| PALPITER, verbe intrans. A. − 1. [Le suj. désigne un animé, une partie du corps, etc.] Être animé de mouvements plus ou moins réguliers manifestant la vie ou de mouvements convulsifs manifestant la lutte pour survivre, la persistance d'un reste de vie. Synon. panteler, soubresauter, tressauter.Il songe (...) à tout ce qui bouge et palpite en dehors des murs de sa prison (L. Daudet,A. Daudet, 1898, p.297).Tout se mettait à respirer, à palpiter; le roc même semblait prendre vie et ce qu'on croyait inerte commençait timidement à se mouvoir (Gide,Si le grain, 1924, p.436).Il voit, au bord du cou, une artère qui bat secrètement: et c'est la vie même de Sandrine qui palpite (Genevoix,Raboliot, 1925, p.227).V. agonie ex. 30. 2. [Avec une valeur de personnification; le suj. désigne une chose concr., notamment (un élément d')une oeuvre d'art] Paraître animé des mouvements de la vie, grâce à une expressivité particulièrement forte. La chambre maintenant familière, où toutes choses avaient été pour lui si amicales, palpitait, revivait (Alain-Fournier,Meaulnes, 1913, p.116): . ... ce qui est vraiment magnifique, c'est la franchise, c'est la vie de cette scène! La femme qui regarde, désoeuvrée, la rue, palpite, bouge; on voit ses reins remuer sous le merveilleux velours bleu sombre qui les couvre; on va la toucher du doigt...
Huysmans,Art mod., 1883, p.110. − Empl. adj., rare. Nous regardons des académies de Cochin, qu'il admire: « Comme c'est palpité!» (Goncourt,Journal, 1860, p.693). 3. P. anal. [Le suj. désigne une chose concr.] Être parcouru de mouvements rappelant ceux de (la lutte pour) la vie, par leur rythme régulier ou leur précipitation. [Tes cheveux] me fuient (...). Ils tressaillent, ils s'agitent, ils palpitent dans mes mains comme des oiseaux d'or (Maeterl.,Théâtre, t.2, Pelléas et Mélisande, [1892], p.69).Sur une basse branche Le soleil vacillant se repose et se penche; Il palpite, il se gonfle, il se contracte, il vit (Noailles,Éblouiss., 1907, p.120). − Synon. de s'agiter, osciller.Le lac palpite à peine. Un glissement mou et lent (Martin du G.,J. Barois, 1913, p.489).La ville paraît infinie; (...) l'électricité trace des zigzags, tremble, palpite, éblouit (Loti,Vertige mond., 1917, p.196).V. colombe ex. 1. 4. Au fig. [Le suj. désigne une chose abstr., une oeuvre, etc.] Être animé (d'un reste) de vie spirituelle, de force morale, d'activité. Je sens, tout au fond de mon âme, quelque chose qui remue encore, et qui palpite, et qui veut vivre (Flaub.,Smarh, 1839, p.88).Ces collections qu'on croirait mortes sont vivantes; elles palpitent encore de cette lutte, animées par les grands esprits qui ont appelé tous ces êtres en témoignage dans leur combat fécond (Michelet,Oiseau, 1856, p.38). − Palpiter dans/sous (qqc.).[Le compl. d'obj. indir. désigne un lieu, une oeuvre, etc.] Être vivace spirituellement, se perpétuer, rester présent à la mémoire en se rendant perceptible au travers des faits, des témoignages. Une partie du vieux génie liturgique palpite encore et revit sous ces formes nouvelles (Quinet,All. et Ital., 1836, p.190).Les effroyables choses qui se sont accomplies dans cet antre de juges [la chambre de la question] y palpitent et y vivent encore (Hugo,Choses vues, 1885, p.103). B. − 1. a) [Le suj. désigne le coeur] Battre plus fort, irrégulièrement, sous l'effet d'une cause pathologique ou d'une émotion. Si je te presse doucement sur mon sein..., alors ce n'est plus seulement mon coeur qui palpite, c'est tout mon être, c'est tout mon sang, qui frémissent de désir et de plaisir (Cottin,C. d'Albe, 1799, p.168).Cette difficulté de respirer augmente par le moindre mouvement (...). Alors leur coeur palpite, leurs artères battent fortement (Geoffroy,Méd. prat., 1800, p.215). b) [Le suj. désigne une autre partie du corps ou un animé] Être animé de mouvements rapidement rythmés ou désordonnés sous l'effet d'une émotion. Tressaillant quand le vent remuait une branche, Ses beaux seins effarés, au tic tac de son coeur Tremblaient et palpitaient comme deux tourterelles (Gautier,Albertus, 1833, p.149).Elle palpitait comme après mes étreintes; son oeil flambait, ses mains étaient chaudes, toute sa personne vibrante dégageait cette vapeur d'amour (Maupass.,Contes et nouv., t.2, Fou, 1882, p.787).Une envie de meurtre faisait palpiter ses narines, dilatait la pupille de ses yeux hagards (Aymé, Rue sans nom, 1930, p.205).V. ombrageux ex. de Gautier. 2. P. anal. [Le suj. désigne une chose concr.] Être parcouru de mouvements rappelant ceux de l'émotion. Celui-là qui est dans la joie ou qui souffre verra les étoiles de la nuit palpiter à l'unisson de son coeur (Toulet,Mariage Don Quichotte, 1902, p.24).Les trembles convulsifs, qui ont si peur des bombardements, qui en palpitent des lustres à l'avance (Arnoux,Calendr. Fl., 1946, p.234).Les pierres taillées n'aveuglent pas qui palpitent, sont vivantes, tournent de l'oeil avec émotion, humides et tendres (Cendrars,Lotiss. ciel, 1949, p.279). 3. Au fig. [Le suj. désigne une pers., un sentiment, etc.] Être animé de vifs mouvements affectifs. Palpiter de joie. Jamais, comme en ce moment-là, il n'avait senti l'émouvant désir d'inconnu dont son âme était frémissante; jamais il n'avait palpité davantage sous les souffles aventureux (Moselly,Terres lorr., 1907, p.210).Tout ce qui naissait ou palpitait dans les âmes, sous ces dehors polis, se trahissait seulement, chez les femmes, par l'attention subite du visage ou le battement des cils (...) inoubliables frissons (Pesquidoux,Livre raison, 1925, p.128). − [P. méton.; le suj. désigne (un élément d')une oeuvre, etc.] Exprimer de vifs mouvements affectifs, s'animer, se passionner. La grande question des romantiques et des classiques palpitait dans les journaux, dans les cercles, à l'Académie (Balzac,Béatrix, 1839, p.65).Que la Scène d'amour [de Roméo et Juliette, de Berlioz] (...) est donc splendide, où palpite l'enivrant motif embrasé par les timbres et les rythmes divers de toutes les flammes de la passion! (Willy,Entre deux airs, 1895, p.86).Personnage rêvé et non observé, mais que Balzac nourrit peu à peu de ses désirs refoulés, (...) Vautrin, de chapitre en chapitre, s'individualise, s'incarne, palpite enfin d'une terrible vie (Mauriac,Trois gds hommes dev. Dieu, 1947, p.154). Prononc. et Orth.: [palpite], (il) palpite [palpit]. Att.ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist. 1. 1488 «avoir encore quelque mouvement» (La Mer des Histoires, I, 167a, édit.1491 cité par Vaganay ds Rom. Forsch. t.32, p.119: Après lequel Joab vindrent dix jeusnes escuiers, lesquelz voyant qu'il palpitoit et se mouroit encor, li occirent finablement); 2. 1542 «battre plus qu'à l'ordinaire (du coeur)» (P. de Changy, Inst.de la femm. Chrest., p.72 ds Gdf. Compl.); 1694 (d'une paupière) (Ac.); 3. 1741 «être ému au point que le coeur bat plus qu'à l'ordinaire» (Duclos, Confes. Comte De..., p.221); 1755 palpiter de joie (Prevost, Grandisson, t.3, p.39); 4. 1830 «être agité d'un mouvement, d'un frémissement» (Lamart., Harm., p.320: les vagues palpitent au lever du roi du jour). Empr. au lat. palpitare «s'agiter, être agité; palpiter, battre (du coeur)», dér. de palpare «palper, toucher». Fréq. abs. littér.: 891. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1414, b) 1531; xxes.: a) 1491, b) 863. DÉR. Palpitement, subst. masc.,littér. Action de palpiter; résultat de cette action. a) Synon. de palpitation (v. ce mot A 1).Palpitement silencieux de leurs ailes (Gide,Voy. Urien, 1893, p.29).P. anal. Synon. de palpitation (v. ce mot A 3).Le palpitement des eaux (Giono,Eau vive, 1943, p.315).b) Synon. de palpitation (v. ce mot B 1).Ses regards croisés par ceux de Louise aussitôt éteints sous des palpitements de cils (Verlaine,OEuvres compl., t.4, L. Leclercq, 1886, p.110).Au fig. Synon. de palpitation (v. ce mot B 3).Sentir des élans de tendresse, des palpitements d'amour, mais ne jamais savoir si on les ressent avec vous! (Zola,Corresp., 1860, p.46).− [palpitmɑ
̃]. − 1reattest. 1621 (T. Courval-Sonnet, éd. Jouaust, I, 112 d'apr. FEW t.7, p.522); de palpiter, suff. -ment1*. |