arnoux, Contacts all.,1950, p. 80). ♦ Se perdre en Dieu. S'unir à la divinité par la contemplation. Si réduite que soit dans ceci la part de la danse, elle n'en exerce pas moins une action sur l'état auquel son association à la voix, et surtout à la sainteté des syllabes émises dans le souffle, doit conduire le récitant animé du désir de se perdre en Dieu (Cuisinier, Danse sacrée,1951, p. 100). II.− [Le compl. d'obj. dir. désigne un inanimé] A.− Empl. trans. 1. Être privé provisoirement ou définitivement de. a) [En parlant d'un bien]
α) Ne plus en avoir la jouissance. − [La perte est d'ordre matériel] Synon. être dépouillé de.Perdre sa couronne, son siège, son trône. Sais-tu pas qu'il ne faut jamais interrompre les gens qui ont accoutumé d'être brefs; et tel qui coupe les chiens des autres perd sa chasse (Toulet, Mariage Don Quichotte,1902, p. 149): 7. Dire : « J'ai perdu ma place », ce me paraissait encore assez facile. La phrase est courte, simple, décisive, elle ne me semblait pas impossible à prononcer. J'entrevis même plusieurs façons de me délivrer de ce premier aveu. Je pouvais, par exemple, m'asseoir d'un air navré − un air que je n'aurais pas eu besoin de feindre, je vous assure − et dire, à voix basse : « Maman, j'ai perdu ma situation ».
Duhamel, Confess. min.,1920, pp. 24-25. ♦ Proverbe. Qui va à la chasse, perd sa place. − [La perte est de l'ordre des principes (moraux, philosophiques, etc.) ou du sentiment] Perdre son crédit, ses droits; perdre la confiance, l'estime, la faveur de qqn; perdre la grâce; perdre l'honneur. Quand elle le pourrait, une nation ne doit pas se mettre dans les entraves d'une forme positive. Ce serait s'exposer à perdre sa liberté sans retour (Sieyès, Tiers état,1789, p. 69).Le duc : (...) que je perde mon nom, si vous me proposez quelque chose que je n'accepte (Dumas père, Mllede Belle-Isle,1839, iv, 2, p. 75).
β) Ne plus avoir en sa possession. − Perdre une bague, des billets, un porte-monnaie, un trousseau de clés. Synon. égarer.La Saussaye perdit son étui à cigarres [sic] dont il est inconsolable (...). Il a encore perdu la voix que j'ai vainement essayé de lui rendre hier en lui faisant manger des piments (Mérimée, Lettres Delessert,1870, p. 89).Elle resta le regard au loin, comme en suspens. C'est terrible comme on perd les choses en vieillissant (Beauvoir, Invitée,1943, p. 63). − [En parlant d'une somme d'argent] Isabelle : Cristina a perdu toute sa fortune! Manuel : Quoi? Isabelle : La banque où elle avait son argent à Buenos-Aires a fait de mauvaises affaires et elle est ruinée! (Bourdet, Sexe faible,1931, iii, p. 463).Hélas! Je ne saurais pas me ruiner! Je n'arriverais jamais à perdre mon argent! (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 232). ♦ Absol. [P. allus. à la fable de La Fontaine, Le Héron, vii, 5] On hasarde de perdre en voulant trop gagner. ♦ P. métaph. Perdre son âme (au jeu). ♦ Empl. intrans. Perdre sur (qqc.); perdre à (faire) qqc.; perdre sur la marchandise; j'y perds! Au fig. [En parlant de la dépréciation d'une valeur] Poussin perd beaucoup au voisinage de Lesueur. La grâce est une muse qu'il n'a jamais entrevue (Delacroix, Journal,1851, p. 438). − Loc. div. ♦ Avoir tout à perdre. Être exposé à l'échec ou à la faillite sans espoir de contrepartie. Il faut revenir de bonne foi aux idées vulgaires de sagesse et d'honneur; une femme a tout à perdre en les oubliant (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 400). ♦ N'avoir (plus) rien à perdre. N'être exposé à rien de fâcheux ou en être arrivé aux solutions extrêmes. − (...) Moi qui ne suis qu'un modeste découvreur d'affaires, je possède autrement d'audace. − Vous n'avez rien à perdre (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 112).N'avoir rien à perdre et avoir tout à gagner. V. gagner I B 2 a ex. de Céline. ♦ Vous ne perdez rien pour attendre. [Formule de menace qui laisse entendre une vengeance prochaine] Henriette était noire de colère, ses yeux carrés brûlaient les passants, les tramways, le ciel gris sur lesquels ils se posaient, − mais elle ne perd rien pour attendre, cette petite traînée (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 137). ♦ Perdre au change*. b) Ne plus avoir, en partie ou totalement, momentanément ou définitivement.
α) [P. réf. à l'intégrité physique ou morale d'un être vivant] − [La perte est d'ordre matériel ou physique] Perdre ses cheveux, ses dents, un œil, son sang; perdre des kilos, du poids; perdre la voix; perdre haleine*, la respiration, le souffle, l'appétit, le repos, le sommeil, l'odorat, la vue, ses forces, la santé, la vie, ses couleurs, son teint; perdre sa peau, ses plumes, ses poils; perdre ses feuilles, son parfum. Une enfant de seize ans qui t'aime depuis trois mois à en perdre le boire et le manger, et qui se désole de n'avoir pas encore obtenu le plus distrait de tes regards (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 379).Je ne me suis pas occupé de Frédéric. Je ne suis pas chargé de lui faire perdre son pucelage (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 185). − [La perte est d'ordre intellectuel] Perdre la boule (fam.), perdre la boussole (fam.), perdre la conscience, l'équilibre, l'esprit, le jugement, la mémoire, perdre le nord (fam.), perdre la notion, la raison, la tête. On sectionne les canaux semi-circulaires d'un pigeon, il perd le sens de l'orientation et de l'équilibre, on le voit chanceler et, hagard, tourner indéfiniment sur lui-même (Vailland, Drôle de jeu,1945p. 50). ♦ Loc. fam. Perdre les pédales. V. pédale B 2 a. − [La perte concerne une façon d'être] Perdre confiance, connaissance, contenance, courage; perdre espoir (tout espoir n'est pas perdu); perdre la face, sa fierté, la force, le goût de; perdre l'habitude, son orgueil, son sang-froid. Vers les derniers jours de juin, Coupeau perdit sa gaieté (Zola, Assommoir,1877, p. 418).Quel est celui qui détient un secret pour ne pas perdre cœur? (Mauriac, Journal 2,1937, p. 130). ♦ Absol. Quand je l'ai revue chez Véron, il y a deux ou trois ans, elle avait perdu beaucoup, mais elle avait encore un certain charme (Delacroix, Journal,1853, p. 128).
β) [P. réf. aux éléments constitutifs ou à la qualité d'une chose] − Perdre une plaque minéralogique, un pot d'échappement, une roue (en parlant d'une auto). Perdre une pièce, une vis (en parlant d'un appareil). Perdre ses poils (en parlant d'une brosse, d'une fourrure). ♦ Perdre son eau. Nous avons exposé (...) que le grain de Portland au moment de son contact avec l'eau s'entourait d'une pâte gluante ayant le caractère d'une gelée colloïdale, un hydrogel. Cette gelée est onctueuse et perd difficilement son eau (Cléret de Langavant, Ciments et bétons,1953, p. 85). − Perdre son élasticité, sa force, sa puissance, sa vitesse, son volume. Elle montrait un cachemire jaune à petits pois noirs; chacun de ces pois perdait sa couleur et devenait une minuscule violette persane (Giono, Angelo,1958, p. 129).En effet, certains virus peuvent être obtenus à un état de pureté très avancée : virus obtenus sous une forme cristalline, sans perdre leur pouvoir pathogène (Quillet Méd.1965, p. 189). − Perdre (de) son intérêt, son sens, sa signification, sa tenue, sa valeur. Si le parallélisme (pincement ou ouverture) n'est pas correct, la direction perd de ses qualités et les pneus s'usent (Chapelain, Techn. automob.,1956, p. 237).Dans la mesure où il apparaît que cette destruction ne pourrait être que réciproque, ce concept perd sa raison d'être (Beaufre, Dissuasion et strat.,1964, p. 45). ♦ Empl. abs. Maintenant le diamant perd tous les jours, le Brésil nous en accable depuis la paix, et jette sur les places des diamants moins blancs que ceux de l'Inde (Balzac, Gobseck,1830, p. 413). ♦ MARINE La marée perd. La marée décroît en amplitude. Il jugea donc à propos d'attendre le jour et de rester à l'ancre : mais la marée perdant beaucoup plus qu'on ne l'avait présumé, les chaloupes restèrent à sec à trois heures du matin (Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. xlii).La mer perd. La mer se retire du fait de la marée. Un bateau perd. Il se fait remonter par un concurrent. Empl. intrans. Perdre en vent. S'éloigner de plus en plus de la direction du vent. c) [En parlant du champ d'activité des sens et de l'intelligence] Cesser de percevoir, d'appréhender, de contrôler. Perdre son chemin, le contact, le fil (d'un discours), sa route, la trace (en parlant d'animaux), la piste, la voie; ne pas perdre un mot; ne rien perdre de (qqc., un discours, un entretien, un spectacle, etc.). La discussion continua. Meaulnes n'en perdait pas une parole (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 90).Les jeunes ne savent pas que l'expérience est une défaite et qu'il faut tout perdre pour savoir un peu (Camus, Env. et endr.,1937, p. 44). ♦ Perdre de vue (qqc.). Ne plus apercevoir (un objet); au fig., ne pas tenir compte de quelque chose; le négliger. Lorsqu'on perd de vue les jouissances célestes, il est tout simple qu'on s'attache de plus en plus aux seuls biens qui vous restent, ceux de ce monde (Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1843, p. 58). ♦ Perdre pied. Ne plus pouvoir toucher le fond de l'eau avec ses pieds; au fig., être dépassé par la situation. Il perd pied dans l'abstrait et se raccroche à des images (Gide, Journal,1946, p. 300). ♦ MAR. Perdre terre. Ne plus voir la terre; au fig., ne plus vivre au contact des réalités : 8. C'est là que, s'envolant lui-même aux cieux, Voltaire,
Se sentant devenir sublime, a perdu terre,
Disant : Je vois! ainsi qu'un prophète ébloui.
Hugo, Art d'être gd-père,1877, p. 276. d) [En parlant d'une épreuve, d'une compétition, d'un combat, d'un jeu, etc.] Faire la preuve de son infériorité; cesser de maintenir un avantage, une supériorité. Perdre son avance, l'avantage, une bataille, une cause, une course, la guerre, une manche, un match, un pari, son procès, la suprématie. ♦ Perdre la partie : 9. « L'essentiel, écrit Roger Caillois, parlant de la guerre courtoise, est de bien jouer, de combiner ingénieusement les manœuvres de façon à persuader l'adversaire qu'il a perdu la partie ». Clausewitz a montré qu'à cette époque on perdait souvent la bataille faute d'avoir engagé les troupes disponibles.
Jeux et sports,1967, p. 784. − Perdre du terrain. Reculer devant la pression ennemie; céder à un concurrent une partie de l'avance qu'on avait sur lui; augmenter la distance qui nous sépare de quelqu'un. Le père Dubreuil fermait la marche et perdait du terrain (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 198). ♦ Au fig. Être en recul. La réalité perd du terrain devant le rêve (Saint-Exup., Terre hommes,1939, p. 220). − Absol. Je parie qu'on n'a plus entendu parler de lui. Vous avez perdu (...) l'on a beaucoup parlé de lui (A. France, Crainquebille,1904, p. 65).Jouer à qui perd gagne (v. gagner I B b). − Empl. intrans. Ne pas obtenir le gain escompté. Perdre au jeu; perdre sur parole. Rien n'est plus naturel, aujourd'hui, que de voir des gens travailler du matin au soir et choisir ensuite de perdre aux cartes, au café, et en bavardages, le temps qui leur reste pour vivre (Camus, Peste,1947, p. 1218). e) Ne pas pouvoir garder à sa place; laisser échapper. Perdre ses bas, sa culotte, son pantalon. Un autre jour passait encore et M. Lavoine chuintait, comme s'il eût perdu son dentier. Il avait peut-être, en effet, perdu son dentier (Duhamel, Suzanne,1941, p. 225): 10. Nous planterons des fleurs et danserons en rond
Jusqu'à l'heure où j'aurai perdu ma jarretière
Le roi sa tabatière
L'infante son rosaire
Le curé son bréviaire.
Apoll., Alcools,1913, p. 86. ♦ Absol. Synon. de fuir.Le fût perd; la chambre à air perd. Les conduits de la source « perdaient », et l'eau égarée en chemin n'arrivait plus jusqu'à la fontaine (Arène, Veine argile,1896, p. 258). 2. Causer la perte de. a) Causer de graves dommages matériels; compromettre de façon irrémédiable. Ce qui est fort triste, c'est la gelée qui a perdu les vignes de ce pauvre petit endroit et qui risque de compromettre la récolte en fruits (Delacroix, Journal,1854, p. 177). b) Gâcher, gaspiller. Perdre son année; perdre une journée; perdre une/l'occasion de; perdre sa peine, son temps; il n'y a pas un instant à perdre. ♦ (Y) perdre son latin. Perdre son temps, ne rien comprendre. Toute l'histoire idéaliste de la philosophie perd son latin entre tant de rigueur formelle et de contingence matérielle (Nizan, Chiens garde,1932, p. 33): 11. Comment croire que la gouvernante, d'ailleurs jusque-là irréprochable, eût couru un tel risque pour le seul avantage de perdre le bénéfice d'une mesure avantageuse?
Bernanos, Crime,1935, p. 798. ♦ Absol. Se priver d'une occasion, d'une possibilité avantageuses. Vous avez bien perdu en n'étant pas là. B.− Empl. pronom. 1. Être réduit à rien; aller à sa perte, être détruit. Rien ne se perd, rien ne se crée; les parfums se perdent; illusions qui se perdent. Des richesses inouïes en statues, en tableaux, en objets d'art de toute sorte, se perdront sans profiter à personne (Gautier, Tra los montes,1843, p. 53). − MAR. [En parlant d'un navire] Se perdre (corps et biens). Sombrer. C'est mauvais signe quand la bouteille ne se brise pas (...) j'ai vu bénir un grand bateau. La bouteille (...) ne se cassa pas. Le bateau se perdit à son premier voyage (A. France, P. Nozière,1899, p. 238). 2. Tomber en désuétude; cesser d'être pratiqué, aller en s'affaiblissant. Habitudes, traditions, usages qui se perdent; le sens de tel mot s'est perdu. L'on a dit et répété de toutes parts que le goût des courses de taureaux se perdait en Espagne (Gautier, Tra los montes,1843p. 72)): 12. Un ancien fabricant de chapeaux, vieillard de soixante-dix ans (...) fouilla le passé des Rougon. Il parla vaguement, avec les hésitations d'une mémoire qui se perd, de l'enclos des Fouque, d'Adélaïde, de ses amours avec un contrebandier.
Zola, Fortune Rougon,1871, p. 256. ♦ Fam. Il y a des coups de pied, des gifles qui se perdent. Certains mériteraient coups de pied et gifles. 3. Se perdre dans, en, au milieu de, sous a) Disparaître (aux regards); échapper à la saisie de nos sens. Route qui se perd au loin; fleuve qui se perd dans la mer; cours d'eau qui se perd sous la terre; voix qui se perdent dans la foule. Le bonheur dans les champs a besoin de bonté. Tout se perd dans le bruit d'une vaste cité (Delille, Homme des champs,1800, p. 53): 13. Ils montèrent vers cet A majuscule d'Avignon, qu'est le palais des papes; leur regard cherchait la fin des formidables verticales se perdant dans le ciel.
Triolet, Prem. accroc,1945, p. 59. b) P. métaph. Ne plus parler à la mémoire. Se perdre dans la nuit des temps. Mais cette miséricorde divine qui se perd dans les mystères de l'infini, et qui est la plus douce joie d'une ame pieuse, la console et ne l'égaie pas, car dans la religion tout est grave, jusqu'au bonheur (Cottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 241). Prononc. et Orth. : [pε
ʀdʀ
̥], (il) perd [pε:ʀ]. Homon. (il) perd : pair, paire, père, pers. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Trans. et intrans. A. 1. Fin ixes. trans. « être privé d'une partie de soi-même, d'une faculté ou d'une qualité propre à la personne » (Eulalie, 17 ds Henry Chrestomathie t. 1, p. 3 : qu'elle perdesse sa uirginitet); ca 1100 perdre le sens « perdre la raison » (Roland, éd. J. Bédier, 305); 2. a) 2emoitié xes. trans. « être privé de la jouissance d'un avantage ou d'un bien » (St Léger, éd. J. Linskill, 161); b) ca 1100 id. « cesser d'avoir un avantage, une supériorité » (Roland, 1090); ca 1770 perdre du terrein ici fig. (J.-J. Rousseau, Confessions, IX ds
Œuvres compl., éd. B. Gagnebin, R. Osmont, M. Raymond, t. I, p. 420); c) 1130 intrans. « ne pas obtenir le gain, le profit escompté » estre perdant (Lois Guillaume, éd. Matzke, 38); en partic. 1269-78 trans. « subir une perte d'argent » (Jean de Meun, Rose, éd. Lecoy, 9049); 1288 un perdant part. prés. subst. « celui qui perd au jeu, dans une compétition » (Jean de Journy, Dîme de pénitence, éd. Breymann, 2630); 1680 intrans. « être privé d'une satisfaction qu'on aurait pu avoir » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, II, p. 840); 3. a) ca 1050 « être privé de quelqu'un par la mort » (Alexis, éd. Chr. Storey, 106); b) mil. xiies. « être privé de la présence, de l'amitié de quelqu'un » (Épître de St Etienne, 54 ds Alt. fr. Übungsbuch, éd. W. Foerster et E. Koschwitz, p. 172); 4. a) ca 1165 trans. « cesser de percevoir par les sens, d'appréhender par la pensée, de maintenir un rapport avec quelqu'un ou quelque chose » perdre terre « perdre de vue la terre » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 5067; ca 1220 perdre le voie (Huon de Bordeaux, éd. P. Ruelle, 5570); b) 1538 perdre de vue (Est.); ca 1660 fig. (Bossuet, Préf. instr. past. de Cambrai, 6 ds Littré, s.v. vue); 5. a) 1678 intrans. « (d'un inanimé) diminuer de valeur, de qualité » perdre de son prix (La Fontaine, Fables, XI, IV, 36 ds
Œuvres, éd. H. Régnier, III, p. 122); en partic. 1859 mar. la mer Perd [...] les marées Perdent (Bonn.-Paris); 1797 « laisser échapper son contenu, fuir » (Voy. La Pérouse, t. 4, p. 27 : le fond perd rapidement et n'est réellement vivable que dans un petit espace); b) 1797 trans. « (d'un inanimé) cesser d'avoir un élément, un caractère [...] qui lui est inhérent » (ibid., t. 3, p. 182 : conserver sa robe qui perdit bientôt tout son éclat). B. 1. Ca 980 trans. « pervertir, corrompre quelqu'un » (Jonas, éd. G. de Poerck, verso 18, p. 44, ligne 173); en partic. 1190 s'ame pert (Renart, éd. M. Roques, br. VIII, 8063); 2. a) ca 1100 id. « gâcher, gaspiller quelque chose par le mauvais usage qu'on en fait » (Roland, 1054); en partic. ca 1200 en rapport avec le temps (Jean Bodel, Saxons, éd. F. Menzel et E. Stengel, 586); b) 1690 id. « endommager quelque chose d'une manière irréparable » (Fur.); en partic. 1694 la nielle a perdu les bleds (Ac.); 3. a) 1546 id. « conduire quelqu'un à sa perte » (La Bible, s.l., impr. J. Gérard, Deuter., IX, fo69 : il les destruira [...] et les dechassera et perdra); en partic. 1642 « faire périr, tuer quelqu'un » (Corneille, Pompée, II, 4); b) 1651 id. « perdre une personne auprès de quelqu'un » (Id., Nicomède, IV, 2); 4. 1680 id. « égarer volontairement quelqu'un » (Rich.). II. Pronom. A. 1. a) Ca 1170 « causer sa propre ruine » (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Bisclavret, 56); b) ca 1500 « causer sa propre mort » (Philippe de Commynes, Mém., éd. J. Calmette, I, p. 34); 2. xiiies. [ms.] « sortir, s'écarter du bon chemin » en la forest se perdirent (Chrétien de Troyes, Perceval, 42988 ds T.-L.); 3. 1546 « avoir du mal à se retrouver, à se reconnaître dans une chose complexe » (Rabelais, Tiers Livre, éd. M. A. Screech, IV, p. 51, ligne 103); d'où 1698 je m'y perds (Bossuet, Lett. quiét., 404 ds Littré); 1810 se perdre en conjectures (Staël, Allemagne, t. 5, p. 67); 4. 1694 théol. « s'unir à la divinité par la contemplation » se perdre en Dieu (Bossuet, Rép. aux diff. de Mmede la Maisonfort ds Littré). B. 1. Ca 1350 « cesser d'être pratiqué » ici en parlant d'un métier (Gilles Le Muisis, Li Estas des princes et des nobles ds Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, I, 292); 2. ca 1500 « cesser d'exister, se terminer, finir » (Philippe de Commynes, op. cit., II, p. 14); en partic. 1606 « (en parlant d'un navire) faire naufrage » (Nicot); 3. a) 1538 « (d'une rivière) disparaître dans la terre » (Est.); b) 1636 « (d'une personne) cesser d'être perçu » (Tristan, Marianne, V, 3 ds Littré); 1677 « (d'un inanimé) id. » ma voix s'est perdue (Racine, Britannicus, II, 2); c) av. 1678 « cesser d'être perçu par la pensée en tant que tel; disparaître en se laissant éliminer par autre chose » (La Rochefoucault, Reflexions ou sentences et maximes morales, CLXXI ds
Œuvres, éd. M. D. L. Gilbert, I, p. 100); 4. 1560 « être anéanti, détruit » les pommes se perdoyent (Journal du Sieur de Gouberville, 11.11.60 ds Poppe, p. 93). Du lat. class. perdĕre « détruire, ruiner, corrompre; employer inutilement; faire une perte, en partic. au jeu ». Fréq. abs. littér. : 17 647. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 28 933, b) 23 426; xxes. : a) 21 536, b) 24 858. DÉR. 1. Perdable, adj.a) Qui peut être perdu; dont le gain n'est pas assuré. Une partie encore perdable. b) Qui peut se perdre; qui peut causer sa propre ruine matérielle ou morale. En étudiant à fond cette petite machine, qui éclate de temps en temps en éclats de rire d'oiseau, je me demande si ce n'est pas à Paris où il y a le moins de cocus. Cette femme n'a pas de quoi se perdre. Elle n'est perdable ni par l'esprit ni par le cœur ni par le tempérament. Il n'y a pas avec elle de surprise possible de n'importe quoi, de la tête ou du cul. Elle est imprenable, par la nullité, le zoophytisme de son être (Goncourt, Journal,1861, p. 938).− [pε
ʀdabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1798. − 1resattest. ca 1300 « qui peut se perdre » (Hystoire Job, éd. J. Gildea, 1626) − 1611 (Cotgr.), à nouv. ds les dict. à partir de Ac. 1798; de perdre, suff. -able*. 2. Perdeur, -euse, subst.Personne qui a la mauvaise habitude de perdre, d'égarer les objets. (Dict. xixeet xxes.). Perdeur de temps. Celui qui consacre son temps de loisir à la rêverie, à la flânerie. Travaillant dix heures par jour, mais grand perdeur de temps, s'oubliant en lectures et tout prêt à faire un tas d'écoles buissonnières autour de son œuvre (Goncourt, Journal,1860, p. 685).− [pε
ʀdœ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1resattest. 1388 perdour « celui qui perd » (Roques t. I, IV-V, 6268), xves. perdeur (Prov. communs ds Le Livre des proverbes fr., éd. Le Roux de Lincy, t. II, p. 146), également cité ds H. Estienne, La Précellence du langage françois [1579], p. 210) − 1660 (Oudin Esp.-fr.), à nouv. au xixes. 1842 (Ac. Compl.); de perdre, suff. -eur2*. BBG. − Chautard Vie étrange Argot 1931, p. 610. − De Gorog (R.). The Concept to destroy in Old Fr. and the question of synon. Linguistics. La Haye. 1972, no93, p. 38. − Dossiers de mots. Néol. Marche. 1979, no6, p. 275. − Dub. Pol. 1962, p. 371. − Gross (M.). La Notion de règle et d'exception. In : [Mél. Mounin (G.)]. Aix-en-Provence, 1976, t. 2, p. 42. − Hug. Lang. 1933, pp. 237-238. − Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 255-256. − Lyer (S.). Part. prés. actif avec le sens passif. Archivum Romanicum. 1932, t. 16, p. 303. − Quem. DDL t. 5, 19. − Verreault (C.). Les Adj. en -able en franco-québécois. Trav. de Ling. québécoise. 3. Québec, 1979, annexe 2, § 100; p. 215 (s.v. perdable). − Vivès (R.). Perdre... R. québec. Ling. 1984, t. 13, no2, pp. 13-58. |