| NUDITÉ, subst. fém. A. − [En parlant d'une pers. ou d'une partie du corps] 1. [En parlant d'une pers.] a) État d'une personne qui est entièrement nue. Tous les deux (...) regardaient avec adoration, dans sa nudité de vierge, cette fille si longtemps désirée, qu'ils avaient eue sur le tard (Zola, Germinal, 1885, p.1196).L'idée d'un beau corps n'éveillait en elle que l'idée de la nudité (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p.1366): 1. ... il dispose les jambes, l'une étendue roidement de côté, l'autre le genou dressé et le talon touchant presque la croupe. Il rectifie quelques détails, plie la taille à gauche, allonge le pied droit et enlève les bracelets, les colliers et les bagues, afin de ne pas troubler par une seule dissonance l'harmonie pure et complète de la nudité féminine.
Louïs, Aphrodite, 1896, p.230. SYNT. a) [Suivi ou précédé d'un adj.] [L'accent est mis sur]
α) [le caractère esthétique, idéal, la pureté du nu] Nudité aimable, belle, charmante, chaste, innocente, noble, parfaite, pudique, pure, radieuse, souveraine, superbe, tendre, triomphante.
β) [le caractère sacré de la nudité] Nudité céleste, religieuse, sacrée, sainte.
γ) [le rappel à l'antiquité] Nudité antique, grecque.
δ) [le caractère inesthétique, indécent ou immoral de la nudité] Nudité affreuse, hideuse, honteuse, horrible, impudique, impure, indécente, obscène. b) [Suivi d'un compl.] Nudité de femme, d'enfant, de gamine. [À valeur de compar.] Nudité de déesse, de pierre, de statue, de vierge. c) [En constr. verb.] Cacher, couvrir, découvrir, étaler, montrer, voiler sa nudité; voir la nudité de (qqn). − BEAUX-ARTS, PHOT. Représentation picturale, sculpturale ou photographique d'un modèle (posant) nu. Synon. nu2(v. ce mot II B).Descendons maintenant dans les salles de la sculpture. Toujours la même assemblée de bustes, d'allégories, de nudités (Huysmans, Art mod., 1883, p.235): 2. Cependant le ministre et son secrétaire poursuivaient leur chemin, vers la rue de la Paix, le long des arcades, s'arrêtant çà et là devant les vitrines des marchands de photographies. −Il y a trop de nudités exposées à ces devantures, dit le ministre. Il conviendrait de réprimer la licence des étalages.
A. France, Orme, 1897, p.180. b) P. ext. État d'une personne peu vêtue. Nudité partielle. Les plages sont recouvertes d'un enduit de chair humaine; on distingue mal l'homme de la femme ou l'âge, si on avance avec précaution à travers cet étalage de monotones nudités (Chardonne, Ciel, 1959, p.114). c) P. méton. Femme nue ou très peu vêtue. Il vit l'élue du rêve de ses nuits (...) comme une nudité sur le sable de la plage où elle s'étend (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p.256). 2. [En parlant d'une partie du corps, gén. suivi d'un compl. déterm.] Nudité d'épaule, de la chair. La nudité de son cou, de ses bras et de ses mains me troublait (Mauriac, Noeud vip., 1932, p.42).Elle ne portait pas de soutien-gorge et couchée sur le dos elle offrait au soleil la nudité de ses seins légers (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.91). ♦ Nudité du crâne. Calvitie. La nudité chauve d'un crâne somnolent (Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p.54). − Au plur., vieilli. Ensemble des parties du corps mises à nu. Épouvantée de ses nudités, elle couvrit ses beaux bras de manches en gaze claire, elle voila sa poitrine et ses épaules d'un fichu brodé (Balzac, Cous. Bette, 1846, p.278). 3. Au fig. État d'une personne matériellement ou moralement démunie, dépossédée. Synon. dénuement.Il a été très frappé de la nudité et de la pauvreté des Franciscains [à Burgos] (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p.134). − P. métaph.: 3. Le boiteux, le lépreux, et l'aveugle incertain,
Ceux qui marchent pieds nus et ceux qui n'ont pas même
Un toit l'hiver, ce sont des riches. Dieu les aime.
Ils ont pour vêtement ton regard de bonté.
Dieu! N'être pas aimé, c'est là la nudité!
Hugo, Fin Satan, 1885, p.905. B. − [En parlant d'un animal] État d'un animal ne possédant pas de poils, de plumes ou d'écailles. Cette impression d'ensemble est accentuée encore par une nudité de serpent [chez l'anguille] (Pesquidoux, Chez nous, 1923, p. 62).V. nu2I B 1. C. − [En parlant de choses] 1. [D'un élément du paysage, d'une habitation] Absence des accessoires, des ornements habituels. Synon. sévérité, dépouillement.Nudité de la chambre, de la pièce; nudité de l'automne, de l'hiver. Entre les troncs d'arbres, le jet des jeunes pousses était déjà assez fourni pour adoucir la nudité des branches dépouillées par l'hiver (Gozlan, Notaire, 1836, p.214): 4. ... en regardant la nudité des murs, le vide de la chambre, l'absence des meubles, je me réjouissais en pensant que cette pauvre maison du moins m'aimait, et qu'il n'y a ni tapis, ni tentures, ni rideaux de soie qui vaillent un peu d'attachement.
Lamart., Confid., Graziella, 1849, p.221. 2. Nudité (d'une arme). État d'une arme sortie de son fourreau. P. métaph. On voit la nudité de la lame, on sent le passage du fer (Du Bos, Journal, 1924, p.230). 3. Au fig. a) [Désigne un style, une oeuvre] Concision, précision dans l'expression d'un style, dans le développement d'une idée. Synon. dépouillement.Je note (...) que dans sa nudité, sa netteté de termes, sa clarté de situations sexuelles, cette pièce [La femme et Le pantin] est infiniment plus «risquée» que tout ce qui se joue ici et là (Valéry, Lettres à qq.-uns, 1945, p.92): 5. ... je nie que Molière ait jamais soupçonné le besoin de compliquer une comédie pour la rendre plus intéressante; son théâtre est d'une nudité magistrale; une intrigue unique s'y développe largement, logiquement, en épuisant le long du chemin toutes les vérités humaines qu'elle rencontre.
Zola, Hérit. Rabourdin, 1874, I, 6, p.VI. b) [Désigne un inanimé abstr.] État de ce qui se révèle dans toute sa vérité, sans fard ni dissimulation. Nudité d'âme, nudité de l'amour. Souvent elle avait éprouvé le désir d'aller trouver l'abbé Pérouze, de lui parler, dans toute la nudité de son coeur (Daniel-Rops, Mort, 1934, p.118): 6. −Laissez-moi, dit Sténio avec colère, ne prononcez jamais devant moi le nom de cette femme. C'est son influence maudite qui a corrompu ma confiante jeunesse; c'est son infernale ironie qui m'a ouvert les yeux et m'a montré la vie dans sa nudité, dans sa laideur. Ne me parlez pas de cette Lélia...
Sand, Lélia, 1833, p.255. Prononc. et Orth.: [nydite]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a)
α) Ca 1350 «état d'une personne nue ou d'une partie nue du corps» (Gilles Le Muisit, Poésies, I, 276 et II, 35 ds T.-L.);
β) 1687 [éd.] plur. «parties nues ou presque nues du corps humain qui sont ordinairement couvertes» (Fénelon, Educations des filles, p.207: Ayez donc horreur des nuditez de gorge et de toutes les autres immodesties); b) 1651 [éd.] peint. (Corneille, Andromède, Argument, p.IX: Les Peintres qui cherchent à faire paroistre leur Art dans les nuditez, ne manquent jamais à nous représenter Andromede nuë); 2. a)α) ca 1470 «état de ce qui est dépouillé d'ornements» (Georges Chastellain, OEuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t.7, p.41: Que t'est-il démoré de meubles de si haulx biens, sinon vuideur de richesse, plénitude de povreté, nudité de muraille);
β) 1849 nudité de style (Lamart., Confid., p.315); b) 1663 fig. «chose complètement dévoilée» (Molière, Critique de l'École des femmes, scène 3: Elles [les ordures] n'ont pas la moindre enveloppe qui les couvre; et les yeux les plus hardis sont effrayez de leur nudité). Empr. au b. lat. nuditas «état de nudité; défaut d'ornement (style)». On note aussi les formes nu(i)teit, nueté (fin xiie-xves. ds T.-L. et Gdf.), adaptations du lat. nuditas. Fréq. abs. littér.: 877. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)872, b) 1516; xxes.: a) 1901, b) 1029. |