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OUBLIETTE, subst. fém.
Le plus souvent au plur.
A. − Cachot ménagé dans le sous-sol du donjon des châteaux moyenâgeux où l'on enfermait les prisonniers condamnés à la prison perpétuelle. Ce donjon royal [du château de Blois] servait alors de prison ou d'oubliettes selon les traditions populaires (Balzac,Martyr calv.,1841, p.95).La huitième [tour] s'appelait la tour de la Chapelle [à la Bastille]. On n'en sortait généralement que pour mourir, à moins qu'on n'y descendit obscurément dans ces oubliettes fameuses dont les traces furent retrouvées à l'époque de la démolition (Nerval,Illuminés,1852, p.55):
1. La grosse chaîne, dans le corridor, provenait des oubliettes du donjon de Torteval. Elle ressemblait, suivant le notaire, aux chaînes des bornes devant les cours d'honneur. Flaub.,Bouvard, t.1, 1880, p.106.
B. − Fosse couverte d'une trappe dans laquelle on précipitait ceux dont on voulait se défaire secrétement:
2. Sans révoquer absolument en doute l'existence des oubliettes, on doit cependant les considérer comme fort rares... Les oubliettes probables, que nous avons examinées, consistent en un puits profond, ménagé dans un massif de constructions, et recouvert autrefois par un plancher. Mérimée,Ét. arts Moy. Âge,1870, p.276.
P. anal. Tout endroit qui permet la mise au secret. −Gardez-moi? fit-elle. −Te garder, par exemple! s'écria-t-il en marchant de long en large pour mieux cacher son embarras. Te garder? Tu ne doutes de rien. Où te garder? Crois-tu que je dispose ici d'une oubliette à jolies filles? On ne voit ça que dans les romans, finaude! (Bernanos,Soleil Satan,1926, p.77).
Au fig. La vérité est qu'on n'oublie jamais rien, mais il y a des choses qui se cachent je ne sais où dans le cerveau. La mémoire a ses caves et ses greniers, et même ses oubliettes d'où l'on arrive à tirer ceci ou cela, après des années d'efforts (Green,Journal,1955, p.43).
Fam. Jeter, mettre, tomber aux/dans les oubliettes. Laisser, être mis volontairement de côté. Les savants qui souhaitent d'introduire les hommes très misérables à la connaissance des mystères, il arrive le plus souvent qu'on les mette aux oubliettes (Duhamel,Suzanne,1941, p.24).Hier, j'ai apporté moi-même, chez Flammarion, le manuscrit de L'Agneau. Depuis plusieurs années que je l'oublie, que je le retrouve, que je l'allège de chapitres entiers, que j'en invente d'autres (...) je l'avais jeté aux oubliettes. Mais il ne s'y laissait pas oublier (Mauriac,Bloc-Notes,1958, p.72).
Prononc. et Orth.: [ublijεt]. Att. ds Ac. dep.1718 (au plur.). Étymol. et Hist.1. 1372 mettre en oubliete (Instruction de la Geole du Chastelet de Paris ds C. Leber, Coll. de pièces rel. à l'Hist. de France, t.19, p.171); fin xives. (Froissart, Chroniques, éd. G. Raynaud, t.10, p.153: en prison, que on dist l'Oubliette); 2. 1536 fig. mettre en oubliette (R. de Collerye, OEuvres, éd. Ch. d'Héricault, p.248); 1839 mettre aux oubliettes (Sainte-Beuve, Corresp., t.3, p.175). Dér. de oublier*; suff. -ette*. Fréq. abs. littér.: 54. Bbg. Chautard Vie étrange Arg. 1931, p.527. _Hasselrot 20es. 1972, p.11.