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MENER, verbe trans.
A. − [Constr. avec divers types de compl. locatifs; l'idée principale est celle de changement de lieu]
1.
a) [Le suj. désigne une pers.]
α) [Constr. avec un compl. locatif de destination et/ou un compl. locatif de passage, d'origine et/ou un compl. désignant l'instrument du déplacement]
[Le compl. d'obj. désigne une pers.] Faire aller quelqu'un quelque part en l'y accompagnant, en l'y conduisant (de force ou avec son assentiment). Synon. accompagner (qqn quelque part), amener, conduire, emmener.Mener qqn chez qqn, au bal, au théâtre; mener qqn en prison. Il a mené le docteur ici pour te voir (Loti,Mon frère Yves, 1883, p. 33).Le chauffeur de Lamblin, qui déjà nous accompagnait à Rafaï, nous mènera en camion jusqu'au point terminus (Gide,Voy. Congo, 1927, p. 736):
1. ... la pauvre Sidoine fut convaincue par le juge d'avoir fait la ribaude et pour ce mise nue sur un âne, tournée du côté de la queue, et ainsi menée par la ville à la mare aux Évés, où elle fut trempée par trois fois. A. France,Orme, 1897, p. 213.
Mener qqn à qqn.Conduire auprès de quelqu'un. Je veux vous mener un interlocuteur digne de vous (Chênedollé,Journal, 1824, p. 130).
Locutions
Mener qqn à l'autel, devant monsieur le Maire (fam.). Épouser. Suzanne avait été menée à l'église par son promis. Jamais on n'avait vu un plus riche ni un plus beau mariage (Karr,Sous tilleuls, 1832, p. 129).
Mener qqn en barque*, en bateau*.
[Le compl. d'obj. désigne un animal] Faire aller un animal quelque part en l'y conduisant. Synon. conduire.Mener le bétail à la rivière (Erckm.-Chatr.,Ami Fritz, 1864, p.55).Aller là-haut soigner les moutons et les mener de chalet en chalet par la trace (Peyré,Matterhorn, 1939, p.80).
Mener une vache au taureau (fam.). Faire saillir une vache. Elles ont mené la vache au taureau comme elles ont fait les autres besognes de la ferme (Pourrat,Gaspard, 1922, p. 139).
Rare. [Le compl. d'obj. désigne un inanimé concr.] Apporter, transporter. Je mène du savon, de la chandelle, des épices, des pièces de tulle, de la chaudronnerie, depuis Lille jusqu'à Arras (Adam,Enf. Aust., 1902, p.242).Elle manquait rarement la messe. L'hiver, elle y menait sa chaufferette, l'été son ombrelle (Colette,Mais. Cl., 1922, p.183).
[Le compl. d'obj. désigne un procès] Faire se dérouler dans un ou plusieurs lieux. Hier, nous avons mené notre promenade plus loin que d'habitude (M. de Guérin,Journal, 1833, p. 157).C'est (...) une vaste contre-attaque, menée de l'ouest à l'est sur Fère-Champenoise et ses abords (Foch,Mém., t.1, 1929, p. 130).
[P. méton. du suj. et/ou du compl. d'obj.] Le bon marché de la main-d'oeuvre a mené l'industrie d'Angleterre en Écosse (Michelet,Journal, 1834, p. 140).La tiède attraction des rayons d'un ciel chaud Sur les monts ce matin m'avait mené plus haut (Lamart.,Jocelyn, 1836, p. 742).
β) [Constr. avec un compl. prép. à désignant un procès accompli ou subi par la pers. désignée par le compl. d'obj.] Faire aller quelqu'un, en l'accompagnant ou en le conduisant, en un lieu où il fera ou subira quelque chose. Mener qqn à la chasse; mener des soldats au feu; mener qqn à la mort. L'innocent qu'on mène au supplice (Lamennais,Paroles croyant, 1834, p. 182).Je l'avais mené à la pêche sur la barquette de Panisse (Pagnol,Fanny, 1932, i, 1ertabl., 14, p. 59).
γ) [Constr. avec une prop. inf.; le compl. d'obj. désigne un animé; avec ou sans compl. locatif] Faire aller quelqu'un, un animal quelque part, en l'y accompagnant ou l'y conduisant, pour qu'il y fasse ou qu'il y subisse quelque chose. Le courrier revenu de la gare menait boire son cheval à l'abreuvoir (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p. 74).Louise se leva pour la mener prendre une douche, lui donner une serviette, de la poudre (Triolet,Prem. accroc, 1945, p. 235).
b) [Le suj. désigne un véhicule ou un lieu; avec ou sans compl. d'obj.]
α) [Le suj. désigne un véhicule] Transporter quelqu'un, quelque chose (d'un lieu à un autre). Une charrette, sur le chemin de côte, annonça qu'elle menait des barriques vides (Colette,Naiss. jour, 1928, p. 56).Attendu à Laruns un cabriolet qui doit nous mener à Louvie (Michelet,Journal, 1835, p.191).
Rare. [Constr. avec une prop. inf.] Nous montions dans l'omnibus ou la voiture qui allait nous mener à la gare prendre le petit chemin de fer (Proust,Sodome, 1922, p.1035).
β) [Le suj. désigne un lieu de passage] Permettre d'aller d'un lieu à un autre. Un chemin qui devait le mener plus directement au sommet de la montagne (Sue,Atar-Gull, 1831, p.27).La porte menant du billard à la salle du bar-dancing (Peyré,Matterhorn, 1939, p. 61).
Tous les chemins* mènent à Rome.
c) Vieilli. Mener qqn avec soi. Faire aller avec soi dans un déplacement comme escorte ou comme compagnie. Synon. emmener, se faire accompagner par (qqn).Il roule sur l'or! Il mène avec lui trois maîtresses et son cuisinier! (Flaub.,MmeBovary, t.2, 1857, p. 62).
2. Au fig.
a) [Constr. avec un compl. introd. par une prép. locative] Faire passer quelqu'un d'un état à un autre, faire faire quelque chose à quelqu'un. Synon. conduire, entraîner.
α) [Le suj. désigne une pers.] Byron (...) se venge en menant à la douleur par la volupté tout ce qui l'approche (Chateaubr.,Mém., t. 1, 1848, p. 517).Il (...) lui chercherait une carrière et le mènerait vers une vie où l'argent serait une préoccupation seconde (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p. 297):
2. ... plus ils accumulaient de belles promesses, plus les gens sérieux soupçonnaient des pièges, − en quoi ils n'avaient pas complètement tort, car les utopistes eussent mené le monde à des désastres, à la tyrannie et à la bêtise, si on les avait écoutés. Sorel,Réflex. violence, 1908, p. 201.
β) [Le suj. désigne un inanimé] Un découragement qui le menait au suicide (Balzac,Illus. perdues, 1839, p. 516).Tu vois où me mènent tes conneries. C'est moi qui paie, comme toujours (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 169):
3. Ces contractures peuvent, chez certains tempéraments spasmophiles, se généraliser et mener à l'asphyxie ou à la syncope par tétanose globale des muscles respiratoires. Mounier,Traité caract., 1946, p. 195.
Littér. [Correspond à supra A 1 b] Ce fut Wilfrid Nore qui le premier mit le pied dans la voie menant aux confidences (Gobineau,Pléiades, 1874, p. 17).Cet itinéraire c'est déjà celui qui mène Gide des livres et de la science à la vie (Rivière,Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p. 15).
γ) Locutions
Mener (qqn) loin
Entraîner, exposer quelqu'un à faire des actes ou à subir des conséquences fâcheuses. La petite n'avait pas l'âge, à l'époque, c'est peut-être un détournement, ça pourrait le mener loin! (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p. 72):
4. Une grande réceptivité se manifeste chez les jeunes − que de starlettes! que de Tarzan! − chez les oisifs, chez les névropathes, et elle peut mener loin: la mort de Rudolf Valentino a provoqué plus de suicides que Werther. Hist. spect., 1965, p. 14.
En partic. Entraîner à de grandes dépenses. Les maîtresses de maison elles-mêmes (...) allaient flatter toutes ces têtes hurlantes qui aidaient à dévorer l'héritage. Les chevaux menaient plus loin encore (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p.174).
Amener quelqu'un à une condition avantageuse. Dis-lui que cette éducation m'a mené loin (...) et va peut-être me conduire assez haut! (Dumas père, Halifax, 1842, ii, 6, p. 83).
Pourvoir longtemps aux besoins ou à la subsistance de quelqu'un. Ces provisions, cet argent peuvent encore nous mener loin (Littré).
Ne pas mener (qqn) à grand chose; ne mener (qqn) à rien, nulle part. N'ouvrir aucune perspective, n'apporter aucun résultat bénéfique. Une très-petite ville (...) oubliée dans un fond de province, ne menant nulle part, ne servant à rien (Fromentin,Dominique,1863, p. 67).− (...) Ça ne te mènera pas à grand-chose. − Les métiers ne mènent jamais à rien, dit Nadine avec une soudaine raideur (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 171).
b) [Constr. avec une prop. inf. introd. par à] Avoir pour conséquence de faire faire quelque chose à quelqu'un. Synon. conduire.Une ligne qui nous mène à tirer sur le prolétariat est nécessairement mauvaise (Malraux,Cond. hum., 1933, p.294):
5. Ne commets pas la sottise immense d'entrer dans la vie active par les grandes portes pourvues sur leurs frontons d'inscriptions comme celles-ci: École militaire; Ponts et chaussées; Affaires étrangères; Magistrature. Cela te mènerait tout simplement à être capitaine à quarante ans... Gobineau,Pléiades, 1874, p. 79.
3. GÉOM. Tracer (matériellement ou idéalement). Par un point on ne peut mener qu'une parallèle à une droite (H. Poincaré,Valeur sc., 1905, p. 21).
4. P. anal., dans le domaine temp.
a) [Le suj. désigne un inanimé] Faire passer (à un autre moment dans temps ou dans un déroulement temp.). Ô flamme vive! qui luit toujours au fond de notre passé... qui menait enfin aux parties de billes (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p. 72).Ce développement imprévu [de l'allegro] mène à une coda dont le thème (...) fait revivre (...) le rythme martial du thème (Chantavoine,Symph. Beethoven, 1932, p. 60).
En partic. Occuper (jusqu'à un certain moment). Ce tohu-bohu de paniers, de sacs de cuir, de corbeilles, toutes ces jupes filant dans le ruissellement des allées, l'occupaient, le menaient jusqu'au déjeuner (Zola,Ventre Paris, 1873, p. 728).Ils commentaient les nouvelles du jour, les faits divers et les événements politiques: cela le menait à l'heure du dîner (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 613).
b) Rare. [Le suj. désigne une pers.] Synon. de porter.L'huissier (...) leur faisait un crédit de six mois que le grand Cointet menait à un an par la manière dont il le soldait (Balzac,Illus. perdues, 1843, p. 588).
B. − [Sans complément locatif; l'idée principale est celle de direction donnée par qqn/qqc. dans un déplacement]
1.
a) [Le suj. désigne une pers.] Diriger dans un déplacement. Synon. conduire.
α) [Le compl. d'obj. désigne une pers., un animal] Mener un cheval en main, par la bride; mener qqn par la main. Un petit garçon, menant une vieille aveugle, demandait l'aumône (Michelet,Journal, 1834, p. 161).Un jouvenceau (...) mène en laisse un lévrier (Bertrand,Gaspard, 1841, p.54).
Vieilli. Mener une dame, une demoiselle. Être le cavalier d'une dame, d'une demoiselle (dans une danse, une cérémonie). Au premier coup d'archet, on se place, et chacun mène sa prétendue (Courier,Pamphlets pol., Pétition pour vill., 1822, p. 136).
β) [Le compl. d'obj. désigne un véhicule, un animal de trait] Mener un équipage (vieilli); mener une charrue (vieilli). Les quatre sauvages qui menaient la barque, pris d'une exaltation furieuse, voulaient jeter à l'eau le sorcier (Goncourt,Journal, 1887, p.698).Un vigneron de Damery, menant par le guidon sa bicyclette (Hamp,Champagne, 1909, p.165).Ces grands chevaux de filles qui (...) mènent leur voiture, fument du gros tabac et engueulent père et mère (Colette,Naiss. jour, 1928, p.38).
Absol. Mener grand train. Madame conduisait seule; elle avait attelé à deux chevaux, elle menait dur au long trot, parfois au petit galop (Giono,Que ma joie demeure, 1935, p. 378).
[P. méton. du compl. d'obj.] Conduire (quelqu'un) dans un véhicule. Les claquements du fouet empêchèrent d'entendre le reste. Au train dont on était mené, on eut bientôt rejoint les paysans (Soulié,Mém. diable, t. 2, 1837, p. 102).
ARM. Mener battant*.
VÉN. [En parlant d'un chien, d'un animal] Poursuivre un animal sur sa trace. L'aboi à deux temps du renard qui mène un gibier (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 10).
b) En partic. Être à la tête d'un groupe (de personnes, d'animaux) pour en diriger le déplacement. Les chameaux d'une caravane passoient lentement à la file, menés par l'âne intelligent qui leur servoit de conducteur (Chateaubr.,Martyrs, t.2, 1810, p. 130).M. Madinier ne parlait plus, menait lentement le cortège, qui le suivait en ordre (Zola,Assommoir, 1877, p. 445).
[P. méton. du compl. d'obj.] La ronde des noces allait et venait toujours (...), les deux enfants qu'on mariait menaient le branle (Zola,Travail, t. 2, 1901, p. 152).
Mener la danse*, le deuil*.
[P. méton. du suj.] Regarder la longue chaîne de la gavotte tournoyer et courir, menée par la voix aigre des cornemuses (Loti,Mon frère Yves, 1883, p. 390).
SPORTS. Être en tête (d'un groupe engagé dans une compétition). Mener le peloton.
[P. méton. du compl. d'obj.] Mener la course, le train. Il est toujours plus fatigant [en course vélocipédique] de mener le train que de le suivre (Baudry de Saunier,Cycl., 1892, p. 425).La course a été menée tout le long des 2400 mètres par Bikala, monté par Serge Gorli, qui avait bénéficié de la corde au départ (Le Monde, 6 oct. 1981, p. 18, col. 5-6).
Absol. Le Kenyan Keino avait pour principe de mener de bout en bout (Amsler1971).
P. ext. Être en tête d'un classement, avoir l'avantage au cours d'une partie, d'un match. Mener à la marque. Au 10eround, notre champion menait nettement (Paris-Soir, 24 janv. 1937).Dix minutes après, les Australiens ont pris le large. Ils mènent 24 à 10 (Le Monde, 12-13 juill. 1981, p. 16, col. 2).
[P. méton. du suj.] Paris mène par 6 victoires à 0 (Combat, 19-20 janv. 1951, p. 6, col. 5).
c) Rare. [Le suj. désigne un inanimé] Entraîner dans un mouvement. Les lents bateaux plats que mènent tantôt une voile gonflée, tantôt des chevaux percherons (Boylesve,Leçon d'amour, 1902, p. 41).Cette roue dentée mène un pignon (Lar. Lang. fr.).
2. P. anal.
a) [Le compl. d'obj. désigne un groupe de pers., une pers.]
α) Diriger dans l'accomplissement de quelque chose. Synon. commander, conduire, diriger.Mener un choeur. Un musicien, le chef, menait l'orchestre de son geste (Noailles,Nouv. espér., 1903, p.178).Le général de Moltke (...) menait les armées allemandes dans les premières semaines de la guerre (Joffre,Mém., t.1, 1931, p.400).
P. anal. Synon. conduire, diriger, gérer.Mener son ménage, un pays, sa fortune. Alexis (...) passa quelque temps sans autres soins que ceux de son ménage, réglant, vérifiant ses comptes, et, comme il semble, menant sa maison assez mal (Mérimée,Hist. règne Pierre le Gdds Journal des Savants, 1864, p.541).Je me mis à lire une revue qui, bien que menée par des jeunes gens, est excellente (A. France,Bonnard, 1881, p.489).
Part. passé en emploi adj. Une affaire de premier ordre que la sienne et bien menée, avec fermeté et bonne humeur (Arnoux,Crimes innoc., 1952, p. 187).
(Bien/mal) mener la/sa barque*.
β) Faire agir, inspirer les actions (de quelqu'un). Synon. animer, conduire.
[Le suj. désigne une pers.] Dieu mène le monde. Je rencontrai l'honnête procureur, qui passe pour mener tout le parti noble ici (Courier,Pamphlets pol., Lettres partic., 1820, p.65):
6. Vous considérez les hommes de nos jours comme de grands enfants très dégénérés et très mal élevés. Et, en conséquence, vous trouvez bon qu'on les mène par des spectacles, du bruit, beaucoup de clinquant, de belles broderies et de superbes uniformes qui, bien souvent, ne sont que des livrées. Tocqueville,Corresp. [avec Gobineau], 1857, p. 280.
Emploi pronom. passif. Nos voltigeurs n'ont pas assez l'esprit militaire; il convient de le leur inculquer. Une compagnie se mène par l'amour-propre (Reybaud,J. Paturot, 1842, p. 168).
[Le suj. désigne un inanimé] La folie mène qqn. Où est le zèle de prosélytisme qui agitait et menait les encyclopédistes? (Quinet,All. et Ital., 1836, p. 118).Il n'est mené que par ses dégoûts ou ses antipathies (Massis,Jugements, 1923, p. 37).
γ) En partic. Faire agir de façon autoritaire ou selon sa volonté. Synon. dominer, manipuler, manoeuvrer, régenter.Se laisser mener par une femme. Fausse avec l'apparence de la plus grande franchise, menant son mari comme un sot, elle se moque de toutes femmes qui sont laides (Fiévée,Dot Suzette, 1798, p.142).Depuis que notre reine mène son mari, chaque femme du royaume se croit le droit de régenter le sien (Scribe,Bertrand, 1833, ii, 2, p.150):
7. Le passé était net comme un os de seiche et Dubreuilh, une impeccable victime de la fatalité historique. Oui: eh bien! Henri ne trouvait pas ça satisfaisant du tout; il n'aimait pas penser que d'un bout à l'autre de cette affaire il avait été mené. Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 487.
Loc. fig.
Mener qqn à la baguette*, à la trique*, en laisse*.
Mener qqn par le bout* du nez, par le nez*.
b) [Le compl. d'obj. désigne un procès] Être à l'initiative de quelque chose et/ou en diriger le déroulement, l'exécution; avoir une place déterminante dans le déroulement, l'exécution de quelque chose. Synon. conduire, diriger.Mener des débats; mener une affaire tambour battant, rondement, vite. Hélène est ma filleule; laissez-moi mener cette affaire et morigéner la jeune fille (Theuriet,Mariage Gérard, 1875, p. 117).Celui qui a mené la Résistance a, pour en être l'historien, une autorité particulière (Bordeaux,Fort de Vaux, 1916, p. 181):
8. Zola, qui a mené la conversation sur ce sujet, pour nous pomper à propos de son nouveau livre, prétend que l'amour n'est pas un sentiment particulier... Goncourt,Journal, 1877, p. 1186.
Mener une enquête*.
Loc. fig.
Mener le branle*, la danse*, le deuil* (de qqc.), le jeu*.
Mener la partie. Nous ne paraissions plus mener la partie, et (...) l'ennemi au contraire nous devançait et tentait à nous imposer sa volonté (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 444).
Absol. J'ai tenté de faire du Dialogue lui-même une manière de ballet dont l'Image et l'Idée sont tour à tour les Coryphées. L'abstrait et le sensible mènent tour à tour et s'unissent enfin dans le vertige (Valéry,Lettres à qq.-uns, 1945, p. 190).
[Dans la lang. de la crit. littér.] Intrigue alertement menée. Ces dialogues [de Dashiell Hammet] , menés de main de maître, sont à en remontrer à Hemingway ou à Faulkner même, et tout le récit mené avec une habileté, un cynisme implacables (Gide,Journal, 1943, p. 213).
3. Au fig. [Constr. avec un compl. de manière; le compl. d'obj. désigne une pers.]
a) Vieilli. Diriger de telle ou telle manière dans un enseignement, un apprentissage. Mener durement un enfant. Mon hôte voulut bien me donner quelques leçons; moins durement mené, je pus faire des progrès (Balzac,Lys, 1836, p.75).
b) Synon. de traiter.Bouvier a été assez vertement mené ce matin par le Journal de Genève (Amiel,Journal, 1866, p.122).Jory avait manqué d'avoir un duel (...) pour un de ses derniers articles du Tambour. C'est qu'il les menait raide, les peintres de quatre sous, les réputations volées! (Zola, Œuvre, 1886, p.114).
Mener la vie dure à qqn, une vie impossible à qqn. Rendre l'existence pénible pour quelqu'un. Je vous préviens, mon gaillard, que si jamais vous tombez sous ma coupe, je vous mènerai la vie dure (Bruant1901, p.153).À croire que ses enfants la martyrisaient, lui menaient une vie impossible! (Queffélec,Recteur, 1944, p.184).
C. − [Sans idée de déplacement ni de direction]
1. [Le compl. d'obj. désigne un procès] Assurer l'exécution de quelque chose (généralement qui s'étend dans le temps). Synon. accomplir, faire.Mener une action, une analyse, une étude, une politique, des recherches. Un tel travail ne peut être mené en cinq jours, ni même en cinq années, bien que toute ma vie m'y ait préparé (Barrès,Cahiers, t. 3, 1902, p.63).Toutes les mines en effet sont explosées simultanément (...). La perforation doit être menée rapidement, surtout si la marée existe dans la localité (Bourde,Trav. publ., 1929, p. 240):
9. ... je refis plusieurs chapitres des Oiseaux, suppléant à l'inspiration par la volonté. L'Introduction fut achevée et le tout mené presque sans lacune, sauf La Mort, La Chasse, ajournés, et Le Chant, ce grand but du livre, que je réservais. Michelet,Journal, 1855, p. 292.
Mener le combat*.
Mener l'assaut, une campagne, la lutte, l'offensive. Ils avaient pensé mener en paix leur assaut contre cette maison isolée à la sortie du bourg (Alain-Fournier,Meaulnes, 1913, p.130).Le mistral mène à fond son offensive (Colette,Pays. et portr., 1954, p.265).
Mener campagne. On y menait campagne [au café] contre le naturalisme allemand (Arts et littér., 1936, p. 48-8).
Mener à bout, à (son) terme, à bien. Synon. achever, réaliser.Son frère Louis-Napoléon avait eu l'honneur de mener à bien la souscription au grand emprunt sibérien (Vogüé,Mort, 1899, p.225).Il avait jusqu'à présent mené à bout tout ce qu'il avait voulu avec opiniâtreté (Martin du G.,Thib., Pénitenc., 1922, p.716).
Mener à (sa) fin*, à bonne fin*.
Mener de front, de pair, à la fois. Cette jolie et délicate femme (...) voulait à la fois mener la maternité, le monde et le Chat noir (Goncourt,Journal, 1887, p. 676).Sur ce grand affluent du Gange, électrification, irrigation, agronomie et industrialisation ont été menées de pair (Lesourd, Gérard,Hist. écon., 1966, p. 544).
Emploi pronom. passif. Au-dessus de la table, l'oncle ne recevait que des sourires. Au-dessous se menait une guerre sournoise (Cocteau,Enfants, 1929, p.72).
2. [Le compl. d'obj. désigne un comportement; il est obligatoirement qualifié]
Mener une vie (ou un terme du même paradigme). Synon. de avoir.Quand depuis quarante ans on mène une conduite irréprochable... on n'aime pas à la voir ternir (Sue,Atar-Gull, 1831, p. 24).Depuis six mois, tu veilles, tu te morfonds; tu mènes une vie de séminariste qui a fait des voeux (Fromentin,Dominique, 1863, p. 141).
Mener (un) train (obligatoirement qualifié).Mener un train de prince. Elle menait grand train, logeait dans un Louvre, tenait le milieu de la chaussée les jours de Longchamp (Murger,Scène vie boh., 1851, p. 192).
Mener grande, joyeuse vie. Vivre luxueusement, joyeusement. L'on (...) menait joyeuse vie; le duc chassait du matin au soir, et la nuit il se plaisait encore à entendre bramer les cerfs (Barante,Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 41).Les entraîneurs [à Maison-Laffitte] menaient grande vie. Max Lebaudy (...) lavait ses calèches au champagne et organisait des corridas (Cocteau,Portr-souv., 1935, p. 31).
P. ell., pop. et fam., vieilli. La mener joyeuse. Il paraît qu'on la mène douce et joyeuse, ici (Dumanoir, A. d'Ennery,Les Drames du cabaretds Dict. arg. mod., 1881, p.247).
Mener un bruit (ou un terme du même paradigme). Synon. de faire.Le bruit infernal que menaient les trompettes (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 478).Toute la nuit, les rats ont mené un train d'enfer (Triolet,Prem. accroc, 1945, p.12).
Mener grand bruit, grand tapage. On menait grand bruit, ce matin. Les chiens aboyaient, les chasseurs préparaient leurs armes (Nerval,Filles feu, Angélique, 1854, p. 525).
Rem. La docum. atteste qq. constr. où le compl. d'obj. non précédé de l'art. n'est pas qualifié. Son ami, le célèbre traducteur Perrot D'Ablancourt, avec qui il menait jeunesse, le servit fort en cette intrigue (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 5, 1852, p. 279). Cette foule menait sarabande, entraînant avec elle des gens que Raboliot était surpris d'y voir (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 171).
Loc., fam. Ne pas en mener large. Ne pas (paraître) être à son aise, se faire petit. Pendant qu'on l'acclamait avec transport, il «n'en menait pas large» et semblait accablé de tristesse (Cladel,Ompdrailles, 1879, p. 52).V. aussi large III A au fig.
REM. 1.
Menant, -ante, part. prés. en emploi adj.,technol. Qui entraîne le mouvement de quelque chose. Brin menant. Ils [les arbres de transmission] doivent résister à (...) un effort de torsion produisant un angle de torsion d'autant plus grand que la distance entre la partie menante de l'arbre et la partie menée est plus grande (Gorgeu,Machines-outils, 1928, p. 4).
2.
Mené, -ée, part. passé en emploi adj.a) Technol. Qui est entraîné par un élément moteur. V. supra rem. 1 ex. de Gorgeu.b) Emploi subst. Anton. meneur.Quelle honte pour les meneurs comme pour les menés! (Stendhal,Racine et Shakspeare, t. 1, 1825, p. 141).
Prononc. et Orth.: [məne], (il) mène [mεn]. Conjug. change e en è devant syll. muette: je mène, mènerai(s). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. Fin xes. trans. «accompagner quelqu'un en le dirigeant» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 202); 2.ca 1100 «conduire fermement, avec autorité» ici une armée (Roland, éd. J.Bédier, 211); en partic. ca 1100 «contraindre une personne à aller dans un endroit» (ibid., 3680: E. Bramidonie, qu'il meinet en sa prisun); 3.a)1remoitié xiies. «marcher à la tête d'un groupe, d'un cortège; diriger un groupe de danseurs» merrums charoles [deducemus choros] (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, XIX, 5) cf. début xiiies. M.de Sully, Homelies, éd. C. A. Robson, 16, 13: les femmes mener les karoles; b)1892 sports «être à la tête de» mener la course (Baudry de Saunier, Cycl., p. 440) d'où 1937 id. intrans. «avoir l'avantage» (Paris Soir, supra); 4. ca 1170 «obliger un animal à se rendre dans un lieu en 'y conduisant» (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 4859); 5. fin xiiies. [ms.] «diriger, entraîner une collectivité vers un état déterminé» (Bible de Hugue de Berzi, éd. F. Lecoy, 797 [var. ms. A]; 6. 1538 «introduire auprès de quelqu'un; donner accès» (Est.). II. 1. Ca 1050 «se livrer à une activité particulière» en partic. grant duel mener «exprimer ostensiblement une grande douleur» (Alexis, éd. Chr. Storey, 241); 2. ca 1100 «régler, assurer le déroulement de quelque chose en vue d'une fin» sa guerre mener (Roland, éd. J. Bédier, 906); 3. ca 1170 «transporter quelque chose» (Rois, éd. E. R. Curtius, III, V, 9, p. 121); 4. 1176-81 «faire avancer un véhicule, en assurer la conduite» (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 357); 5. a) 1283 «administrer, diriger avec efficacité» ici «faire commerce» (Ph. de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, XI, §346: sans nule marcheandise mener); b) 1663 «exercer un rôle directeur dans n'importe quel domaine» (Molière, École des femmes, I, 1: un sort qui tout mène); 6. 1690 géom. mener une ligne d'un point à un autre (Fur.); 7. 1835 mener grand train «vivre luxueusement» (Ac.). III. 1. 1176-81 «conduire à» La voie... vos mainne au Pont de l'Espee (Chrétien de Troyes, op. cit., 2144); 2. a) 1179-85 «engager, entraîner» (Gace Brulé, Chansons, éd. H. P. Dyggve, XIX, 2); b) ca 1200 «faire aboutir à» (Vidame de Chartres ds Chansons attribuées au Chastellain de Couci, éd. A. Lerond, XXXII, 32: Rienz fors s'amour, qui a la mort me mainne); 3. 1765 mécan. «transmettre le mouvement» (Encyclop. t. 8). D'un lat. minare, forme active qui s'est substituée au class. minari «menacer», et qui apparaît dans lang. rustique et pop. et particulièrement à basse époque avec le sens de «mener les animaux», le conducteur les menaçant de ses cris, de son fouet, etc.; ce sens s'est conservé dans les lang. rom., cf. p. ex. le roum. mîno «conduire le bétail», le calabrais minare «aiguillonner les bêtes», v. FEW t. 6, 2, p. 111b; il survit également dans la lang. de la vén. en a. fr. dans l'accept. particulière de «poursuivre un animal» ca 1160 (Enéas, 5381 ds T.-L.); v. aussi Tilander Mél. 1958, p.308, sqq. Fréq. abs. littér. Mener: 9650. Menant: 322. Fréq. rel. littér. Mener: xixes.: a)12278, b)13987; xxes.: a)13096, b)15 195. Menant: xixes.: a) 338, b) 579; xxes.: a)621, b) 395.