| NEUTRALISATION, subst. fém. Action de neutraliser, de se neutraliser; p. méton. résultat de cette action, fait d'être neutralisé. A. − POL., DR. INTERNAT. PUBL. Action de neutraliser, de rendre neutre, de soustraire au droit de guerre, notamment en vertu d'un traité international. Synon. (statut de) non-belligérance.Neutralisation de la Mer Noire, de la Belgique, de la Suisse, d'un territoire, d'un navire, du personnel sanitaire; traité, pacte de neutralisation. La simple neutralisation de Metz et de Strasbourg serait accueillie des Français comme un don du ciel (Maurras, Kiel et Tanger, 1914, p.107): 1. Pour la signature, on se réunit dans une petite maison de campagne qu'on neutralisa. Les secrétaires dressèrent d'abord le procès-verbal de la neutralisation, et les plénipotentiaires respectifs s'y rendirent ensuite pour signer.
Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.711. B. − 1. Action de neutraliser quelqu'un/quelque chose, d'empêcher d'agir, de rendre inoffensif. Neutralisation d'un adversaire, de forces opposées. La neutralisation de l'idée par l'image manifeste alors l'équilibre même de la nature, se retenant de glisser (Bergson, Deux sources, 1932, p.137).Essai de neutralisation des puanteurs ambiantes et de l'ennui par la fumée du tabac (Céline, Voyage, 1932, p.348): 2. ... dans le va-et-vient qu'il établit entre sa réalité intérieure et cette annexe, extériorisée et objective, qu'est son oeuvre, l'artiste réalise un renforcement et une satisfaction de certaines de ses tendances ou, au contraire, une neutralisation et même une éjection de certaines autres.
Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p.378. − MÉD., PHARMACOL. Neutralisation de toxines par des antitoxines, d'un agent nocif par un anticorps. Neutralisation de la toxine streptococcique par le sérum de convalescent (Teissier, Duvoir dsNouv. Traité Méd.fasc. 21928, p.102). 2. Action, fait de se neutraliser réciproquement; p. méton. résultat de cette action. Synon. contrepoids, équilibre.Les petits esprits qui conçoivent la perfection comme une médiocrité, résultant de la neutralisation réciproque des extrêmes (Renan, Avenir sc., 1890, p.500).L'inflation naît de l'affrontement sans décision, du match nul entre groupes de pression, de la neutralisation réciproque de leurs efforts (Univers écon. et soc., 1960, p.34-2). C. − Spécialement 1. DÉFENSE. Action de neutraliser, de mettre hors de combat, de détruire un objectif ennemi. Puissance, tir de neutralisation; neutralisation d'un objectif par des tirs de barrage, de l'artillerie ennemie par l'aviation. La puissance de neutralisation s'est manifestée au fur et à mesure que les perfectionnements (...) ont accru le pouvoir meurtrier de l'artillerie (Paloque, Artill., 1909, p.94).Dans l'offensive on verrait se multiplier les manoeuvres d'exploitation des neutralisations ou destructions nucléaires (Billotte, Consid. strat., 1957, p.4202): 3. L'arme atomique (...) est une arme de mise en place facile, qui représente une révolution absolue dans l'art de la guerre, tant dans le domaine de la destruction massive des villes, des ports et des centres industriels que dans ses usages tactiques de neutralisation instantanée du personnel et du matériel sur le terrain même.
Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p.179. 2. CHIM. [En parlant d'un acide] Action de (se) neutraliser par combinaison avec une base en formant des sels neutres; p. méton. résultat de cette action. Anton. acidification, alcalinisation.Neutralisation d'une solution acide; neutralisation d'un acide par une base, d'une base par un acide; neutralisation complète, partielle; mesure du titre d'une solution par neutralisation. Toute une série de mécanismes organiques sont adaptés à la neutralisation des acides gras (Policard, Histol. physiol., 1922, p.84).Le fluorure d'ammonium s'obtient par neutralisation de l'ammoniaque par l'acide fluorhydrique (Lebeau, Courtois, Pharm. chim., t.1, 1929, p.14).Le (...) chlorhydrate d'ammoniaque (...) peut être obtenu (...) par neutralisation de l'acide chlorhydrique par l'ammoniac (Industr. fr. engrais chim., 1954, p.35). − PÉTROCHIM. ,,Élimination des acides gras d'une huile`` (Lar. Lang. fr., Lexis 1975). 3. PHYS., ÉLECTR. Action de (se) neutraliser; p. méton. résultat de cette action. Neutralisation de l'électricité positive par la négative. [Avoir] soin de ne pas dépasser la neutralisation [du bain de nickelage] (ce que l'on reconnaît lorsque le papier de tournesol ne rougit pas) (H. Fontaine, Électrolyse, 1885, p.59). ♦ Neutralisation d'une couleur. Action d'atténuer sa valeur. 4. LINGUISTIQUE − PHONOL. Disparition d'une opposition phonologique dans les positions de la chaîne parlée où une opposition, distinctive par ailleurs, n'est plus représentée que par l'un et/ou l'autre de ses membres ,,de sorte que leur opposition n'y est plus distinctive`` (Ling., Paris, P.U.F., 1980, p.114). Position de neutralisation; neutralisation d'une opposition; neutralisation apparente, assimilatrice, centrifuge, combinée, conditionnée (par le contexte), dissimilatrice, progressive, réductive, régressive. La neutralisation réalise entre deux phonèmes un apparentement phonologique particulièrement étroit qui a des retentissements profonds dans la conscience des sujets (A. Martinet, La Description phonol., Genève, Droz, 1956, pp.42-43). − MORPHOL. La neutralisation de la marque du féminin (...) il n'existe pas de forme (...) dont la marque puisse être interprétée à la fois comme féminin et comme pluriel; seules existent graphiquement des suites de signes indiquant chacun soit le féminin soit le pluriel (Dub.Gramm.1965, p.56). Prononc. et Orth.: [nøtʀalizasjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1. 1783 chim. «action de neutraliser» (M. Mongez le Jeune, trad. du Manuel du minéralogiste de T. Bergman d'apr. FEW t.7, p.107); 2. 1795 «traité provisoire de neutralité» (d'apr. Ac. Suppl. 1798); 3. 1839-42 «action de rendre nul» (Comte, Philos. posit., t.4, p.128: La neutralisation systématique des divers pouvoirs); 4. 1939 ling. (A. Martinet ds R. Ling. rom. t.15, p.14). Dér. de neutraliser; suff. -(a)tion*. Fréq. abs. littér.: 29. Bbg. Akamatsu (T.). Peut-on dissocier «neutralisation» et «archiphonème»? Linguistique. Paris, 1976, t.12, no2, pp.27-32. _Vion (R.). Les Notions de neutralisation et d'archiphonème en phonol. Linguistique. Paris, 1974, t.10, no1, pp.33-52. |