| PATIN, subst. masc. A. − Vieux 1. Chaussure consistant en un plateau généralement de bois plus ou moins richement orné, posant sur le sol par une semelle plus ou moins épaisse, et fixé au pied au moyen de brides et de courroies. a) (Haut) patin. Chaussure à semelle très épaisse que les femmes portaient pour se grandir. La jeune Madame de Port-Royal le reçut avec toutes ses religieuses, la croix en tête, et elle-même montée sur de hauts patins, ce qui fit que le roi la trouva bien grande pour son âge (Sainte-Beuve,Port-Royal,t.1, 1840, p.91).Une dame fardée et mouchetée, (...) qui semblait quelque prêtresse de Vénus en quête d'aventure, trébucha de ses hauts patins et s'étala sur le dos, sans se faire mal (Gautier,Fracasse,1863, p.294). b) Patin (de/en fer). ,,Chaussure supportée par un cercle de fer et par deux montants, et destinée à préserver les pieds de toute humidité`` (Bach.-Dez. 1882). Faute d'un peu de toilette, sa beauté trotte-menu, cachée sous un cachemire de poil de lapin, montée sur des patins en fer, vêtue d'indienne et mal tenue, ne pouvait être devinée que par les Parisiens adonnés à la chasse des grisettes (Balzac,Rabouill.,1842, p.298).Les rues, dans ce pays-ci, servent de lits aux torrents qui viennent de la montagne, ce qui fait qu'il y a toujours de l'eau (...) et que les femmes sont obligées de marcher sur des patins (Goncourt,Man. Salomon,1867, p.43).Quand elle a entendu son pas (...) résonnait-il comme s'il eût porté des semelles de cuir qui ploient? des sabots, qui quittent légèrement le talon? ou cette sorte de patin absolument rigide qui se plaque au sol? (La Varende,Homme aux gants,1943, p.261). c) Chaussure à semelle de bois épaisse. Il ne lui manquait que les patins qu'elle avait remplacés par d'énormes sabots, au bec retroussé comme une proue de barque (Huysmans,Oblat,t.1, 1903, p.231). 2. Chaussure de luxe ou escarpin en velours et en satin. Un pied mignon, chaussé d'un patin de velours blanc (Mérimée,Chron. règne Charles IX,1829, p.140). B. − P. anal. 1. Pièce de feutre ou de tissu que l'on utilise pour se déplacer en glissant sur les parquets vernis ou cirés afin de ne pas les rayer ni les salir. Les parloirs à plantes vertes, cirés à glace, où malgré les réprimandes et l'invitation des patins en étoffe, on pénétrait en glissant (Malègue,Augustin,t.1, 1933, p.113).Deux mansardes (...), si propres si frottées que je ne sais où poser les pieds. −Mais entre donc! Laisse les patins. J'ai-t-i pas bien le temps de frotter (Guéhenno,Journal «Révol.»,1938, p.133). 2. Demi-semelle supplémentaire placée de l'avant à la cambrure de la chaussure afin de protéger la semelle d'origine. (Dict.xxes.). 3. Pied de boeuf dépouillé et détaché du corps de l'animal (d'apr. Chaud. 1970). C. − Spécialement 1. SPORTS a) Patin (à glace). Lame en acier qui peut être fixée verticalement à tout type de chaussures; p.méton., chaussure à tige haute à laquelle est fixée une lame en acier. Patins de hockey, de course, de figure. J'avais pris mes patins qui dormaient depuis dix ans dans une caisse et, ma foi, sur la glace, je ne les ai pas trouvés trop rouillés (Gide,Journal,1907, p.237).La piste, rasée par les arrêts brusques des patins, vole en neige (Morand,New-York,1930, p.183). − P. méton. Sport, activité ainsi pratiquée. Synon. patinage.Faire du patin, aller au patin. Une de leurs grandes parties fut de patiner; cet hiver-là, le patin était à la mode, l'empereur étant allé un des premiers essayer la glace du lac, au Bois de Boulogne (Zola,Curée,1872, p.495). b) Patin (à roulettes). Semelle métallique, extensible, sous laquelle se trouvent trois ou quatre roulettes, parfois un frein, que l'on fixe à la chaussure par des lanières de cuir ou de plastique; p.méton. chaussure, à tige haute, lacée, à laquelle sont fixées les roulettes. De jeunes négresses déjà nubiles se précipitent, balançant leur corps harmonieusement, avec un bruit atroce de patins à roulettes, une vitesse bestiale (Morand,New-York,1930p.234).Un lointain raclement de patins à roulettes sur l'asphalte d'une cour voisine (Martin du G.,Thib.,Été 14, 1936, p.115): 1. ... on imagine un ballet où danseurs et danseuses évoluent sur des patins à roulettes, au grand dommage d'une musique d'ailleurs charmante, et qui, débarrassée du bruit infernal des patins, accompagne aujourd'hui une des meilleures créations des Sadler's Wells.
Dumesnil,Hist. théâtre lyr.,1953, p.122. 2. TECHNOLOGIE a) BÂT. Pièce de bois servant de support au limon d'un escalier. Synon. semelle.On nomme jambette un petit poteau placé sur le limon d'un escalier, et patin, la pièce de bois placée sur le sol pour recevoir (...) le pied de la jambette ou un limon (Robinot,Vérif., métré et prat. trav. bât.,t.2, 1928, p.60). b) ÉBÉN. Pied lourd et peu élevé servant d'appui, de support. La table Renaissance est composée par un plateau épais (...) qui est supporté par quatre pieds réunis deux à deux à la base par des patins; à leur tour, ces patins sont reliés entre eux par une entretoise (Viaux,Meuble Fr.,1962, p.55): 2. Sur un patin triangulaire s'élève une forte colonne sur laquelle on a cloué une traverse, à laquelle on a fixé de la même manière plusieurs planches de bois commun taillées en plateau circulaire.
Nosban,Manuel menuisier,t.2, 1857, p.54. − P. ext. Tout support rehaussant quelque chose. Dans la croisée la plus rapprochée de la porte, se trouvait une chaise de paille dont les pieds étaient montés sur des patins, afin d'élever madame Grandet à une hauteur qui lui permît de voir les passants (Balzac,E. Grandet,1834, p.28). c) Long élément de bois ou de métal recourbé supportant un véhicule se déplaçant sur la neige ou la glace. Patin d'une luge. La neige fondue à la surface par les premières pluies et gelant de nouveau sous le froid des nuits était merveilleusement glissante et fuyait sous les patins du traîneau (Hémon,M. Chapdelaine,1916, p.20).Les patins métalliques du traîneau se mettaient à râcler la pierre, à grincer sur le rail du tramway (Triolet,Prem. accroc,1945, p.282). − P. anal., MANUTENTION. Pièce de bois ou de métal placée sous une charge afin d'en faciliter son déplacement: 3. ... l'entrepreneur d'une houillère à bure emploie des traîneurs, chargeant le charbon dans les bennes, caisses de bois cylindriques cerclées de fer, qui en tiennent de 45 à 50 kilos, et dont le fond est armé de patins en bois ou en fer pour faciliter le glissement sur le sol parfois recouvert de planches.
E. Schneider, Charbon,1945, p.160. d) MÉCANIQUE − Organe plat appartenant à une pièce mobile et participant au guidage du mouvement. L'installation du guidage par glissière et patin, augmente l'encombrement en hauteur du moteur [Diesel] (...), par rapport au cas de l'attelage direct de la bielle sur le piston (Dumanois,Moteurs,1924, p.160). − Organe frottant sur une surface en mouvement afin de la freiner. Patin de freins. Beaucoup de systèmes [de freins à patins] ont été imaginés pour ne faire agir le patin que pendant le recul (Alvin,Artill.,Matér., 1908, p.153).Les voitures sont munies d'un frein à main et d'un frein de sûreté permettant d'appuyer un patin sur les rails en cas d'urgence (Soulier,Gdes appl. électr.,1916, p.171). ♦ Frein à patins. Synon. frein* à sabots.Voir Alvin, supra. e) ARM. ,,Élément de la chenille d'un véhicule (tracteur, buldozer) qui assure le contact au sol`` (Métro 1975). Synon. semelle. 3. CH. DE FER a) Partie inférieure du rail située au-dessous du champignon, servant à la fixation du rail sur les traverses. Les rails utilisés [pour les voies de mine] sont de modèles divers allant du simple fer plat au rail (...) à patin (J. Cahen, Bruet, Carrières,1926, p.136).En 1836 se généralisa l'usage des rails de l'ingénieur anglais Charles Vignoles (1792-1875), rails terminés en champignon à la partie supérieure et, à l'autre, par un patin (P. Rousseau, Hist. techn. et invent.,1967, p.269). b) Prise de courant mobile glissant sur un rail, captant ainsi le courant pour une motrice électrique. Synon. sabot.Dans tous ces chemins de fer électriques le courant est recueilli, non plus par un trolley frottant contre un fil suspendu au-dessus de la voie, mais par un sabot ou patin s'appuyant contre un troisième rail situé à 30 ou 40 centimètres du sol, près de la voie de roulement (Soulier,op.cit., p.162). 4. MARÉCHALERIE. Fer à patin. ,,Sorte de fer qu'on met au pied d'un cheval, dans certains cas, pour le forcer à s'appuyer sur le pied opposé`` (Ac. 1798-1935). D. − Argot 1. Dans des loc., toujours au plur. ♦ Chercher des patins à. Chercher querelle. Synon. fam. chercher noise.Oui, m'sieur l'Président, c'est moi qui a étendu ce cave, mais (...) il est venu me chercher des patins (Le Pt Simonin ill.,1957, p.215). ♦ Porter, prendre les patins de. Épouser les querelles de. [Il] était complètement pion et y avait trois malfrats qui lui cherchaient du rif, j'ai dû prendre ses patins (Le Pt Simonin ill.,1957, p.215). 2. Baiser lingual prolongé. Synon. arg. pelle.Couler un patin. César (...) lui roula un patin. Cette fois, la frangine se laissa faire (Le Breton,Rififi,1953, p.40).Elle s'est tirée, mutine, en me filant un patin (...) en façon de m'assurer de son dévouement (Simonin,Touchez pas au grisbi,1953, p.92). Prononc. et Orth.: [patε
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1260 «chaussure à semelle épaisse» (Etienne Boileau, Métiers, 286 ds T.-L.); b) 1933 «pièce de tissu sur laquelle on pose le pied pour avancer sans salir le parquet» (Malègue, loc. cit.); 2. a) α) 1427 «sorte de galoche qu'on transforme en patin pour aller sur la glace, par la simple addition, soit d'une ferrure pour patiner, soit de clous pour éviter de glisser» (Laborde, Ducs de Bourgogne, t.2, p.384: pour ferrer iij paires des dits patins pour aler sur la glace); de nouv. ca 1475-1506 patins de Hollande (Jean Molinet, Chron., éd. G. Doutrepont et O. Jodogne, t.1, p.421);
β) 1864 «le patinage» (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, p.157);
γ) 1876 romand «pièce placée sous certains traîneaux» (Chabloz, Hist. du Canari Abram Nicole ds Pierreh.); 1916 can. patins du traîneau (Hémon, loc. cit.); 1935 fr. (Ac.); b) 1845-46 «patins à roulettes» (Besch.); 1868 patins à roulettes (Littré); 3. a) α) 1676 techn. (Félibien, pp.683-684: On nomme ... Patins des pieces de bois posées sous les Eschiffes et dans lesquels sont assemblés les noyaux des Escaliers, et encore dans la construction de plusieurs machines où les patins servent comme de pieds);
β) 1832 chaise à patins (Balzac, Curé Tours, p.197); b) 1908 frein à patin (Alvin, loc. cit.); 4. 1927 rouler un patin (d'apr. Esn.); 1928 (Lacassagne, Arg. «milieu», p.181). Dér. de patte*; suff. -in*. Patin au sens 4, est peut-être un déverbal de patiner2* et l'expr. rouler un patin est elle-même prob. due à la vogue du patin à roulettes, d'apr. rouler à patins (cf. Cellard-Rey). Pour l'hist. du mot, v. R. Ling. rom. t.49, 1985, pp.319-320, note 4. Fréq. abs. littér.: 67. Bbg. Archit. 1972, p.60. _ Bassegoda (M.). Ét. du vocab. du patinage... pp.166-168. (Thèse 3ecycle. Nancy. 1980). _ Quem. DDL t.16. _ Sain. Sources t.2 1972 [1925], p.227. |