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NÉGRIER, -IÈRE, adj. et subst. masc.
A. − (Navire) qui transportait des esclaves noirs. Il voyait embarquer des esclaves sur un bâtiment négrier qui allait bientôt quitter le port (Duras,Ourika,1824, p.26).Notre navire était un négrier, Et dès qu'on fut au large, on ne tint plus secrète L'intention d'aller là-bas faire la traite (Coppée,Poés.,t.2, 1878, p.269).
B. − (Armateur, marchand) qui transportait, faisait le commerce des esclaves noirs. Je vends mes noirs à bon compte, et j'ai fait ainsi le bonheur des colons, de mon équipage, mais par-dessus tout j'ai puni un infâme négrier comme toi, qui vend ses frères, ainsi que des bestiaux (Sue,Atar-Gull,1831, p.14).Il avouait d'ailleurs avoir été négrier; se déclarant esclavagiste par humanité (Arène,Veine argile,1896, p.156):
. Enfin la traite des noirs rapportait gros: en 1780, on jugeait que les «négriers» de Liverpool gagnaient 300 000 livres sterling par an; de 1783 à 1793, ils armèrent de 110 à 120 navires qui vendirent plus de 300 000 esclaves dont le prix dépassa 15 millions de livres sterling. Lefebvre,Révol. fr., 1963, p.28.
P.anal.
1. Personne qui traite durement ses subordonnés, ses collaborateurs. Les directeurs [de théâtre] (...) tel cet affreux Koening que nous a dépeint Léon Daudet, véritable négrier, toujours l'injure à la bouche (Morand, Excurs. immob., 1944, p.144).
2. Personne qui embauche des nègres (v. ce mot I B 4 a). Un érudit (...) assumait la responsabilité de la collection vis-à-vis du négrier qui lui donnait généreusement 400 francs par volume (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.381).
3. Personne qui fait commerce d'une main-d'oeuvre exploitée sans limites. Mais il y a pire encore: les «négriers» qui embauchent des gars pour les louer à des entreprises (Le Nouvel Observateur, 15 déc. 1969, p.31, col. 3).
C. − Adj. Relatif au trafic des esclaves de race noire. Ils ne travaillent plus pour la traite ni pour la marine. La vraie Nantes négrière du XVIIIesiècle, l'île Feydeau, est déserte (Michelet, Journal, 1853, p.213).Les Africains réduits en esclavage n'ont pu maintenir dans leur nouvel habitat les structures sociales de lignage, de classe ou de village, que le trafic négrier avait détruites (Traité sociol., 1968, p.328).
P.anal. Relatif à l'embauche, au traitement des travailleurs immigrés dans les pays occidentaux. Aujourd'hui, avec 800 000 étrangers sur son sol, la Suisse vient en tête et de loin −au côté du Luxembourg −dans la liste des pays «négriers» du XXesiècle européen. On peut dire qu'à l'heure actuelle, un travailleur sur trois y est étranger (L'Express, 20 mars 1967, p.63, col. 2).
Prononc. et Orth.: [negʀije], fém. [-jε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. 1685 capitaine négrier (Doc. in Moreau de Saint-Méry, Loix et Constitutions des Colonies françoises de l'Amérique sous le vent, t.1, p.407 ds Arv., p.365); 2. 1730 navire négrier, vaisseau négrier (Savary). B. Subst. 1. 1801 «navire qui sert au commerce des nègres» (Mercier Néol. Suppl.); 2. a) 1831 «marchand d'esclaves» (Sue, loc. cit.); b) 1837 «chef d'entreprise qui traite ses employés comme des esclaves» (Vigny, Journal poète, p.1060). Dér. de nègre*; suff. -ier*. Fréq. abs. littér.: 47. Bbg. Kemna 1901, p.77.