| PARADOXAL, -ALE, -AUX, adj. A. − [Corresp. à paradoxe A 1] Qui exprime un paradoxe. Définition, doctrine, esprit, idée, opinion, vérité paradoxale. Dans le volume intitulé De l'Église gallicane (...) il y a toute une moitié expressément dirigée contre Port-Royal, contre Pascal et les Provinciales. Nulle part la verve de ce génie paradoxal ne s'est déployée avec plus de feu (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.3, 1848, p.160).Suivant une certaine école paradoxale, il n'y aurait plus de Grecs en Grèce; tout le peuple serait albanais, c'est-à-dire slave (About,Grèce,1854, p.39).M. Clemenceau, voyez-vous, c'est un paradoxal mélange de scepticisme naturel... de pessimisme réfléchi... et d'optimisme résolu... (Martin du G.,Thib., Épil., 1940, p.805): 1. Il faut choisir: ou admettre les paradoxes de l'épiphénoménisme, ou accepter cette thèse, paradoxale seulement en apparence: si l'on pouvait construire un appareil physique, reproduisant toutes les liaisons physiques du système nerveux, cet appareil serait conscient.
Ruyer,Esq. philos. struct.,1930, p.169. ♦ Il est, il n'est pas paradoxal (de dire, admettre, affirmer, penser) que... Il serait paradoxal que le mystère des êtres eût pour siège leur apparence la plus superficielle (Jankél.,Je-ne-sais-quoi,1957, p.7). − Empl. subst. rare. Diogène le paradoxal aimait à dire que c'est la peine qui est bonne; il entendait la peine choisie et voulue; car, pour la peine subie, personne ne l'aime (Alain,Propos,1922, p.448). B. − [Corresp. à paradoxe A 2] Qui exprime des paradoxes, des contradictions dans les termes et de ce fait étonne ou éblouit. Formule, phrase paradoxale. Il parlait bien, d'une façon étrange et paradoxale avec des mots d'une bizarrerie étudiée et une sorte d'âpreté éloquente (Gautier,Hist. romant.,1872, p.22). − P. anal. [À propos de qqc.] Qui surprend, qui est étrange, extraordinaire, incroyable, invraisemblable. Un trou grisâtre se creusa dans le noir abîme des nuages. Par là se glissa, comme un rire rouge, un paradoxal rayon de soleil (L. Daudet, Voyage Shakesp.,1896, p.28).À un angle de rue, dans un quartier de maisons à peine hautes, il [un gratte-ciel] se dressa tout seul, grêle, efflanqué, paradoxal (Loti,Vertige mond.,1917, p.194): 2. N'ai-je pas, dans mon jardin, un certain jasmin jaune, qui fleurit en plein décembre, une bruyère paradoxale qui fleurit avec les lauriers-tin, tout le mois de janvier...
E. de Goncourt,Mais. artiste, t.2, 1881, p.576. C. − [Corresp. à paradoxe B] Qui tient du paradoxe, qui est contradictoire. Fait paradoxal; morale, philosophie, situation paradoxale. Dans ce monde paradoxal du théâtre, où toute l'histoire d'un empire peut durer le temps d'un vers bien dit (Mallarmé,Dern. mode,1874, p.750).La parole est donc cette opération paradoxale où nous tentons de rejoindre, au moyen de mots (...) une intention qui par principe va au delà (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p.445).Le rêve est plus que paradoxal, il est incompréhensible pour une conception de la conscience comme liberté pure, qui rejette comme des superstitions l'inconscient, la multiplicité psychique (Ruyer,Paradoxes de la conscience, Paris, Albin Michel, 1966, p.258): 3. Le charme évasif (...) qui est simple et raffiné, ingénu et savant, naïf et rusé, limpide et mystérieux, transparent et profond, qui est tendre et imperturbable, qui est présent-absent, il ne devient audible que dans des sonorités elles-mêmes paradoxales: jouer forte et en sourdine, obtenir un pianissimo sonore, ce sont des contradictions qu'on ne peut réaliser physiquement et que seule résout l'opération de l'âme.
Jankél.,Je-ne-sais-quoi,1957p.89. − [À propos de qqn] Un homme paradoxal. Le pessimiste aurait beau jeu à déplorer la venue de cette créature paradoxale, accablée par sa supériorité, qui ne doit qu'un surcroît de tourments à l'hypertrophie de son intelligence et de son affectivité, qui traverse la vie dans l'épouvante de la mort, qui s'attache sans mesure à d'autres créatures éphémères, qui, trop bestiale ou trop peu, souffre quand elle réprime ses instincts et ne souffre pas moins quand elle y cède, qui ne sait pas défendre son coeur contre les rêves que lui interdit sa raison... (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p.202). − MÉD., PSYCHOL. ♦ Contraction paradoxale. ,,Cette contraction qui se produit avec un excitant électrique est en désaccord avec le principe selon lequel la transmission nerveuse est restreinte à la fibre excitée`` (Lar. Lang. fr.). ♦ Pouls paradoxal. Pouls lent qui accompagne une forte fièvre. Les conditions physiologiques (...) provoquent également (...) l'altération du pouls décrite (...) sous le nom de pouls paradoxal (Aviragnet, Weill-Hallé, Marie dsNouv. Traité Méd. fasc. 21928, p.736). ♦ Sensation paradoxale. Il y a sensation paradoxale de froid ou de chaud quand une stimulation punctiforme mécanique suscite une sensation thermique (Piéron1973). ♦ Sommeil paradoxal. Le sommeil est schématiquement divisé en cinq stades (...). Le cinquième, nommé le sommeil avec rêve, encore nommé sommeil paradoxal (SP), est reconnu grâce à la présence simultanée d'un stade de type 1, de mouvements oculaires rapides et de l'abolition de tonus musculaire (O. Benoit, Les Réglages fins des horloges du sommeil ds Science et Vie, mars 1983, no142, p.40). Prononc. et Orth.: [paʀadɔksal], plur. masc. [-o]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist.A. Adj. 1. a) 1588 [éd.] «qui tient du paradoxe» (Saint-Julien de Balleure, Mél. hist., p.1: Livre Premier des meslanges paradoxalles de Pierre Sainct Julien); b) 1812 «bizarre, inconcevable» (Mozin-Biber); c) 1928 méd. pouls paradoxal (Aviragnet, Weill-Hallé, loc. cit.); 2. 1588 «qui aime le paradoxe (d'une personne)» (Saint-Julien de Balleure, ibid., foa 8 ro). B. Subst. 1733 [éd.] «ce qui tient du paradoxe» (Le Pour et le Contre, t.2, p.130, no21). Dér. de paradoxe*; suff. -al*. Fréq. abs. littér.: 414. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 139, b) 214; xxes.: a) 494, b) 1229. |