| PARER1, verbe trans. I. − Orner. A. − [Le compl. désigne une pers.] Parer qqn (de qqc.) 1. Vêtir quelqu'un; habiller quelqu'un avec soin, élégance; agrémenter l'aspect, la tenue de quelqu'un. Parées d'étoffes sombres et le bandeau de perles au front, les femmes s'accoudent (...) sur les lits de pourpre (Villiers de L'I.-A.,Contes cruels, 1883, p.381).Elle se dit avec raison que mon père était un fort bel homme, qu'il parait ses habits quand ses habits ne le paraient pas (A. France,P. Nozière, 1899, p.71). − Empl. pronom. réfl. Se vêtir; s'habiller avec recherche, élégance; mettre des ornements. Synon. s'apprêter.Les unes se faisaient belles avec un voile de laine, les autres se paraient avec un peignoir (Janin,Âne mort, 1829, p.130): 1. Pline a fait de cette gemme [l'opale] une description enthousiaste; il la place aussitôt après l'émeraude; il indique comment la distinguer de ses imitations, ce qui prouve qu'en dépit de la fâcheuse réputation qu'elle avait de porter malheur à celui qui s'en parait, l'opale jouissait d'une grande vogue en ce temps...
Metta,Pierres préc., 1960, p.93. 2. En partic. Parer une femme. Pourvoir une femme d'habits de prix, de parures de bijoux. La gloire est pour un vieil homme ce que sont les diamants pour une vieille femme; ils la parent, et ne peuvent l'embellir (Chateaubr.,Mém., t.1, 1848, p.503): 2. ... l'or est désirable quand il peut servir à parer la femme que l'on aime, −comme les Italiens leur madone, −à étendre de riches tapis sous ses pieds, que blesserait le contact de la terre, à répandre autour d'elle des parfums moins suaves que son haleine.
Karr,Sous tilleuls, 1832, p.315. − Loc. fam. Être parée comme une châsse, comme un autel, comme une idole, comme une épousée de village. Être couverte de bijoux, de colifichets, d'ornements de manière excessive et ainsi paraître ridicule. La gitanilla (...) était parée, cette fois, comme une châsse, pomponnée, attifée, tout or et tout rubans. Une robe à paillettes, des souliers bleus à paillettes aussi, des fleurs et des galons partout (Mérimée,Carmen, 1845, p.39).Elle admirait les femmes qu'elle croisait dans la rue. Les unes surgissaient devant elle parées comme des idoles (Dabit,Hôtel Nord, 1929, p.34). ♦ Rare au masc. M. Walstein s'était paré comme une châsse; la crainte de n'être pas aperçu lui donne un grand amour pour ces couleurs éclatantes qui saisissent douloureusement l'oeil. Il y avait dans son costume (...), au moins toutes les couleurs de l'arc-en-ciel (Karr,Sous tilleuls, 1832, p.215). 3. Au fig. a) Parer qqn.Synon. auréoler.Il leur faut [aux forts] des gloires présentes et des prix qu'ils portent sur eux, qui les touchent, les distinguent et les parent (Joubert,Pensées, t.1, 1824, p.354).Madame Pinson, personnage peu connu des poètes. C'est une petite dame parée de modestie et de simplicité (Alain,Propos, 1921, p.238). − Empl. pronom. réfl. Pour le vêtement nous ferons ce qu'un honnête breton recommandait à sa fille qui lui demandait des chemises: nous nous parerons de notre modestie et de notre innocence (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres, 1847, p.214): 3. ... on voit l'empressement avec lequel les barbares, dès leur entrée dans l'empire, embrassent les formes romaines, et se parent des oripeaux romains, des titres de consuls, de patrices, des costumes et des insignes romains.
Renan,Avenir sc., 1890, p.390. b) Parer qqn de qqc.Attribuer une qualité, un sentiment, un titre à quelqu'un, le plus souvent à tort. Ne jamais parer une femme des qualités qu'on lui souhaite, ni des beautés dont elle fait mystère, mais présumer le fade pour s'étonner de l'exquis (Louys,Aphrodite, 1896, p.137): 4. Point n'est besoin d'écrire pour avoir de la poésie dans ses poches. (...) il y a ceux qui connaissent ces secrets grâce auxquels le mariage de la sensibilité et du quartier fabrique du bonheur. C'est pourquoi je pare du noble titre de poète des charrons, des marchands de vélos, des épiciers...
Fargue,Piéton Paris, 1939, p.29. − Empl. pronom. réfl. Se parer de.Tout cela n'était pas de l'amour, je le sais bien, et je ne veux ni m'accuser ni me parer d'un sentiment que je n'ai jamais connu; mais c'était une amitié solide (About,Roi mont., 1857, p.188). − Loc. fam. Se parer de la/des plume(s) du paon/d'autrui. S'attribuer des titres, des qualités que l'on ne possède pas et en faire état ostensiblement. Quand on parle de soi, la meilleure muse est la franchise. Je ne saurais me parer de bonne grâce de la plume des paons; toute belle qu'elle est, je crois que chacun doit lui préférer la sienne (Vigny,Serv. et grand. milit., 1835, p.8).En vérité il m'est très difficile de vivre dans une époque étrange où les majorités se parent des plumes des minorités pensantes et agissantes (Cocteau,Poés. crit. I, 1959, p.11). B. − [Le compl. désigne une chose] Parer qqc. de qqc.; (qqc.) (est) paré de (qqc.); (qqc.) est paré de (qqc.) 1. [Le suj. désigne une pers.] Qqn pare qqc. (de qqc.).Orner quelque chose; ajouter un élément à quelque chose pour l'embellir. Les catholiques fervents (...) en face de certaines images de dévotion (...) ils la parent [l'image], ils l'encensent (Sand,Hist. vie, t.2, 1855, p.181).Les Romains paraient de dalles de marbre ou de pierre leurs constructions de briques (Arts et litt., 1935, p.20-5): 5. ... cette cathédrale: (...) j'aime à la parer, à l'orner, à l'embellir, afin qu'elle plaise au Seigneur, son époux, et à ses enfants, qui sont ceux du Seigneur. Là viennent les âmes...
Dupanloup,Journal, 1876, p.119. − [Dans un cont. fig.] L'homme le plus modeste, en vivant dans le monde, doit, s'il est pauvre, avoir un maintien très assuré et une certaine aisance, qui empêchent qu'on ne prenne quelque avantage sur lui. Il faut, dans ce cas, parer sa modestie de sa fierté (Chamfort,Max. et pens., 1794, p.50). 2. [Le suj. désigne une chose] Qqc. pare qqc. a) Orner, mettre un ornement à ou sur. Parer sa tête. Au lieu d'un autel paré de lumières et de fleurs, j'ai vu se dresser devant moi un autel d'airain (...), sévère, nu (Renan,Avenir sc., 1890, p.492).Le fleuve (...) entre deux coteaux sablonneux, (...) dressait une grande nappe d'eau claire que le soleil parait d'énormes gerbes d'or (Guèvremont,Survenant, 1945, p.211). − Empl. pronom. passif. Les champs se paraient de verdure et de fleurs (Sandeau,Mllede La Seiglière, 1848, p.268). b) Au fig. C'est le spectacle de la vie, d'une vie toute chargée de soins et de servitudes, toute parée d'amour, de grâces et de ferveur (Duhamel,Suzanne, 1941, p.119). − Empl. pronom. passif. De quels charmes ne se paraient pas pour moi subitement les deux années joyeuses et incohérentes que je venais d'achever (Sagan,Bonjour tristesse, 1954, p.78). II. − [Le compl. désigne une chose] Parer qqc.Préparer, apprêter pour rendre plus propre à un usage. Pendant que la brique est de champ, on la pare; pour cela on prend chacune d'elles séparément et à l'aide d'un couteau ordinaire, on enlève toutes les bavures qui existent sur leurs bords afin d'obtenir des arêtes vives (Bourde,Trav. publ., 1928, p.129). A. − Rendre propre à un usage, à la consommation. Elle les rangea [les légumes] méthodiquement sur le carreau, parant la marchandise, disposant les fanes de façon à encadrer les tas d'un filet de verdure (Zola,Ventre Paris, 1873, p.608): 6. Il y avait un champ aride et pierreux, que traversait une rivière, dont, à peine, on voyait l'eau verte et stagnante sous les joncs dont elle était couverte. On a fait arracher les joncs; on a donné du cours aux eaux; on a paré cette rivière en la tenant dans l'état de perfection dont elle était susceptible...
Laclos,Éduc. femmes, 1803, p.468. ♦ Parer du cidre, du poiré. ,,Le faire fermenter, pour lui ôter le goût douceâtre qu'il a naturellement`` (Ac. 1835-1935). B. − Spéc. Préparer en ôtant les parties inutiles, en donnant meilleure apparence. 1. BOUCHERIE − Ôter les peaux, graisses, nerfs superflus. Parer la viande, les viandes. (Dict. xixeet xxes.). Cette viande, préparée par une main inexpérimentée, est mal parée (Macaigne,Précis hyg., 1911, p.218). ♦ P. anal. Le thon est «paré» par enlèvement des arêtes et d'une partie de la peau (Industr. conserves, 1950, p.20). − Parer un agneau. ,,Lever la graisse qui est sur la panse, et l'étendre sur les quartiers de derrière`` (Ac. 1835, 1878). 2. CUISINE − Ôter les parties non comestibles avant de préparer un plat, donner meilleur aspect à un mets, à un plat. Parer des côtelettes; parer des fruits, des légumes. (Dict. xixeet xxes.). − Préparer en vue de la présentation, de la consommation ultérieure. Vous sautez les filets de barbue, de sole et d'anguille, puis vous les parez en petites escalopes (Gdes heures cuis. fr.,Carême,1833, p.130).Parer le dessus de la brioche; retirer la mie de l'intérieur en suivant la forme des cannelures, et emplir cette croustade aux deux tiers (Gdes heures cuis. fr.,A. Escoffier,1935,p.193). 3. HORTIC. Couper l'extrémité des racines et des branches d'une plante que l'on met en terre ou que l'on repique afin de lui permettre de reprendre vigueur plus facilement. (Dict. xixeet xxes.). 4. MARÉCHALERIE. Parer le pied d'un cheval. Enlever avec le boutoir la corne superflue du sabot afin de redonner au pied son aplomb et une longueur normale (d'apr. Tondra Cheval 1979). Pied paré au degré voulu; pied paré d'aplomb. 5. MAR. Mettre en état (quelque chose) afin de pouvoir s'en servir. Parer les canots. Parer un câble, une ancre (Ac. 1935). Heureusement tout avait été paré à bord pour résister à cette tempête (Malot,R. Kalbris, 1869, p.227).Les pompes sont dégelées et parées et toutes les heures on sonde la cale (Charcot,Expéd. antarct. fr., 1906, p.183). − Parer une manoeuvre. S'apprêter à l'effectuer. (Ds Littré, Lar. Lang. fr.). ♦ Pare. Ordre de se disposer à effectuer une manoeuvre. Pare à mouiller (Ac. 1935). Nous devrions être arrivés. Oh oh, mais je vais commander, moi, alors! Pare à virer! (Jarry,Ubu, 1895, v, 4, p.91). 6. PEAUSS. Amincir une peau afin de l'assouplir; ôter les parties trop épaisses des bords. Parer à la main; machine à parer. Couteau à parer; parer une peau, un cuir. (Dict. xixeet xxes.). [Les peaux de daim] sont souvent parées, c'est-à-dire diminuées dans leur épaisseur, ce qui les assouplit et permet un travail plus aisé (J. Coulon,Technol. gén. modiste, 1951, p.55). 7. TECHNOL. Polir, régulariser, apprêter en vue de. (Dict. xixeet xxes.). 8. VERRERIE. Soumettre à la paraison. Verre doublé. −On appelle ainsi un verre différemment coloré sur les deux faces. Pour l'obtenir, on fait une première paraison avec un verre de couleur, puis, au-dessus, on cueille du verre blanc et l'on pare de nouveau (Cl. Duval, Verre, 1966, p.90). Prononc. et Orth.: [paʀe], (il) pare [pa:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694). Étymol. et Hist. A. 1. Fin xes. «orner» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 22: Cum cel asnez fu amenaz, De lor mantelz ben l'anb parad); ca 1050 (Alexis, éd. Chr. Storey, 586: D'or et de gemmes fu li sarqueus parez); 2. ca 1225 «vêtir avec soin, élégance» (Gautier de Coinci, Mir. Vierge, éd. V. F. Koenig, II Mir 13, 679); 3. mil. xives. au fig. se parer de (qqc.) «tirer vanité de (quelque chose)» (Bâtard de Bouillon, éd. R. Fr. Cook, 3781); 1582 id. «s'adjuger (quelque chose) de plus ou moins mérité» (R. Garnier, Bradamante, III, 1, 743 ds Tragédies, éd. W. Foerster, IV, p.33: or' qu'il soit deshonneste De se vouloir parer d'une faulse conqueste). B. Ca 1170 «préparer, apprêter» (Rois, éd. E. R. Curtius, p.122, 19); spéc. 1. ca 1170 «ôter l'écorce (d'une branche, d'un arbre)» (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Chèvrefeuille, p.152, 53); ca 1215 «peler (un fruit, etc.)» (Aymeri de Narbonne, 4419 ds T.-L.); 1701 bouch. (Fur.); 2. 1250 «apprêter (une étoffe)» (doc. ds de Poerck t.2, 645); 3. 3etiers xiiies. «râcler (du cuir) pour l'amincir» (Merveilles Rigomer, éd. W. Foerster, 15663); 1636 peauss. (Monet); 4. 1552 mar. (Rabelais, Quart Livre, éd. R. Marichal, chap.22, p.117: Pare les couetz. Pare les escoutes. Pare les bolines); 5. 1559 parer les piedz à un cheval (Journal du sire de Gouberville, 8 déc. ds Poppe, p.140). C. 1432-33 être paré de «être muni de» (Jean Régnier, Les Fortunes et adversitez, éd. E. Droz, p.62, 1668). Du lat. parare «préparer, apprêter, arranger» d'où également en roman «orner», etc. Cf. parer2et parer3. Bbg. Duch. Beauté. 1960, pp.88-89, 92-93. |