| MODÉRER, verbe trans. I. − Emploi trans. A. − Qqn/qcc. modère qqc. 1. Diminuer, parce qu'elles sont jugées excessives, la valeur, la force, l'intensité de. Synon. réduire; anton. intensifier. a) [L'obj. désigne un phénomène] Modérer le feu d'un fourneau, le tirage d'une chaudière; modérer la hausse des prix. Nous avions besoin de ces tranches rafraîchissantes [de la pastèque] pour modérer l'ardeur des piments et des épices dont sont relevés tous les mets espagnols (Gautier,Tra los montes, 1843, p.264).Je n'ai pas de fièvre, au contraire; ces considérations (...) auraient plutôt pour effet probable de relâcher ma tension et de modérer ma température (Arnoux,Visite Mathus., 1961, p.22): 1. Elle s'efforçait de modérer, à cause des sommeils de Bébé, une voix qui offrait lors des émissions à plein volume, la masse et le métal d'une petite cloche.
Malègue,Augustin, t. 2, 1933, p.113. b) En partic. [L'obj. désigne un rythme, un mouvement] Rendre moins rapide. Synon. ralentir, réduire, retenir, réfréner, tempérer; anton. accélérer, donner libre cours à.Modérer l'allure d'un cheval, la vitesse d'une voiture; modérer des cadences; modérer son pas. On n'a plus (...) d'autre moyen de modérer le mouvement que d'enchaîner le chariot et d'opposer à sa descente l'action extérieure d'un frein fixe (Haton de La Goupillière,Exploitation mines, 1905, p.697).Chaque type cellulaire trouve dans le plasma sanguin les aliments qui lui conviennent, les substances qui accélèrent ou modèrent son activité (Carrel,L'Homme, 1935, p.91).V. accélérer ex. 3: 2. Monsieur Lepic: Marchez devant, et doucement, de peur d'attraper la mort. Mais Poil de Carotte modère son allure à grand'peine et se sent des fourmis dans les pieds.
Renard,Poil Carotte, 1894, p.72. 2. a) Atténuer la violence de (un sentiment, une passion). Synon. adoucir, apaiser, calmer, réprimer, retenir, tempérer.Modérer sa bile, sa colère, ses ardeurs, ses emportements, ses transports; modérer son enthousiasme; modérer le zèle de qqn. Les philosophes disent: Modérez vos joies. Moi je dis: Lâchez-leur la bride, à vos joies. Soyez épris comme des diables. Soyez enragés (Hugo,Misér., t. 2, 1862, p.643).Mon cher Raoul, je te prie amicalement de modérer tes assiduités auprès de ma soeur (Augier,Contagion, 1866, v, p.414): 3. Gisèle apportait à tout ce qu'elle entreprenait une pondération singulière; son intelligence dominait de très haut et modérait les entraînements de son coeur.
Gide,Geneviève, 1936, p.1397. − En partic. Éviter l'excès des injures, de l'agressivité dans (son langage). Synon. mesurer, surveiller.Modérer ses expressions, ses paroles. Je te prie de modérer ton langage, en parlant de ma femme (Lenormand,Simoun, 1921, 2etabl., p.9). b) Mettre des limites raisonnables à. Synon. borner, limiter, pondérer, régler, restreindre, tempérer.Modérer ses ambitions, ses désirs, ses prétentions. Si tu ne modères ton prix (...) nous ne pourrons traiter ensemble (Hugo,Han d'Isl., 1823, p.541): 4. Je n'admettais pas que Marceline s'occupât de nos dépenses, ni tentât de les modérer. Qu'elles fussent excessives, certes, je le savais, et qu'elles ne pourraient durer.
Gide, Immor., 1902, p. 459. − Emploi pronom. réciproque, rare. Les deux tendances, si elles avaient cheminé ensemble, se seraient modérées l'une l'autre (Bergson,Deux sources, 1932, p.315). B. − Qqn modère qqn.Calmer, contenir. Synon. apaiser; anton. exciter.Cette jeune âme ardente de Jacqueline Pascal souffre des retards que sa famille impose à sa vocation. La mère Agnès la modère, l'exhorte à la soumission, à une attente résignée (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.14, 1851-62, p.155).Chaval et Levaque pourtant eurent un geste furieux, tandis que Maheu les modérait du regard (Zola,Germinal, 1885, p.1177): 5. « − Oh! je n'ai pas peur de vous! − Ni moi non plus!» Coulon intervint, modéra le garde champêtre et le fit s'éloigner.
Flaub.,Bouvard, t.2, 1880, p.160. − Emploi pronom. réfl. Mais un peu de discrétion ne messiérait pas. Modère-toi, je te prie (Arnoux,Roi, 1956, p.64). ♦ En partic. Faire preuve de sobriété. Croyez-moi, vous devriez vous modérer, ce soir à table. La succulence ne vaut rien, dans votre état [après une attaque de goutte] (Zola,Joie de vivre, 1884, p.861). II. − Emploi pronom. Qqc. se modère.S'apaiser, s'adoucir, se ralentir, se tempérer. Le vent se modère. Une transpiration abondante tempéra les ardeurs de la fièvre; le pouls se modéra; les symptômes dangereux disparurent (Reybaud,J. Paturot, 1842, p.445).La fureur volcanique ne se modérait pas. D'épaisses vapeurs jaunâtres se mêlaient aux flammes (Verne,Enf. cap.Grant, t.3, 1868, p.174).Dans l'escalier les coups de son coeur se modéraient un peu (Jouve,Scène capit., 1935, p.30). Prononc. et Orth.: [mɔdeʀe], (il) modère [mɔdε:ʀ]. Ac. 1694-1740 moderer, dep.1762 modérer. Étymol. et Hist. 1. a) 1348 moderé part.passé adj. «peu intense, faible, moyen» (P. Varin, Archives administratives de la ville de Reims, 1843, t.2, p.1172: baillier les marchiez dou roy a enchieres moderees); 1357 moderer «diminuer la valeur, l'intensité de quelque chose» (Lespinasse, Les Métiers et corporations de la ville de Paris, t.3, p.338); 1690 pronom. «devenir tempéré» (Fur.: le froid se modere); b) 1950 habitation à loyer modéré (v. H.L.M.); 2. a)1371 moderé part. passé adj. «qui montre de la modération dans ses attitudes et ses jugements» (Oresme, Economique, II, 5, éd. A.D. Menut, p.839); 1370-72 moderer «réduire à une juste mesure, écarter de l'excès» (Id., Ethiques, II, 4, éd. A. D. Menut, p.154); ca 1485 pronom. (Mistere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 12835); b) α)av. 1704 modéré part. passé subst. «celui qui est éloigné de toute opinion extrême (ici, en religion)» (Bossuet, Rem. hist. conciles II, 10 ds Littré);
β) 1789 adj. en pol. (Le Moniteur, t.2, p.551: vous êtes trop modérés et au dessous d'une révolution); 1790 subst. (Révolutions de France et de Brabant, no9, janv. ds Brunot t.9, p.840). Empr. au lat. moderari «tenir dans la mesure, régler, diriger, conduire; imposer une limite à, modérer», dér. de modus «mesure, juste mesure, limite convenable». Fréq. abs. littér.: 401. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)801, b) 562; xxes.: a) 430, b) 458. |