| MOIS, subst.masc. A. − Chacune des douze divisions de l'année civile, comportant soit vingt-huit jours (février, vingt-neuf en année bissextile), soit trente jours (avril, juin, septembre, novembre), soit trente-et-un jours (janvier, mars, mai, juillet, août, octobre, décembre); la durée correspondante. Le premier lundi de chaque mois, le curé de Borose venait dîner chez son paroissien (...). Le cher pasteur ne se refusait pas aux charmes de cette réunion, et il se surprenait quelquefois à désirer que chaque mois eût quatre premiers lundis (Brillat-Sav.,Physiol. goût, 1825, pp.297-298).Tu te venges en réitérant le coup de fourchette sur le dos de la main de Frédie, en choisissant l'endroit le plus sensible, à la jointure des doigts, là où l'on compte les mois de trente ou trente et un jours (H. Bazin,Vipère, 1948, p.82): 1. ... toutes les journées de la mère et de la fille s'étaient paisiblement écoulées à cette place, dans un travail constant, à compter du mois d'avril jusqu'au mois de novembre. Le premier de ce dernier mois elles pouvaient prendre leur station d'hiver à la cheminée.
Balzac,E. Grandet, 1834, p. 29. SYNT. Le mois dernier, le mois prochain; deux, trois du mois; le premier, second, troisième jour du mois; le cinq de ce mois; en plein mois d'août; mois d'été, d'hiver; mois humides; mois civil; joli mois de mai. − [Sans précision du nom de mois, la référence étant implicitement faite à la date du propos] Au/le début, milieu du mois; au commencement du mois. Une affiche administrative était fixée au tableau noir réservé aux annonces officielles des ventes publiques. Une vente était annoncée pour la fin du mois (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.74). ♦ Mois en R. Les quatre derniers mois de l'année, dont la dernière syllabe contient cette lettre. Le silence était glacial comme ce vent des derniers mois en r qui vient geler les haleines dans les barbes (Verlaine,
Œuvres compl., t.4, L. Leclercq, 1886, p.134). ♦ (Vivre) au mois le mois. (Vivre) avec son salaire du mois, sans pouvoir faire d'économies. Elle vivait avant guerre «au jour le jour», enfin au mois le mois de son salaire, strictement dépendante de son patron et (...) à la merci, tout comme une ouvrière, du chômage ou d'une maladie prolongée (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p.203). ♦ Fin* de mois. ♦ De mois en mois. Mois après mois, sans se lasser. Toutes les ruses des bonnes mères de famille, qui, de mois en mois et d'année en année, avaient essayé de l'attirer dans leur maison et de le faire se décider en faveur de Charlotte ou de Gretchen (Erckm.-Chatr.,Ami Fritz, 1864, p.3). ♦ Une fois le mois. Une fois par mois. J'allais une fois le mois à Cracovie procéder aux emplettes nécessaires pour nos universités et nos théâtres (Ambrière,Gdes vac., 1946, p.319). ♦ Au mois. Pour une durée payable par mois entier. Il subvenait bien aux frais du ménage; mais une petite voiture louée au mois, et d'autres sacrifices indispensables depuis qu'il fréquentait les Dambreuse, l'empêchaient d'en faire plus pour sa maîtresse (Flaub.,Éduc. sent., t. 2, 1869, p.206).Tu pourrais très bien avoir un petit appartement au mois, avec une antichambre, et toutes les commodités du luxe contemporain (Miomandre,Écrit sur eau, 1908, p.179). ♦ Loc. fam. Tous les trente-six du mois. Très rarement, pour ainsi dire jamais. (Ds. Carabelli, [Lang. pop.], s.d., p.6). ♦ RELIG. CATHOL. Mois de Marie. Mois de mai consacré à la Vierge. C'était le mois de Marie, des fleurs couvraient l'autel, des voix chantaient, l'orgue résonnait (Flaub.,op.cit., p.34).La cloche sonna, dans la chapelle, pour l'office du mois de Marie (Adam,Enf. Aust., 1902, p.187).P. méton. Office célébré en l'honneur de la Vierge au cours de ce mois. Il cite (...) une lettre qui commençait par l'invitation à l'amant d'aller au mois de Marie, un petit sermon, puis une jolie petite infamie qu'on lui conseillait après (Goncourt,Journal, 1865, p.212).Je me rappelle (...) la jolie église neuve (...) où j'entendis une fois un si divin mois de Marie (Verlaine,
Œuvres posth., t.2, Souv. et prom., 1896, p.137). ♦ Proverbe. (On a) tous les ans douze mois. On vieillit sans s'en apercevoir. Maître Cruchot (...) embrassa la jeune fille tout bonnement sur les deux joues, et dit: «Comme ça nous pousse, ça! Tous les ans douze mois» (Balzac,E. Grandet, 1834, p.41). B. − Espace de temps, variant de vingt-huit à trente-et-un jours selon les mois, compris entre le quantième d'un mois et le même quantième du mois suivant. Employé, salarié au mois. Billet de train valable un mois. Il y a aujourd'hui trois mois que je suis venue m'installer ici pour la première fois (Flers, Caillavet,M. Brotonneau, 1923, ii, 2, p.11).Dix ans de mariage... exactement neuf ans et cinq mois après-demain. Je n'y peux songer sans être stupéfait de mon bonheur (Larbaud,Journal, 1931, p.250): 2. ... la ponctualité de son prétendant lui garantissait une sécurité étoffée. Au bout de six mois francs de fréquentation, il lui demanderait de bon coeur de l'épouser. De bon coeur elle l'accepterait.
Guèvremont,Survenant, 1945, p.208. ♦ À x mois d'échéance. Dont l'échéance arrive dans x mois. J'ai négocié, chez Métivier, trois billets signés de toi, faits à mon ordre, à un, deux et trois mois d'échéance (Balzac,Illus. perdues, 1843, p.570).P. ell. Accepter une traite à trois mois (Hermant,M. de Courpière, 1907, iv, 2, p.29). C. − P. ext. 1. Période d'environ trente jours. Au bout de quelques mois; être dans son énième mois de grossesse. Harriet était arrivée à cette révolution fatale quand l'amour de Wilfrid vint la trouver. Elle avait vingt-six ans et quelques mois (Gobineau,Pléiades, 1874, p.131).Gilbert, les bras croisés à côté de son verre plein, considérait ses anciens compagnons qu'il revoyait après plusieurs mois d'absence; il se sentait observé et il observait (R. Bazin,Blé, 1907, p.365).Le Portugais trouva plus commode de s'installer dans un hôtel voisin où on le toléra quelques mois (Fargue,Piéton Paris, 1939, p.151). ♦ Naître à, être un enfant de sept, huit mois. Naître après sept, huit mois de vie intra-utérine, de grossesse. L'enfant qui naît à sept mois peut vivre (Senancour,Obermann, t.2, 1840, p.12).Elle révéla que j'étais né à dix mois: mieux cuit que les autres, plus doré, plus croustillant pour être resté plus longtemps au four (Sartre,Mots, 1964, p.184): 3. panisse: Quand est-ce qu'il va naître, mon petit? fanny: Au mois de février, ou au mois de mars. panisse, joyeux: Mais ça tombe très bien. Ce sera donc un enfant de sept mois. Et alors, à quand la noce? fanny: Quand vous voudrez. panisse: Le plus tôt possible, à cause de l'enfant.
Pagnol,Fanny, 1932, II, 6, p.135. ♦ Pendant des mois et des mois; pendant des mois et des années; durant/pendant de longs mois. Pendant longtemps. Ses ambitions mortes s'aigrissaient. Il lui fallut de longs mois pour plier les épaules et accepter ses souffrances d'homme laid, médiocre et pauvre (Zola,Ventre Paris, 1873, p.644).Deux millions de jeunes gens sont tenus captifs, pendant des mois et des années, dans des baraques de prisonniers, des camps de concentration, des bagnes ou des cachots (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p.632): 4. ... j'ai attendu pendant des mois et des mois avant de recevoir ici qui que ce soit... Je ne voulais pas, par respect pour vous... Mais, un beau jour, n'y tenant plus d'ennui... j'ai invité deux amis à dîner!
Guitry,Veilleur, 1911, II, p.18. ♦ Expr., fam. Sans compter les mois de nourrice. Sans compter quelques années qu'une personne oublie volontairement quand on l'interroge sur son âge. Un des deux avait trente ans, trente ans seulement, et l'autre cinquantre-trois, sans compter les mois de nourrice (Cladel,Ompdrailles, 1879, p.148). ♦ ASTRON. Mois draconitique*, embolismique (rem. s.v. embolisme), lunaire*, sidéral*, solaire*, synodique*. 2. En partic. Mois commercial. Période uniforme de trente jours (d'apr. Banque 1963). Anton. mois civil (supra A).Les traitements sont liquidés par mois et chaque mois compte pour 30 jours. Les éléments annuels de la rémunération sont donc répartis en douzièmes et chaque douzième peut être divisé en trentièmes; mais chaque trentième est indivisible (Encyclop. éduc.,1960, p.304). D. − P. méton. 1. Vx. Menstrues. Synon. usuel règles.Une femme n'a pas la goutte avant que ses mois l'aient quittée (Apert dsNouv. Traité Méd.fasc. 8 1925, p.378). 2. a) Prix convenu correspondant à un mois de location, de services, de prestations. Mademoiselle Lempereur réclama six mois de leçons bien qu'Emma n'en eût jamais pris une seule (Flaub.,MmeBovary, t.2, 1857, 199).La mère payait déjà très difficilement les mois de collège de son aînée (Zola,Ventre Paris, 1873, p.639).Je n'ai pas de travail: je ne peux pas le quitter... Qui paierait les mois de nourrice?... (Aragon,Beaux quart., 1936, p.229). b) Salaire correspondant à un mois de travail. Toucher un double mois; avoir le mois double. M. le curé survient au bruit et, mis au courant, frappe le malavisé d'une amende de dix sous sur son mois (Verlaine,
Œuvres compl., t.4, Mém. veuf, 1886, p.286).Il faut que vous me prêtiez encore dix francs... Je touche mon mois dans une semaine. Je vous rembourserai le tout ensemble (Lenormand,Simoun, 1921, 11etabl., p.128): 5. ... Risler aîné finit par ne plus jamais entrer à la caisse. Cela lui était facile d'ailleurs, Fromont jeune étant chargé de toutes les questions d'argent. On lui montait son mois tous les trente.
A. Daudet,Fromont jeune, 1874, p.160. ♦ Treizième mois. Gratification supplémentaire d'un montant comparable à celui d'un salaire mensuel, versée soit en une fois (en décembre), soit en deux fois (juin et décembre). Il a été le premier de la profession à mensualiser les salaires et à accorder le treizième mois (L'Express, 12-18 févr. 1982, p.84, col. 1). c) Somme d'argent perçue chaque mois pour couvrir des dépenses domestiques ou personnelles: 6. − Écoute, me dit-elle très vite, j'ai besoin d'argent. − Nous sommes le dix. Je t'ai donné ton mois le premier. − Oui, mais j'ai dû avancer de l'argent à Janine: ils sont très gênés. À Calèse, je fais des économies; je te rendrai sur mon mois d'août...
Mauriac,Noeud vip., 1932, p.192. Prononc. et Orth.: [mwɑ] ou [mwa]. Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930 [ɑ]; Pt Rob., Lar. Lang. fr. [a]; Warn. 1968 [ɑ] ou [a]. Homon. moi, moie, moye. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist. 1.Ca 1100 «chacune des douze divisions de l'année civile» (Roland, éd. J.Bédier, 83); spéc. 1130-40 «mois de grossesse» (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 1026); 2. 1535 plur. «menstrues» (P.Olivetan, La Bible... en francoys d'apr. FEW t.6, 1, s.v. mensis; cf. 1598 [éd.] Paré, Anat., I, 11, éd. J.-Fr. Malgaigne, t.1, p.131 b); 3. av. 1614 «salaire dû pour un mois de travail» (Brantôme, Dames galantes, 2ediscours, éd. M. Rat, p.172). Du lat. mensis «mois», au plur. «menstrues». Fréq. abs. littér.: 20961. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)30797, b) 37223; xxes.: a) 28024, b) 26066. |