| OURAGAN, subst. masc. A. − 1. Forte tempête caractérisée par des vents d'une grande violence; en partic., par des vents opposés formant des tourbillons. Synon. cyclone, tornade, typhon.Ces tempêtes, appelées aux Indes ouragans, et typhons à la Chine, arrivent tous les ans vers les solstices, (...) elles font les plus grands ravages sur la terre comme sur mer (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p.140).L'atmosphère en même temps s'embrumaille et il tombe une sorte de neige fondue. Cela dure peu et l'ouragan, car je ne trouve pas d'autre expression, se déchaîne implacable, inattendu, dans sa violence et sa férocité (Charcot, Expéd. antarct. fr.,1906, p.62): 1. ... les éclairs jaillissent incessamment (...). Ils crèvent en torrents d'eau, tout déborde, la crue monte de minute en minute, au milieu du mugissement du vent, des grondements du tonnerre et du fracas aussi des arbres prodigieux qui s'écroulent. Quand c'est fini, la terre en reste comme déchaussée, comme raclée, les pierres mises à nu (...). La première fois que j'assistai à l'ouragan, j'eus envie de me jeter à plat ventre, de peur d'être arraché aussi du sol et roulé comme une feuille. −On raconte, en effet, que ces cyclones rasent un pays, renversent les murs et refoulent jusqu'aux hautes lames.
Pesquidoux, Livre raison,1932, p.104. − CLIMATOL. Vent de force 12 de l'échelle de Beaufort et dont la vitesse dépasse 58 noeuds. Un ouragan met en jeu des vents encore plus violents (plus de 90 km/h) [que lors d'une tempête] (George1970, p.438). ♦ Vieilli. Cyclone tropical de la mer des Antilles; p.ext., cyclone tropical (d'apr. Villen 1974). Un «Urican», mot d'où vient hurricane en anglais, ouragan en français et dont les Indiens se servaient pour désigner un cyclone, détruisit six des navires qui étaient en rade, n'épargnant que la Santa Clara (Charcot, Chr. Colomb,1928, p.228). 2. Vent violent, soufflant en rafales et éventuellement accompagné d'orage, de précipitations. Synon. bourrasque, tourmente.Ouragan déchaîné, hurlant, violent. Quand ils furent à la moitié de la plaine qui sépare la montée de la descente un horrible ouragan s'éleva. Des tourbillons de neige aveuglaient les conducteurs (Staël, Corinne,t.3, 1807, p.359).Une lumière aveuglante et brutale jaillit, le ciel mugit, la voûte des nuages gronda. En un instant, ils furent enveloppés par l'ouragan, affolés par les éclairs, assourdis par le tonnerre, trempés des pieds à la tête (Rolland, J.-Chr.,Matin, 1904, p.169). ♦ Subst. + d'ouragan. [Le subst. désignant un déplacement, une production d'air, une émission sonore, etc.]D'une grande violence, d'une grande force. La forge flambait, avec des fusées d'étincelles; d'autant plus que le petit, pour montrer sa poigne à sa mère, déchaînait une haleine énorme d'ouragan (Zola, Assommoir,1877, p.529).À nous demain, peut-être, de sentir les cieux éclater sur nos têtes ou la terre s'ouvrir sous nos pieds, d'être assaillis par l'armée prodigieuse des projectiles, et d'être balayés par des souffles d'ouragan cent mille fois plus forts que l'ouragan (Barbusse, Feu,1916, p.242): 2. [Le Curé] avait dû interdire à Germaine l'accès du confessionnal, car elle s'exaltait en confiant ses péchés, horribles par le nombre, et les décrivait avec une grande voix d'ouragan qui emplissait l'église...
Aymé, Vouivre,1943, p.139. − P.compar. En ouragan. La cavalerie franque, lancée en ouragan, tomba d'abord sur le camp, presque vide de défenseurs, qui fut emporté en un instant (Grousset, Croisades,1939, p.98).Le vacarme intermittent des autos allemandes, chars d'assaut, camions ou voitures d'ambulance qui passent en ouragan sous nos fenêtres, et l'attente de tous ces bruits, ont, cette nuit, empêché tout sommeil (Gide, Journal,1942, p.153).Loc. fam. Arriver, entrer en ouragan, comme un ouragan. Arriver, entrer subitement et d'une manière impétueuse. Tout à coup la porte s'ouvre toute grande et un de mes bons amis d'enfance entre comme un ouragan (Maupass., Contes et nouv.,t.2, Main d'écorché, 1875, p.758).Une grande jeune fille (...) qui passait en courant devant le perron, suivie de deux chiens, entra en ouragan dans le hall (Gyp, Passionn.,1891, p.46). − P. métaph. [En parlant d'une pers.] Je vous aime et vous respecte, femmes excessives, merveilleuses [Georgette Leblanc, Jane Catulle-Mendès, etc.], ouragans charmants, précurseurs des stars! (Cocteau, Portr.-souv.,1935, p.157).Cette bonne femme, dit-il en riant, c'est un ouragan. Elle entre comme une bourrasque, flanque tout par terre et repart en coup de vent (Sartre, Âge de raison,1945, p.264). B. − P. métaph. ou au fig. 1. Mouvement impétueux, violent, irrésistible qui entraîne, emporte, bouleverse. En France, sur ce sol mobile et dans cette arène tourbillonnante, le souffle, l'ouragan révolutionnaire ne laissait rien debout (Sainte-Beuve, Chateaubr.,t.1, 1860, p.79).Un ouragan passa sur son esprit et le vida (...) il lui sembla (...) que sa chaise flottait dans le vide (...) il était bouleversé (L. de Vilmorin, Lit à col.,1941, p.97). 2. Ouragan de + subst.Déchaînement intense et violent. a) [Le compl. prép.de désigne des productions sonores] − [En parlant de productions sonores non dominées] Ouragan de bruits, de clameurs, d'exclamations. Au fond des couloirs, l'ouragan des voix grondait de nouveau, avec le vacarme sourd d'un orage qui s'approche (Zola, E. Rougon,1876, p.354).Au premier rang, deux femmes dont l'une, très fardée, dodeline de la tête et finit par s'endormir dans l'espèce d'ouragan de cris qui salue les coups bien donnés (Green, Journal,1931, p.47). ♦ Ouragan d'injures. Synon. flot, torrent.Il avait une manière de décharger son lest de politesse (...). Cela lui sortait de la bouche, tantôt comme des coups de canon, terribles et courts, tantôt comme des coups de tonnerre qui roulaient durant cinq minutes, un tel ouragan de gros mots, qu'il semblait avoir dans les poumons tous les orages du Père Éternel (Maupass., Contes et nouv., t.2, Noyé, 1888, p.1153). − [En parlant de productions sonores structurées, construites] Il y avait des ouragans lointains d'harmonie qui semblaient m'emporter dans ses bras au ciel (E. de Goncourt, Faustin,1882, p.3): 3. ... puis, tout à coup, c'est quelque soupir qui arrive, un mot tendre plein de langueur qui passe sur ses lèvres, ainsi que, dans un orchestre, ces petites notes endormies et voluptueuses qui traversent l'air après le large ouragan des violoncelles et le rugissement des cuivres.
Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p.75. b) [Le compl. prép.de désigne qqc. qui jaillit en grand nombre et de manière groupée] Le marteau (...) entra en danse (...). Le sol trembla, des volées de cloches passèrent, tandis que le forgeron (...) disparaissait dans un ouragan d'étincelles (Zola, Travail,t.1, 1901, p.58): 4. La pluie des briques redoublait (...) lorsque les fusils partirent d'eux-mêmes (...). Ce fut une stupeur. Ils [les soldats] avaient tiré (...). Tout semblait terminé, l'ouragan des balles s'était perdu très loin (...). Lorsque le dernier coup partit, isolé, en retard. Maheu, frappé en plein coeur, vira sur lui-même et tomba la face dans une flaque d'eau...
Zola, Germinal,1885, p.1510. c) [Le compl. prép.de désigne des sentiments, des passions, etc.] Ouragan de colère, de douleurs, d'espoir, de mépris, de passions. Il songea (...) que, lui mort, elle l'épouserait, qu'ils seraient heureux, et cette pensée alluma un ouragan de fureur dans son âme (Ponson du Terr., Rocambole,t.3, 1859, p.285): 5. Il se représenta à la fois La Esmeralda comme il l'avait vue (...), vive, insouciante, joyeuse, parée, dansante, ailée, harmonieuse, et La Esmeralda du dernier jour, en chemise, et la corde au cou, montant lentement, avec ses pieds nus, l'échelle anguleuse du gibet; il se figura ce double tableau d'une telle façon qu'il poussa un cri terrible. Tandis que cet ouragan de désespoir bouleversait, brisait, arrachait, courbait, déracinait tout dans son âme, il regarda la nature autour de lui.
Hugo, N.-D. Paris,1832, p.408. Prononc. et Orth.: [uʀagɑ
̃]. Att. ds Ac. dep.1694.Étymol. et Hist. [1533 furacan, P.Martyr d'apr. Dauzat] 1. Ca 1553 Huracan (G. Postel, Des Merveilles du Monde [trad. de l'esp.], p.30 ds Arv., p.371); 1599 Houraquan (capitaine Bruneau, Histoire veritable de certains voiages perilleux et hazardeux sur la mer, p.75, ibid., p.372); 2. 1609 Houragan (M. Lescarbot, Histoire de la Nouvelle France, pp.64-65, ibid.); 1640 ouragan (P.J. Bouton, Relation de l'establissement des François depuis l'an 1635 en l'isle de la Martinique, p.34, ibid., p.374). Empr. à l'esp. huracán «ouragan» (dep. 1510-15, furacan, P.Mártir d'apr. Cor.-Pasc.; 1526, huracan, Oviedo Y Valdés ds Fried.), lui-même empr. au taino hurakán «id.»; les formes sous 2 sont prob. empr. par l'intermédiaire du «baragouin» des petites Antilles où le -k- esp. est passé à -g-. V. FEW t.20, p.68b; Arv., pp.370-376; Cor.-Pasc., s.v. huracán. Fréq. abs. littér.: 751. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1066, b) 2333; xxes.: a) 1088, b) 378. |