| OMBRAGER, verbe trans. A. − 1. Faire de l'ombre sur quelque chose. a) [Le suj. désigne un/des arbre(s) ou un élément végét.] Synon. ombrer (v. ce mot A 1 a).Une vaste place, tapissée de la plus belle verdure; les arbres qui l'ombrageaient, entretenaient une fraîcheur délicieuse (Voy. La Pérouse,t.3, 1797, p.190): . ... rien ne se pouvait imaginer de plus clair que ces floraisons blanches abritées par les hauts palmiers, dans leur ombre abritant, ombrageant à leur tour, le vert tendre des céréales.
Gide,Si le grain,1924, p.604. − Absol., rare. L'arbre stérile et sec, et qui n'ombrage pas (Lamart.,Voy. Orient,t.1, 1835, p.21). − Empl. pronom. passif. V. guéret C ex. de Cottin. b) [Le suj. désigne un objet faisant écran] Synon. ombrer (v. ce mot A 1 b).Les femmes passent leur vie sur ces balcons ombragés par une toile à bandes de couleurs (Gautier,Tra los montes,1843, p.18).Le châle (...) replié en deux triangles, l'un plus court que l'autre, et posé sur la tête, très en avant, de façon à former visière et à ombrager la face (T'Serstevens,Itinér. esp.,1933, p.105). − Empl. pronom. passif. En quittant la terre, un soleil qui s'ombrage Laisse encor sa chaleur et sa pourpre au nuage (Lamart.,Harm.,1830, p.385). 2. [Le suj. désigne un animé] Couvrir, protéger quelque chose par un écran qui intercepte la lumière solaire. Synon. ombrer (v. ce mot A 2).On ombrage les baquets avec une toile ou des branchages, si l'ardeur du soleil élève la température de l'eau au-dessus du degré convenable (Code pêche fluv.,1875, p.128). − Empl. pronom. réfl. Se mettre à l'ombre, à l'abri du soleil. Le soleil plane au plus haut (...). On va s'ombrager sous un arbre (Pourrat,Gaspard,1931, p.203). 3. Au fig. Étendre sa protection, exercer une influence bienfaisante sur quelque chose. Planter sur les ruines de la civilisation injuste et cruelle la croix du Calvaire, non plus morte et nue, mais vive et de ses bras fleuris ombrageant le monde (A. France,Lys rouge,1894, p.274). B. − P. anal. 1. a) [Le suj. désigne un élément de la physionomie, de la coiffure, etc.] Surplomber, souligner, couvrir quelque chose à la manière d'un ombrage. Synon. plus rare ombrer (v. ce mot B 1).Ombrager la tête. Son visage ombragé d'une lourde moustache blonde et éclairé de deux yeux bruns (Du Camp,Hollande,1859, p.134).Des yeux noirs magnifiques, ombragés de grands cils épais qui mettaient une ombre dedans (Maupass.,Contes et nouv.,t.2, Boule de suif, 1880, p.122).Plume blanche ombrageant un chapeau marron (Mallarmé,Vers circonst.,1898, p.100). − Empl. pronom. passif. Le pschent de granit dont s'ombrage leur front (Dierx,Poèmes,1864, p.24). b) Au fig., vieilli. Couronner de gloire, de prestige. Wallstein (...) rassemblant ses guerriers, Nous accorde un repos qu'ombragent nos lauriers (Constant,Wallstein,1809, i, 1, p.3). 2. a) Rare. Rendre plus sombre. Synon. plus fréq. ombrer (v. ce mot B 2 a).Il faut ombrager ce tableau, il est trop éclairé (Littré). b) Au fig. − Vieilli. Inspirer de l'inquiétude, du dépit, etc. Asrafiel, lui surtout, m'inquiète et m'ombrage! (Lamart.,Chute,1838, p.1007). ♦ Empl. pronom. S'effaroucher, s'offusquer, prendre la mouche. Une âme ingénue (...) Qui s'ombrage de peu, surveille son honneur, De scrupules sans fin tourmente son bonheur (Brizeux,Marie,1840, p.34).La Soeur Flavie: (...) toujours ce manque d'égards... Je le sais bien, que je suis mal notée. La Soeur Gabrielle: Là, ma pauvre Soeur, ne vous ombragez pas comme cela (Montherl.,Port-Royal,1954, p.983). − Cacher, rendre obscur, indistinct, confus. Synon. ombrer (v. ce mot B 2 b).Que sont-elles devenues, ces affections délicieuses, ces douces vertus qui embellissoient ton existence? (...) De nombreuses épines les ont ombragées, et leur ont ôté l'aspect du soleil (Saint-Martin,Homme désir,1790, p.318).Il se taisait, c'est qu'un des mille passés probables ombrageait un moment sa tête (Giraudoux,Siegfried et Lim.,1922, p.114). ♦ Empl. pronom. réfl. Se dissimuler sous des apparences trompeuses. Ils ont dans leurs réseaux pris l'Homme Séculaire, Et couvert son front pur de baisers mensongers; S'ombrageant d'un manteau, qu'ils savaient populaire, Pour s'ouvrir dans nos rangs un chemin sans dangers (Borel,Rhaps.,1832, p.184). REM. Ombrageant, -ante, part. prés. en empl. adj.Qui ombrage, fait de l'ombre. Les longues fougères ombrageantes des bois glacés d'Été (Jammes,De l'angélus,1898, p.29). Prononc. et Orth.: [ɔ
̃bʀaʒe], (il) ombrage [ɔ
̃bʀa:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1245 fig. intrans. «s'assombrir» ou trans. «rendre sombre» (Philippe Mouskes, Chronique, éd. de Reiffenberg, 27533), attest. isolée av. le xvies.; b) 1540 fontaine bien ombragee (Herberay, Sec. liv. d'Amad., C. XIII ds Gdf. Compl.); 2. 1551 en partic. terme de peint. (Entrée solennelle de Henri II et Catherine de Médicis ds Havard). Dér. de ombrage*; dés. -er; a évincé les plus anc. ombroier, ombriier (dér. de ombre1*), v. ombrer. Fréq. abs. littér.: 238. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 636, b) 261; xxes.: a) 303, b)144. Bbg. Gohin 1903, p.298. |