| PÉRIR, verbe intrans. A.− Littéraire 1. Mourir (de mort violente, dans des circonstances dramatiques). Synon. succomber.On les tuait. Il en périt bien douze cents de la sorte, et ce massacre fut accompagné de beaucoup de désordre et de pillage (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 1, 1821-24, p. 235).Les bêtes de somme périrent dans les précipices (Flaub., Tentation,1849, p. 276): 1. L'opinion de Négrel était que pas un des malheureux ne survivait, les quinze avaient à coup sûr péri, noyés ou asphyxiés; seulement, dans ces catastrophes des mines, la règle est de toujours supposer vivants les hommes murés au fond...
Zola, Germinal,1885, p. 1550. − [Dans une formule d'imprécation] Périsse l'homme vil! Périssent les flatteurs, Des rois, du peuple infâmes corrupteurs! (Chénier, Odes,1794, p. 241). ♦ [P. allus. à la formule de Robespierre : Périssent les colonies plutôt qu'un principe] Périssent les États-Unis plutôt qu'un principe! (Flaub., Corresp.,1859, p. 311). SYNT. Périr par l'épée, par le feu, par/de la main de qqn; périr à la guerre, dans un accident; périr de faim, de froid, de misère. 2. En partic. [En parlant d'un navire; de son équipage et de sa cargaison] Disparaître. Périr en mer; périr corps et biens. Un matelot de Jersey, dont le vaisseau avoit péri sur Gracioza plusieurs années auparavant (Chateaubr., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 385).Ce marin peu soucieux qui avait vu périr son équipage et sa cargaison (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 118). 3. P. exagér. La jolie MmeX... rougit à périr (Barrès, Cahiers,t. 4, 1905, p. 65).Quelle question pourrait jamais formuler l'inexprimable? D'ailleurs ce serait à faire périr de honte, l'humilité ne descend pas jusque-là (Gracq, Beau tén.,1945, p. 33). ♦ Périr d'ennui, s'ennuyer à périr. Pour m'empêcher de mourir de fatigue, il me fait périr d'ennui (Jouy, Hermite,t. 5, 1814, p. 285).Comme elle s'ennuyait à périr dans la classe, mademoiselle la laisse par pitié venir avec nous (Colette, Cl. école,1900, p. 249). 4. Vieilli, pop. a) Empl. pronom. Mourir. Sa promise l'a quitté... ou on l'a enlevée... ou elle s'est périe... (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 527).Se suicider. Ils trouvèrent une lettre béante : Je ne peux plus durer; je vais me périr en forêt (La Varende, Pays d'Ouche,1934, p. 94). b) P. arch., empl. avec l'auxil. être. On croyait qu'il était péri, mais voilà que l'on dit qu'il s'est réveillé à Brest (Péguy, Argent,1913, p. 1233). B.− [Le suj. désigne un inanimé] Disparaître (complètement, définitivement). 1. [Le suj. désigne un inanimé concr.] Vieilli. Les ruines de l'abbaye ont moins péri que celles-là [les ruines d'un manoir]; mais c'est bien plus déplorable (M. de Guérin, Corresp.,1833, p. 88).Quand ce n'est pas par émiettement, c'est par éboulement que périssent les édifices de terre (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 153). 2. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Littér. La beauté, une idée, la jeunesse, la liberté périt; la monarchie, la république périt. Les vérités écrasantes périssent d'être reconnues (Camus, Sisyphe,1942, p. 166): 2. Voilà donc, s'écrie-t-elle, celui à qui j'ai tout sacrifié! Honneur, repos, vertu, tout a péri dans la fatale passion qui me dévore! Pour toi j'ai livré mon âme aux mauvais génies...
Chateaubr., Natchez,1826, p. 409. − Empl. factitif. L'ennui de la vie matrimoniale fait périr l'amour sûrement, quand l'amour a précédé le mariage (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 155). REM. 1. Péri, -ie, part. passé ou adj.,rare. Mort. Marin péri en mer. L'âme seule tient dans le corps péri (Claudel, Annonce,1948, III, 2, p. 189). 2. Périssement, subst. masc.Action, fait de périr. Moi [l'Histoire] la plus périssable des créatures et la plus pauvresse, et la princesse du périssement même (Péguy, Clio,1914, p. 169). Prononc. et Orth. : [peʀi:ʀ], (il) périt [peʀi]. Ac. 1694 et 1718 : pe-; dep. 1740 : pé-. Étymol. et Hist. 1. Verbe intrans. a) ca 1050 perir « mourir de mort violente ou prématurée » (Alexis, éd. Chr. Storey, 299); 1remoit. du xiies. « mourir de mort spirituelle » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, p. 265, 12); b) 1remoitié du xiies. « être anéanti (en parlant d'une chose quelconque) » (ibid., p. 251, 4); spéc. 1188 « être détruit (en parlant d'un bateau) » (Florimont, 436 ds T.-L.); 1530 « être anéanti, ruiné, perdu (en parlant d'un État, des affaires publiques, etc.) » (Palsgr., p. 656); 2. verbe trans. 1121-34 « faire périr » (Les plus anc. lap. fr. ds Romania t. 38, p. 509, 817); mil. du xiies. (Jeu Adam, 374 ds T.-L.); 3. verbe réfl. a) ca 1165 « se donner la mort » (Troie, 29585, ibid.); b) fin du 2etiers du xives. « être détruit, anéanti (en parlant de la chrétienté) » (Joinville, St Louis, éd. N. L. Corbett, § 61, var. ms. A); fin xives. (en parlant de la justice, de la foi, etc.) (E. Deschamps,
Œuvres, VI, 179, 4 ds T.-L.); 4. part. passé a) ca 1170 péri « perdu, damné » (M. de France, Lais, Guigemar, 67 ds éd. J. Rychner, p. 7); b) spéc. fin du xives. « qui a fait naufrage (en parlant d'un bateau) » (E. Deschamps, op. cit., V, 218, 4 ds T.-L.). Du lat. perīre « s'en aller tout à fait, disparaître, être détruit, anéanti, perdre la vie » qui servait de passif à perdere (perdre*). Fréq. abs. littér. : 2 549. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 801, b) 2 730; xxes. : a) 2 664, b) 1 968. |