| MONOLOGUER, verbe A. − Emploi intrans., usuel. Parler seul; se parler à soi-même. On ne rencontre dans les rues que des gens qui monologuent tout haut, semblables à des fous (Goncourt,Journal,1871, p.802).Ils ne se disaient rien d'intime; tout au plus échangeaient-ils quelques idées abstraites; ou plutôt (...) ils monologuaient ensemble, chacun de son côté (Rolland,J.-Chr.,Maison, 1909, p.982).Jérôme, qui monologuait au sein d'une sorte d'inconscience à demi ressentie, de réel à demi rêvé, tenta de reprendre pied en lui-même et dans un monde extérieur si trouble et si fuyant qu'il n'offrait aucun appui (Arnoux,Seigneur,1955, p.53).V. dogmatique C ex. de Mounier: 1. ... une demoiselle d'âge mûr feuilletait de vieux tomes du Journal officiel: elle se parlait à mi-voix et riait. À cette époque, l'entrée de la salle était libre; beaucoup de maniaques et de demi-clochards s'y réfugiaient; ils monologuaient, chantonnaient, grignotaient des croûtons...
Beauvoir,Mém. j. fille,1958, p.171. − En partic., dans le domaine du théâtre.Dire un/son monologue. Le personnage d'Hamlet (...) n'apparaît pas clair au public. Je compte le leur rendre tout à fait simple. Lorsqu'Hamlet monologue il s'adresse en réalité à l'auditoire et c'est pourquoi à ces moments-là, je descends dans l'auditoire (Du Bos,Journal,1922, p.77). B. − Emploi trans., littér. Dire quelque chose sous la forme d'un monologue. C'était là qu'Augustin monologuait ses résolutions durcies et ses raides prières (Malègue,Augustin,t.1, 1933, p.250): 2. ... quand le morceau fut fini, il saisit le cahier, se mit à relire la page, puis lut les pages suivantes, continuant de monologuer son admiration et sa surprise, comme s'il eût été seul dans la chambre...
Rolland,J.-Chr.,Révolte, 1907, p.546. REM. 1. Monologuant, -ante, part. prés. et adj.Qui a la forme d'un monologue. Elle s'abandonnait à de monologuantes confidences (Duhamel,Désert Bièvres,1937, p.67). 2. Monologué, -ée, part. passé et adj.Synon. de monologuant.À l'origine, la pastourelle a été le chant monologué d'une bergère (Aubry,Trouvères,1909, p.78).Le théâtre de Jean Cocteau [est] trop hermétique pour être accessible à un vaste public (exception faite pour un acte monologué au téléphone: La voix humaine) (Arts et litt.,1936, p.30-06).Plus de conférence monologuée. Rien de plus vivant que les séances où le véritable orateur, c'est le public (Wicart,Orateur,t.1, 1936, p.330). Prononc. et Orth.: [mɔnɔlɔge], (il) monologue [mɔnɔlɔg]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. A. Intrans. 1842 «parler seul» (Hugo, Rhin, p.223). B. Trans. 1907 «dire quelque chose sous la forme d'un monologue» (supra ex. 2). Dér. de monologue*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 62. DÉR. Monologueur, monologuiste, subst. masc.a) Personne qui parle seule. Vallès n'est pas un homme de dialogue, il ne cause pas dans un dîner, dans une soirée. C'est un monologueur de bureau de journal, de café, de brasserie (Goncourt,Journal,1881, p.102).M. de Charlus et M. de Sidonia avaient chacun immédiatement flairé (...) [le vice] de l'autre, et qui, pour tous les deux, était, dans le monde, d'être monologuistes, au point de ne pouvoir souffrir aucune interruption (Proust,Sodome,1922, p.639).b) Personne qui écrit, qui dit un monologue. Un auteur, que nous croyons dramatique, et qui est monologuiste, dit une chanson (Renard,Journal,1891, p.101).Et maintenant, Mesdames, Messieurs, j'allais presque dire mes chers amis (car, peu à peu, il se forme entre le monologuiste et son public une onde de dialogue, un flux et un reflux, un échange) (Cocteau,Poés. crit. II,1960, p.208).− [mɔnɔlɔgoeɔ
ʀ], [-gɥist]. − 1resattest. a) 1876 monologueur «celui qui parle seul» (L'Opinion nat., 5 juill., p.1, col. 5 ds Littré Suppl. 1877, b) 1893 monologuiste «celui qui fait des monologues» (Richepin, Miseloque, p.184); de monologuer, a suff. -eur2*, b suff. -iste*. |