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PÉNÉTRER, verbe
I. − Empl. intrans. [Les indices 1 et 2 signalent respectivement: 1, l'instrument/agent/cause du procès pénétrer; 2, le lieu concr. ou abstr. affecté par ce procès. En gén., ce lieu, tenu pour circonscrit, oppose une certaine résistance au déroulement du procès, notamment par ses frontières fermées ou étroitement ouvertes] Entrer bien avant ou profondément dans.
A. − [Le suj. désigne un inanimé] Qqc.1pénètre dans/sur/... qqc.2(par tel chemin, jusqu'à tel point)
1. [Qqc.2oppose une certaine résistance]
a) [Le suj. désigne un objet solide, notamment]
α) [une arme, un projectile, un outil] La cartouche était à balle de bois, par chance, mais elle n'en pénétra pas moins jusqu'à l'os dans la jambe du dormeur (Ambrière, Gdes vac., 1946, p.187).
Tournure factitive. Faire pénétrer. Synon. de enfoncer.Faire pénétrer un clou, une vis dans du bois, dans un mur. La réparation des chaussées pavées exige l'enlèvement de pavés isolés, opération qui deviendrait impossible si on ne pouvait faire pénétrer un outil dans les joints (Bourde, Trav. publ., 1929, p.66).
[Avec ell. du suj.] Blindage, revêtement difficile à pénétrer. L'adjectif «dur» signifie, étymologiquement, «difficile à pénétrer, à entamer», mais le mot a pris de nombreux sens métaphoriques, presque tous péjoratifs (Guiraudds Langage, 1968, p.443).
β) [un véhicule] Synon. de entrer dans.Le navire pénètre dans le port. Le navire continua sa route, aborda à Livourne, et pénétra dans la rade de Marseille (Artaud, Théâtre et son double, 1938, p.20).
[P. méton.; une voie de communication] La première borne (...) se place à 1 kilomètre du point où la route pénètre dans le département (Bourde, Trav. publ., 1929, p.137).Les chemins de fer ont eu à pénétrer dans les villes (Lesourd, Gérard, Hist. écon., 1968, p.267).
γ) MÉD. [un instrument d'investigation, la main du praticien] La matrice se contracte sur l'enfant (...) et souvent avec tant de force, que la main de l'accoucheur trouve les plus grandes difficultés à y pénétrer (Baudelocque, Art accouch., 1812, p.xxvii).
[P. méton. Qqc.1désigne le praticien] On prélève directement le produit de sécrétion par écouvillonnage au coton stérile du pharynx ou de la trachée, dans laquelle on pénètre le plus bas possible (Brion, Jurispr. vétér., 1943, p.273).
b) [Le suj. désigne un fluide]
α) [un liquide] S'infiltrer. La créosote imprègne parfaitement l'aubier mais pénètre à peine dans le coeur du bois (Bourde, Trav. publ., 1929, p.93).
Empl. factitif. Faire pénétrer un vaccin dans la peau. On utilise des matières fluides telles que les huiles et les dégras que l'on fait pénétrer par osmose dans le cuir préalablement humidifié (Bérard, Gobilliard, Cuirs et peaux, 1947, p.110).
β) [un gaz] Le sol (...) se décompose (...). L'air et l'eau pénètrent alors dans sa texture ameublie (Vidal de La Bl.ds Ann. géogr., 1913, p.293).
Tournure factitive. Nécessité de faire pénétrer les gaz étudiés dans le courant de gaz auxiliaire par un point du trajet de celui-ci (MmeP. Curie, Isotopie, 1924, p.191).
2. P. ext. [Avec affaiblissement, voire disparition de la notion de résistance]
a) [Le suj. désigne un agent physique apte à se répandre spontanément] Synon. s'infiltrer.
Tournure factitive:
1. ... si ces pierres en saillie sont recouvertes d'une dalle de pierre dure, même d'une nature très-compacte, celle-ci produit toujours l'effet d'un filtre, et fait ainsi peu à peu pénétrer l'humidité dans la pierre tendre sous-posée, qui, ne pouvant sécher, développe des sels ou se détruit aux gelées. Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p.25.
Absol. À mesure que la soirée s'avance, le froid vient, un froid humide qui pénètre (Loti, Journal, 1878-81, p.235).
b) En partic. [Le suj. désigne]
α) [la lumière, le soleil, la clarté...] La lumière pénètre à flots. N'as-tu pas, dis-moi, dans ta maison, Quelque coin (...) quelque étroite prison (...) obscure, sans fenêtre, Où jamais un rayon de soleil ne pénètre? (Dumas père, Christine, 1830, i, 3, p.218).
P. métaph., absol. [Qqc.1désigne le regard] Synon. de transpercer.Le regard noir, souvent ironique, pénétrait (Maupass., Contes et nouv., t.1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p.310).
β) [une odeur, un parfum] M. Faîsme venait, en pantoufles, faire un tour dans le couloir; et le plus souvent on ne s'apercevait de sa visite qu'après son passage, à l'odeur écoeurante du cigare qui pénétrait par le treillage de l'imposte (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p.718).
γ) [un son] Dans cette chambre à peine éclairée et où ne pénètre aucun écho du dehors, quelques amis parlaient à voix basse (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p.141).
[Qqc.1désigne la voix humaine] Synon. de s'infiltrer.Elle avait une de ces voix graves et élégantes qui pénètrent sensuellement dans les veines (Barrès, Jard. Bérén., 1891, p.51).
B. − [Le suj. désigne un animé] Qqn1pénètre dans/sur... qqc.2(par tel chemin, jusqu'à tel point).S'introduire dans (un lieu), s'avancer jusqu'à (un endroit).
1. [Qqc.2représente un espace ou un volume délimité]
a) [Le suj. désigne une pers.] Les hommes de cette race (...) ont débarqué en divers points de la côte orientale de l'Angleterre (...) et pénétré le long des rivières (Haddon, Races hum., trad. par A. Van Gennep, 1930, p.54).Dès qu'un être normal pénètre sur un hippodrome, il cesse d'être normal; c'est que le champ de courses est un royaume enchanté où tout est possible (Zitrone, Courses, 1962, p.21).
En partic. [Qqc.2désigne un vêtement plus ou moins facile à enfiler] Synon. de se glisser dans.Il se glissa dans le pantalon (...) et il pénétra dans la veste dont il ne sembla pas remarquer que les manches lui arrivaient juste à mi-bras (Courteline, Gaîtés esc., Coupe nouv., 1885, iv, p.223).
P. métaph. Expliquez-moi donc cet homme, je vous en supplie; car qui pourrait pénétrer sous son masque de pierre? (Sand, Indiana, 1832, p.132).
b) [Le suj. désigne un non-humain] Les renards fourrés et les ours blancs pénètrent jusqu'au sein de la zone glaciale, dans des régions de neiges et de glaces qu'aucun animal vivant ne peut habiter (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.376).Des grains de pollen ayant pénétré, au moment de la fécondation, par le micropyle jusque dans cette excavation du nucelle (Ad. Brongniart, Graines foss., 1876, p.18).
2. P. ext. Synon. de entrer dans.Pénétrer dans l'eau jusqu'à mi-jambes, mi-corps; pénétrer dans une pièce, dans une chambre; il est interdit au public de pénétrer. De temps en temps, une habilleuse pénètre de biais dans la loge et circule (...), agrafant, nouant les cordons d'un maillot (Colette, Music-hall, 1913, p.43).
Rem. En ce sens, pénétrer semble être d'un style plus soutenu: Je frissonnais toujours lorsque j'y pénétrais [dans la bibliothèque] (Rollinat, Névroses, 1883, p.265).
P. anal. Faire son entrée dans. La petite mademoiselle pénètre dans Paris sous le nom de Madame Douillet, femme d'un notaire qu'elle a connu à Angoulême (L. Schneider, Maîtres opérette fr., Lecoq, 1924, p.205).
P. anal. [Le suj. désigne une entreprise, une agence] Synon. de s'implanter.L'agence Havas pénétrait déjà dans 200 journaux provinciaux en 1850 (Civilis. écr., 1939, p.40-8).
C. − Au fig. Qqc.1/qqn1pénètre dans... qqc.2
1. [Qqc.1désigne un inanimé abstr. (enseignement, technique, idées, sentiments)] Se répandre dans.
a) [Qqc.2désigne les attributs ou produits des collectivités humaines] L'ancien art du geste (...) a pénétré dans les habitudes du peuple (D'Indy, Compos. mus., t.1, 1897-1900, p.85).Il ne suffisait pas de répartir, sur l'ensemble du territoire, des ingénieurs et des conseillers techniques pour que le progrès pénètre dans les exploitations (Debatisse, Révol. silenc., 1963, p.107).V. entreprise ex. 13.
Tournure factitive. Faire pénétrer. Synon. répandre, introduire.Les monuments que les Romains élevaient dans les villes provinciales ne les ruinaient pas, mais au contraire contribuaient à y faire pénétrer la civilisation (Viollet-Le-Duc, Archit., 1863, p.491).
b) En partic. [Qqc.2désigne un attribut de l'homme (l'âme, le coeur)] Comment décrire le moment où l'absolu se révèle et où l'éternité pénètre sous l'écorce du coeur (L. de Vilmorin, Retour Érica, 1946, p.75):
2. ... les paysans se prêtent charrettes et boeufs (...). C'est un libre et amical échange. Ainsi, une parcelle d'âme communiste pénètre dans le travail paysan, dans la conscience paysanne. Jaurès, Ét. soc., 1901, p.15.
Rare. Qqc.1est empêché de pénétrer. Quelque chose est bloqué quelque part. L'essence du refoulement consiste en ce qu'une tendance donnée est empêchée par le gardien de pénétrer de l'inconscient dans le pré-conscient (Freud, Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1959 [1922], p.319).
2. [Qqn1désigne un animé hum.]
a) [Qqc.2désigne un inanimé plus ou moins abstr.] Prendre connaissance de. Il y avait du Napoléon en lui par sa faculté de pénétrer dans tous les détails sans perdre de vue l'ensemble (A. France, Vie fleur, 1922, p.515).Plus on pénètre profondément dans la topologie algébrique moderne, plus on s'éloigne de l'intuition géométrique primitive de ses fondateurs (Hist. gén. sc., t.3, vol. 2, 1964, p.24).
Tournure factitive. Une biographie fait aussi pénétrer en des régions de l'individu peu accessibles directement (Griaule, Méth. ethnogr., 1957, p.63).
En partic.
[Qqc.2désigne une phase de l'existence, la vie de qqn] Synon. de s'engager, s'installer dans.La vie n'est facile pour personne, excepté pour ceux qui l'effleurent sans y pénétrer (Fromentin, Dominique, 1863, p.27).En dépit des énormes seins et de la fesse, écrasante, elle pénétrait, de par l'âge, dans une virilité de tout repos (Colette, Fin Chéri, 1926, p.132).
[Qqc.2désigne une profession, une branche, un lieu d'activité professionnelle (pour qqn1)] Synon. de se lancer dans, prendre place, s'installer, s'établir dans.Pénétrer dans le journalisme. On pénètre là [dans les ministères], pour la première fois, à vingt ans pour y rester jusqu'à soixante (Maupass., Sur l'eau, 1888, p.324).Un agent de maîtrise peut pénétrer dans ce circuit au stade de la promotion (Encyclop. éduc., 1960, p.279).
b) [Qqc.2désigne l'histoire, la pensée, l'oeuvre de qqn3] Entrer dans la connaissance profonde de quelque chose, jusque dans les détails, en en approfondissant le sens. Personne mieux que lui [Léon Moulin] ne m'a compris, et, sans doute, a-t-il pénétré plus que moi-même, avec son âme d'évangile, dans cette partie de mon oeuvre (Jammes, Mém., t.3, 1923, p.153).
Locutions
Pénétrer dans la confiance de qqn. Réussir à obtenir cette confiance:
3. La distinction entre pénétrer quelque chose et pénétrer dans quelque chose est délicate. Au sens intellectuel de «comprendre à fond», on dit pénétrer quelque chose: pénétrer la confiance de quelqu'un signifierait: «bien comprendre les raisons de cette confiance», alors que pénétrer dans la confiance de quelqu'un (peu usité aujourd'hui) signifierait seulement: «réussir à obtenir cette confiance». Dupré1972.
Pénétrer au fond de qqn, dans la tête de qqn. Pénétrer dans l'intimité de qqn. Synon. de entrer dans.M. et Madame de Férias dînaient alors à six heures (...). C'était la première fois que Raoul pénétrait si particulièrement dans leur intimité (Feuillet, Sibylle, 1863, pp.336-337).Les enfants (...) étaient demeurés tranquillement assis devant la table. (...) MmeFaujas s'était arrêtée un instant à chacun d'eux, les dévisageant, comme pour pénétrer d'un coup dans ces jeunes têtes (Zola, Conquête Plassans, 1874, p.909).MmeLeclercq, avec son oeil de mère, de femme, et de négociant parisien (...) avait pénétré au fond du creux de ce garçon (Verlaine, OEuvres compl., t.4, L. Leclercq, 1886, p.109).
[Avec des formes intensives]
Pénétrer dans l'essence de qqc. Synon. de découvrir.La notion de champ cristallin ainsi introduite permet de pénétrer plus profondément dans l'essence même du cristal (Hist. gén. sc., t.3, vol. 2, 1964, p.492).
Pénétrer plus avant, davantage dans qqc. Synon. de aller plus avant*, progresser dans.Je saisirai ce moment pour instruire mon lecteur de certaines particularités, qu'il ne doit pas ignorer, s'il veut pénétrer davantage dans cette véridique histoire (Mérimée, Colomba, 1840, p.42).
Pénétrer au vif de, pénétrer à (rare). Synon. de parvenir au coeur* de, parvenir à.Dans tout cela [les Troyens] (...) rien qui nous fasse pénétrer au vif du drame (P. Lalo, Mus., 1899, p.276):
4. ... aussi comprend-on la remarque d'Euler: «S'il ne nous est pas permis de pénétrer à une connaissance complète sur le mouvement des fluides, ce n'est pas à la mécanique et à l'insuffisance des principes connus du mouvement qu'il faut en attribuer la cause (...)» Hist.gén. sc., t.3, vol. 1, 1961, p.99.
II. − Empl. trans. [Dans la plupart des accept. précédentes. Dans cette section, les indices 1 et 2 correspondent à peu près aux indices 1 et 2 de la section I. Ils signalent respectivement: 1, l'agent/cause/instrument du procès pénétrer; 2, le lieu concr. ou abstr., chose ou pers., affecté par le procès; en gén. ce lieu est considéré comme opposant une certaine résistance au déroulement du procès. Un indice3 signale parfois la cause/moyen/instrument immédiat du procès, l'indice 1 ne marquant alors que la cause éloignée] Entrer à l'intérieur de; passer à travers, percer.
A. − [Le suj. désigne un inanimé] Qqc.1pénètre qqc.2/qqn2(de qqc.3)
1. [Qqc.2oppose une certaine résistance]
a) [Le suj. désigne un objet solide, notamment]
α) [une arme, un projectile, un outil] Synon. percer, perforer, traverser.Le coup, la lame a pénétré le corps; épée pénétrant les chairs. [La pointe sèche] doit être aiguisée en biseau et très coupante pour pénétrer franchement le cuivre et non l'égratigner (M. Lalanne, Grav. eau forte, 1866, p.48).
β) [un organe vivant] Les racines capillaires (...) croissant à sa surface [du terreau] (...) entourent les tissus spongieux de certaines graines, les pénètrent même (Ad. Brongniart, Graines foss., 1876, p.15).La vascularisation du corps thyroïde est assurée par quatre artères dites thyroïdiennes qui se divisent en petits rameaux qui pénètrent la glande de toute part (Quillet Méd.1965, p.470).
Au passif. Le grain est formé d'une enveloppe coriace non comestible, le péricarpe, et d'une masse farineuse, le périsperme, dont le sillon est pénétré profondément par le péricarpe: d'où la nécessité de moudre le grain (Macaigne, Précis hyg., 1911, p.248).
b) [Le suj. désigne un fluide] Synon. de imprégner, traverser.La pluie pénètre les vêtements; l'huile, l'eau pénètre les étoffes; l'eau forte pénètre l'acier et le fer. Les pleurs coulaient le long de cet enduit hydrofuge et ne pouvaient pénétrer la maçonnerie (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p.24).Le cuir, bien sec, est mis en contact avec ces matières préalablement fondues qui le pénètrent par capillarité et se fixent entre ses fibres (Bérard, Gobilliard, Cuirs et peaux, 1947, p.109).
Au passif. Pour empêcher les murs du sous-sol d'être pénétrés par l'humidité (...) [les constructeurs] parementaient ces murs extérieurement de hautes et belles assises (Viollet-Le-Duc, op.cit., p.25).
2. P. ext. [Avec affaiblissement ou disparition totale de la notion de résistance] Transpercer, traverser.
a) [Le suj. désigne un agent physique apte à se répandre spontanément] Froid glacial qui pénètre qqn jusqu'aux os, vent qui pénètre la poitrine. Ce qui me faisait peur, c'est qu'il ne se réveillait pas et qu'il était glacé, d'un froid qui me pénétrait, moi aussi, jusqu'à la moelle des os (Loti, Mon frère Yves, 1883, p.146).
Loc. proverbiale fig. Courte prière pénètre les cieux. Ce n'est pas la longueur mais la ferveur qui rend la prière efficace. (Ds Besch. 1845-46).
En partic. [Le suj. désigne la lumière, la clarté] La lumière pénètre le verre, tous les corps diaphanes. Cette lumière blanche pénétrait sa peau de tons nacrés, mettait du rose à ses paupières, faisait briller les globes de ses yeux (Flaub., Éduc. sent., t.2, 1869, p.14).«C'est la vie!» soupire Minne en peignant ses cheveux, que le soleil pénètre et dévore comme s'ils étaient en verre filé (Colette, Ingénue libert., 1909, p.45).
[P. méton.] Le soir descendait sur les chemins, s'appuyait aux feuillages, les pénétrait de son baiser triste et doux (Noailles, Nouv. espér., 1903, p.115).
RADIOL. Rayons X, qui ont la propriété de pénétrer les corps opaques (Musées Fr., 1950, p.13).
b) [Le suj. désigne une manifestation sensible ou un affect] Synon. envahir, remplir, submerger.
α) [un parfum, une odeur] Synon. de envahir.J'ai vu la volupté subtile et vagabonde De sa poussière d'or envelopper le monde Et d'effluves heureux pénétrer toute chair (A. France, Poés., Noces, 1876, p.255).C'est par vous que (...) la bonne odeur du jour d'été joyeux Pénètre largement la poitrine profonde! (Noailles, Coeur innombr., 1901, p.36):
5. Jamais un rayon frais n'éclaira vos cavernes; Par les fentes des murs, des miasmes fiévreux Filtrent en s'enflammant ainsi que des lanternes Et pénètrent vos corps de leurs parfums affreux. Baudel., Fl. du Mal, 1857, p.256.
β) [un son, une voix] Cette voix (...) Me remplit comme un vers nombreux Et me pénètre comme un philtre (Baudel., Fl. du Mal, 1857, p.434).C'est dimanche. La cloche sonne et chacune de ses notes pénètre mon coeur d'une tristesse douce (Jammes, Corresp.[avec Gide], 1895, p.50).
c) [P. méton., le suj. désigne le lieu d'origine de l'agent physique qui se répand] [Emma] tendit à la flamme (...) son pied (...). Le feu l'éclairait en entier, pénétrant d'une lumière crue la trame de sa robe, les pores égaux de sa peau blanche (Flaub., MmeBovary, t.1, 1857, p.90).Chacun de nous durera aussi longtemps que la terre qui nous porte dans son sein et nous pénètre de sa chaleur intime et féconde (A. France, Balth., Abeille, 1889, p.243).La rue et la cuisine (...) la pénétraient encore de cris, de rires, d'arpèges d'ail (Arnoux, Paris, 1939, p.270).
B. − [Le suj. désigne un animé] Qqn1pénètre qqc.2/qqn2(de qqc.3).Entrer dans, s'avancer à l'intérieur de. Synon. se glisser, s'insinuer dans.
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose concr.] À l'appel d'une vocation civilisatrice vieille de centaines d'années, (...) les Français ont pénétré, pacifié, ouvert au monde, une grande partie de cette Afrique Noire (De Gaulle, 1944ds Doc. hist. contemp., p.176).Les espaces continentaux, plus difficiles à pénétrer, ne s'ouvraient que lentement. Les Canadiens atteignaient le lac Winnipeg (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p.4).
[P. méton. du suj.] Mon itinéraire enfilait l'Oural, remontait à la Baltique, pénétrait la Laponie et descendait ensuite avec des crochets d'années et de lieues, sur le Tyrol et la botte italique (Arnoux, Juif Errant, 1931, p.110).
[Le suj. désigne un animal] :
6. ... impossible de trouver le moyen d'exterminer le microbe ou de s'opposer au phénomène physico-chimique qui attaque la cellulose. Le rongeur inconnu pénètre les tiroirs et les coffres, réduisant en poudre le contenu de nos portefeuilles et de nos bibliothèques... Valéry, Variété III, 1936, p.222.
POT. Synon. de imbiber.On augmente [la] durée [des modèles] en les pénétrant d'huile siccative (Al. Brongniart, Arts céram., 1844, p.129).
2. [Le compl. d'obj. dir. désigne un être vivant] Qqn1pénètre qqn2(de qqc.3)
a) [Dans un sens érotique] Pénétrer une femme. Posséder une femme. Quand tu m'embrasses et me pénètres (Arnoux, Roi, 1956, p.65).
P. métaph.:
7. Quoi! pensait-il, je suis Antoine Arnault! (...) Je suis immortel, non point parce que toute une jeunesse et toute une harmonie naîtront de mon âme et de mes livres, mais parce que je me suis connu et parce que je me suis aimé, et que pénétré et fécondé par moi, je suis innombrable et parfait... Noailles, Domination, 1905, p.135.
[Qqc.3désigne le membre viril, un doigt] Il m'a palpé les cuisses et il a passé sa main sous mon pantalon. Il m'a ensuite pénétrée du doigt (Ambrière, Gdes vac., 1946, p.206).
[P. allus. et p.méton. du suj.] Synon. de remplir, inonder.La Léda accueillant tout debout le grand cygne aux ailes battantes, laissant le bec saisir sa nuque, la patte se crisper sur sa cuisse, −la femme tremblante soumise à la force fatale qui lui révèle, en la pénétrant de volupté et de douleur, toute la vie (Faure, Hist. art, 1909, p.107).
P. anal. [Qqn1désigne un insecte, un papillon] :
8. Il faudrait à mon esprit cette force et ce mouvement concentré, qui suspendent l'insecte au-dessus de la multitude de fleurs; qui le font le vibrant arbitre de la diversité de leurs corolles (...) et qui lui permettent qu'il l'effleure [une rose], qu'il la fuie, ou qu'il la pénètre... Valéry, Eupalinos, 1923, p.33.
b) [Qqc.3désigne le regard] Il l'admire un moment, la pénètre de cet effrayant regard d'ironie glissant sur son bandeau (A. Daudet, Évangéliste, 1883, p.274).
C. − Au fig. Qqc.1/qqn1pénètre qqc.2/qqn2(de qqc.3)
Rem. En 1 infra, le compl. d'obj. dir. peut être aisément suj. d'une phrase avec pénétrer au passif, ou déterminé de l'adj. pénétré (v. ce mot A et B); par contre, en 2, le compl. d'obj. dir. ne le peut qu'except. (pas de corresp. avec pénétré A ou B).
1. Entrer dans, envahir, gagner.
a) [Le suj. désigne des idées, des sentiments] Qqc.1pénètre qqc.2/qqn2
α) [Le compl. désigne un domaine socio-culturel] L'humanisme pénétrait, par une lente endosmose, le système économique et social du capitalisme, par la législation sociale sur l'emploi des enfants, puis sur la protection des femmes (Univers écon. et soc., 1960, p.64-2).L'ardeur révolutionnaire avait pénétré beaucoup plus aisément la musique que la littérature et les arts plastiques (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p.597).
Au passif. La connaissance technique est pénétrée par le désir de dominer le monde, de le manier, de le manipuler, de le commander (Traité sociol., 1968, p.123).
β) [Le compl. désigne des groupes sociaux ou leur mentalité] Synon. de investir, se répandre dans.Il y a une conviction juridique qui de plus en plus pénètre électeurs et élus, c'est que les élections ne sont pas seulement un moyen pour le pays de choisir des hommes, mais aussi de choisir une politique (Vedel, Dr. constit., 1949, p.140).Les conceptions capitalistes ont pénétré le milieu agricole, l'entraînant vers une commercialisation régulière et non plus accidentelle de sa production (Wolkowitsch, Élev., 1966, p.72).
En partic. Synon. de influencer.Le milieu social par avance pénètre l'auteur de l'oeuvre historique, l'encadre et dans une large mesure le détermine dans sa création (L. Febvre, Hist. et psychol., [1938] ds Combats, 1953, p.211).L'échelle des valeurs et la vision du monde que se donne chaque époque influent sensiblement sur les jugements et pénètrent plus ou moins profondément l'esprit de l'ensemble des chrétiens (Philos., Relig., 1957, p.44-15).
γ) [Le compl. désigne un individu particulier] Synon. de se répandre dans.Une gaieté délicieuse entrait en lui; une gaieté chaude, qui (...) lui courait dans les membres, le pénétrait tout entier (Maupass., Bel-Ami, 1885, p.28).
Au passif. [Au Jardin des Plantes] −Cabinet d'histoire naturelle public (...). J'ai été pénétré, en entrant dans cette collection, d'un sentiment de bonheur (Delacroix, Journal, 1847, p.161).
En partic. Agir sur quelqu'un, peser sur ses décisions, ses choix. Synon. de marquer, influencer.[Ils] me poussaient fort à commencer des études médicales (...). Peu à peu ces conseils me pénétrèrent (L. Daudet, Morticoles, 1894, p.143).
Au passif. [Flaubert] gardait des naïvetés, des ignorances, des préjugés, des lourdeurs d'homme, qui, tout en connaissant fort bien son Paris, n'en avait jamais été pénétré par l'esprit de blague et de légèreté spirituelle (Zola, Romanc. natur., Flaubert, 1881, p.153).
P. métaph. Son uniforme pénétrait Dubourg (Arnoux, Roi, 1956, p.189).
b) Qqn1/qqc.1pénètre qqn2/qqc.2de qqc.3Synon. marquer, imprégner.
α) [Le suj. désigne une pers.]
[Le compl. d'obj. dir. désigne une pers., son esprit] C'est cette religion de la patrie (...) dont nous voulons pénétrer le coeur et l'esprit de l'enfant, dont nous voulons l'imprégner jusqu'aux moelles (P. Bert, 1882ds Fondateurs 3eRépubl., p.208).Nous agissons directement (...) sur les êtres qui nous entourent, (...) nous les pénétrons de notre personnalité (Maeterl., Temple ensev., 1902, p.34):
9. Eh bien, quand vous parviendriez à donner à tous les enfants du village le sentiment le plus juste de ce que sont les méthodes scientifiques, quand vous auriez pénétré de rationalisme tous les esprits, vous n'auriez pas donné satisfaction à toutes les aspirations de l'homme. Barrès, Pitié églises, 1914, p.85.
En partic. Synon. de persuader, convaincre.C'est lui [Alfred Ernst] (...) qui les a pénétrés [les interprètes des Maîtres Chanteurs] de l'esprit de leur rôle (P. Lalo, Mus., 1899, p.172).
[Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] Chaque jour, la cloison qui séparait ses dimanches et ses jours de travail cédait sous la poussée de ses forces intérieures; il réalisait l'unité de sa vie, il pénétrait tout de religion (Barrès, Colline insp., 1913, p.284).Pénétrer de présent la tradition elle-même: premier moyen de lui résister (L. Febvre, Examen de consc. hist., [1933] ds Combats, 1953, p.15).
β) [Le suj. désigne un domaine socio-culturel] Les peuples qu'il [l'art] pénétra de son action vivante purent l'accueillir pour l'adapter à leurs besoins (Faure, Hist. art, 1912, p.275).La France sert de filtre entre le nord qui la pénètre de son lyrisme diffus et le sud qui la soumet à ses rythmes symétriques (Faure, Hist. art, 1921, p.130).
2. Parvenir à comprendre, comprendre à fond.
a) Qqn1pénètre qqc.2Synon. déceler, découvrir, percer.Pénétrer l'essence, l'intimité des choses. On a cherché avec toutes les ressources de la chimie et de la physique modernes (...) à pénétrer la constitution intime des goudrons et des bitumes (J. Thomas, Route, 1951, p.317).Le rappel des thèmes aidera l'auditeur à pénétrer cette signification profonde de l'oeuvre (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p.141).
[P. méton. du suj. qui désigne une sc., une techn.] Si la paléographie ne s'attachait pas à pénétrer ce mécanisme [des écritures anciennes] (...) elle se priverait (...) d'indispensables recours pour atteindre ses buts (L'Hist. et ses méth., 1961, p.555).
En partic. Synon. de approfondir.Puis je voudrais qu'il allât plus avant dans les choses. Il en effleure beaucoup et n'en pénètre aucune (A. France, Génie lat., 1909, p.243).
[Avec ell. du suj.] Synon. de résoudre, élucider.Là était bien l'essence du sujet à pénétrer, comme aussi le point de départ d'une étude rationnelle (Foch, Princ. guerre, 1911, p.4).
[Le compl. désigne un mystère, une énigme, qqc. de caché...] Puisqu'il voulait que l'histoire fût un cryptogramme, il s'agissait de lire les signes et d'en pénétrer les combinaisons (Bloy, Désesp., 1886, p.133).Comment nos pensées et nos regards pénétreraient-ils l'infini et l'invisible, nous qui ne comprenons et ne voyons même pas la chose par laquelle nous voyons et qui est la source de toutes nos pensées? (Maeterl., Mort, 1913, p.239).
Au passif. [Vinci] se compose une écriture à rebours (...) chiffre dont tous les secrets n'ont pas été pénétrés encore (Gautier, Guide Louvre, 1872, p.201).
[P. méton. du suj. qui désigne une sc., une techn.] Le dessin animé. −À force de manier les images mouvantes le cinéma est parvenu à pénétrer les mystères de la motricité (Arts et litt., 1935, p.78-7).
P. métaph. Il n'osait point la questionner sur sa mère, car elle se taisait, trouvant sans doute le sujet pénible (...). Elle allait avoir seize ans bientôt, elle pénétrait mieux la plaie vive dont ils souffraient tous les trois (Zola, Vérité, 1902, p.69).
b) Qqn1pénètre qqn2/l'esprit de qqn2.Synon. de découvrir (les pensées, les intentions de qqn).Pour pénétrer une conscience étrangère que sépare de nous l'intervalle des générations, il faut presque dépouiller son propre moi (M. Bloch, Apol. pour hist., 1944, p.70).La plupart, sinon toutes les personnes mises en présence d'Ossowiecki, n'ont plus pour lui aucun secret. Il pénètre parfois leurs pensées les plus intimes et lit comme dans un livre ouvert leur passé, leur présent, et même leur avenir (Amadou, Parapsychol., 1954, p.129).
Au passif, absol. Cet homme pénétré, malgré sa dissimulation (Littré).
[P. méton. du suj. qui désigne l'esprit, la pensée de qqn] Notre connaissance ne va pas jusqu'à pénétrer Dieu dans son être intime (Théol. cath.t.4, 11920, p.1062).
III. − Empl. pronom.
A. − passif
1. Qqc. se pénètre de qqc.Laisser entrer en soi. La terre se pénètre de chaleur, de la chaleur du soleil. Ces murs se pénètrent d'une humidité qu'ils ne perdent jamais (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p.358).Un corps savamment modelé, dont les tons ambrés se pénètrent de clartés douces (Séailles, E. Carrière, 1911, p.88).
Au fig. Tout l'effort de Leibniz touchant l'image est d'établir une continuité entre ces deux modes de connaissance: image, pensée; l'image chez lui se pénètre d'intellectualité (Sartre, Imagination, 1936, p.10).Plus l'été inclinait vers sa fin et plus se pénétrait de tristesse l'amour que j'avais voué au parc (Mauriac, Mém. intér., 1959, p.15).
2. Qqc. se pénètre.Quelque chose se laisse découvrir, percer à jour. Ses intentions ne se pénètrent pas facilement (Quillet1965).
B. − réfléchi
1. Qqn/qqc. se pénètre
a) [Le suj. désigne une pers.] S'analyser, se découvrir soi-même. L'introspection permet de se pénétrer (Quillet1965).
b) [Le suj. désigne une discipline intellectuelle, un sentiment] La philosophie s'efforce en vain de se pénétrer (Lar. 19e):
10. Tout le monde le voyait bien [l'amour], par son action directe, créer incessamment et perpétuer la vie. Mais on ne voyait pas si bien comment, en dessous, il s'approfondissait lui-même, se scrutait et se pénétrait, trouvait dans l'abîme du coeur une richesse plus grande encore que celle qu'il crée dans la nature. Michelet, Journal, 1856, p.315.
2. Qqn se pénètre de qqc.Remplir (son corps, ses sens, son âme) de quelque chose. Synon. s'imprégner de.Jack vivait comme un brahme contemplateur, (...) humant les derniers beaux jours, se pénétrant de leurs soleils attiédis (A. Daudet, Jack, t.2, 1876, p.150).Car c'est maintenant qu'il faudrait braver les éléments et aller baiser la nature, sur ses joues hâlées et ruisselantes, et se pénétrer de son odeur, et mordre ses tièdes tresses humides (Larbaud, Enfantines, 1918, p.119).
Au fig. Il faut qu'il goûte immédiatement à sa liberté reconquise, qu'il en avale une grande gorgée, qu'il se baigne en elle, s'en pénètre (Larbaud, Amants, 1923, p.207).
En partic. Synon. de se convaincre, se persuader.Se pénétrer de la nécessité de (la guerre); avoir peine à se pénétrer d'une vérité. L'articulation du R explosif qui accompagne celle du P explosif (...) ne compte pas dans la chaîne des phonèmes. C'est là un point essentiel dont il faut bien se pénétrer pour comprendre les développements qui suivent (Sauss.1916, p.83).
C. − réciproque
1. [En parlant d'inanimés concr.]
a) Qqc. et qqc. se pénètrent.Synon. de s'imbriquer, s'emboîter l'un dans l'autre, se compénétrer, s'interpénétrer.Tout est similitude, image, attrait, lien; Ainsi que les joyaux d'un bougeant diadème, Tout se pénètre et se mire, ô femmes, si bien Qu'en vous et hors de vous, tout est vous-mêmes (Verhaeren, Mult. splendeur, 1906, p.67).Les gris et les bleus, les rouges dorés, les roses se pénètrent et se répondent dans un tremblement nacré (Faure, Hist. art, 1921, p.182).La statue, où le mâle Dorien et la femelle d'Ionie se pénètrent dans une étreinte que la souplesse de Myron et la vigueur de Polyclète nouent et dénouent tour à tour (Faure, Espr. formes, 1927, p.25).
GÉOM. Une mâcle composée de deux petits rhomboèdres basés qui se pénètrent complétement (Des Cloizeaux, Propr. opt. biréfringentes, 1857, p.79).Volumes géométriques se pénétrant selon des lois immuables d'attraction (Faure, Hist. art, 1909, p.52).
b) Rare. Qqc. et qqc. se pénètrent de qqc.Synon. de se trouer de.De petits prés se touchaient frange à frange, se pénétraient d'enclaves, entrecroisaient leurs clôtures (Genevoix, Raboliot, 1925, p.115).
2. [En parlant de pers., de leur esprit]
a) Synon. de s'unir, fusionner.Mais les générations successives se pénètrent avec une complète continuité, tandis que les styles se suivent discontinus et même parfois opposés (Arts et litt., 1935, p.64-12):
11. L'isolement tue. Les peuples, comme les hommes, ne peuvent vivre éternellement en eux-mêmes. Ils doivent se pénétrer pour chercher en eux des ressources que révéleront leurs contacts avec des imaginations et des sensibilités inconnues. Faure, Hist. art, 1914, p.500.
b) Se percer à jour mutuellement. Deux personnes ne se pénètrent jamais jusqu'à l'âme, jusqu'au fond des pensées (Maupass., Une Vie, 1883, p.74).Par elles [les représentations collectives] les hommes se comprennent, les intelligences se pénètrent les unes les autres (Durkheim, Formes élém. vie relig., 1912, p.625).
Prononc. et Orth.: [penetʀe], (il) pénètre [penεtʀ ̭]. Ac. 1694, 1718: penetrer; 1740: pene- mais ,,La lumière pénètre (...) Pénétrer dans les secrets de la nature``; dep. 1762: péné-. Étymol. et Hist. 1. 1314 «entrer dans» (Chirurgie Henri de Mondeville, éd. A. Bos, 1851); 1953 milit. part. prés. subst. pénétrante (Lar. 20eSuppl.: Pénétrante. Voie de communication); 2. ca 1485 fig. «s'introduire dans l'esprit de quelqu'un (en parlant d'une émotion)» (Myst. du V. Testament, éd. J. de Rothschild, 26651: ung grant dueil [...] qui me penestre); id. «toucher, émouvoir» (ibid., 31168); 3. id. «parvenir à connaître, comprendre» (ibid., 31062); 1666 esprit pénétrant (A. de Graindorge, Lettre d'apr. A. Tolmer ds Fr. mod. t.14, p.290). Empr. au lat. penetrare «faire entrer, porter à l'intérieur», «entrer dans, pénétrer» au propre et au fig., dér. de penitus «qui se trouve au fond, intérieur», dér. de penus, -oris «provisions de bouche», «garde-manger», à l'orig. «partie intérieure de la maison (où ces provisions étaient cachées)» v. Ern.-Meillet. Fréq. abs. littér.: 6044. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9328, b) 7994; xxes.: a) 9859, b) 7530.
DÉR. 1.
Pénétrance, subst. fém.a) Génét. Fréquence avec laquelle un gène se manifeste. La pénétrance d'un gène est souvent variable; variation de la pénétrance. Les divers gènes modificateurs qui constituent le milieu génotypique (...) influencent la pénétrance et l'expressivité des gènes (Hist. gén. sc., t.3, vol. 2, 1964, p.702).Degré de pénétrance. Un caractère régulièrement dominant dans les générations successives est dit avoir 100 % de pénétrance. Le degré de pénétrance peut être le même pour les deux sexes ou être différent (Husson1970).b) Hapax. α) Qualité d'un regard pénétrant, regard doué d'une puissance de pénétration considérable. Comprendre l'autre (...) par «pénétrance» instantanée, c'est-à-dire en communiant avec lui à travers le vide (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p.185). β) Synon de pénétration (v. ce mot C 2). MmeRaynal, une femme (...) d'un aigu des traits et d'une pénétrance du regard extraordinaire (Goncourt, Journal, 1895, p.820). [penetʀ ɑ ̃:s]. 1resattest. 1895 id., 1957 biol. (Piéron, Vocab. de la psychol., 2eéd., p.264); de pénétrer, suff. -ance*; l'angl. penetrance «action de pénétrer» est att. dep.1642 ds NED.
2.
Pénétratif, -ive, adj.,hapax. Doué de pénétration (v. ce mot C 3). Mais qu'eût pensé de ces rébus le curé Cassoubieilh? Son confrère de Saint-Éloi-des-Mines ne passait guère pour plus pénétratif (Toulet, J. fille verte, 1918, p.78). [penetʀatif], fém. [-i:v]. Ac. 1694, 1718: penetratif; 1740: pene- mais ,,Qualité pénétrative``; 1762-1878: péné-. 1reattest. xiiies. penitratis (Livre simples medecines, éd. P. Dorveaux, 95, p.17); dér. sav. de pénétrer, suff. -(at)if*, ou empr. au lat. médiév. penetrativus «qui pénètre» ca 1170 ds Latham.
3.
Pénétromètre, subst. masc.,technol. a) Appareil qui sert à mesurer l'indice de consistance ou de résistance d'un corps ou à déterminer la texture d'un produit. Mesure de la pénétration d'un corps au moyen d'un pénétromètre. Pénétromètre à jet liquide (Clém.Alim.1978).Les tests utilisables pour la cueillette des fruits sont (...) peu nombreux; on peut retenir (...) la dureté de la chair du fruit (mesurée au pénétromètre (...)) (Boulay, Arboric. et prod. fruit., 1961, p.71).b) Géol. ,,Enregistreur de vitesse de pénétration`` (Barbier Pétrole 1980). [penetʀ ɔmεtʀ ̭]. 1reattest. 1932 (Catal. instrum. lab. [Prolabo], p.292); formé de pénétr[er] et de l'élém. -mètre*, avec -o- épenthétique.
BBG.Dub. Dér. 1962, p.65 (s.v. pénétrance).