| PATINE, subst. fém. A. − Oxydation naturelle qui se forme avec le temps sur les objets en bronze et en cuivre, et dont la couleur varie selon l'alliage composant le bronze. Patine blanchâtre, gris foncé, mordorée, rougeâtre. Il pousse le goût de l'art jusqu'à faire gratter la patine de tous les bronzes antiques de sa collection (Goncourt, Journal,1862, p.1069). B. − P. ext. 1. ,,Concrétion terreuse se formant à la surface des marbres antiques`` (Jossier 1881). Un modelé délicieusement humain (...) dans un beau marbre blanc qui a comme une patine chaude (Goncourt, op.cit.,1892, p.250): 1. ... du soleil, placé derrière la maison, coule inépuisablement une lumière tiède et comme sucrée, qui s'étend en nappe à la surface des parterres et donne aux balustres de pierre la patine des marbres grecs.
Martin du G., Devenir,1909, p.198. − En partic., GÉOL. Patine du silex. Croûte enveloppant le silex due à une altération superficielle. Les silex rognonneux (...) passent souvent à la roche ambiante par une zone blanchâtre et terne qui leur est intimement liée: la patine ou cortex (Encyclop. Sc. Techn.t.91973, p.763b). 2. Ton, coloration que prennent avec le temps, l'usure, l'encrassement, la pierre ou certains objets de bois, de cuir ou de toute autre matière. Patine chaude, claire, dorée, grise, verdâtre. Il y a deux choses qui font un chef-d'oeuvre d'un tableau: la consécration du temps et sa patine, le préjugé qui empêche de le juger et le jaunissement qui empêche de le voir (Goncourt, op.cit.,1863, p.1261).On lui a enlevé une partie de sa vie secrète [à une cathédrale] en grattant la pierre jusqu'au derme: elle y a perdu sa pulpe, la patine dont les siècles l'avaient caressée (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p.257).V. inespérément, dér. s.v. inespéré, -ée ex. de Lhote: 2. ... son grand inconvénient [de l'or en poudre] est de noircir, mais la patine que cet or prend en vieillissant ne fait pas toujours mauvais effet, car elle tue le brillant de l'or employé; le seul ennui, c'est que l'effet futur est très aléatoire.
Closset, Trav. artist. cuir,1930, p.50. − P. métaph. ou au fig. La patine du temps. C'est que sous ses dehors tranquilles, sous sa patine de mondaine académique, il y avait chez elle ce qu'il y a chez toutes (...) la passion (A. Daudet, Immortel,1888, p.124).La notion de mérite (...) détourne l'accent de la fin sur le comment, sur cet élément invisible de la difficulté vaincue qui creuse les rides, courbe les échines, laisse partout après soi la soucieuse patine du malheur (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p.151). 3. Coloration ou enduit rappelant la patine naturelle appliqué(e) à certains objets pour leur donner une apparence ancienne. Patine artificielle; donner une patine appropriée. Certains bronzes reçoivent simplement une patine brune. On fait bouillir vingt minutes un mélange de vert de gris et de sel d'ammoniac dans du vinaigre. On trempe la pièce à brunir dans cette solution et on porte à ébullition pendant un quart d'heure (Viaux, Meuble Fr.,1962, p.28). − P. méton. Produit qui donne cet aspect. [Franz Hals] emploie le vrai blanc, colore en clair avec quelques glacis, y ajoute un peu de patine (Fromentin, Maîtres autrefois,1876, p.261): 3. On vend deux sortes de patines ou teintures: les patines grasses et les patines maigres, les premières si vous le voulez, et pour nous faire mieux comprendre, correspondant à la peinture à l'huile, les secondes à la peinture à l'aquarelle.
Closset, Trav. artist. cuir,1930p.42. C. − P. anal. Couleur chaude, douce à l'oeil rappelant l'oxydation du bronze. Une nappe de soleil tranquille baigne le flanc de l'église, atténue d'une patine ambrée la crudité des murs neufs (Genevoix, Boue,1921, p.14).Sur son église [Marcouville], moitié neuve, moitié restaurée, le soleil déclinant étendait sa patine aussi belle que celle des siècles (Proust, Sodome,1922, p.1013).Au loin, les frondaisons du Luxembourg offraient déjà cette patine bronzée qui précède de peu les rouilles de l'automne (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p.574). Prononc. et Orth.: [patin]. Att. ds Ac. 1835. Étymol. et Hist.1. 1765 «couleur vert-de-gris que le cuivre prend en vieillissant» (Encyclop.); 2. 1842 «crasse sur les vieux tableaux» (Mozin-Peschier); 3. 1852 «teinte que le temps donne à certains objets d'art» (Gautier, Italia, p.119). Empr. à l'ital. patina, att. dep. 1681 au sens de «teinte que le temps donne aux tableaux» (Baldinucci ds Tomm.-Bell.), également «vernis» et «enduit destiné aux cuirs des chaussures» (v. DEI), empr. au lat. patina «plat creux» et «sorte de pâte» (v. Ern.-Meill.; cf. patène). Fréq. abs. littér.: 81. Bbg. Hope 1971, p.364. _ Sculpt. 1978, p.634. |