| MOTEUR, -TRICE, subst. masc. et adj. I. − Subst. masc. A. − Ce qui donne le mouvement. 1. Vieilli. Cause première. Dieu est le premier moteur, le souverain moteur de toutes choses (Ac.). Donc Dieu est cause universelle, moteur suprême, pouvoir souverain (Bonald,Législ. primit.,t.1, 1802, p.279).Les thomistes (...) font donc de l'argument du premier moteur un argument métaphysique (Théol. cath.t.4, 11920, p.934). 2. a) [En parlant d'inanimés] Force qui détermine le mouvement. Gilliatt (...) avait pour combustible l'épave, l'eau pour moteur (Hugo,Travaill. mer,1866, p.287).Le courant était un moteur infatigable, et il fut employé à charrier du bois flotté (Verne,Île myst.,1874, p.188). b) [En parlant d'animés] Moteurs animés. L'homme et les animaux ,,considérés dans leur emploi à porter ou à traîner des fardeaux`` (Littré). − Pop. À l'époque (...) on continuait de bat' le grain au fléau (...) tout, ou presque tout, se faisait au moteur à bras (M. Stéphane,Ceux du trimard,1928, p.197).Moteur à crottin (1908), cheval de fiacre (Chautard,Vie étrange Arg.,1931, p.316). 3. Au fig. Ce qui incite, ce qui pousse à agir. Synon. motivation.Moteur de l'amour, du devoir, de la haine, de l'orgueil, de la volonté de puissance; être le moteur d'une émeute, d'une entreprise. Le moteur tout-puissant chez M. Michelet est cette sensibilité exaltée qu'on a nommée l'imagination du coeur (Taine,Essais crit. et hist.,1858, p.110).Le moteur de Napoléon a été le mépris des hommes (...). Napoléon est un des seuls exemples qu'il y ait, dans l'histoire, d'un homme traversant une société de part en part, sans autre moteur que son ambition, sans autre dieu que sa gloire (J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p.248): 1. Rempli, jusqu'aux bords de l'âme, de la passion de la France, convaincu que le «gaullisme» devait être, non seulement l'instrument du combat, mais encore le moteur de toute rénovation, (...) il [Jean Moulins] aspirait aux grandes entreprises.
De Gaulle,Mém. guerre,1954, p.233. B. − MÉCAN. Appareil servant à transformer une énergie quelconque en énergie mécanique. 1. [En parlant d'un dispositif utilisant les forces naturelles] Moteur hydraulique, à vent, à marée. (Ds Sc. 1962). 2. [En parlant d'un appareil muni d'un dispositif électrique] Moteur électrique à courant continu, à courant alternatif, à impulsions, à induction, à répulsion, à vitesse réglable, à vitesses multiples. V. aussi motrice. ♦ Moteur synchrone. ,,Moteur électrique, alimenté par du courant alternatif`` (Guyot 1953). ♦ Moteur universel. ,,Petit moteur à collecteur, à faible rendement (...) utilisé pour actionner des appareils électro-ménagers, des jouets électriques, etc.`` (Siz. 1968). 3. [En parlant d'un dispositif thermique] ♦ Moteur aérobie*. ♦ Moteur atomique, nucléaire. Moteur qui utilise la chaleur produite dans une pile atomique (d'apr. Sc. 1962). Le brise-glace Lénine, mû par deux de ses trois moteurs nucléaires de vingt-deux mille chevaux chacun (Goldschmidt,Avent. atom.,1962, p.141).Moteur à uranium (Goldschmidt,Avent. atom.,1962p.108). ♦ Moteur à réaction. ,,Moteur produisant un courant rapide de gaz chaud qui propulse le véhicule qu'il équipe`` (Énergie 1979). Moteur-fusée. ,,Propulseur à réaction emportant le comburant et le combustible nécessaires à son fonctionnement`` (Sc. Techn. spat. 1978). ♦ Moteur solaire. ,,Machine thermodynamique où la chaleur à la source chaude est fournie par des capteurs solaires`` (Vauge 1980). ♦ Moteur thermique. ,,Système de conversion de chaleur en énergie mécanique`` (Énergie 1979). 4. En partic. Moteur (à combustion interne ou à explosion et à carburation). ,,Moteur dans lequel on ajoute de la chaleur à un fluide de travail (l'air) par combustion d'un combustible solide, liquide ou gazeux, à l'intérieur d'un cylindre`` (Énergie 1979). Les cinq cents chevaux du moteur faisaient naître dans la matière un courant très doux (Saint-Exup.,Vol nuit,1931, p.83).Il y avait à cet endroit une côte fort raide, où le moteur calait souvent (Ambrière,Gdes vac.,1946, p.368): 2. Le moteur vit d'explosions obéissantes;
Les atomes des gaz se battent en chantant;
Leurs groupes meurent et naissent. Le métal tremble.
Chaque dent des engrenages est un tremplin
D'où la force prend son élan...
Romains,Vie unan.,1908, p.99. ♦ Moteur auxiliaire. Moteur d'appoint dont on se sert en cas de besoin. M. Brun (...): Le moteur me paraît bien petit. Panisse: Mais c'est bien ce qu'on vous a dit: ce n'est pas un canot à moteur: c'est un bateau à voiles avec un moteur auxiliaire (Pagnol,Fanny,1932, ii, 2, p.112). ♦ Bloc* moteur. ♦ Frein* moteur. SYNT. Moteur à l'avant, à l'arrière d'une voiture (v. traction avant, traction arrière, s.v. traction); moteur à deux, à quatre temps; moteur à un, deux, trois, quatre, six cylindres; moteur diesel; moteur à essence, à gaz, à pétrole; le moteur chauffe, tire bien ou mal; le moteur est noyé; bruit, ratés, ronflement, ronron du moteur; arrêter, couper, démonter, embrayer, pousser, réduire, remonter, réparer le moteur; mettre le moteur en marche, au ralenti. C. − Spécialement 1. CIN. Moteur! [Interjection par laquelle le metteur en scène signale le début du tournage] (d'apr. Sandry-Carr. 1963). Le metteur en scène a hurlé: «Silence!» et le silence s'est fait aussitôt. Puis, «Moteur!» (Paris Match,11 juin 1982, no2533-1724, p.38). 2. PHOT. Dispositif mécanique assurant le réarmement automatique d'un appareil photographique. Le moteur permet des prises de vue (Phot.1979). II. − Adj. Qui engendre, transmet le mouvement. A. − MÉCAN. Bielle, hélice, poulie motrice. La puissance motrice du vent provient du soleil qui, en échauffant inégalement la masse atmosphérique, produit le déplacement des couches gazeuses (Ser,Phys. industr.,1888, p.6).Rotation des galets moteurs (Alvin,Artill.,Matér., 1908, p.124). ♦ Force motrice. Source d'énergie utilisée par les usines électriques, les industries, etc. L'usine pour le service de laquelle est utilisée la force motrice du cours d'eau (Cournot,Fond. connaiss.,1851, p.530).P. métaph. L'esprit n'a d'activité qu'autant qu'il est mis en mouvement par les forces motrices du coeur (Murger,Scènes vie boh.,1851, p.222). ♦ Roue(s) motrice(s) d'une automobile, d'une bicyclette, d'une locomotive. Roue(s) sur lesquelles ou sur laquelle agit directement la force d'entraînement par l'intermédiaire d'une bielle, de la chaîne. (Dict. xixeet xxes.). − En partic. ♦ Arbre moteur. Pièce mise directement en mouvement par la machine motrice. Synon. arbre de couche*.Les pompes [du bateau Goubet], au nombre de deux, sont mues par l'arbre moteur au moyen d'une vis sans fin (Ledieu, Cadiat,Nouv. matér. nav.,t.2, 1899, p.154). ♦ Couple moteur. Travail d'un moteur considéré dans son effort instantané. Les arbres [de transmission] doivent résister aux efforts déterminés par (...) les efforts de harnais provenant du couple moteur (Champly,Nouv. encyclop. prat.,t.3, 1927, p.2). ♦ Travail moteur. La (...) [puissance indiquée] correspond au travail moteur, c'est-à-dire au travail recueilli par l'organe récepteur, qui généralement est un piston (Herdner,Constr. et conduite locomot.,t.1, 1887, p.13). B. − MÉDECINE 1. [En parlant de l'organe qui transmet le mouvement] Muscles moteurs; nerf, réflexe moteur. Sur la patte d'une grenouille décérébrée, on place une goutte d'acide; la patte se retire, voilà un réflexe moteur (J. Rostand,La Vie et ses probl.,1939, p.88). ♦ Nerf moteur oculaire commun. Troisième paire de nerfs crâniens. (Ds Méd. Flamm. 1975). Nerf moteur oculaire externe. Sixième paire de nerfs crâniens (Ds Méd. Flamm. 1975). ♦ Plaque motrice. Endroit où le nerf moteur rejoint le muscle (d'apr. Pt Lar. Méd. 1976). 2. ANAT. Qui concerne la motricité. Débile, handicapé moteur; développement moteur; paralysie motrice; troubles moteurs. Le schizoïde (...) est (...) par un côté un arriéré moteur, présentant une grande dysharmonie et superfluité de mouvements (Mounier,Traité caract.,1946, p.202). ♦ Syndrome moteur. Paralysie due à une lésion du système nerveux (d'apr. Pt Lar. Méd. 1976). C. − P. anal. Qui incite, qui pousse à agir. Élément, principe moteur. Sous l'influence de cette nation motrice [l'Europe], les incommensurables friches d'Amérique, d'Asie, d'Afrique et d'Australie seront offertes aux émigrations civilisantes (Hugo,Actes et par. 4,1885, p.292). Rem. Pour l'emploi subst. de l'adj. fém. v. motrice. REM. Motorer, verbe intrans.,rare. Se déplacer en véhicule à moteur. Plusieurs house-boats ont un garage d'automobiles à bord, et ces messieurs motorent le long de la Tamise (Larbaud,Barnabooth,1913, p.156). Prononc. et Orth.: [mɔtoe:ʀ], fém. [-tʀis]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1377 subst. «ce qui cause le mouvement» (Oresme, Livre du ciel et du monde, éd. A.-D. Menut, p.414, 98: premier moteur); 1377 «celui qui fait agir, dirige» (Id., ibid., 508, 164: principal moteur); 1558 adj. «qui donne le mouvement» (Du Bellay, Divers jeux rustiques, éd. V. L. Saulnier, p.69, 222); 1771 muscle moteur (Lavoisien, Dict. portatif de méd., t.1, p.463); 1771 (Trév.: Moteur, En Anatomie, on appelle moteurs, les nerfs de la troisième et de la sixième paire, qui font mouvoir les yeux); 1858 roue motrice (Chesn.); 2. 1744 subst. moteur «machine destinée à utiliser une source d'énergie pour produire le mouvement» (Bonnier de La Mosson, Catalogue raisonné d'une collection ... de diverses curiosités, no415, p.101); 1826 moteur à gaz (Andrieu, Brevet d'invention ds Fr. mod. t.42, p.357). Empr. au lat. motor «celui qui remue», attesté également en lat. médiév. comme terme de philos. dans l'expr. motor primus «celui qui imprime le mouvement d'un mobile» (xiies. ds Nov. Gloss.) et comme subst. fém. motrix «celle qui donne le mouvement» (ca 1250 ds Latham), dér. du supin motum de movere «mouvoir». Au sens 1 on trouve le m. fr. mouveur (ca 1380-1572 ds Gdf.) et l'a. fr. mouveresse «motrice, instigatrice» fin xiiies. (Guillaume de Lorris, Rose, 141, leçon ms. B.N. fr. 1573 ds éd. F. Lecoy, t.1, p.XLII). Fréq. abs. littér. Moteur: 971. Motrice (adj. et subst.): 650. Fréq. rel. littér. Moteur: xixes.: a) 822, b) 444; xxes.: a) 728, b) 2752. Motrice (adj. et subst.): xixes.: a) 513, b) 142; xxes.: a) 275, b) 1659. Bbg. Ball (R. V.). Nouv. dat. pour le vocab. de l'automob. Fr. mod. 1974, t.42, p.357. _ Laurent (P.). Contribution à l'hist. du lex. fr. Romania. 1925, t.51, p.41. _ Pohl (J.). Contribution à l'hist. de qq. mots. Arch. St. n. Spr. 1969, t.205, pp.366-367. _ Quem. DDL t.6, 16. |