| MOELLE, subst. fém. A. − Moelle (osseuse, des os) 1. BIOL., HISTOL. ,,Substance de consistance molle qui remplit les différentes cavités et aréoles des os`` (Méd. Biol. t.2 1971). Dans les os plats (...) cette partie spongieuse et imbibée de moelle, comprise entre deux surfaces compactes, est nommée diploé (Cuvier,Anat. comp.,t.1, 1805, p.107).Les tissus générateurs du sang comme la moelle osseuse et la rate (Goldschmidt,Avent. atom.,1962, p.217): 1. Le sang qui s'écoule des vaisseaux au moment de l'accident, les sucs de la moelle osseuse et des muscles déchirés, mettent en branle les processus physiologiques de la réparation.
Carrel,L'Homme,1935, p.240. − P. méton. Jusqu'à la moelle. Au plus profond du corps, complètement. Être glacé, pénétré, saisi, transi jusqu'à la moelle. Il tombait une pluie fine, menue, qui se dégageait du brouillard et pénétrait jusqu'à la moelle des os (Ponson du Terr.,Rocambole, t.3, 1859, p.39).Voyez cette enfant. Elle est phtisique jusqu'à la moelle des os, et n'ira pas jusqu'au printemps... (Curel,Nouv. idole,1889, i, 4, p.174). 2. Au fig. La moelle, les moelles a) Le fond de l'être. Les intentions du ministre me pénètrent de reconnaissance jusque dans les moelles. Ce n'est pas tant la chose en soi que la manière délicate dont il s'y prend (Flaub.,Corresp,1879, p.220).Toi, socialiste! Toi, l'aristocrate jusqu'aux moelles, toi qui ne rêves que raffinements de luxe, haute fortune (Vogüé,Morts,1899, p.42). − Loc. verb. ♦ Se ronger* les moelles. ♦ Être corrompu jusqu'à la moelle, jusqu'aux moelles. Être complètement corrompu. La chute du premier homme a corrompu l'humanité jusqu'aux moelles. Nous ne sommes que péché (Bremond,Hist. sent. relig.,t.4, 1920, p.384). b) Vigueur physique. Prenons garde de nous assombrir avec l'âge! Moi (...) je me sens accablé, comme si je n'avais plus de moelle dans les os (Flaub.,Corresp.,1879, p.270).Quand Gaspard eut déchiqueté son morceau de viande, qui était presque crue et exécrable, il lui sembla pourtant qu'il avait plus de sang dans les veines et de moelle dans les os (Benjamin,Gaspard,1915, p.73). 3. BOUCH. et ART CULIN. Os à moelle. Os de boeuf rempli d'une moelle très appréciée. Ces entrecôtes ces grands pâtés ces os à moelle et mirotons (Apoll.,Alcools,1913, p.62). − Au fig. La moelle. Le meilleur, la partie essentielle: 2. Nourri comme il [Monsieur de Lessay] l'était de la plus pure moelle de l'Encyclopédie, il ne se bornait pas à parquer les humains à tel degré, tant de minutes et tant de secondes de latitude et de longitude. Il s'occupait de leur bonheur, hélas!
A. France,Bonnard,1881, p.389. ♦ Loc. verb. Sucer la moelle de qqc. Prendre le meilleur de. Il a lu des «cinquantaines de douzaines» de livres dont il a sucé la moelle et (...) il sait le grec comme pas un (Bloy,Journal,1906, p.311).Sucer la moelle (des os) à qqn, sucer qqn jusqu'aux moelles (péj.). Tirer tout ce qu'on peut de, dépouiller complètement, épuiser. Cette fois, elle [Nana] finit Steiner, elle le rendit au pavé, sucé jusqu'aux moelles, si vidé, qu'il resta même incapable d'inventer une coquinerie nouvelle (Zola,Nana,1880, p.1355).Voilà une affaire qui, depuis deux ans, me suce la moelle des os. Et cette affaire me pète dans les mains, juste au moment où elle commençait à prendre bonne tournure (Duhamel,Passion J. Pasquier,1945, p.152). B. − P. anal. 1. ANAT. Moelle (épinière). ,,Portion du système nerveux central contenu dans le canal rachidien`` (Méd. Biol. t.2 1971). Affection, maladie de la moelle épinière. Les nerfs dorsaux sortent du canal de la moelle épinière par les trous que forment les échancrures correspondantes des deux vertèbres qui se touchent (Cuvier,Anat. comp.,t.2, 1805, p.250).La section de la moelle épinière dans la région cervicale fait devenir le sang rouge et augmente l'irritabilité musculaire (Cl. Bernard, Notes,1860, p.83).V. aussi bulbe ex. 3. ♦ Moelle allongée (vx). Synon. de bulbe* rachidien.Des expériences directes (...) ont prouvé que le cerveau, la moelle allongée, la moelle épinière et les nerfs, sont les véritables, ou du moins les principaux organes du sentiment (Cabanis,Rapp. phys. et mor.,t.1, 1808, p.54). 2. BOT. Substance molle contenue au centre de la tige et de la racine d'une plante. Il brisa la tige d'un cycas, qui était composée d'un tissu glandulaire et renfermait une certaine quantité de moelle farineuse, traversée de faisceaux ligneux (Verne,Île myst., 1874, p.298): 3. ... les peuples tropicaux mélanésiens ou papous, auxquels la moelle farineuse du palmier-sago ou l'arbre à pain fournissent à moins de frais, une nourriture élémentaire qui leur suffit.
Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum.,1921, p.143. Prononc. et Orth.: [mwal]. Martinet-Walter 1973: 11 [-a-], 5 [-ɑ-], 2 [-ε-]. Ex. de [-ε-] au xixes. att. par les rimes moelle - cruelle (Hugo, Cromwell, 1827, I, 5, p.77), moelle - elle (Baudel. ds Buben 1935 § 72). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) 1121-34 mëule «substance molle et grasse renfermée à l'intérieur des os» (Philippe de Thaon, Bestiaire, 2169 ds T.-L.: ... l'oisel at un os Eng la quisse, gros: Se om la mëule a ...; 2211: la mëule de l'os de l'oisel); xiiies. [ms.] moelle (Marie de France, Fables, éd. K. Warnke, 57, 14, var. N); spéc. b) 1155 synon. de moëlle épinière (Wace, Brut, éd. I.Arnold, 11800: Bos le feri parmi la gule Dessi al col en la mëoule [mouele, leçon rejetée du ms. de base P, xiiies.]); ca 1200 id. (Doon de la Roche, 4362 ds T.-L.: cop ... Que dou maistre os del col li froissa la mëolle); 1534 mouelle spinale (Rabelais, Gargantua, XLII, éd. R. Calder et M. A. Screech, p.247, 20); 1660 mouelle espiniere (Habicot, La semaine ou pratique anatomique ds FEW t.12, p.180a); 1667 moelle epiniere (J. des Sav., cr. du 28 nov. d'apr. P. Gason ds Fr. mod. t.23, 1955, p.222); 2. emplois fig. a) α) 1remoitié xiies. «la partie la plus profonde, la meilleure, la fine fleur de quelque chose» (Psautier d'Oxford, éd. F. Michel, p.244: E les bucs ot la moule de froment [Deut. 32, 14: medullam tritici]; cf. Psautier Cambridge, même éd., 274); 1387-91 «mie du pain» la meole dou pain (Gaston Phebus, Chasse, éd. G. Tilander, 15, 77 et 78, p.111);
β) ca 1223 appliqué à une personne (Gautier de Coinci, Miracles N.-D., éd. Fr. Koenig, 2 Dout 34, 2525: La mere Dieu ... Est li moieus et la mooulle Qui toute paist l'ame et saoule; cf. 2 Sal 35, 440: Tu ieés de toz les biens la mouele et la mie); b) fin xiies. «ce qu'il y a de plus profond, de plus intime» (Homélies St Grégoire sur Ezéchiel, 89, 12 ds T.-L.: l'amons de la molle de nostre cuer [medullitus amamus]); 1erquart xiiies. (Renclus de Molliens, Miserere, éd. A. G. van Hamel, 9, 8: Hom, entent a che ke tu os! Dusk'a la moële des os T'en toukera ancui la glose) c) 1269-78 «ce qu'il y a d'essentiel dans une oeuvre de l'esprit» (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 11830: Or vos ai dit du sen l'escorce... Or en veill la moële espondre); cf. 1534 (Rabelais, Gargantua, prol., éd. citée, p.14, 79: ...vous convient estre saiges, pour fleurer... ces beaux livres...Puis...rompre l'os et sugcer la substantificque mouelle). B. [ca 1240 le dér. La möulette del junc (Guillaume Le Clerc, Joies N.-D., 639 ds T.-L.)] début xives. moeule de ronce (Recettes médicales, Bibl. nat. lat. 8654 B, éd. P. Meyer ds Romania t.37, 1908, p.362); ca 1314 moele de seu [v. sureau] (Henri de Mondeville, Chirurgie, éd. A. Bos, § 1959). Du lat. medulla «moelle de l'os; d'un végétal» (d'où mëole, et moële par métathèse), qui présente tous les sens att. en fr. Fréq. abs. littér.: 843. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)1759, b) 1349; xxes.: a) 1201, b) 638. Bbg. Nigra (C.). Metatesi. Z. rom. Philol. 1904, t.28, p.2. _ Sculpt. 1978, p.614. |