| MOTIVER, verbe trans. I. − [Correspond à motif I] A. − Qqn motive qqc.Donner un/des motif(s) en vue d'expliquer ou de justifier rationnellement quelque chose (notamment une action, une décision, un choix déterminé par ce(s) motif(s)). Motiver une abstention, son jugement; motiver une mauvaise note, une punition. Aussitôt rentrée au logis, elle se mit à écrire une longue lettre à Yves pour lui motiver sa décision (Loti, Mon frère Yves, 1883, p.362).Le remboursement du principal et le versement d'intérêts sont indispensables pour motiver l'acte de prêt dans un monde économique où nul ne fait rien pour rien (Perroux, Écon. XXes., 1964, p.369). − Emploi abs.: 1. ... cet esthétisme d'emprunt n'était pour lui [Wilde] qu'un revêtement ingénieux pour cacher en révélant à demi ce qu'il ne pouvait laisser voir au grand jour; pour excuser, prétexter, et même motiver en apparence (...). Ici, comme presque toujours, et parfois à l'insu même de l'artiste, c'est le secret du profond de sa chair qui dicte, inspire et décide.
Gide, Journal, 1927, p.847. − DR. Gamelin motiva son verdict en ces termes: − La culpabilité des accusés crève les yeux: leur châtiment importe au salut de la nation et ils doivent eux-mêmes souhaiter leur supplice comme le seul moyen d'expier leurs crimes (France,Dieux ont soif,1912, p.271).2. Le paragraphe 1 du présent article ne doit pas être interprété comme motivant un retard ou un ajournement de la négociation et de la conclusion d'accords destinés à placer sous le régime de tutelle des territoires sous mandat ou d'autres territoires ainsi qu'il est prévu à l'article 77 (Charte Nations Unies, 1946, p.95).L'erreur (...) d'un ordre professionnel sur des faits motivant une sanction disciplinaire, n'ouvre pas droit à réparation (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.190). − P. anal. «Il convient, me dit-il, de sauver les justes.» − Certes, lui répondis-je, il n'est point de raison évidente qui motive leur châtiment (Saint-Exup., Citad., 1944, p.972). B. − Qqc.1motive qqc.2Faire naître le motif, les raisons de quelque chose; susciter. Elle avait représenté pour Swann, au moment où il l'avait vue, une personne définie, avec qui il avait des souvenirs communs qui avaient motivé chez lui le mouvement de s'approcher d'elle, le geste de la saluer (Proust, Swann, 1913, p.415).On apprit que Silbermann avait sauté une classe. Le fait était rare et motiva des explications (Lacretelle, Silbermann, 1922, p.15): 2. ... l'intention de regarder vers la gauche et l'adhérence du paysage au regard motivent l'illusion d'un mouvement dans l'objet. À mesure que le phénomène motivé se réalise, son rapport interne avec le phénomène motivant apparaît, et au lieu de lui succéder seulement, il l'explicite et le fait comprendre, de sorte qu'il semble avoir préexisté à son propre motif.
Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.61. − À la forme passive. La retraite de Racine après Phèdre était motivée surtout par des raisons de carrière et d'argent (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p.19). − Emploi pronom. réciproque. Se justifier. (...) essayons de voir comment ils [ces phénomènes] se motivent l'un l'autre dans la perception totale (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.357). − DR. Avoir pour effet (une sanction). Motiver une punition. Quatre demi-journées d'absence dans le mois sans motif légitime ni excuse valable, motivent une citation devant le tribunal de simple police (Encyclop. éduc., 1960, p.102). II. − [Correspond à motivation II, ici p. méton. à propos d'un acte, de souvenirs] A. − Qqc. motive qqn.PSYCHOL. Donner une motivation à un individu ou plus explicitement renforcer chez cet individu une de ses motivations habituelles en vue d'orienter son action vers un but donné, de déterminer sa conduite et provoquer chez lui un comportement donné ou de modifier le schéma de son comportement présent (d'apr. Media 1971 et Marzi ds Leif 1974). Motiver (les joueurs) (L'Équipe, 17 juin 1974ds Amis Lex. fr., 1974, no3, pp.7-14).Je ne veux pas de motif au crime; il me suffit de motiver le criminel. Oui; je prétends l'amener à commettre un crime parfaitement immotivé (Gide, Caves, 1914, p.837). − PSYCHOPÉDAGOGIE. Motiver un élève, un groupe d'élèves. Susciter un besoin d'apprendre chez cet élève, ce groupe d'élèves. «Motiver» un groupe, une classe (...), un élève, c'est opérer de telle sorte qu'ils ressentent finalement en eux-mêmes un besoin de savoir ou d'apprendre ce en vue de quoi on les prépare (Mucch.Psychol.1969). B. − LING. Fournir la motivation d'un fait linguistique. V. motivé. REM. Motivant, -ante, part. prés. adj.[Correspond à motif et motiver I] Qui motive. Valeur(s) motivante(s). L'objet d'une physiologie anthropoloqique (...) est d'étudier (...) comment la signification d'une situation motivante modifie le fonctionnement des processus somatiques (Thinès-Lemp.1975, s.v. motivation).V. ex. 3 supra.Emploi subst. masc. à valeur de neutre. Ce qui motive. Un deuil motive mon voyage parce qu'il est une situation où ma présence est requise, (...) et, en décidant de faire ce voyage, je valide ce motif qui se propose et j'assume cette situation. La relation du motivant et du motivé est donc réciproque (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945p.299). Prononc. et Orth.: [mɔtive], (il) motive [mɔti:v]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist. 1. 1721 «justifier par des motifs» (Trév.); 2. 1790 «servir de motif» (Gustave III au baron de Stedingk, 14 avril ds Proschwitz, p.142). Dér. de motif* I; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 248. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 453, b) 309; xxes.: a)254, b) 348. |