| PENSIF, -IVE, adj. A. − 1. [En parlant d'une pers.] a) Qui est très occupé d'une pensée, d'une réflexion; qui est absorbé dans ses pensées. Synon. songeur, méditatif, rêveur.Demeurer, rester, sembler (tout) pensif. Voyant qu'elle se taisait, il se leva, et pensif se mit à marcher à travers le bureau (Estaunié, Ascension M. Baslèvre, 1919, p.74).Depuis bien des saisons (...) [les feuilles mortes] pourrissaient dans l'herbe, et les jours de pluie, vers la mi-octobre, un triste et délicieux parfum montait jusqu'à moi par la fenêtre entr'ouverte et me rendait pensif (Green, Autre sommeil, 1931, p.8): 1. Il n'avait pas encore touché à sa chope, il la regardait, si pensif, que les garçons commençaient à mettre les chaises sur les tables pour le balayage du lendemain, sans qu'il bougeât.
Zola, L'OEuvre, 1886, p.351. − Empl. subst. Fantine (...) est une songeuse, une rêveuse, une pensive, une sensitive (Hugo, Misér., t.1, 1862, p.174). − P. métaph. Et, là-bas, devant moi, le vieux gardien pensif De l'écume, du flot, de l'algue, du récif, (...) Le pâtre promontoire au chapeau de nuées (Hugo, Contempl., t.3, 1856, p.129). − P. anal. [En parlant d'un animal ou d'un être végétal] Des saules pensifs qui pleurent sur la rive (Hugo, Feuilles automne, 1831, p.782Il représentait, ce paravent, un flottant paysage aux couleurs ternies, encombré de jets d'eau (...) et de hérons pensifs debout sur un pied au milieu d'une touffe de glaïeuls (Arène, J. des Figues, 1870, p.17). b) En partic. Qui a de l'inclination pour la pensée; qui est apte à la réflexion. Ces phénomènes spirituels, dont les plus grands, les plus pensifs d'entre nos frères s'occupaient à peine autrefois, les plus petits s'en inquiètent aujourd'hui (Maeterl., Trésor humble, 1896, p.39).Il faudrait faire un livre qui serait souvent lu par des jeunes hommes pensifs, et non pas le livre qui fait passer deux heures délicieuses (Renard, Journal, 1909, p.1232). 2. P. méton. [En parlant des traits d'une pers., de son expression, de son comportement, de ses activités] Qui manifeste l'habitude de la réflexion, de la méditation mélancolique, ou le souci, la préoccupation. Regard, ton, visage pensif; attitude, voix pensive; bouche, physionomie, ride pensive; front pensif; attention, douceur, solitude, tendresse pensive; désespoir, silence pensif. Cette poésie que les peintres veulent absolument donner à leurs compositions en les faisant un peu trop pensives (Balzac, C. Birotteau, 1837, p.103).Le principal [d'un collège] était l'homme qu'il respectait le plus au monde. Il en admirait la gravité, les yeux pensifs, la voix profonde (Arland, Ordre, 1929, p.18): 2. Elle vit le geste distrait d'André, qui prit un gâteau sur l'assiette comme s'il était seul; elle remarqua cet air pensif, ce silence dont elle savait la cause.
Chardonne, Épithal., 1921, p.434. B. − [En parlant d'un lieu ou de ses caractères] Qui incite à la réflexion, à la méditation ou qui leur est propice. Des paysages merveilleusement calmes et pensifs, des coteaux, des plaines qui se déroulent par une sorte de grand mouvement immobile (Green, Journal, 1956, p.217): 3. Tout de suite elle songea que, sans gâter la douceur pensive de ce coin sauvage, elle y porterait son activité ordonnée, ferait sabler l'allée et, dans l'angle où venait un peu de soleil, mettrait la gaieté des fleurs.
A. France, Lys rouge, 1894, p.289. Prononc. et Orth.: [pɑ
̃sif], fém. [-i:v]. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist. Ca 1050 «qui est fortement occupé d'une pensée» (Alexis, éd. Chr. Storey, 327); ca 1200 «qui annonce la préoccupation de l'esprit (p.ex. visage)» (J. Bodel, Saxons, éd. F. Menzel et E. Stengel, XXIV). Dér. de penser1*; suff. -if*. Fréq. abs. littér.: 1275. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1883, b) 3365; xxes.: a) 1752, b) 957. DÉR. Pensivement, adv.[Corresp.à supra A] D'une manière pensive; d'un air pensif, absorbé, soucieux, distrait. Regarder, sourire pensivement; hocher, secouer pensivement la tête; dire, remarquer, répondre (qqc.) pensivement. −Vous avez encore fait un mariage hier, dit Madame Gérard (...) [s'adressant à un prêtre]. −Oui, madame, deux jeunes gens charmants. −Henriette a vingt ans, reprit-elle pensivement (Duranty, Malh. H. Gérard, 1860, p.79).Escarbillat tambourinait pensivement, du fourneau de sa pipe de bruyère, sur le rebord d'une assiette (Arnoux, Double chance, 1958, p.108).− [pɑ
̃sivmɑ
̃]. − 1reattest. 1268 (Claris et Laris, 9115 ds T.-L.); de pensif, suff. -ment2*, cf. mil. xiiies. pensieument (Du prestre et du chevalier ds Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t.2, p.47). BBG. −Keller (L.). Solo e pensoso, seul et pensif, solitaire et pensif, mélancolie pétrarquienne et mélancolie pétrarquiste. St. fr. 1973, t.17, pp.3-14. _Sutherland (D. R.). The Love mediation in courtly lit. In: [Mél. Ewert (A.)]. Oxford, 1961, p.187. |