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NOUER, verbe
I. − Emploi trans.
A. − Qqn noue qqc. (à, autour, derrière, devant qqc.)
1. Faire un noeud à (un fil, un ruban). Nouer une bride, une ficelle, un ruban, un tablier. De temps en temps, une habilleuse pénètre de biais dans la loge et circule (...) agrafant, nouant les cordons d'un maillot (Colette,Music-hall,1913, p.43).
Nouer une cravate, un fichu, un foulard, un mouchoir. Elle remarqua (...) et tint pour bon signe qu'il avait noué sa cravate avec plus d'art qu'à l'ordinaire (A. France,Dieux ont soif,1912, p.51).
Emploi pronom.
réfl. indir. Joseph Pasquier (...) se noua sous le menton un épais foulard de soie (Duhamel,Cécile,1938, p.174).
passif:
1. Une sorte de capote en taffetas noir doublé de lambeaux de dentelles blanches enveloppait tout le visage; sous le menton se nouaient deux brides de taffetas, blanchies par la poudre que le visage effroyablement fardé laissait choir. Gide,Isabelle,1911, p.617.
Loc. verb. Nouer l'aiguillette* (v. aiguillette2II); nouer les bouts*.
INDUSTR. TEXT. ,,Arrêter avec un noeud fait à la main les fils coupés à la fin d'une piqûre`` (Rama 1973).
P. anal.
Nouer les bras, les mains (autour de, derrière, devant qqc.). Faire comme un noeud avec ses bras et ses mains. L'enfant avait noué frileusement ses petits doigts (Zola,Page amour,1878, p.1049).Il arpentait la pièce, nouant ses mains derrière son dos (Roy,Bonheur occas.,1945, p.458).
Contracter (la gorge). L'émotion leur nouait la gorge. Ils se serrèrent la main (Martin du G.,Thib.,Été 14, 1936, p.633).
Emploi pronom. [En parlant d'une pers.] :
2. ... la mauvaise humeur nous lie, nous étouffe et nous étrangle (...). Celui qui s'ennuie a une manière de s'asseoir, de se lever, de parler, qui est propre à entretenir l'ennui. L'irrité se noue d'une autre manière; et le découragé détache, je dirais presque dételle ses muscles autant qu'il peut... Alain,Propos,1923, p.486.
2. Fixer par un noeud les extrémités d'un ou plusieurs liens. Il noue ses cordons de souliers et n'en finit plus de les dénouer (Renard,Poil carotte,1894, p.73).
3. P. méton.
a) Nouer qqc. (avec, de, par qqc.).Serrer un objet par un lien noué à l'aide d'un cordon lié par noeud. Nouer un paquet. Il me faut un ruban, un de vos rubans, tenez celui-là... Oui, j'ai l'habitude, comme cela, de nouer mes manuscrits avec une belle faveur (Goncourt,Journal,1856, p.264).
b) Assujettir (un objet à un autre) par un lien noué. Philippe relève et noue les poireaux. Il leur fait, dit-il, les chignons (Renard,Nos frères far.,1910, p.146).
CHASSE, FAUCONN., vx. Nouer la longe. Attacher la longe de l'oiseau pour l'empêcher de voler, le mettre en mue. (Dict. xixeet xxes.).
c) Nouer qqc. dans qqc.Envelopper quelque chose (dans quelque chose). Nouer de l'argent dans le coin d'un mouchoir (Ac.1935).[Il] l'aperçut très absorbé, profondément occupé à compter des pièces de cent sous, dans son mouchoir. (...) il eut la surprise de lui voir nouer soigneusement une grosse somme, peut-être bien quatre-vingts francs (Zola,Terre,1887, p.313).
B. − Au fig. ou p. anal.
1. Loc. verb., vieilli. Nouer les deux bouts. Synon. joindre les deux bouts*.On gagne juste de quoi (...) nouer les deux bouts (Amiel,Journal,1866, p.107).Tu sais que nous sommes gênées et que nous ne parvenons jamais à nouer les deux bouts (Theuriet,Mais. deux barbeaux,1879, p.60).
2. Nouer une relation, (une) amitié (avec qqn); nouer une alliance. Établir un lien moral, social avec quelqu'un. Le roi de Piémont est un véritable bouc, se jetant à la chasse sur la première venue, un vrai priape. Il avait noué pourtant une liaison avec une femme de la cour, dont il était fort amoureux (Goncourt,Journal,1861, p.930).Il ne manquait jamais non plus un dîner de corps, soit qu'il aimât s'y montrer, soit qu'il les jugeât commodes pour nouer des relations utiles (Estaunié,Ascension M. Baslèvre,1919, p.7).
Emploi pronom. passif. Les hommes, individuellement, peuvent continuer à subsister après l'écroulement de l'organisme politique et même social; ils peuvent vivre et attendre que des liens nouveaux se nouent (Ruyer,Esq. philos. struct.,1930, p.96).
Loc. fig. Nouer (une) conversation. Engager la conversation. La démangeaison d'aller tourner autour de cette voiture pour nouer avec les voyageurs un petit bout de conversation (Balzac,Chouans,1829, p.76).
3. Organiser (une affaire compliquée). Synon. ourdir.Nouer un complot, une conspiration. Nouant des intrigues politiques et galantes (...) elle trouvait encore le temps d'être pitoyable à ses amis (A. France,Dieux ont soif,1912, p.89).Elle est un peu cabaretière, un peu maquerelle, mais à la manière de là-bas, avec autant de discrétion à servir les verres qu'à nouer des intrigues amoureuses (T'Serstevens,Itinér. esp.,1963, p.112).
Emploi pronom. passif. L'affaire, le drame se noue:
3. Tout réside tellement dans les idées qu'on s'en fait, dans un certain pouvoir oblique de suggestion équivoque, dans la spéculation effrénée sur la faim qu'a l'homme d'inventer, de croire, de bâtir le compliqué, le pervers, le ténébreux. Mais c'est là ce qu'il y a d'angoissant, de tragique. C'est là que se noue le piège et que s'abrite l'assassin aux mains pures, aux mains, je ne crains pas de le dire, immaculées. Gracq,Beau tén.,1945, p.145.
En partic. Faire évoluer l'action (d'une oeuvre) pour former l'obstacle qui constituera l'intrigue. Il a noué fortement l'action, l'intrigue de sa pièce (Ac.1835-1935).
[P. méton.] Le drame noue l'action, la comédie l'embrouille, la tragédie la tranche (Hugo,Ruy Blas,1838, préf., p.334).
4. MÉD. [Le suj. désigne une pers.] Cet enfant est noué. Cet homme est noué de goutte (Ac. 1935). Présenter aux articulations des épaississements semblables à des noeuds.
Emploi pronom. à valeur de passif. Cet enfant se noue (Ac. 1935).
II. − Emploi intrans., BOT., AGRIC. Passer de l'état de fleur à l'état de fruit. Les fruits ont noué, ils aspirent l'énergie vitale et reproductrice qui doit mettre sur pied de nouveaux individus (M. de Guérin, Journal,1833, p.171).
Emploi pronom. Les grenades se nouaient à peine, grosses comme un poing d'enfant (Zola,Faute Abbé Mouret,1875, p.1363).
Prononc. et Orth.: [nwe], [nue], (il) noue [nu]. Homon. nous, noue. Att. ds Ac. dep. 1694 (1694, 1718, s.v. noüer; trémas = diérèse). Étymol. et Hist. A. 1. a) 1165 noer «lier par un noeud, faire un noeud» (Chrétien de Troyes, G. d'Angleterre, éd. W. Foerster, 2488); b) xiiies. «envelopper en faisant un noeud» (Douin de Lavesne, Trubert, éd. G. Raynaud de Lage, 44: En son giron les [deniers] a noez); 2. 1250 tiss. noer «nouer (chaque fil de chaîne au penne correspondant), renouer (un fil brisé)» (G. Espinas et H. Pirenne, Recueil de doc. ..., t.II, p.72, 22 ds De Poerck t.2, p.134), sens attesté jusqu'au xives., puis à nouv. en 1765 nouer (Encyclop.); 3.1579 nouer l'aiguillette «rendre impuissant» (A. Paré, éd. J.-F. Malgaigne, t.II, p.733a); 4. 1585 nouer les deux bouts (Noël du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t.II, p.206: nouer au bout de l'an les deux bouts de sa serviette ensemble); 1840 absol. (Proudhon, Propriété, p.263: nouer ... les deux bouts). B. 1. a) 1377 intrans. nouer «s'accoupler (un chien et une chienne)» (Gace de La Buigne, Roman des Deduis, éd. . Blomqvist, 6581); 1680 vén. lice nouée «chienne pleine» (Rich.); b) ca 1520 bot. pronom. «se développer (en parlant de plantes, spéc. du blé)» (s. réf. ds FEW t.7, p.166b); 1539 (Est.: le blé se noue); 1534 passif (Coutumes de Nivernois, XXVI, Nouv. coutumier gén., t.III, p.1151a: Bleds en terre avant qu'ils soient nohez); 1611 intrans. (Cotgr.); c) 1561 vén. fumées nouées (d'un cerf) (J. du Fouilloux, Vénerie, éd. G. Tilander, chap.23, 5: les cerfz [...] doivent jetter leurs fumees [...] longues et nouees); 1752 p. ell. nouées subst. (Trév.); d) 1690 hérald. part. passé adj. (Fur.); 2. a) 1538 méd. goutte nouee «crampe» (Estienne, Dictionarium latinogallicum ds FEW t.4, p.350a); 1694 la goutte se noüe (Ac.); b) 1718 part. passé adj. «rachitique» (Ac.); 1762 subst. (J.-J. Rousseau, Émile, l. 1 ds OEuvres complètes, éd. Ch. Wirz [Pléiade], p.254); c) 1758 fig. esprit noué «esprit borné, étroit» (Helvétius, De l'esprit, discours 4, chap.14, p.607: la plupart des esprits y sont noués); d) 1854 fig. part. passé adj. «contracté, serré, crispé» (Delacroix, Journal, p.268: il lui trouve quelque chose de noué); e)1909 nouer la gorge (Martin du G., Devenir, p.120). C. 1. 1580 fig. «établir, former (un lien moral)» (Montaigne, Essais, I, 28, éd. P.Villey-V. L. Saulnier, p.188: accoinctances et familiaritez nouées par quelque occasion); 1666 nouer conversation (Furetière, Roman bourgeois, l. 1 ds Romanciers du XVIIes., éd. A. Adam, p.924); 1671 noüer amitié (Pomey); 2. a) 1640 «organiser, former» (Oudin Curiositez: noüer la partie avec quelqu'un); 1658 (Bossuet, 2ePanégyrique, St François de Paule, 1 ds Littré: nouer ses intrigues); b) 1748 théâtre (Diderot, Bijoux indiscrets, chap.37, p.135: l'intrigue bien nouée). Du lat. nodare «nouer, lier, fixer par un noeud», dér. de nodus (noeud*). Fréq. abs. littér.: 972. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 597, b) 1452; xxes.: a) 1335, b) 2041.
DÉR. 1.
Nouement, subst. masc.,rare. Action de nouer. a) [Correspond à supra I A 1] . Tel un mutilé volontaire peut regretter ce qu'il a perdu, mais l'idée d'oublier son impuissance ne lui vient même pas (...). C'est le nouement des aiguillettes, comme auraient dit nos pères (Amiel,Journal,1866, p.295).b) [Correspond à supra I A 2] . Des enlacements de corps, des nouements de bras (Renard,Journal,1891, p.84).[numɑ ̃]. Att. ds Ac. 1718-1878. 1resattest. a) 1464 neuement «action de nouer» (J. Lagadeuc, Catholicon ds Gdf. Compl.: Nexus, neuement ou enlacement), 1538 nouement (R. Estienne, Dict. Latinogallicum, 471b cité par Vaganay ds Rom. Forsch. t.32, p.112: Nexus. Nouement, liaison), b)1539 agric. (Est.: le nouement des arbres), c) 1562 nouement d'aiguillette (Du Pinet, L'Hist. du monde de C. Pline Second, l. 21, chap.21, t.2, p.184: nouëmens d'esguillettes); de nouer, suff. -ment1*.
2.
Noueur, -euse, subst.Celui, celle qui fait un noeud, qui noue. a) [Correspond à supra I A 1] α) Ouvrière qui fait des noeuds (Luppi 1872). β) Machine qui fait des noeuds. La noueuse noue les deux extrémités de fil par un noeud de tisserand à petits brins (Thiébaut,Fabric. tissus,1961, p.34).Emploi adj. L'ouvrière n'a qu'à poser le fil devant l'organe noueur chargé de la rattache (Thiébaut,Fabric. tissus,1961p.33). γ) Magie. Noueur d'aiguillette (v. aiguillette2ex. 6). b) [Correspond à supra I B 2] . Quel noueur d'imbroglios d'argent et quel amusant enchevêtreur d'affaires que ce Daudet! (Goncourt,Journal,1884, p.317). [nwoe:ʀ], [nu-], fém. [-ø:z]. 1resattest. a) 1580 noueur d'aiguillette (J. Bodin, Démonomanie, l. 4, chap.5, fo207 ro: d'autres sortes de Sorciers [...] comme les nouëurs d'aiguilletes [cf. Gdf. Compl.]), b) 1840 diplom. «officier qui attachait un fil ou un ruban aux actes publics» (Ac. Compl. 1842), c) 1872 tiss. noueuse «ouvrière qui fait des noeuds» (Luppi), d) 1961 tiss. noueuse «pièce qui rattache automatiquement les fils des bobines» (Thiébaut, op. cit., p.34); de nouer, suff. -eur2*. Au sens b, cf. le lat. médiév. nodator «témoin qui confirme un acte en faisant un noeud sur la courroie au bas de la charte» (xies. ds Nov. Gloss. et Du Cange).
BBG.Quem. DDL t.3.