| * Dans l'article "NAGER,, verbe" NAGER, verbe I. − Emploi intrans. A. − Vieilli ou MAR. et SPORTS (aviron). [Le suj. désigne une pers. ou un groupe de pers.] Faire avancer un bateau, une embarcation au moyen de rames, d'avirons. Synon. ramer.De temps en temps, il regardait derrière lui (...) puis il recommençait à tirer, d'une façon rythmée, méthodique et forte, pour montrer, une fois de plus, à ces mauvais matelots du Midi, comment nagent les hommes du Nord (Maupass.,Contes et nouv.,t.2, Champ d'oliv., 1890, p.76).Dans son rafiot de garde-pêche, (...) Chuchin remontait la Seine (...). Rien qu'à le voir nager, à sa molle façon de tenir les rames, (...) on sentait l'absence du maître (A. Daudet,Pte paroisse,1895, p.223): 1. En une minute, l'embarcation fut mise à la mer. Les deux enfants du capitaine, Glenarvan, John Mangles, Paganel, s'y précipitèrent, et elle déborda rapidement sous l'impulsion de six matelots qui nageaient avec rage.
Verne,Enf. cap. Grant,t.3, 1868, p.233. ♦ Nager à culer*, à couple, en pointe. V. nage A 2. B. − 1. [Le suj. désigne un être vivant, animal ou homme] Se soutenir ou se déplacer dans ou sur l'eau grâce à des mouvements appropriés. Nager sur le côté, sur le dos; nager à l'indienne; nager sous l'eau. Il n'est pas aisé de ne pas quitter un cheval qui nage. L'eau vous soulève, et votre propre poids submerge l'animal à chaque instant (Sand,Hist. vie,t.3, 1855, p.356).Apprendre à nager, c'est acquérir l'habitude de réprimer des mouvements spontanés et d'en exécuter d'autres (Langlois, Seignobos,Introd. ét. hist.,1898, p.49).Une de ces mares croupies des oasis, verdâtres, où un serpent nage avec une vitesse affreuse (Montherl.,Lépreuses,1939, p.1443): 2. ... plus loin, les berges s'élargissant, on rencontrait un petit lac paisible où nageaient des truites parmi toute cette chevelure verte qui ondoie au fond des ruisseaux calmes.
Maupass.,Contes et nouv.,Pte Roque, 1885, p.1018. − P. métaph. Nager dans. Ce faquin nage avec sérénité dans l'ordure liquide, en laquelle il a le pouvoir de transmuer tout ce qui l'approche. C'est le Midas de la fange (Bloy,Désesp.,1886, p.280).Il cède à cet instinct qui porte les très jeunes gens à rechercher l'amitié d'hommes en passe de réussir et à nager dans leur sillage (Mauriac,Vie Racine,1928, p.26): 3. La vie coulait à pleins bords; il y nageait avec volupté, et, entraîné par elle, il se croyait pleinement libre.
Rolland,J.-Chr.,Adolesc., 1905, p.267. − Locutions ♦ Nager comme un poisson (fam.). Nager très bien. Une foule de jeunes femmes qui plongeaient et nageaient comme des poissons, avec la plus insouciante gaieté du monde (Loti,Mariage,1882, p.262).Nager comme un fer à repasser; nager comme un chien de plomb, comme une pierre, comme une meule de moulin (vieilli). (Dict. xixeet xxes.). Aller au fond. ♦ Nager entre deux eaux. Nager sous l'eau, près de la surface. Me glissant par un sabord, je me laissai couler dans le fleuve, puis je nageai entre deux eaux, ne respirant qu'à de longs intervalles (Dumas père, Monte-Cristo,t.1, 1846, p.649).Au fig. Se ménager deux partis opposés. Synon. louvoyer.Jean de La Faucille, le plus riche et le plus notable bourgeois, qui avait toujours servi les intérêts du comte, mais qui ne voulait pas perdre l'amour de ses concitoyens, s'était déjà retiré, et se tenait en arrière des uns et des autres, nageant, comme on disait, entre deux eaux (Barante,Hist. ducs Bourg.,t.1, 1821-24, p.175). ♦ Au fig. Nager avec le courant ou contre le courant (ou à contre-courant). Suivre l'opinion courante ou lutter contre celle-ci. On se rend mal compte aujourd'hui de la puissance de ce grand fleuve révolutionnaire et réformiste [de 1848]; aussi apprécie-t-on mal la force que Baudelaire dut déployer pour nager à contre-courant (Sartre,Baudelaire,1947, p.191).Pierre Mendès-France n'a jamais nagé avec le courant, c'est son honneur (Mauriac,Nouv. Bloc-Notes,1961, p.133).Nager en grande, pleine eau*; nager dans les mêmes eaux* (que qqn) ou dans les eaux de qqn. Nager en eau trouble. Savoir profiter d'une situation peu claire. L'article de Pichat sur lui [Hugo] est de fond honnête, quoiqu'il y eût mieux à dire; mais enfin l'intention est bonne. Cet article est probablement pour racheter ceux de Castille (dans le prochain numéro le philosophe y passera). Ces gaillards-là nagent en eau trouble (Flaub.,Corresp.,1853, p.227).(Savoir) nager (fam.). (Savoir) se débrouiller; se tirer d'affaire en toutes circonstances, éventuellement en faisant taire ses scrupules. Les frères Standaert ont montré leur habituelle valeur. Eux aussi ont su «nager» pour se bien placer au moment psychologique (La Pédale,9 nov. 1927, p.13, col.1).Enfin, tout ça, ça étale. Je ne cherche pas à me mélanger avec l'indigène. Je fais ce qu'il faut, mais je n'en remets pas (...). Enfin je nage. Et pas mal. La question galette est tout à fait arrangée (Giono,Gds chemins,1951, p.127): 4. Si j'avais été aux sous comme toi, lui dit-il, et que j'aie eu ton instruction, j'te jure qu'ils ne m'auraient pas vu venir au rif comme ça. J'aurais demandé à suivre les cours d'officier, je serais allé passer quelques mois au camp et on m'aurait nommé sous-lieutenant au milieu de 1915. Et à ce moment-là, la guerre sera finie... À mon idée, t'as pas su nager.
Dorgelès,Croix de bois,1919, p.30. 2. P. anal. (en imitant les mouvements d'un nageur), ÉQUIT. [Le suj. désigne un cheval] Jeter les pattes en dehors. (Dict. xixeet xxes.). C. − P. anal. 1. [Le suj. désigne un inanimé] Flotter à la surface d'un liquide. Mon regard vous adore et votre belle image Erre sur mes pensers comme un liège qui nage (M. de Guérin,Poés.,1839, p.110).La cave immense et voûtée était noyée d'eau. Il y nageait des choses mousseuses, ouatées, d'un moisi blanc et vert (Van der Meersch,Invas. 14,1935, p.196). − P. métaph. ou au fig. [Le suj. désigne un corps léger, lumineux] Avoir une présence diffuse; envelopper, environner. Synon. flotter.À l'orient sombre, abandonné depuis longtemps par le soleil, nageaient des vapeurs, îles de nuages, entre lesquelles sortaient, comme du fond d'un lac, des baguettes rouges, expirante végétation de la forêt (Gozlan,Notaire,1836, p.184).La pièce, emplie des effluves d'un parfum pénétrant qui nageait autour des fourrures et des draperies claires (Gracq,Argol,1938, p.173): 5. Des plans de montagnes de toutes formes et de toutes hauteurs fuient les uns derrière les autres, laissant quelquefois entre leurs cimes inégales de hautes vallées où nage la lumière argentée de la lune...
Lamart.,Voy. Orient,t.2, 1835, p.322. 2. a) [Le suj. désigne un inanimé] Baigner, être immergé dans un liquide. Une espèce de lampion posé sur un escabeau, et dont la mèche nageait dans une graisse fétide (Dumas père, Monte-Cristo,t.1, 1846, p.95).Des moules cuites nageant dans une eau claire, au fond de grands saladiers de faïence (Zola,Ventre Paris,1873, p.784). − En partic. ♦ Péj. [Dans un cont. culinaire] Baigner dans un liquide (une sauce, du beurre) surabondant. Un petit plat d'étain où un pilon de poulet nage dans une sauce brune (Sartre,Nausée,1938, p.146).Le ventre alourdi par des viandes trop rôties et les légumes nageant dans le beurre (Morand,P. de Saligny,1947, p.93). ♦ P. exagér. [Le suj. désigne une pers. blessée ou morte] Nager dans son sang. Il l'avoit trouvé évanoui et nageant dans son sang (Genlis,Chev. Cygne,t.1, 1795, p.44). − P. métaph. ou au fig. Les montagnes nageaient dans une légère teinte violette qui les grandissait et les éloignait en les effaçant (Lamart.,Raphaël,1849, p.176).Sa figure est pâle comme autrefois, ses yeux nagent dans les larmes (Renan,Drames philos.,Eau jouvence, 1881, iv, 4, p.496).Il faisait chaud, et c'était bon dans ce grand air. La prairie nageait dans l'été (Pourrat,Gaspard,1930, p.304). b) Au fig. [Le suj. désigne une pers.] Être plongé dans une situation, dans un état. Pendant que les pauvres curés de campagne avaient à peine de quoi vivre de leur petite dîme, les moines et les capucins nageaient dans l'abondance (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan,t.1, 1870, p.288).Les fonctionnaires, les colons français, les notables autochtones, avec qui je pris contact, nageaient en pleine euphorie patriotique (De Gaulle,Mém. guerre,1954, p.111): 6. ... il est inouï de penser que sur trois expéditionnaires, l'un soit fou, le deuxième gâteux et le troisième à l'enterrement. Ça a l'air d'une plaisanterie; nous nageons en pleine opérette!
Courteline,Ronds-de-cuir,1893, 1ertabl., II, p.36. SYNT. Nager dans l'allégresse, le bonheur, les difficultés, l'extase, l'incertitude, la joie, le luxe, l'opulence; nager en plein(e) horreur, intrigue, poésie, rêve, sublime. − [Sans compl. prép.] Fam. Être embarrassé; se sentir dépassé, débordé; ne savoir que faire. Synon. patauger.Le nouveau comptable nage complètement (Davau-Cohen1972): 7. Une supposition qu'avant d'aller rendre compte à l'inspecteur-chef, je prépare ma conversation mot à mot, demandes et réponses, il y aura un moment où ça ne collera plus, je nagerai.
Bernanos,Mauv. rêve,1948, p.983. 3. [Le suj. désigne une pers. ou une partie de son corps] Être (très) au large dans. Les savates dans lesquelles nageaient ses pieds (Triolet,Prem. accroc,1945, p.172).Un jour elle m'a donné une belle robe à traîne mais que je n'ai jamais pu mettre. Je nageais d'dans (Cendrars,Lotiss. ciel,1949, p.38). II. − Emploi trans. A. − MAR. Faire avancer un bateau, une embarcation à l'aide de rames. Nos deux canots furent nagés avec la plus grande force, le cap au nord, pour nous éloigner de la passe (Voy. La Pérouse,t.2, 1797, p.170).Une norvégienne se détacha de l'ombre, nagée par quatre hommes (La Varende,Saint-Simon,1955, p.415). B. − NATATION 1. Pratiquer une forme particulière de nage. Ce jeune garçon, là-bas, près du môle, est en train de nager le crawl (H. Bazin,Vipère,1948, p.161). 2. Parcourir une distance déterminée à la nage. Le 27 octobre 1962, l'Australienne Dawn Fraser nageait le cent mètres en cinquante neuf secondes huit dixièmes (Jeux et sports,1967, p.1303). Prononc. et Orth.: [naʒe], (il) nage [na:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. Intrans. 1. ca 1100 «faire avancer un bateau à l'aide de rames, ramer» (Roland, éd. J. Bédier, 2631); ca 1140 «naviguer» (Geoffroi Gaimar, Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 493: Dous nefs i ot tuit veirement, Lur veilz drescent cuntre le vent. Tant unt nagied e governez Qu'en Danemarche sunt arivez); ca 1210 (Dolopathos, 372 ds T.-L.: Toz fut li voilles desploiez; Moult par orent bon vant a droit. Tant nagierent a grant esploit C'a Rome furent repairet); 2. fig. a) 1176-81 (Chrétien de Troyes, Chevalier à la charrette, éd. M. Roques, 1570: Molt ai hui bien et droit nagié, Qu'a molt boen port sui arrivez); b) av. 1370 nager entre deux yauues «refuser de s'engager dans une voie, de prendre parti» (Jean le Bel, Chron., éd. J. Viard et E. Déprez, t.1, 1904, p.136), voir G. Roques ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t.20 no1 1982, pp.41-42; 1916 pop. nager «être embarrassé, ne savoir que faire» (d'apr. Esn.); c) ca 1380 nager en grant joie (Jean Lefèvre, La Vieille, 150 ds T.-L.); 1620 (Malherbe, Poésies, XLIV, 27 ds
Œuvres, éd. L. Lalanne, t.1, p.157: Les douceurs où je nage...); d) 1588 nager en plus grande eau «jouir d'une situation importante» (Argentré, H. de Bret., fol. 401 vods Gdf. Compl.); e) 1914 pop. savoir nager «savoir se débrouiller» (d'apr. Esn.). B. Trans. ca 1150 «conduire [quelqu'un] en bateau» (Wace, St Nicolas, éd. E.Ronsjö, 382). II. 1. Fin xiies. «se déplacer dans l'eau par des mouvements adéquats» fig. «se maintenir, ne pas sombrer» (Béroul, Tristan, éd. E. Muret4, 3428: Ge oi dire que souef nage Cil qui on sostient le menton; cf. ca 1180 Proverbe au vilain, 148 ds T.-L., s.v. nöer); 2. 1530 «[en parlant d'un inanimé] flotter sur un liquide» (Translat. prem. guerre pun., à la suite de Prem. vol. des grans decades de Tit. Liv., fol. 182b ds Gdf. Compl.); 1552 (Est., s.v. innato: Nager sur l'eaue; flotter); 3. 1552 «baigner dans un liquide» (Est., s.v. nonato: le pavé nageoit tout en vin); 1636 (Monet: les bles nagent an l'eau); 1671 (Pomey: cet homme ... nageoit dans son sang); 4. 1680 «être au large dans quelque chose» (Rich.: son pié nage en son vieux soulié). Du lat. navigare «naviguer, voyager sur mer» (d'où I). Nager a peu à peu supplanté l'a. fr. nöer «nager» (1160-74, Wace, Rou, éd. J. Holden, III, 5238; encore largement att. au xvies., Hug., au propre et au fig.), issu du b. lat. *nŏtare, forme dissimilée du class. natare «nager»; de natare, l'a. prov. nadar (xiiies., Marcoat ds Levy Prov.), l'esp. cat. port. nadar; de *notare, l'a. roum. nota (qui en atteste l'ancienneté), l'ital. nuotare. Cette nouvelle signification de nager (II) a rendu difficile l'emploi courant du verbe dans la signification primitive de «naviguer», d'où l'empr. au lat., de naviguer*. La cause de l'éviction de nöer serait sa collision homon. avec l'a. fr. nöer (< lat. nōdare), v. nouer, W. von Wartburg, Problèmes et méthodes de la linguistique, 2eéd., pp.163-166. La plupart des emplois figurant sous I A 2 sont dans la lang. mod. compris comme dér. du sens II. Fréq. abs. littér.: 1238. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2117, b) 2349; xxes.: a) 1385, b) 1361. DÉR. 1. Nagée, subst. fém.a) [Correspond à nager I A] Petit déplacement en bateau à rames. Je faisais des nagées en bateau sur la Tamise (Chateaubr.,Mém.,t.1, 1848, p.519).P. métaph. Courte distance. Je n'étais pas à une nagée du sein de ma mère que déjà les tourmentes m'avaient assailli. J'ai erré de naufrage en naufrage; je sens une malédiction sur ma vie, poids trop pesant pour cette cahute de roseaux (Chateaubr.,Mém.,t.4, 1848, p.170).b) [Correspond à nager I B] Vx. Espace parcouru par le nageur à chaque mouvement simultané des bras et des jambes. Il a traversé ce bras de rivière en vingt nagées (Ac.1835, 1878).− [naʒe]. Ac. 1835, 1878 nagée. − 1reattest. 1668 «espace parcouru en nageant, à chaque brassée» (La Fontaine, Fables, II, 10); de nager, suff. -ée*. 2. Nageot(t)er,(Nageoter, Nageotter) verbe intrans.,fam. Nager un peu ou savoir un peu nager. Vous pouvez tout d'même vous mettre à l'eau (...) vous nageotez un tout p'tit brin (Gyp,Le 13e,1894, p.46).Je suis en train de me demander s'il y a assez d'eaux à La Roque pour nageotter (Valéry,Corresp.[avec Gide], 1895, p.242).Elle [la sirène] était restée là, longtemps, nageotant sur place, dans l'eau noire, à regarder le navire et le jeune prince rêvant, accoudé au bastingage (G. Dormann,Le Bateau du courrier,Paris, Éd. du Seuil, 1974, p.142).P. métaph. ou au fig. Sous le feu des mitrailleuses arrière des internationaux, les cinq junkers repartaient vers leurs lignes, le sixième nageotant au-dessus des champs (Malraux,Espoir,1937, p.521).− [naʒ
ɔte]. − 1reattest. 1868 (Littré); de nager, suff. -oter*. BBG. − Becker (K.). Sportanglizismen im modernen Französisch... Meisenheim, 1970, p.26, 322. _ Darm. Vie 1932, p.137, 168. _ Gohin 1903, p.332. _ Rothwell (W.). Sink or Swim?... Z. rom. Philol. 1976, t.92, pp.386-393. |