| NECTAR, subst. masc. A. − MYTH. GR. Boisson habituelle des dieux, à base de miel, ressemblant à l'ambroisie, et qui conférait l'immortalité à l'être humain qui en buvait. Sur douze trônes d'or que Vulcain cisela, À la table où jamais on ne se rassasie, Ils [les dieux] buvaient le nectar et mangeaient l'ambroisie. Vénus était devant et Jupiter au fond (Hugo,Légende, t.2,1859,p.582).«(...) Allons, Zerbine, (...) versez à boire au baron.» La soubrette obéit avec autant de grâce que de dextérité. Hébé versant le nectar ne s'y fût pas mieux prise (Gautier, Fracasse, 1863, p.223): 1. S'ils [les dieux du polythéisme] se trouvoient quelquefois opposés les uns aux autres, c'étoit seulement dans les querelles des mortels: ils se réconcilioient bientôt en buvant le nectar ensemble.
Chateaubr., Génie, t.1, 1803, p.488. − P.anal. Boisson exquise; vin réputé. Alors elles iraient, en pourpoint mi-parti, Chercher des coupes pleines De ce nectar divin, le Lacryma-Christi, Qui coulerait aux plaines (Banville, Cariat., 1842, p.176): 2. J'n'ai trouvé, l'an dernier, qu'vingt rasières d'pommes d'abricot. Y n'y en a pu; mais pour faire du cidre y n'y a qu'ça. Donc j'en fis une pièce qu'je mis hier en perce. Pour du nectar, c'est du nectar; vous m'en direz des nouvelles. J'avais ici Polyte; j'nous mettons à boire un coup, et puis encore un coup, sans s'rassasier (on en boirait jusqu'à d'main)...
Maupass., Contes et nouv., t.1, Norm., 1882, p.72. ♦ ALIM. ,,Produit résultant d'une addition d'eau et de sucre à un jus de fruit pratiquement non consommable à l'état pur comme boisson en raison de son caractère trop pulpeux ou trop acide`` (Clém. Alim. 1978). Nectar d'abricot. − Au fig. Ce qui est doux, charmeur, enivrant. L'amour est un divin et tendre empoisonneur. Laissons ce charmant traître approcher de nos bouches Sa coupe où nous boirons les extases farouches Et le sombre nectar des baisers éperdus (Hugo,Légende, t.4,1877,p.790): 3. Oh! si ma poésie était une rosée
Qui, s'épandant à flots sur votre âme épuisée,
Lui versât quelque peu de consolation
Et calmât vos douleurs avec son onction,
Je serais bienheureux! Quelle divine joie!
Ah! je prie ardemment pour que Dieu me l'octroie,
Et que tout ce que j'ai de ce divin nectar
Dont le Seigneur m'a fait une petite part,
S'épanche en amitié...
M. de Guérin, Poés., 1839, p.77. B. − Suc mielleux sécrété par les nectaires de la plante et que butinent les abeilles pour en faire du miel. Miel de nectar. Bientôt un certain nombre d'ouvrières vont aux champs et en reviennent chargées de nectar et de pollen (Maeterl., Vie abeilles, 1901, p.97).V. miel ex. 1 et nectaire ex. de Bern. de St-P.: 4. Voici un gros bourdon (...); sa bouche ne peut atteindre au nectar et le gourmand s'efforce en vain (...). Il revient à l'ancolie et, cette fois, il perce la corolle et suce le nectar à travers l'ouverture qu'il a faite; je n'aurais pas cru qu'un bourdon eût tant de sens.
A. France, Bonnard, 1881, p.470. REM. 1. Nectaré, -ée, adj.Synon. de nectaréen (infra).Les insectes ailés, et surtout les mouches garnies de poils, se chargent de cette poussière fécondante en picorant les glandes nectarées des fleurs mâles (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.74). 2. Nectaréen, -éenne, adj.a) Qui produit du nectar. (Ds Littré, Guérin 1892). b) Littér. Qui a les qualités, les propriétés du nectar. (Ds Lar. Lang. fr.). Bernardin de Saint-Pierre (...) ne tarit point (...) sur les fruits nectaréens qu'elle [la nature] nous présente dans sa corbeille (Pommier, Athéisme, 1857, p.81).Au fig. Lis donc ces proses lyriques, et (...) tu goûteras (...) les joies nectaréennes de l'Olympos (Proust, Swann, 1913, p.90). Prononc. et Orth.: [nεkta:ʀ], [nek-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Av. 1524 «breuvage des dieux» (J.Lemaire de Belges, Second conte de Cupido et d'Atropos ds OEuvres, éd. J.Stecher, t.3, p.45); 2. 1550 «boisson de saveur exquise» (Ronsard, Odes, III, XVII, 29 ds OEuvres compl., éd. P.Laumonier, t.2, p.47); 3.1769 «suc mielleux que sécrètent les nectaires» (Valmont d'apr. FEW t.7, p.80b). Empr. au lat. class. nectar «breuvage des dieux», également «boisson, mets doux et agréable», lui-même empr. au gr. ν
ε
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κ
τ
α
ρ «id.». Fréq. abs. littér.: 147. Bbg. Gohin 1903, p.247 (s.v. nectaré). |