| MORALEMENT, adv. A. − [Correspond à moral1A] 1. Du point de vue des règles de la morale ou d'une morale. Pour elle, Simon n'était que l'ancien amant d'Isabelle, l'homme qui avait gâché la vie de sa cousine, (...) l'amant de la dernière maîtresse de son père. Elle avait donc toutes raisons de le juger moralement très mal (Druon, Gdes fam.,t.2, 1948, p.216).Ce n'est pas le «moi» qui est haïssable (car le moi est moralement neutre), mais c'est plutôt le rapport intentionnel du moi à son propre «soi» (Jankél., Traité des vertus,Paris, Bordas/La Haye, Mouton, t.1, 1968, p.11).V. évaluer ex. de Bosco et femme I B 2 b ex. de Bernanos: 1. Il n'y a pas dans le concret d'actes humains moralement indifférents. Sans doute, pris en eux-mêmes et du côté de l'objet, certains actes ne sont ni bons ni mauvais: mais nul ne les accomplit que pour une fin donnée et dans certaines circonstances données.
Maritain, Primauté spirit.,1927, p.40. 2. Conformément aux règles de la morale ou d'une morale. Agir, se conduire moralement. Sur quoi, messieurs, vous voyez que cette aventure scabreuse va se terminer le plus moralement du monde (Nerval, Filles feu,Corilla, 1854, p.680).Paul, élevé moralement sans doute, mais selon une morale catholique et non puritaine (Gide, Si le grain,1924, p.552): 2. Il faut commencer d'abord par vivre purement, moralement, sans tenir au monde que par le devoir; et les sensations perdant alors leur empire, l'âme s'élève d'elle-même ou par une grâce propre vers son principe...
Maine de Biran, Journal,1822, p.369. B. − [Correspond à moral1B] D'un point de vue spirituel, psychique. 1. a) [P. oppos. à physiquement] Être brisé, épuisé, souffrir moralement; ressembler moralement à qqn. Parlez-moi de vous; moi, j'ai été dans des états déplorables, physiquement, moralement et intellectuellement parlant (Flaub., Corresp.,1858, p.281).L'ampleur et la vigueur de l'offensive allemande dans les Ardennes et l'apparition subite chez l'ennemi d'armes nouvelles (...) avaient moralement ébranlé les forces alliées (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p.148): 3. On sait combien sont solides, physiquement et moralement, ceux qui, dès l'enfance, ont été soumis à une discipline intelligente, qui ont enduré quelques privations et se sont accommodés à des conditions adverses.
Carrel, L'Homme,1935, p.277. − En partic. ♦ Synon. de virtuellement.Vous êtes moralement reçu. M. Delacroix n'est pas encore de l'Académie, mais il en fait partie moralement (Baudel.,Salon,1845, p.9). ♦ Par l'esprit, sans réaliser le geste. Aujourd'hui, on s'agenouille moralement devant «le président Mao Tsötong, notre grand guide, notre grand dirigeant, notre grand commandant en chef et notre grand timonier». Quelle différence? (Le Nouvel Observateur,21 déc. 1966, p.32, col.4). b) [P. oppos. à matériellement] Sortie vivante de l'Encyclopédie, ce grand laboratoire des idées du XVIIIesiècle, elle [la révolution bourgeoise] n'avait plus, en 1789, qu'à prendre matériellement possession d'un domaine déjà conquis moralement (L. Blanc, Organ. trav.,1845, p. xiii).Encourageons (...) moralement et matériellement toutes les sociétés de musique populaire déjà existantes (Becquet, Organ. loisirs travaill.,1939, p.52). 2. En partic. En se fondant uniquement sur une impression, sur une opinion. Être moralement certain, sûr de, que. Devant cette énigme vivante, j'ai fait une hypothèse, ce n'est qu'une hypothèse, je vous le répète, mais vous verrez comme tout s'en déduit moralement, comme elle explique tout logiquement (Barrès, Cahiers,t.3, 1903, p.158): 4. Sur ces deux expertises contradictoires, on décide l'arrestation... Oui... Sans attendre un supplément d'enquête, sans même surveiller les allées et venues de celui qu'on soupçonne... On est moralement convaincu que c'est lui. Ça suffit. On l'arrête.
Martin du G., J. Barois,1913, p.354. Prononc. et Orth.: [mɔ
ʀalmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1325 «dans un sens allégorique» (Livre de la Loi au Sarrazin, Michel, 139 ds Delb. Notes mss); 2. 1370-72 «conformément aux règles de la morale» moralment (N. Oresme, Ethiques, III, 18, note 16, éd. A. D. Menut, p.448); 3. 1380 terme de philos. mor. (Aalma, 7672, éd. Roques, t.II, p.262); 4. 1636 «au point de vue de l'opinion» (Monet); 5. 1690 «sur le plan spirituel, intellectuel» (Fur.: Cette proposition est vraye moralement parlant, et non pas physiquement). Dér. de moral*; suff. -ment2*. Fréq. abs. littér.: 455. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 423, b) 762; xxes.: a) 607, b) 799. Bbg. Undhagen (L.). Morale et les autres lexèmes formés sur le rad. moral-. Lund, 1975, pp.57-58, 165-168. |