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PATRIE, subst. fém.
I.
A. − [L'accent est mis sur l'aspect concr., géogr.]
1. Terre des ancêtres, pays natal. Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie? Dans son brillant exil mon coeur en a frémi (Lamart., Harm., 1830, p.392).Pour nous, la patrie, c'est le sol et les ancêtres, c'est la terre de nos morts (Barrès, Scènes et doctr., t.1, 1902, p.67):
1. Le mot patrie chez les anciens signifiait la terre des pères, terra patria, gé patris. La patrie de chaque homme était la part de sol que sa religion domestique ou nationale avait sanctifiée, la terre où étaient déposés les ossements de ses ancêtres et que leurs âmes occupaient. La petite patrie était l'enclos de la famille, avec son tombeau et son foyer. La grande patrie était la cité, avec son prytanée et ses héros... Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p.251.
La (petite) patrie. Région, ville ou village où l'on est né. Charles étoit de Valence, patrie de sa tante (Balzac, Annette, t.1, 1824, p.32).Le village de Nesles-la-Vallée est la patrie de vos ancêtres paternels (Duhamel, Suzanne, 1941, p.94).Lorsque les îliens, exhortés par leurs chefs, avaient poussé Thomas à s'installer dans le presbytère, ils obéissaient à leur amour farouche pour leur petite patrie (Queffélec, Recteur, 1944, p.160).
[P. allus. hist.] On n'emporte pas la patrie à la semelle de ses souliers, de ses talons. On emporte, quoi qu'en ait dit Danton, la patrie à la semelle de ses talons et l'on porte au coeur, sans le savoir, la poussière de ses ancêtres morts (Flaub., Corresp., 1852, p.441).Citer Gambetta: «On n'emporte pas la patrie à la semelle de ses souliers. Une terre n'est habitable que si elle a des morts» (Barrès, Cahiers, t.2, 1901, p.251).
2. Pays de la communauté politique à laquelle on appartient (par la naissance ou par un attachement particulier) et dont l'histoire, la langue, la culture, les traditions, les habitudes de vie nous sont chères. Autre, belle, chère, grande, nouvelle, véritable, vraie patrie; sol de la patrie; aimer, quitter la/sa patrie. Je suis en exil, effroyablement loin de ma patrie, absolument seul dans un trou (Bloy, Journal, 1800, p.398).Un certain lieu de l'univers, par rapport seulement à sa position géographique et à sa nature physique, on l'appelle pays (...). Mais lorsqu'on vient à considérer cette même région dans son rapport avec l'homme qui la possède et qui a droit d'y habiter (...) alors elle s'appelle Patrie. Mais c'est toujours la même chose, et il est impossible d'avoir un Pays sans une Patrie, ni une Patrie sans un Pays (J. de Maistre, Corresp., 1810, p.481):
2. ... n'oublions pas que le mot de patrie, né de la cité antique, ne paraît dans la langue française qu'au moment où la France devient un état compact et cohérent comme était la cité antique. Cela se passe au XVIesiècle (il n'y a pas lieu de tenir compte de l'exemple du XVesiècle donné par Littré, et qui n'est qu'un proverbe transposé du latin). Patrie [it.ds le texte] est un néologisme de la Défense et illustration, et Charles Fontaine le reproche à Du Bellay: «Qui a pays n'a que faire de patrie... Le nom de patrie est obliquement entré et venu en France nouvellement et les autres corruptions italiques». Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p.227.
Au fig. Ne pas avoir de patrie. Ne pas être concerné par les problèmes de nationalité ou de frontières. Si j'étais un grand artiste, j'aimerais les princes, parce qu'eux seuls peuvent faire entreprendre de grands travaux; les grands artistes n'ont pas de patrie (Musset, Lorenzaccio, 1834, i, 5, p.111).
La céleste patrie, la patrie céleste. Le paradis des chrétiens. Les hommes et les femmes naissent communément en nombre égal; ils doivent se réunir dans la patrie céleste comme sur la terre. Que ferait une ame isolée dans le ciel même? (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.340).Élever nos coeurs et nos regards vers les bienheureux habitans de la céleste patrie (Montalembert, Ste Élisabeth, 1836, p.cx).
Patrie adoptive, d'adoption; seconde patrie. Région, pays auquel on est attaché par des liens puissants. Je désire vous fixer dans ma cour, cependant vous êtes le maître de la quitter; mais n'oubliez pas que la France sera toujours pour vous une seconde patrie (Genlis,Chev. Cygne,t.2, 1795, p.6).Combray, Combray, s'écriait-elle (...). Et le ton presque chanté sur lequel elle déclamait cette invocation eût pu, chez Françoise, (...) faire soupçonner (...) que la patrie perdue qu'elle pleurait n'était qu'une patrie d'adoption (Proust,Guermantes 1,1920, p.18).
En compos. Mère(-)patrie. V. mère.
B. − P. méton. [L'accent est mis sur l'aspect abstr., affectif] La communauté politique à laquelle on appartient dans son unité géographique, économique, historique, linguistique, culturelle. Enfant, père de la patrie; intérêts, malheurs de la patrie; traître, utile à la patrie. Après avoir élevé votre patrie au rang des nations, vous remîtes vos emplois militaires au Chef de l'Union, pour rentrer dans la classe des citoyens (Crèvecoeur, Voyage, t.1, 1801, p.xvi).L'année dernière, je [Mitterand] vous demandais de résister (...) à l'exaspération des intérêts particuliers, à tout ce qui menace et divise la patrie dans son existence même (Le Monde, 25 mars 1983, p.9, col. 4):
3. La patrie. Sous la monarchie absolue l'idée de patrie n'existait qu'à peine. Le roi était la nation. Jean II ou François Ierprisonniers, la patrie était près du roi. En 1789, la patrie s'est séparée de la personne royale. La guillotine de Louis XVI a fait le divorce. Aujourd'hui l'idée de patrie fuit par les bords et menace de se perdre dans l'idée d'humanité. Vigny, Journal poète, 1846, p.1236.
Expr. Aux grands hommes la patrie reconnaissante. [Inscription écrite au fronton du Panthéon]. Honneur et Patrie. [Devise de certains régiments et durant la deuxième guerre mondiale, devise des émissions de radio de la France libre]. Fais graver dessus: Honneur et Patrie, me dit-il, c'est l'histoire de nos deux dernières campagnes (Balzac, Méd. camp., 1833, p.261).C'était avec colère que nous entendions les speakers de la radio américaine (...) nasiller la devise des émissions de la France libre : «Honneur et patrie!» pour annoncer les propos, faits et gestes de l'amiral Darlan (De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p.50).
[Pendant la Révolution, considérée comme une pers., une divinité incarnant les idées nouvelles] Autel, culte de la patrie. Ces soldats qui ont déposé leurs armes aux pieds de la patrie alarmée, n'étoient-ils pas du peuple? (Robesp., Discours, Marc d'argent, t.7, 1791, p.167).On chercha des institutions propres à exalter, à nourrir l'amour de la patrie, qui renfermait celui de sa législation, ou même de ses usages (Condorcet,Esq. tabl. hist.,1794, p.57):
4. Chère patrie, je verrai donc tes enfants réunis en une douce société de frères, reposant avec sécurité sous l'empire sacré des lois, vivant dans l'abondance et la concorde, animés de l'amour du bien public, et heureux de ton bonheur! Je les verrai formant une nation éclairée, judicieuse, brillante, redoutable, invincible... Marat, Pamphlets, Offrande à la Patrie, 1789, p.35.
Expr. Allons, enfants de la patrie. Premier vers de l'hymne national la Marseillaise. Allons, enfants de la patrie, Le jour de gloire est arrivé! Quel chant dans un moment pareil! Il nous rendit presque fous!... Les cris de: «Vive la nation!» ne finissaient plus (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t.1, 1870, p.509).
La patrie en danger. [Décret du 11 juillet 1792 déclarant la patrie en danger, et ordonnant la levée de 50 000 volontaires de la garde nationale] Un autre [décret] institua, le 5, la réquisition générale des hommes valides et des armes en cas de péril national, et l'assemblée déclara effectivement, le 11, la patrie en danger (Lefebvre,Révol. fr.,1963, p.256).
[Au xxes., considérée comme un des symboles des idées traditionalistes, réactionnaires] Il avait renié ses idées subversives, et, sur son mâle visage se lisaient désormais l'amour de la patrie, le culte du devoir, et la réprobation de toute littérature (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.27).Patrie, famille, propriété, la richesse pour les riches, la gale pour les galeux, peu pour les gens de peu et rien du tout pour les hommes de rien (Claudel, Soulier, 1929, 3ejournée, 10, p.825):
5. Jamais plus une inquiétude dans son regard... On voit que sa vie repose sur des bases solides. Plus violemment que jamais, il est pour la famille, pour la propriété, pour la religion, pour la marine, pour l'armée, pour la patrie... Moi, il m'épate! Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p.375.
(Ligue) la Patrie française. Ligue nationaliste fondée en 1898 en réplique à la ligue des Droits de l'homme, regroupant des antidreyfusards autour des thèmes en faveur de l'armée et de la patrie. Nous connaissons, depuis le boulangisme et la Patrie Française, le néant de ces programmes-là qui reposant sur une chimère, ne peuvent mener qu'à des déboires (L. Daudet,Brév. journ., 1936, p.140).
Expr. Travail, Famille, Patrie. Pendant la seconde guerre mondiale, devise du gouvernement de Vichy. Le retour à la terre, l'exaltation des valeurs traditionnelles, le culte des vertus familiales que seule peut conserver une société patriarcale, paysanne ou artisanale. La formule «Travail, Famille, Patrie» remplace la devise républicaine «Liberté, Égalité, Fraternité» (Hist. gén. des civilisations, Paris, P.U.F., t.7, 1966, p.368).
SYNT. Amour, défense, défenseur, ennemi de la patrie; défendre, libérer, sauver, trahir la patrie; mourir, verser son sang pour la patrie; mort pour la patrie; avoir bien mérité de la patrie; déclarer la patrie en danger; la patrie reconnaissante; vive la patrie.
En compos. Sans-patrie. Personne qui ne se sent pas attachée à une patrie. Il est nécessaire que le sale juif soit le coupable, grâce à la complicité de nous tous, les sans-Dieu et les sans-patrie, qui pourrissons la jeunesse française! (Zola,Vérité,1902, p.33).Dans bien des cas, la patrie aura été défendue par des «sans-patrie», et abandonnée par des «patriotes» (Mauriac,Bâillon dén.,1945, p.401).
II. − P. ext. Lieu dans lequel on se sent à l'aise, communauté. Là du moins [en Angleterre] il devait trouver un monde à son gré, une de ses patries intellectuelles (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t.14, 1860, p.429).Le marin, dont la patrie est la mer (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p.182):
6. Nous avons été nous promener mercredi, veille de mon départ, et chacun des objets que je voyais, me présentait l'idée d'une prochaine privation; chaque allée, chaque arbre étaient-ils donc la source d'un plaisir auquel il faut que je renonce? Le château de Loewenstein est devenu ma patrie. Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p.1641.
III. − P. anal. Patrie de
A. − [Le compl. déterminatif est un plur.] Lieu d'élection, pays où l'on rencontre un grand nombre de.
1. [Le compl. déterminatif désigne des animés] Mon plus beau rêve qui va se réaliser enfin dans la patrie des éléphants (Verne, Enf. cap. Grant, t.1, 1868, p.55).Saint-James était la patrie des excentriques (Morand, Londres, 1933, p.204).Le matin, en ouvrant les yeux, je retrouve enfin la Terre, je reviens dans la patrie des fleurs, des rivières et des hommes (Aymé, Uranus, 1948, p.69).
2. [Le compl. déterminatif désigne des inanimés] Rome maintenant n'est-elle pas la patrie des tombeaux! (Staël, Corinne, t.1, 1807, p.86).L'Italie fut de tout temps la patrie des drames nocturnes et des coups de stylet (Ponson du Terr., Rocambole, t.1, 1859, p.54).
En partic. Lieu d'origine:
7. Les recherches de N. I. Vavilov (1931) ont permis de définir les centres d'origine de nos espèces fruitières. Le Caucase est le foyer principal de leur formation; c'est la patrie d'au moins 80 espèces sauvages, ancêtres de nos arbres et arbustes fruitiers, la plupart des espèces cultivées chez nous étant originaires de Transcaucasie. Boulay, Arboric. et prod. fruit., 1961, p.24.
B. − [Le compl. déterminatif est un sing. et désigne gén. un inanimé abstr.] Lieu, milieu d'excellence à; pays de. Patrie de l'art, de la liberté. Les papes ont su faire de ce beau pays la patrie de la haine. Ce patriotisme d'antichambre est (...) la haine inexorable pour tout ce qui est étranger (Stendhal, Amour, 1822, p.171).Ulric (...) passa en Angleterre pour mettre fin à ses jours. −Pourquoi en Angleterre? demanda un des convives. −Parce que c'est la patrie du spleen (Murger, Scènes vie jeun., 1851, p.6).Les capitalistes étrangers toujours prêts à attaquer la patrie du socialisme (Vedel, Dr. constit., 1949, p.235).
REM.
Patrial, -ale, -aux, adj.,hapax. Vos trois lettres, lues coup sur coup, me baignaient l'âme d'affections pures et douces, comme l'eau patriale de la Seine me rafraîchissait le corps (Balzac, Lettres Étr., 1837, p.392).
Prononc. et Orth.: [patʀi]. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist.1. 1516 «nation, communauté politique à laquelle on appartient ou à laquelle on a le sentiment d'appartenir» (Gringore, Fantaisies, prose, p.55 ap. Ch. Oulmont, Ét. sur la lang. de Pierre Gringore, p.120); 1547 la céleste patrie «le paradis» (Marguerite de Navarre, Nativité, 1092 ds Comédies, éd. F.-E. Schneegans, p.39); 1798 la mère patrie «pays dont une colonie dépend» (Ac., s.v. mère); 2. 1611 «lieu, ville où l'on est né» (Cotgr.); 1868 petite patrie «id.» (Littré); 3. 1770 la patrie de «le pays, le lieu où l'on rencontre par excellence certaines choses, certaines personnes, etc.» (Buffon, Hist. nat. des oiseaux, t.1, p.438). Empr. au lat. class. patria «pays natal, sol natal», en lat. chrét. et en lat. médiév. «pays, région» et «paradis» (caelestis patria), v. Blaise Lat. chrét. et FEW t.8, p.20b. Fréq. abs. littér.: 5805. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 13350, b) 7374; xxes.: a) 7421, b) 4879. Bbg. Dub. Pol. 1962, p.368. _ Dupont-Ferrier (G.). R. d'Hist. 1940, no188, pp.88-104. _ Field (T. J.). The Concept of la patrie in French writing, 1894-1914. Wales, 1972, 311 p._ Godechot (J.). Nation, patrie, nationalisme et patriotisme en France au 18es. In: 13eCongrès Internat. des sc. hist. Moscou. 1970 ... Paris, 1973. _ Jonard (N.). L'Idée de patrie en Italie et en France au xviiies. R. de Litt. Comp. 1964, t.38, no1, pp.61-100. _ MOTS. 1982, no4, pp.192-193. _ Quem. DDL t.11, 22. _ Rabotin (M.). Le Vocab. pol. et socio-ethnique à Montréal de 1829 à 1842. Paris, 1975, p.82, 84, 92. _ Vardar Soc. pol. 1973 [1970] p.283. _ Vidos (B. E.). Archivum Romanicum. 1930, t.14, p.143.