| ORGUEILLEUX, -EUSE, adj. I. − [Correspond à orgueil I] A. − [Correspond à orgueil I A; à propos d'un trait de caractère] 1. [Gén. perçu négativement] a) Qui a de l'orgueil; qui par nature est infatué, présomptueux, excessivement satisfait de soi. Orgueilleux patricien, pharaon; caractère, peuple orgueilleux; orgueilleuse puissance, prétention, susceptibilité. Cette ame orgueilleuse qui, dans l'ivresse du triomphe, n'a pas craint d'insulter un rival enchaîné (Cottin,Mathilde,t.2, 1805, p.284).Les deux soeurs orgueilleuses, qui, voyant qu'on leur préférait leur cadette, se donnent la mort, l'une en se jetant dans le puits, l'autre en se pendant à un arbre (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p.155).Je vous tiens pour violent, impatient, exclusif, vindicatif, orgueilleux, dédaigneux, sans pitié (Montherl.,Celles qu'on prend,1950, i, 2, p.778): 1. ... le cardinal des Ursins (...) alla jusqu'au siége de Rouen pour parler au roi d'Angleterre; il le trouva bien hautain, bien orgueilleux, se glorifiant de ses conquêtes, et joyeux des grandes discordes qui divisaient le royaume de France.
Barante,Hist. ducs Bourg.,t.4, 1821-24, p.203. − Empl. subst. Être un orgueilleux; faire l'orgueilleux. Gracchus Babeuf, tête rebelle de Picard, tempérament sanguin d'orgueilleux et de violent (L. Febvre, Du goût class. au foisonnement romant., [1939] ds Combats, 1953, p.273).Jeune orgueilleux! Jeune orgueilleux! car c'est vous qui l'êtes! Osez-vous bien vous élever au-dessus de cet homme que la foudre a renversé? (Sand,Lélia,1833, p.34): 2. Les orgueilleux me semblent avoir, comme les nains, la taille d'un enfant et la contenance d'un homme. L'ambition est impitoyable: tout mérite qui ne la sert pas, est méprisable à ses yeux.
Joubert,Pensées,t.1, 1824, p.197. b) Spécialement ♦ PATHOL. Monomanie orgueilleuse ou ambitieuse. ,,Celle qui est caractérisée par un désir exagéré de la puissance et de la domination, etc., (...) se manifestant par une exagération en parole et souvent en action de tout ce qui se rapporte aux actions habituelles de la vie`` (Littré-Robin 1858). ♦ Domaine de la relig.[P. réf. à la Bible] Le diable orgueilleux est représenté par Ezéchiel sous le type des princes et des rois superbes, qui, enflés d'orgueil, sont tombés sous son jugement et dans ses pièges (Théol. cath.t.4, 11920, p.366). ♦ Empl. subst. [P. oppos. aux humbles] L'abbé de Serisy dit encore que le roi devait, comme Dieu, résister aux orgueilleux et faire grâce aux humbles (Barante,Hist. ducs Bourg.,t.3, 1821-24, p.66).Dieu (...) garde ses fidèles et il punit sévèrement les orgueilleux (...). Sa bonté s'exerce à l'égard des bons, et sa sévérité contre les méchants (Théol. cath.t.4, 11920, p.974). 2. [P. méton.] Qui exprime l'orgueil, qui est empreint d'orgueil. Orgueilleuse doctrine; air, front, refus, regard, visage orgueilleux. Oh! que le vent gonflait le pli de leur bannière! Que leurs pas orgueilleux soulevaient de poussière! (Quinet,Napoléon,1836, p.290).Malgré cette fierté dont ton âme est si vaine Et le sang orgueilleux qui coule dans ta veine, J'ose te provoquer (Banville,Cariat.,1842, p.86). B. − [Correspond à orgueil I B; à propos d'un sentiment plus ou moins passager inspiré par une cause déterminée] 1. Qui est fier (de quelqu'un ou de quelque chose), qui ressent de la fierté, un contentement légitime de soi ou des autres. L'orgueilleux Achille; coeur orgueilleux; race orgueilleuse. Dans une lettre toute débordante d'une chaude et orgueilleuse maternité, MmeDaudet m'apprend les fiançailles prochaines de son fils Léon et de la petite Hugo (Goncourt,Journal,1890, p.1196).Ne traîne pas comme ça, c'est agaçant. Tu as décidé de partir. Va-t-en. Car elle ne voulait pas qu'il la vît pleurer. C'était une fleur tellement orgueilleuse (Saint-Exup.,Pt Prince,1943, p.438): 3. Le bonhomme (...) étendit les bras dans un geste synthétique de démonstration, et, plus orgueilleux qu'un propriétaire campagnard vous montrant ses espaliers: −Cette simple dalle recouvre Pierre de Brézé, seigneur de la Varenne et de Brissac.
Flaub.,MmeBovary,t.2, 1857, p.87. 2. [P. méton.] Qui exprime cette fierté. Inscription orgueilleuse. Sur la dalle funéraire qui le recouvre, sont gravées les armes orgueilleuses qu'il se composa lui-même: le lion belge, le cor d'Espagne, les deux roses d'Angleterre, le lys de France (Michelet,Chemins Europe,1874, p.236).Cette Hollande (...) fut (...) plus que grande, incomparable, au moment du péril. Beaucoup de maisons portent sur leur façade, la date orgueilleuse des années 1648: Westphalie! (Michelet,Chemins Europe,1874p.377): 4. ... ces maisons nobiliaires (...) sont la parure héraldique des cités espagnoles. Sur l'une d'elles, au-dessous d'un fier écusson qui occupe un tiers de l'étage, je trouverai, comme l'écho des stances de Jorge Manrique, cette orgueilleuse devise d'une race guerrière qui se fait une gloire de bien mourir...
T'Serstevens,Itinér. esp.,1963, p.320. − En partic. [En parlant d'un sentiment] Les yeux de Villefort se mouillèrent d'une larme d'orgueilleuse joie; il prit la croix et la baisa (Dumas père, Monte-Cristo,t.1, 1846, p.127).Raboliot s'étira, tendit son front au toucher de l'air froid (...). Le vertige qui l'étourdissait tomba; et il sentit en lui, aussitôt, son vrai plaisir orgueilleux et dur (Genevoix,Raboliot,1925, p.79). 3. P. anal., littér. [Le subst. qualifié désigne un élément de la nature ou un édifice] Qui a un caractère de majesté ou de beauté. Chêne, fleuve, lys, palais, tombeau orgueilleux; architecture, demeure orgueilleuse; cime orgueilleuse des montagnes. Ce château n'a de régulier que le corps du milieu d'où descend un perron orgueilleux à double escalier tournant, à balustres arrondis (Balzac,Paysans,1844, p.7).Ces orgueilleuses tours [des châteaux féodaux], ce donjon aigu sur la roche escarpée, ne sont un obstacle insurmontable que pour l'escalade (Hourticq,Hist. art,Fr., 1914, p.92). ♦ Rare. [Le subst. désigne une pers.] À ta suite l'on voit l'orgueilleux cardinal, Comme un pavot qui brille à travers l'or des gerbes, D'écarlate et d'hermine inonder son cheval (Gautier,Poés.,1872, p.207). II. − [Correspond à orgueil II] Orgueilleux de.Qui éprouve plus ou moins durablement une satisfaction d'amour-propre inspirée légitimement ou non par quelqu'un ou quelque chose. Enfant orgueilleux de sa mère, de son père; être orgueilleux de sa famille, de son fils, de son oeuvre. Il se postait sur le passage de l'Empereur afin d'avoir l'honneur de se découvrir: et il s'en allait tout orgueilleux d'avoir salué le chef de l'État (Maupass.,Contes et nouv.,t.2, Dimanches bourg. Paris, 1880, p.284).Si tu savais comme je suis orgueilleux de toi, combien j'attends de grandes choses de toi, et comme je tiens à cet orgueil! (Martin du G.,Thib.,Mort père, 1929, p.1370): 5. Alors nous étions fiers de voir les gens du pays admirer la bonne mine et la tournure chevaleresque de monseigneur comte d'Artois; nous étions orgueilleux de savoir qu'ils rendaient hommage aux connaissances, à l'esprit de monsieur...
Las Cases,Mémor. Ste-Hélène,t.1, 1823, p.939. Prononc. et Orth.: [ɔ
ʀgoejø], fém. [-ø:z]. Vx et provincial p. infl. de la graph.: [-gε-]. Prononc. rejetée par Littré. Voir Buben 1935, § 65. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 «qui a de l'orgueil» (Roland, éd. J. Bédier, 474); b) début du xiies. empl. subst. (S. Brendan, éd. I. Short et Br. Merrilees, 522); 2. ca 1165 «(parole) qui dénote de l'orgueil» (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 24605); 3. ca 1165 «(mont, arbre, etc.) dont l'aspect a un caractère de majesté» (Id., ibid., 3091); 4. fin du xiies. orguillous de «qui tire orgueil de» (Sermons S. Bernard, éd. W. Foerster, p.160, 28); de nouv. 1553 (O. de Magny, Les Amours, éd. E. Courbet, p.94). Dér. de orgueil*; suff. -eux*. Fréq. abs. littér.: 1219. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1624, b) 1508; xxes.: a) 2042, b)1761. |