| MONUMENTAL, -ALE, -AUX, adj. A. − 1. Relatif aux monuments (v. monument B 1). Plan monumental de Paris; Inventaire monumental de la France. Ce palais est à l'histoire monumentale de la France des premiers temps ce que le château de Blois est à l'histoire monumentale des seconds temps (Balzac,Splend. et mis.,1846, p.369): 1. Je profite de ma première halte pour vous donner quelques nouvelles monumentales. Je vous écris mes notes sur des feuilles séparées afin qu'elles puissent être jointes aux dessins qu'elles concernent.
Mérimée,Lettres Antiq. Ouest,1849, p.153. 2. Qui est propre aux monuments; qui en a les particularités et notamment le caractère grandiose, imposant. Caractère, style monumental; architecture, peinture, sculpture monumentale; escalier, tombeau monumental; cheminée, construction, fontaine, fresque monumentale. Les plantureuses granges monumentales à piliers et en arcades (Michelet,Journal,1854, p.246).L'aspect monumental naît souvent de la ruine (Hugo,Misér.,t.1, 1862, p.367).Une grille monumentale sur une cour pavée, menant au réfectoire de la pension (Verlaine,
Œuvres compl., t.4, Mes prisons, 1893, p.359): 2. Il s'agit maintenant, comme l'a écrit M. Viollet-le-Duc, de chercher les formes monumentales qui dérivent des propriétés du fer (...). Les efforts de l'école dite rationaliste se sont portés jusqu'à ce jour surtout sur les types des gares, des cirques et des halles; demain ils s'attaqueront aux types des théâtres, des mairies, des écoles, (...) délaissant les combinaisons à jamais appauvries de la pierre.
Huysmans,Art mod.,1883, p.245. − Emploi subst. Ces ciels théâtreux d'orage, avec leurs éclaircies blafardes, leurs déchirures gigantesques et tourmentées derrière tout ce que Rome dresse de monumental en l'air (Goncourt,MmeGervaisais,1869, p.109).La maison où je suis a deux étages et deux entrées. Elle est curieuse et rare entre toutes (...). C'est le monumental rapiécé avec le rustique (Hugo,Alpes et Pyr.,1885, p.135). 3. En partic. Qui est destiné à s'insérer dans un monument ou un ensemble décoratif. [L'art chrétien] est un art monumental, étroitement adapté aux édifices et simplifié en conséquence (Maillet,Peint. relig.,1934, p.17): 3. La peinture monumentale ne pouvait avoir en France l'importance qu'elle a eue de bonne heure en Italie, par la raison que notre architecture ogivale ne présentait pas de grandes surfaces à décorer.
Ménard,Hist. Beau.-Arts,1882, p.297. B. − P. anal. 1. [En parlant d'une chose concr.] Qui est remarquable par sa taille imposante, ses proportions, son caractère grandiose. Lit monumental; armoire monumentale. Elle avait acheté une serviette de maroquin rouge, un portefeuille monumental à serrure d'acier, digne d'un ministre, dans lequel elle promenait un monde de dossiers (Zola,E. Rougon,1876, p.148). − P. plaisant. et fam. [En parlant d'une pers.] Qui a un physique imposant. L'escalier était réservé aux professeurs et, bien entendu, à la directrice, une dame monumentale en robe de satin bleu, à longue traîne (Triolet,Prem. accroc,1945, p.285): 4. Quant à moi, je deviens colossal, monumental; je suis boeuf, sphinx, butor, éléphant, baleine, tout ce qu'il y a de plus énorme, de plus empâté et de plus lourd, au moral comme au physique. Si j'avais des souliers avec des cordons, je serais incapable de les nouer.
Flaub.,Corresp.,1841, p.84. 2. [En parlant d'un écrit, d'une oeuvre littér.] Qui est imposant par ses dimensions ou ses qualités. Un ouvrage, un rapport monumental; une thèse monumentale. Heyne achevait de donner sa seconde, puis bientôt sa troisième édition du Virgile monumental où tout est rassemblé, éclairci, prévu en quelque sorte (Sainte-Beuve,Nouv. lundis,t.11, 1867, p.175): 5. basinio: (...) En échange, que nous demande-t-on? De louer le prince en toute circonstance, d'écrire des poèmes qui sont censés être l'oeuvre de notre maîtresse (...) porcellio: Et de composer − ceci est mon lot − la biographie monumentale du nouvel Alexandre, (...) oeuvre qui m'est sensiblement facilitée du fait que le héros lui-même m'en dicte la plus grande part.
Montherl.,Malatesta,1946, I, 4, p.441. − P. anal. [En parlant d'une oeuvre d'art] On trouvait dans ces portraits [de l'école des Clouet], petits par leurs dimensions, monumentaux par leur expression synthétique, justement cette sobriété qui caractérise (...) toute oeuvre classique (Lhote,Peint. d'abord,1942, p.123). C. − Au fig. 1. Fam. [En parlant d'une chose abstr.] Qui étonne par son caractère démesuré. Synon. énorme, monstre.Orgueil monumental; bêtise, erreur, ignorance monumentale. Rochefort avait de l'esprit; mais c'était une sorte d'esprit (...) consistant surtout (...) en associations d'idées stupéfiantes d'imprévu, en cocasseries monumentales (A. Daudet, Trente ans Paris,1888, p.204).Il avait (...) à peine parlé trois fois pendant sa visite, et la dernière pour commettre une gaffe monumentale (Druon,Gdes fam.,t.1, 1948, p.65). − Expr. péj. [Pour souligner le caractère choquant d'une chose, d'une situation] C'est monumental. C'est trop fort! s'écria papa. Je veux m'expliquer moi-même. C'est vraiment monumental! (Duhamel,Terre promise,1934, p.137). 2. Péj. [En parlant d'une pers.] Exceptionnel par ses défauts. Rosny (...) traite Hugo de crétin de génie, de monumental imbécile (Renard,Journal,1909, p.1228). REM. 1. Monumentalement, adv.a) D'une manière qui rappelle les monuments (v. monument B 1). Le maître de la maison circulait et vous engageait (...) à aller voir (...) un mur qu'il a bâti monumentalement avec des bouteilles d'eau de Vichy (Mérimée,Lettres CtesseBoigne,1857, p.97).b) D'une manière imposante (supra B). La grande phrase, monumentalement étagée, se met en marche. Elle est ample, solide, et paraît, malgré sa passion intérieure, fermement disciplinée, jusqu'à la treizième mesure, où elle échappe à la volonté (Rolland,Beethoven,t.1, 1937, p.260).c) D'une manière qui étonne par son caractère démesuré, excessif (supra C). Ceux qu'on nomme les experts se trompent si monumentalement (Green,Journal,1943, p.57). 2. Monumentaliser, verbe trans.Donner un caractère monumental à (supra B). Monumentaliser l'espace des Halles. Rubens, Van Dyck, Raphaël, Titien, Voltaire, Aristote, Montesquieu, Newton, Cuvier, etc. ont-ils pu monumentaliser leurs oeuvres sans les ressources d'une existence princière? (Balzac,La Femme supérieure,préf. de la 1reéd. ds La Comédie humaine, Paris, Gallimard, t.11, 1959 [1838], p.350). 3. Monumentaliste, adj.Qui est porté vers le style monumental (supra B). Au lendemain de la guerre, comme pour aider à relever le moral du pays, l'architecture devient de plus en plus monumentaliste et flamboyante (Le Monde,15 juill. 1978, p.11, col.2). 4. Monumentalité, subst. fém.[En parlant d'une oeuvre d'art] Caractère grandiose résultant des proportions, du style. Art de couleur et art de synthèse, le fauvisme est enfin art de décor, mais de décor qui est expression et monumentalité (Dorival,Peintres XXes.,1957, p.58). Prononc. et Orth.: [mɔnymɑ
̃tal], plur. masc. [-o]. att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. 1802 «qui concerne les monuments archéologiques» (Vivant Denon, Voyage dans la basse et la haute Égypte pendant les campagnes du général Bonaparte, p.172: manie monumentale des Égyptiens); 2. 1805 «qui a une grandeur majestueuse» (Chateaubr., Voyage au Mont blanc ds
Œuvres complètes, éd. Paris, Pourrat, t.7, 1833, p.439: Le pin a quelque chose de monumental: ses branches ont le port de la pyramide); 3. 1813 «qui a les proportions d'un monument» statues monumentales (Gattel); 4. 1825 «de très grande dimension» (Brillat-Sav., Physiol. goût, p.371). Dér. de monument*; suff. -al*. Fréq. abs. littér.: 366. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 184, b) 531; xxes.: a) 728, b) 676. Bbg. Dub. Dér. 1962, p.38, 39 (s.v. monumentalité). _ Duch. Beauté 1960, p.130, 131. |