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OPINER, verbe
A. − Emploi intrans.
1. Dire son avis, son sentiment (dans une délibération, une assemblée). Il y a des affaires publiques, dont le public s'occupe avec pleine connaissance, sur lesquelles chacun consulté opine et donne son avis (Courier,Pamphlets pol., Pamphlet des Pamphlets, 1824, p.218).Il avait été réglé (...) que, pour abréger, le temps d'opiner de chaque docteur ne passerait point la demi-heure (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.2, 1842, p.536):
1. Chacun, là-dessus, est libre d'opiner à sa guise; chacun, au gré de ses préférences personnelles, peut opter pour la fréquence ou pour la rareté de ce singulier phénomène qu'est la vie. J. Rostand,La Vie et ses probl.,1939, p.195.
Vieilli. Voter, se prononcer au cours d'un jugement. La sentence sera rendue à la majorité simple. Chaque juge opinera à son tour, à haute voix, en présence de l'accusé (Hugo,Quatre-vingt-treize,1874, p.237).Le réquisitoire conclut à la peine de mort pour tous. Les jurés la votèrent d'une parole, d'un signe de tête et par acclamation. Quand ce fut le tour de Gamelin d'opiner: −Tous les accusés sont convaincus, dit-il, et la loi est formelle (A. France,Dieux ont soif,1912, p.261).
[Dans une incise] Une jolie fille passe: «Je boirais bien un petit verre de ton corps», lui souffle l'Andalou dans l'oreille. «J'aime bien quand elles marchent vite parce qu'alors elles remuent mieux les fesses», opine ensuite l'Aragonais (Montherl.,Bestiaires,1926, p.439).
Opiner à.Être d'avis de. Les uns opinaient à suivre le roi, les autres à rentrer dans les rangs de la nation et à attendre là les occasions de servir utilement notre cause trahie par la fortune, mais non par le droit (Lamart.,Confid.,1849, p.289).
Opiner pour, contre, en faveur.Exprimer son accord ou son désaccord avec une proposition. Ils [les députés] opineraient sans relâche contre le voeu de la pluralité (Sieyès,Tiers état,1789, p.83).Il fut le seul de son avis; tout le reste opina pour l'abdication; elle fut résolue, et alors Carnot s'appuyant la tête de ses deux mains, se mit à fondre en larmes (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.649).Grotius, Vattel et la masse des juristes opinent à leur tour du bonnet et de la voix, des mains et des pieds, en faveur du droit de butiner (Proudhon,Guerre et Paix,1861, p.273).
2. Loc., fam. Opiner de + subst. (désignant la tête ou le visage).Opiner du bonnet. Être de l'avis des autres; en partic. donner son assentiment par un signe de tête. Opiner de la tête, du museau, du képi. Renan, qu'on est sûr de voir opiner du bonnet à tous les paradoxes anti-littéraires qui se débitent, dodeline de la tête en signe d'acquiescement (Goncourt,Journal,1874, p.1024).La contre-maître répétait pour la centième fois depuis quinze jours, qu'elle aimerait mieux ne pas manger que d'être privée de café après ses repas. La voisine opinait de la hure (Huysmans,Soeurs Vatard,1879, p.98):
2. M. Chasle, debout, opinait du chef. L'assurance de ce débit oratoire exerçait toujours un tel ascendant sur lui, et il avait si fort accoutumé de faire siennes les affirmations de son patron, qu'il ne pouvait aujourd'hui encore, lui marchander son assentiment. Martin du G.,Thib., Sorell., 1928, p.1140.
B. − Emploi trans. Opiner que.Être d'avis que. Kalinowski, le général de campagne, opina qu'il fallait marcher en avant et attaquer l'ennemi au plus vite (Mérimée,Cosaques d'autrefois,1865, p.41).Elle mit en branle l'autorité de M. Ligneul qui opina volontiers qu'on devait fermer les «Liserons» quelques jours en avance et rentrer à Paris (Drieu La Roch.,Rêv. bourg.,1937, p.68).
REM.
Opineur, subst. masc.a) Péj. Opinant. Kervelegan, homme sans caractère, vrai opineur de la calotte (Marat,Pamphlets, Aux amis de la Patrie, 1792, p.310).b) Arg. Juré (d'apr. Esn. 1966).
Prononc. et Orth.: [ɔpine], (il) opine [ɔpin]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1remoitié xves. emploi abs. «exprimer son opinion» (Vie de Saint Eustache, éd. H. Petersen, 1223, p.225); b) 1470 opinant subst. «celui qui donne son avis dans une délibération» (Déclaration... ds Isambert, Recueil gén. des anc. lois fr., t.10, p.622); 2. 1505 part. passé oppiné «jugé, estimé» (Desdier Christol, Platine en francoys, 101 vob d'apr. Arveiller ds Mél. Seguy, p.74); 3. 1638 opiner à (qqc.) (Scudéri, l'Am. libéral, I, 3, ds Littré); 4. 1646 (Maynard, OEuvr., p.223 cité ds Livet Molière t.3, p.187: Il est concis en ses harangues Et n'opine que du bonnet). Empr. au lat. opinari «avoir telle ou telle opinion, conjecturer, être d'avis que». Fréq. abs. littér.: 106.