| MIÈVRE, adj. A. − Vieilli, fam. [En parlant d'un enfant] Qui est vif, espiègle; qui a de la vitalité, une gaieté malicieuse. Elle est si gentille [cette enfant de six ans] (...) et si espiègle,si mièvre, comme on disait de mon temps! (Richepin,Miarka,1883, p.113). − P. anal., en emploi subst. Eh! oui, vraiment, c'est cette mièvre effrontée de chevrette de montagne, qui rôdoit toujours avec ses petits autour de mon champ (Nodier,Fée Miettes,1831, p.38). B. − Qui est puéril; p.ext., qui n'a pas d'intensité, qui manque de force, de netteté, de puissance, de naturel; qui est fade, affecté. 1. [En parlant d'une composante de la personnalité physique ou morale] Elle était petite, délicate, mièvre. Son visage semblait l'ébauche d'une figure aristocratique (Murger,Scènes vie boh.,1851, p.157).Lasse un peu des tendresses mièvres Pour la poupée au coeur de son (Sully Prudh.,Vaines tendr.,1875, p.151).La complaisante affectation de sa voix mièvre m'exaspérait (Gide,Si le grain,1924, p.417).Visage mièvre (Daniel-Rops,Mort,1934, p.287). 2. [En parlant d'un art, d'un style] Cet art florentin où rien n'est mièvre ni affecté, mais qui suit la nature avec minutie et simplicité, peu à peu devant notre imagination s'est modifié (Barrès,Sang,1893, p.227).À l'inverse du retard, noble et solennel par essence, l'altération [dans l'écriture harmonique] est mièvre, minaudière, efféminée; les combinaisons dans lesquelles on en abuse deviennent maniérées et prétentieuses, manquent de franchise (Lavignac,Mus. et musiciens,1895, p.297): −. À plusieurs reprises Amiel compare certains aspects de la nature avec une robe de bal ou avec la parure d'une mariée: jamais Guérin n'eût accueilli une comparaison de cette sorte. Pour tout dire, Amiel est un peu mièvre. Il va quelquefois jusqu'à l'image tout à fait banale (...) jusqu'à la chromolithographie...
Du Bos,Journal,1921, p.14. − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Francis Jammes joue un peu trop. L'art est plus sévère et résiste mal au goût épuré. Le simple n'est pas le mièvre (Renard,Journal,1899, p.544).Il répétait, en forçant dans l'aigu, presque dans le mièvre, sa belle voix naturellement grave et vibrante: «Petite Suzanne, petite Suzanne...» (Duhamel,Suzanne,1941, p.29). REM. Mièvrement, adv.De manière mièvre. Lucile Bucolin était très belle. (...) l'air si jeune qu'on l'eût prise pour la soeur aînée de ses filles, assise de côté, dans cette pose qui lui était coutumière: la tête inclinée sur la main gauche au petit doigt mièvrement replié vers la lèvre (Gide,Porte étr.,1909, p.498). Prononc. et Orth.: [mjε:vʀ
̥]. Ac. 1694, 1718: mievre; 1740: miévre; dep. 1762: mièvre. Étymol. et Hist. 1. a) Mil. xiiies. mievre «léger, volage» (J. de Thuin, Jules César, 176, 5 ds T.-L.); b) 1288 «vif et malicieux» (Jacquemard Gielée, Renart le Nouvel, éd. H. Roussel, 2526); c) 1673 «qui a de la vivacité, mêlée de quelque malice (surtout en parlant des enfants)» (Molière, Malade imaginaire, II, 5); 2.1801 «doué d'une affectation puérile, d'une gentillesse prétentieuse (en parlant d'une oeuvre d'art)» (Mercier Néol.). Prob. issu de l'a. scand. snaefr «rapide, leste, agile» (cf. l'a. fr. esmievre «empressé» ca 1210, La Patrenostre a l'userier ds Parodies de thèmes pieux dans la poésie fr. du Moyen Âge, éd. E. Ilvonen, I, 48) et le norm. nièvre «qui a de la vivacité mêlée de quelque malice (en parlant d'un enfant)» 1694 Mén.; l'm viendrait d'une accommodation de l'n à v. Fréq. abs. littér.: 51. Bbg. Duch. Beauté 1960, pp.172-173. _ Spitzer (L.). Fr. mièvre. Mod. Lang. Notes. 1945, t.60, pp.52-54. |