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MORALE, subst. fém.
I.
A. − [Une morale]
1. Tout ensemble de règles concernant les actions permises et défendues dans une société, qu'elles soient ou non confirmées par le droit. Chaque peuple a sa morale qui est déterminée par les conditions dans lesquelles il vit. On ne peut donc lui en inculquer une autre, si élevée qu'elle soit, sans le désorganiser (Durkheim, Division trav., 1893, p.217).Toute politique et toute morale se fondent, en définitive, sur l'idée que l'homme a de l'homme et de son destin (Valéry, Variété IV, 1938, p.174):
1. ... les morales sont des «données». C'est un fait que, pour toutes les consciences moyennes de notre civilisation, par exemple, certaines manières d'agir apparaissent comme obligatoires, d'autres comme interdites, d'autres enfin comme indifférentes. Lévy-Bruhl, Mort. et sc. moeurs, 1903, p.99.
En partic. Ensemble des normes ou règles de conduite admises dans un domaine d'activité particulier, dans un groupe social particulier à une époque donnée. Morale domestique, économique, familiale, de groupe, individuelle, médicale, quotidienne; morale des affaires, du sport; morale médiévale, nouvelle, traditionnelle. Charles n'avait jamais eu l'occasion d'appliquer les maximes de la morale parisienne, et jusqu'à ce jour il était beau d'inexpérience (Balzac, E. Grandet, 1834, p.155).Dans l'ordre économique, le groupe professionnel n'existe pas plus que la morale professionnelle (Durkheim,Division trav.,1902, préf. de la 2eéd., p.VI).[Nietzsche] bafoua la morale de son temps, qu'on nommait bourgeoise à tort, qui était en réalité pré-bourgeoise, anté-bourgeoise, − anti-bourgeoise (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p.262):
2. Les coutumes matrimoniales, l'âge au mariage et la fréquence des mariages, la morale sexuelle et les systèmes de valeurs ont des conséquences directes sur la natalité. Traité sociol., 1967, p.333.
DR. INTERNAT. Morale internationale. Ensemble des principes de nature non juridique admis et respectés dans les relations internationales. (Dict. xxes.).
PHILOS. [Chez Bergson] Morale close ou statique (p.oppos. à morale ouverte ou dynamique). La morale close, fondée sur une idée toute mercantile de l'équilibre et de la réciprocité, cette morale tournoie sur place éperdument (Jankél., Henri Bergson, Paris, P.U.F., 1959, p.191):
3. Il y a une morale statique, qui existe en fait et à un moment donné, dans une société donnée, elle s'est fixée dans les moeurs, les idées, les institutions; son caractère obligatoire se ramène, en dernière analyse à l'exigence, par la nature, de la vie en commun. Il y a d'autre part une morale dynamique, qui est élan, et qui se rattache à la vie en général, créatrice de la nature qui a créé l'exigence sociale. Bergson, Deux sources, 1932, p.286.
2. Ensemble des règles que chacun adopte dans sa conduite, d'après l'idée qu'il se fait de ses droits et de ses devoirs. Satisfaire des forces; c'était à présent ma morale. Et puis je ne voulais plus de morales; je voulais vivre puissamment (Gide, Journal, 1893, p.45).Pourquoi un homme de votre âge aurait-il deux morales? L'une à l'usage de ses filles et la seconde à l'usage des filles des autres? (Salacrou, Terre ronde, 1938, i, 1, p.149).Nous les retrouvions [les «bourgeois»] aussi prospères, (...) toujours empressés à composer avec l'Allemand, sous prétexte qu'on ne résiste pas au plus fort sans démence. Cette morale de démission et de servilité sournoise nous procurait un sentiment de malaise plus vif encore que par le passé (Ambrière, Gdes vac., 1946, p.338):
4. Cet homme que le spectacle de la vie avait amené à laisser se dessécher en lui tout le côté idéaliste, se reprenait à croire au moins en la patrie. Il en faisait une religion, une foi. Il lui sacrifiait de bon coeur sa fortune, comme il lui eût donné sa vie. Il ne raisonnait plus, il se donnait. Et cela lui créait presque une morale. Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.142.
SYNT. Morale accommodante, conciliante, étroite, exigeante, facile, indulgente, inflexible, relâchée; morale de circonstance; morale de renoncement, de privations.
[Sans compl. prép. ni adj. déterminatif] Sens moral; conscience morale. La prétention du règlement est de suppléer à l'âme, de faire avec des hommes sans dévouement et sans morale ce qu'on ferait avec des hommes dévoués et religieux (Renan, Avenir sc., 1890, p.427).L'opinion publique s'écrie avec horreur et tristesse que nos chers petits n'ont plus de morale, ce qui est bien normal avec tous les films de violence qu'ils voient à la télévision (L'Est Républicain, 6 déc. 1981, p.1, col.1).
P. méton. À l'école primaire, matière d'enseignement ayant pour objet l'éducation du sens moral. L'admiration vous empoigne devant «l'emploi du temps» qui comprend, dès la classe moyenne, dans une seule journée, les matières suivantes: exercices de lecture, d'écriture, de langage, (...) calcul, chant, dessin, morale et travail manuel (Frapié, Maternelle, 1904, p.46).
B. − [La morale] Ensemble des règles de conduite reconnues comme absolument et universellement valables. L'éducation doit porter sur deux bases, la morale et la prudence: la morale, pour appuyer la vertu; la prudence, pour vous défendre contre les vices d'autrui (Chamfort, Max. et pens., 1794, p.56).La vraie morale, la grande morale, la morale éternelle, c'est la morale sans épithète (Ferryds Fondateurs 3eRépubl., 1881, p.197).Il s'en alla, toujours ferme et digne, rempart vivant de l'ordre et de la morale (Mille, Barnavaux, 1908, p.213):
5. La Morale dont on tente de constater la réalité de fait, c'est-à-dire celle dont témoignent les événements dans le compte rendu des actions humaines, individuelles et collectives, ne ressemble guère à la Morale édictée par les moralistes de tous les temps et de tous les pays. A. Hesnard, Morale sans péché, Paris, P.U.F., 1954, p.7.
II. − PHILOS. Étude théorique de la (ou des) morale(s).
A. − Science qui a pour objet les règles de la conduite et les fins de l'action humaine. Synon. éthique.Cours, professeur, traité de morale; Revue de Métaphysique et de Morale. Ni en métaphysique, ni en logique, ni en morale, il ne faut placer dans la tête ce qui doit être dans le coeur ou dans la conscience (Joubert, Pensées, t.1, 1824, p.445).La morale est la connaissance des règles auxquelles il nous importe de conformer non-seulement nos actions, mais encore nos affections. (Joubert, Pensées, t.1, 1824, p.266).Ce qui relève de la Morale, la véritable et l'unique question philosophique, porte sur ce que nous faisons à partir de ce que nous sommes (F. Jeanson, Le Problème moral et la pensée de Sartre, Paris, éd. du Seuil, 1965, p.27):
6. La morale a pour matière l'expression de l'homme dans le cours des événements. Elle a pour tâche de comprendre et de décrire les formes diverses de cette expression. Mais elle tend à juger cette diversité. Elle qualifera ou elle disqualifiera telle ou telle attitude. Elle blâmera ou elle prescrira. En somme, elle réalise une sorte de stylistique de nos comportements. G. Gusdorf, Traité de l'existence morale, Paris, Armand Colin, 1949, p.7.
[Avec adj. déterminatif] Morale fondamentale ou générale ou théorique. Partie de cette science qui traite des principes généraux régissant la conduite humaine. Morale appliquée ou spéciale ou pratique. Partie de cette science qui traite de l'application de ces principes aux diverses formes de l'activité humaine. Un vocabulaire précis distingue l'étude de la morale de l'étude des moeurs. Dans la morale, il sépare (...) la morale théorique − qui est une étude «normative» sur le devoir, le bien, le mérite, la sanction (...) − et la morale pratique, qui est la recherche de chacun de nos multiples devoirs (Marin, Ét. ethn., 1954, p.7).
B. − [Avec adj. déterminatif ou compl. prép. de] Doctrine ou théorie particulière qui fonde ces principes. Morale de l'action. Les morales positivistes sont les morales du XIXesiècle qui ont présenté la morale comme un chapitre de la science expérimentale de la nature (R. Le Senne, Traité de morale gén., Paris, P.U.F., 1967 [1942], p.495).On a cent fois noté l'influence, sur la morale de Kant, de cette éducation piétiste, qui a si fortement marqué son enfance, et qui fut surtout le fait de sa mère (F.Alquié, La morale de Kant, Paris, C.D.U., 1974, p.6):
7. La morale du Bien (...) se propose de déterminer quel est le Bien ou la Fin de l'homme et quels sont les moyens de l'atteindre; ce Bien peut être le plaisir (hédonisme), le bonheur (eudémonisme), l'intérêt (utilitarisme), la perfection, la liberté, etc. Morf.Philos.1980.
SYNT. Morale platonicienne, spinoziste; morale ascétique, chrétienne, épicurienne, évolutionniste, existentialiste, intuitionniste, stoïcienne; morale(s) de l'action, du devoir, du sentiment, de la tradition, du vouloir.
P. méton. Traité, ouvrage de morale. Guillaume, abbé de Saint-Denis, rapporta de Constantinople des manuscrits, parmi lesquels se rencontrèrent la Physique, la Métaphysique, et la Morale d'Aristote (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p.33).
III. − P. méton. Leçon de morale, leçon morale.
A. −
1. Vieilli. Remontrance, leçon de morale. Une envie violente m'est venue de m'emparer de toutes ces richesses (...) Cette idée-là m'a valu de belles morales d'Eugenio (Mérimée, Théâtre C. Gazul, 1825, p.355).Tandis que je suis, moi, à bûcher comme un nègre, vous vous repassez du bon temps. − Ah! pas de morale! (Flaub., Mme Bovary, t.2, 1857, p.145).Il avait déjà subi des sermons du censeur (...). Une lettre de morale était revenue de Sérianne. Plus de sorties pour trois dimanches (Aragon, Beaux quart., 1936, p.297).
2. Locutions
Cour. Faire (de) la morale à qqn. Lui faire des reproches sur sa conduite, lui donner des conseils sur sa conduite future. Je lui ai fait de la morale, et il a promis d'être sage (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p.141):
8. Tu n'as jamais eu faim et tu es venu chez nous pour nous faire la morale comme les dames visiteuses qui montaient chez ma mère quand elle était saoule pour lui dire qu'elle ne se respectait pas. Sartre, Mains sales, 1948, 3etabl., 3, p.97.
Fam. Père* la morale.
B. − Leçon morale qui se dégage d'une oeuvre littéraire. La morale de cette histoire. Cour. Enseignement moral que l'on peut tirer d'un événement. La morale de tout ceci est bien simple: visez haut, faites de beaux rêves, et, comme dit l'autre, «il en restera toujours quelque chose» (Lemaitre, Contemp., 1885, p.128):
9. Ainsi, pour cette fois, mon coeur éclaira ma raison. Je voudrais en conclure que toujours on doit se gouverner sur les lumières du coeur. Ce serait la morale de cette histoire; les âmes tendres s'en délecteraient. A. France, Pt Pierre, 1918, p.34.
En partic. [À propos d'une fable, d'un conte] Enfants apprenez cette fable sa morale et sa conclusion (Queneau, Si tu t'imagines, 1952, p.233).
REM.
Moralerie, subst. fém.Sentence morale. Il [Confucius?] aimait, vers le soir, à discuter de belles sentences; et il aurait voulu qu'on suspendît aux potences qui servent aux lanternes, des moraleries (Jammes, De l'angélus, 1898, p.70).Je me voyais laissant au monde une oeuvre énorme, inutile même pour moi, toute en oracles et en moraleries, et si éloignée même des honneurs qu'elle me vaudrait! (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.130).
Prononc. et Orth.: [mɔ ʀal]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1637 «science ou doctrine déterminant des règles de conduite» (Descartes, Discours de la Méthode, III, éd. F. Alquié, I, p.592); 2. 1658 «ensemble des règles de conduite admises inconditionnellement et considérées comme applicables» (Pascal, Pensées, 360, éd. L. Lafuma, p.545); d'où 1688 «traité de philosophie morale dû à un maître faisant autorité» (Rich. t.2); 3. 1668 «leçon morale se dégageant d'une oeuvre» (La Fontaine, Fables, VI, 1, éd. H. Régnier, t.2, p.1); 1769 leçon de morale (J.-F. Marmontel, Contes Moraux, IV, p.265 ds L. Undhagen, p.119: Ses discours ne me paroissoient qu'un développement de ces leçons primitives de morale et de vertu gravées dans mon propre coeur en caractères ineffaçables); 4.1694 péj. «doctrine plus ou moins nuisible aux moeurs» morale lubrique (Boileau, Satires, X, 141, éd. A. Cahen, p.149); 5. 1752 «réprimande» (Trév.); id. faire la morale (ibid.). Fém. subst. de l'adj. moral*. Bbg. Gohin 1903, p.337. _ Launay (M.). Vocab. de la pol. et vocab. de la morale... In: [Mél. Nardin (P.)]. Paris, 1977, pp.157-166. _ Quem. DDL t.5 (s.v. moralerie). _ Undhagen (L.). Morale et les autres lexèmes formés sur le rad. moral-. Lund, 1975, pp.32-42, 85-123.