| NÉCESSITÉ, subst. fém. I. − La nécessité de qqc.; une, des nécessités A. − [Correspond à nécessaire I A] 1. Caractère nécessaire, indispensable de quelque chose; action, fait, état, condition qui doivent obligatoirement être réalisés (pour atteindre une fin, répondre à un besoin, à une situation). Nécessité absolue, indispensable; nécessité pratique, morale; faire qqc. par nécessité, sans nécessité; en cas de nécessité. − Constructions a) [Suivi d'un compl.] ♦ [Le compl. introduit par de est un subst.] La nécessité du travail, de l'effort, d'un choix, d'un changement. Le rocailleux Mélis releva des négligences de style, et disserta, en assez mauvais français, sur les avantages et la nécessité de la correction (Jouy,Hermite, t.3, 1813, p.47).Mais lui, si l'émotion de la voir bonne et aimante rendait plus atroce la nécessité du départ, comprenait que cette nécessité s'imposait davantage chaque jour (Zola,Dr Pascal,1893, p.255).Cette nécessité absolue d'un tissu vivant [pour la reproduction du virus] explique la progression plus lente de nos connaissances sur les maladies virales (Quillet Méd.1965, p.189). ♦ [Le compl. introduit par de est un inf.] Je lui montrais la double nécessité impérieuse de recompléter toutes les divisions britanniques et d'exclure toute distinction définitive entre elles (Foch,Mém., t.2, 1929, p.77).La première nécessité qu'imposait cet impératif était de trouver à remplacer le sucre de canne (P.Rousseau, Hist. techn. et invent.,1967, p.213). ♦ [Le compl. est une prop. au subj. introduite par que] À présent elle voyait moins que jadis la nécessité que Gilbert travaillât (Arland,Ordre,1929, p.330).Il y a nécessité qu'il retourne chez lui pour que ses parents n'aillent pas penser qu'il est mort (Camus,Chev. Olmedo,1957, 3ejournée, 6, p.790). b) [En fonction d'attribut] Il nous apparaît (...) que lire Claudel fut pour M. Lasserre une nécessité, et une nécessité ingrate (Massis,Jugements,1924, p.259).De nos jours, le travail n'est plus un passe-temps agréable pour les oisifs; il est devenu une nécessité (Anouilh,Sauv.,1938, iii, p.227). c) Dans des loc. adj. (Chose, action) de nécessité, de toute nécessité, de nécessité absolue. Qui est (absolument) nécessaire, indispensable. Richard III réunit à ces vices, qui sont de nécessité dans son rôle, beaucoup de choses qui ne peuvent appartenir qu'à lui seul (Constant,Wallstein,1809, p.xl).Un seul imbécile leur suffit, mais l'imbécile est de toute nécessité (Goncourt,Journal,1888, p.807).Pour les loc. adv. v. infra II B 1. ♦ De première nécessité. Qui est indispensable, de la plus grande importance. Artiste, denrée, objet de première nécessité. De seconde nécessité. Qui est utile mais dont on pourrait éventuellement se passer. Les mémoires des fournisseurs ne portent que ces dépenses banales que le mari appelle «de première nécessité»; ces choses là se paient au grand jour; mais à certaines époques convenues, certains autres mémoires secrets font mention de quelques bagatelles que la femme appelle à son tour «de seconde nécessité», qui est la vraie, et que les esprits mal faits pourraient nommer du superflu (Musset,Chandelier,1840, i, 2, p.38). − THÉOL. Nécessité de moyen. Caractère de ce dont la pratique est indispensable pour le salut. Nécessité de précepte. Caractère de ce dont la pratique est nécessaire pour le salut dans la mesure où le commandement peut être observé. La nécessité de précepte est celle qui provient uniquement d'une obligation morale imposée par le législateur (...). La nécessité de précepte ne peut donc s'appliquer qu'à ceux qui sont capables d'obligation morale, c'est-à-dire aux adultes de raison. De plus toute excuse sérieuse (...) supprime l'obligation et par conséquent la nécessité de précepte. La nécessité de moyen est celle qui provient de la connexion intime entre le moyen à employer et la fin à obtenir (...). En matière de salut, une telle nécessité s'impose à tous, adultes ou enfants, et l'ignorance, même non coupable, n'en excuse pas (Théol. cath. 14, 1 1938, p.634). 2. État qui rend quelque chose nécessaire. a) [Suivi d'un compl. à l'inf.] État d'une personne contrainte de faire quelque chose en vertu d'un impératif d'ordre pratique ou moral. Étre dans la nécessité de faire qqc.; mettre qqn dans la nécessité, le réduire à la nécessité de faire qqc. Ce commandant se crut dans la triste nécessité de déguiser sur tous les points la vérité (Voy. La Pérouse,t.2, 1797, p.26).Il se lamentait seulement, par des propos allusifs, sur la nécessité fâcheuse où peuvent se trouver parfois les serviteurs de l'intelligence d'avoir à gagner leur vie comme les autres mortels (Duhamel,Cécile,1938, p.127). b) DR. État de nécessité. ,,État d'une personne qui, pour sauvegarder ses intérêts ou ceux d'autrui, en est réduite à commettre un acte incriminé par la loi pénale et pour lequel, vu les circonstances, lui est accordé le bénéfice de l'impunité`` (Cap. 1936). L'état de nécessité, qui n'apparaît que si le danger est imminent, inévitable et si les intérêts en conflit sont justifiés, est un cas particulier de la contrainte morale et a pour effet d'écarter toute responsabilité de l'auteur de l'acte délictueux (Quillet1965). c) Vieilli ou région. État de privation, de manque des biens nécessaires. Extrême nécessité; être réduit à la dernière nécessité. Il est tombé dans la nécessité (Ac.1798-1935).Jamais Mercédès n'avait véritablement connu la misère; elle avait souvent, dans sa jeunesse, parlé elle-même de pauvreté; mais ce n'est point la même chose: besoin et nécessité sont deux synonymes entre lesquels il y a tout un monde d'intervalle (Dumas père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.632).Il ne pouvait l'entendre ainsi lui parler encore de loyer, de misère, de nécessité (Roy,Bonheur occas.,1945, p.288). 3. Souvent au plur. Ce que requiert une situation, un état; besoin(s), exigence(s), impératif(s). Nécessités essentielles, impérieuses; nécessités matérielles, pratiques, techniques, vitales; pourvoir, répondre, satisfaire, subvenir à des nécessités. Le bananier aurait pu suffire seul à toutes les nécessités du premier homme (Bern. de St-P.,Harm. nat.,1814, p.51).Cette phrase triviale et prophétique n'était point née parmi nous d'un sursaut d'orgueil national ou de quelque désir de revanche cocardière. Elle répondait à une nécessité intérieure si pressante que nous ne la raisonnions pas (Ambrière,Gdes vac.,1946, p.137). ♦ [Suivi d'un compl. ou d'un adj. déterminatif indiquant la chose ou le domaine intéressé(e)] Les principaux chefs de l'armée (...) plus ou moins sincères dans leur premier élan, mais bientôt dominés et conduits par des vues personnelles et les nécessités de leur situation (Guizot,Hist. civilis., leçon 13, 1828, p.21).J'ajoute, qu'à mon avis, le vers qui seul convient au théâtre, est un vers souple, fondé sur le rythme, le sujet, le souffle et pouvant s'adapter à toutes les nécessités théâtrales (Apoll.,Tirésias,1918, p.869): 1. ... elles étaient toutes remplies, exubérantes de cette jeunesse qu'on a si grand besoin de dépenser que, même quand on est triste ou souffrant, obéissant plus aux nécessités de l'âge qu'à l'humeur de la journée, on ne laisse jamais passer une occasion de saut ou de glissade sans s'y livrer consciencieusement...
Proust,J. filles en fleurs,1918, p.791. SYNT. Les nécessités de la cause; les nécessités du service, du travail, de la tâche; les nécessités de l'organisme, des sens; les nécessités de la production; les nécessités de l'armée, de la défense, de la guerre; les nécessités de l'État; nécessités économiques, commerciales, financières, publiques. ♦ [Suivi d'un compl. ou d'un adj. déterminatif indiquant l'objet de la nécessité] Des nécessités d'argent. Ce n'était chez lui ni désir de contredire, ni penchant au paradoxe; c'était une nécessité impérieuse de justice et de bon sens (Rolland,J.-Chr., Maison, 1909, p.1009). − En partic. Les besoins de la vie corporelle ou matérielle. Les nécessités de l'existence, de la vie, de la nature; nécessités naturelles. Si je l'avais vue manger seulement, si je l'avais vue soumise aux mêmes besoins et aux mêmes nécessités que les autres femmes, mon amour eût été froissé (Karr,Sous tilleuls,1832, p.263). ♦ Vx. Besoin(s) naturel(s). Aller à ses nécessités. Un moutard (...) qui voudrait m'empêcher d'aller aux cabinets et de faire mes nécessités! (Courteline,Ronds-de-cuir,1893, 2etabl., ii, p.66).Chalet de nécessité. V. chalet A. ♦ P.méton. Ce qui répond aux besoins essentiels; objet, denrée de première nécessité. Dans le monde moderne, il [un prince fugitif] trouve du moins d'autres princes qui lui procurent les nécessités de la vie (Chateaubr.,Essai Révol., t.2, 1797, p.151).C'était, pour tout le monde, un manque de confort qui nous surprend. Riches et pauvres se passaient de superfluités que nous tenons pour des nécessités (Bergson,Deux sources,1932, p.318). B. − [Correspond à nécessaire I B] 1. Au sing. a) Caractère nécessaire, inévitable, inéluctable de quelque chose. La nécessité de la mort, la nécessité de mourir; la nécessité d'une conséquence. Si le renouvellement de la forme sociale est nécessaire ou inévitable, s'il est dans la raison des choses ou même seulement dans la nécessité des faits, comment ce renouvellement ne peut-il pas s'opérer? (Lamart.,Corresp.,1831, p.112).Les capitalistes ont en main tous les outils de l'abondance: ils les utilisent à faire la guerre; parlera-t-on alors de l'inéluctable nécessité de la guerre? (Vailland,Drôle de jeu,1945, p.171): 2. J'emploie le mot de cruauté dans le sens d'appétit de vie, de rigueur cosmique et de nécessité implacable, dans le sens gnostique de tourbillon de vie qui dévore les ténèbres, dans le sens de cette douleur hors de la nécessité inéluctable de laquelle la vie ne saurait s'exercer...
Artaud,Théâtre et son double,1938, p.122. b) PHILOS., LOG. Caractère de ce qui ne peut pas ne pas être ou ne peut pas être autrement. La nécessité d'un principe; la nécessité d'un être, de Dieu; la nécessité divine. Le caractère d'un fait nécessaire est de ne pas s'arrêter, d'être aujourd'hui et demain encore, d'être sans cesse et d'être partout. La nécessité d'une idée, d'une loi implique la domination de cette idée, de cette loi dans toute l'étendue de la durée, tant que l'esprit humain subsiste (Cousin,Hist. philos. XVIIIes., t.1, 1829, p.242).V. aussi apriorique ex. 1. ♦ [P.oppos. à nécessité hypothétique et à nécessité morale] Nécessité absolue, catégorique, logique, métaphysique. Caractère de ce qui est posé par l'esprit comme valable en tout état de cause et dont la contradictoire est reconnue comme impossible en soi. Appliquant à ces hautes recherches les règles des proportions générales ou mathématiques, (...) nous en avons conclu la nécessité métaphysique de cet être ineffable, dont la religion nous enseigne l'existence (Bonald,Législ. primit., t.2, 1802, p.52).La nécessité relative du contingent nous révèle la nécessité absolue du nécessaire (Blondel,Action,1893, p.344).Ce n'est pas une nécessité d'ordre physique, c'est une nécessité logique qui s'attache à la proposition suivante: deux corps ne sauraient occuper en même temps le même lieu. L'affirmation contraire renferme une absurdité qu'aucune expérience concevable ne réussirait à dissiper (Bergson,Essai donn. imm.,1889, p.76).V. aussi infra ex. de Théol. cath. ♦ Nécessité hypothétique, relative. Nécessité ,,subordonnée à certaines présuppositions qui pourraient elles-mêmes ne pas être faites`` (Lal. 1960, s.v. nécessité). On objecte que, hors de toute expérience, l'esprit juge nécessairement qu'il est impossible que rien n'existe. On répond: l'observation est exacte, si l'on pense en même temps que quelque chose existe maintenant, ou que quelque chose a existé avant, ou existera plus tard; mais dans ce cas on n'a qu'une nécessité hypothétique et non absolue (Théol. cath.t.4, 11920, p.905).V. aussi supra ex. de Blondel. ♦ Nécessité morale. Caractère de ce qui est posé par l'esprit en vertu d'un principe de certitude morale. La nécessité morale d'affirmer des principes qui, malgré le nom d'évidents qu'on leur donne, ont plutôt pour caractère le penchant que nous avons universellement à les poser (Renouvier,Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p.xl).Le semi-rationalisme (...) n'admettait la nécessité, soit morale, soit absolue, de la révélation que pour remédier à une impuissance accidentelle provenant de la chute originelle (Théol. cath.t.4, 11920, p.831). 2. Au sing. et au plur. Fait, événement, phénomène se produisant d'une manière inéluctable et exerçant une action contraignante sur un être, une collectivité, un système. Nécessités biologiques, historiques; une nécessité cruelle, inévitable. Ses instincts [de l'animal] sont le produit des nécessités que lui imposent les milieux où il se développe. De là ses variétés (Balzac,Lambert,1832, p.205).Cela me faisait horreur, pitié, je l'acceptais quand même, comme on accepte la maladie, la mort, beaucoup d'autres nécessités répugnantes auxquelles il faut bien se résigner (Bernanos,Journal curé camp.,1936, p.1136).V. aussi assujettissement ex. 3: 3. Dans une oeuvre d'art, le spécialiste ou l'historien pourra tout expliquer de ses caractères, montrer de quelles influences elle est la conséquence, à quelles nécessités elle a obéi, comment elle a été déterminée. Voilà le mot: ce déterminisme écrasant, dont l'homme est parfois accablé. On ne peut lui échapper que par une évasion et une seule: elle est offerte par la qualité, la perception de la qualité, le jugement de la qualité.
Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.392. − En partic., au plur., vx. Événements malheureux de caractère fatal; vicissitudes. Aussi fermes qu'eux [des sectaires] dans les nécessités, nous leur en voulons de ce manque d'imagination qui les empêche de supposer un cas où ils pourraient ne plus se suffire (Barrès,Homme libre,1889, p.86). II. − (La) nécessité A. − Ensemble des contraintes s'exerçant sur un être ou sur un système et qui détermine son état, oriente son action. Qu'importe que la loi rende un hommage hypocrite à l'égalité des droits, si la plus impérieuse de toutes les loix, la nécessité, force la partie la plus saine et la plus nombreuse du peuple à y renoncer (Robesp.,Discours, Constit., t.9, 1793, p.506).Elle allait à confesse d'un coeur assez léger et n'avait point de remords d'une action où la nécessité l'avait obligée (Aymé,Jument,1933, p.72): 4. Ces terribles répressions mêmes, ils ne les donnent point comme justes; ils invoquent la nécessité. Ils ne disent pas: «Je n'ai pas pu me tromper»; bien loin de là, ils considèrent l'erreur comme possible; ils invoquent la nécessité, la terrible pression de la guerre, la hâte inévitable, le désordre toujours menaçant, les effets trop connus de la faiblesse ou de l'hésitation.
Alain,Propos,1930, p.935. − En partic. ♦ [Essentiellement p.oppos. à liberté et à volonté] Force qui fixe le cours des événements sans intervention possible de la volonté humaine. Synon. fatalité, destin.L'aveugle, l'implacable, l'inflexible, l'invincible, l'irrésistible nécessité. Abandonne une résistance, et si fatigante et si vaine; plus sage et plus heureux, livre-toi doucement à l'irrévocable nécessité. Tes voeux n'arrêteront pas tes destins; laisse donc tes destins entraîner ta volonté paisible (Senancour,Rêveries,1799, p.19).La grâce a délivré l'homme du destin. Cette nécessité qui pesait sur la nuque des grands anciens, elle l'a vaincue et nous a rendus libres, −mais libres aussi de nous courber à nouveau sous le joug (Mauriac,Journal 2,1937, p.142).V. aussi antirationnel ex. 2: 5. En exécutant cet homme, j'ai obéi à la nécessité; mais la nécessité est un monstre du vieux monde; la nécessité s'appelle Fatalité. Or, la loi du progrès, c'est que les monstres disparaissent devant les anges, et que la Fatalité s'évanouisse devant la fraternité.
Hugo,Misér., t.2, 1862, p.347. MYTHOL. ANTIQUE. Déesse de la Fatalité, fille de la Fortune, représentée avec des mains de bronze tenant des chevilles et des coins de fer. La Nécessité est souvent prise chez les poètes, pour le Destin à qui tout obéit. C'est en ce sens qu'ils font les Parques ses filles (Besch.1845-46).Le dieu des anciens dieux fut toujours le Destin ou la Nécessité, ce qui revient à dire le Monde en son inexplicable existence, puissant par là absolument (Alain,Propos,1924, p.576).♦ PHILOS., LOG. [Essentiellement p.oppos. à hasard ou à contingence] Enchaînement nécessaire des causes et des effets, des principes et des conséquences, déterminisme (v. déterminisme B). Philosophie de la nécessité. La contingence elle-même est donc ramenée au déterminisme et à la nécessité mathématique, sans rien perdre de son caractère (Blondel,Action,1893, p.59).La négation de la nécessité objective, du déterminisme, ferme la voie à la connaissance scientifique, aboutit inévitablement à des représentations erronées selon lesquelles la nature et la société sont le règne du chaos et des contingences (Ros.-Ioud.1955): 6. Mais une fois inscrit dans la structure de l'ADN, l'accident singulier et comme tel essentiellement imprévisible va être mécaniquement et fidèlement répliqué et traduit, c'est-à-dire à la fois multiplié et transposé à des millions ou des milliards d'exemplaires. Tiré du règne du pur hasard, il entre dans celui de la nécessité, des certitudes les plus implacables.
J. Monod, Le Hasard et la nécessité, Paris, éd. du Seuil, 1970, p.135. B. − Loc., expr., proverbes 1. De toute nécessité, ou vx, de nécessité, loc. adv. Nécessairement (v. ce mot A et B); obligatoirement, immanquablement. Si l'on convient qu'un grand seigneur peut être un fripon, qu'un royaliste peut être un malhonnête homme, cela ne suffit pas actuellement: un ci-devant gentilhomme est de nécessité un scélérat (Chateaubr.,Essai Révol., t.2, 1797, p.118).Si je meurs, me voici bien avancé. Je dois vivre. Pour devenir un saint, il me faut, de toute nécessité, vivre (Duhamel,Journ. Salav.,1927, p.62). 2. Nécessité fait loi; nécessité n'a point de loi. V. loi I C 3. 3. Faire de nécessité vertu. Faire de bonne grâce ce que l'on est obligé de faire; endurer avec patience ce à quoi l'on ne peut se soustraire. Pour être calme et heureux, il vaudrait mieux rompre tout à fait avec le monde; mais cette rupture, ma volonté n'est pas assez forte pour l'opérer, il faut que les circonstances et la nécessité m'y obligent... Alors, faisant de cette nécessité une vertu, je serais heureux de me sentir libre et dégagé de mille liens artificiels qui compliquent et embarrassent ma vie (Maine de Biran,Journal,1816, p.198).J'ai idée que les auteurs de mes jours ne m'attendaient pas. Ils m'eussent volontiers laissé dans l'autre monde. Mais ils firent de nécessité vertu (Guéhenno,Journal homme 40 ans,1934, p.19). 4. Vieilli. Nécessité l'ingénieuse, l'industrieuse; nécessité (est) mère d'industrie. Enfin nécessité, mère de l'industrie, nous suggéra l'idée de retrancher de la chemise tout ce qui refusait de loger dans mon pantalon (Courier,Lettres Fr. et Ital.,1806, p.722).Pauvreté l'audacieuse, nécessité l'ingénieuse, le dur travail intérieur de la faim et du désir, les stimulent [des insectes] et développent les organes énergiques qui vont leur venir en aide (Michelet,Insecte,1857, p.53). Prononc. et Orth.: [nesesite]. Martinet-Walter 1973 [-se-] (15/17). Ac. 1694, 1718: necessité; dep. 1740: né-. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. «misère, pauvreté» (Psautier Oxford, 106, 13 ds T.-L.); 1540 être en necessité (Rec. des anc. cout. de Belgique, VII, 3, 475 ds FEW t.7, p.78a); 1776 de première nécessité (Condillac, Comm. gouv., I, 2 ds Littré); 2. ca 1155 «caractère de ce dont on ne peut se passer, besoin impérieux» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 8027); 1370-72 de necessité «obligatoirement, nécessairement» (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, p.196, n. 5); 1694 de toute necessité (Ac.); 3. a) 1269-78 «besoins naturels comme manger, dormir, etc.» (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 11307); ca 1300 aller à des nécessités «aller à la chaise percée» (Guillaume de St-Pathus, Mir. St Louis, éd. P.B. Fay, XII, 42); b) ca 1333 subst. fém. plur. «besoin d'argent qu'éprouve un gouvernement, une corporation» (Ord., mai, XII, 21 ds Gdf. Compl.); 1358 «ensemble de choses nécessaires pour vivre» (Tutelle des enfants de Nicolas de la Foy, 17 oct., A. Tournai, ibid.); 4. a) 1269-78 faire de necessite vertu (Jean de Meun, op. cit., 13985); b) ca 1360 avoir necessite de «être dans l'obligation de» (H. Capet, 241 ds T.-L.); c) ca 1480 Nécessité n'a point de loy (Myst. du viel Testament, éd. J. de Rothschild, 39647); d) 1740 necessité d'industrie est la mère (Gresset, Le Lutrin vivant, p.60); 5. ca 1480 «fatalité, événement inéluctable» (Myst. du viel Testament, id., 36225); 6. 1656-57 «état de contrainte qui restreint ou annule le libre choix» (Pascal, Provinciales, éd. Brunschvicg, XVIII, VII, p.30); id. mettre (qqn) dans la nécessité de (Pascal, Provinciales, éd. Brunschvicg, XVIII, VII, p.25); 1657-62 log. «enchaînement nécessaire des causes et des effets» (Pascal, Pensées, II, 19). Empr. au lat. necessitas «nécessité; l'inéluctable, l'inévitable; besoin impérieux, prenant; obligation impérieuse de faire une chose; caractère nécessaire, nécessité (au sens logique)». Fréq. abs. littér.: 6135. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9368, b) 5445; xxes.: a)7407, b) 10720. Bbg. Gohin 1903, p.338. |