| OPINIÂTRETÉ, subst. fém. A. − [Correspond à opiniâtre A] 1. Vieilli. [Avec gén. une connotation péj.] Attachement obstiné à une ou des opinions. Une sorte d'habitude de foi que les protestants avoient conservée en quittant l'église catholique, se combinant avec l'orgueil et l'opiniâtreté propre aux sectaires, fit que chacun d'eux embrassa les opinions qu'il s'étoit faites, et les défendit avec une indomptable énergie (Lamennais,Religion,1826, p.204).Ce matelot, cet ouvrier, ce philosophe, ce parvenu du travail, très simple en apparence, n'était pas du tout simple au fond. Il avait ses contradictions et ses opiniâtretés (Hugo, Travaill. mer, 1866, p.119). 2. P. ext. Volonté tenace, détermination dans les idées ou le comportement. Il n'avait cédé que pas à pas, bataillant à chaque réduction, s'entêtant sur certains chiffres. Mais, sous l'opiniâtreté froide qu'il montrait, une colère grandissait en lui (Zola,Terre,1887, p.32): 1. Elle s'avança vers Antoine. Sa souplesse était provocante; mais il restait toujours, sous ses gestes fringants, quelque chose d'un peu sec, où se trahissait une violente opiniâtreté, corrigée, assouplie par une longue habitude de séduire, et de séduire par la douceur.
Martin du G.,Thib., Consult., 1928, p.1077. ♦ Avec opiniâtreté. Opiniâtrement. M. Littré résiste, objecte son dictionnaire qui absorbe tout son temps, promet de se consacrer sans réserve, dès qu'il l'aura achevé, à la tâche que MmeComte lui demande de s'imposer. Celle-ci insiste avec opiniâtreté, faisant appel à la reconnaissance qu'il doit au fondateur de la philosophie positive (Pasteurds Travaux,1882, p.426). 3. Continuité, constance (dans une tâche physique ou intellectuelle). Synon. persévérance.Lorrain a de l'esprit, de la vivacité, l'expression soudaine et juste; peu de suite dans l'esprit, peu d'opiniâtreté dans le travail (Michelet,Mémor.,1822, p.209).M. Thoiron, qui était né à Clermont, avait gardé de son origine paysanne une remarquable opiniâtreté dans le travail (Arland,Ordre,1929, p.123): 2. ... je ne serais pas embarrassé, non plus que vous d'établir ses mérites littéraires [de Zola], l'opiniâtreté de son effort, sa connaissance de la technique du roman.
Barrès,Cahiers, t.6, 1908, p.280. − En partic. Acharnement, détermination (dans un conflit armé). De part et d'autre le combat s'était soutenu avec une opiniâtreté sans exemple dans l'histoire (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t.2, 1870, p.474).L'opiniâtreté des combats livrés par la 6earmée, les efforts imposés aux troupes, la ténacité et le sang-froid de son chef obtinrent cet immense résultat (Joffre,Mém., t.1, 1931, p.413). 4. Au fig. Permanence, constance d'un phénomène, d'un trait de caractère, d'un sentiment. Les lettres de mon pauvre père ne me font pas le même bien, je souffre de sa tristesse et de l'opiniâtreté de son imagination (J.-J. Ampère, Corresp.,1826, p.395).Le chagrin me suffoque... tant de menaces accumulées; tant de déceptions, depuis tant d'années; l'opiniâtreté diabolique de ma mauvaise fortune (Bloy,Journal,1894, p.145). B. − [Correspond à opiniâtre B] P. anal. 1. Entêtement, obstination d'un animal. Les écrevisses cherchaient à fuir, se cachaient dans l'herbe, se cramponnaient aux broussailles, parfois avec tant d'opiniâtreté qu'il fallait leur arracher la patte (Arland,Ordre,1929, p.96). 2. Persistance d'un phénomène naturel. Si je dirigeais ma route dans le canal, je serais forcé de la suivre jusqu'à sa sortie dans la mer d'Okhotsk, à cause de l'opiniâtreté des vents de sud qui, pendant cette saison, règnent constamment dans ces parages (Voy. La Pérouse,t.3, 1797, p.27). 3. PATHOL. Persistance, résistance d'un mal, d'une atteinte pathologique. La toux a perdu de son opiniâtreté; elle va se consumant dans la chaleur qui m'enveloppe (M. de Guérin, Corresp.,1836, p.247). Prononc. et Orth.: [ɔpinjɑtʀ
əte] et [-nja-]. Ac. 1694 et 1718: -astreté; dep. 1740: -âtreté. Étymol. et Hist. 1528 (Jean du Bellay ds Ambassades en Angleterre, éd. V.-L. Bourrilly et P. de Vaissière, p.498); 1680 p. ext. opiniâtreté de maladie (Rich.). Dér. de opiniâtre*; suff. -eté (-(i)té*). Fréq. abs. littér.: 175. |