| MATAMORE1, subst. masc. et adj. I. − Subst. masc. A. − HIST. LITTER. Personnage de la comédie espagnole qui se vante à tout propos de ses exploits guerriers contre les Maures et que l'on représente généralement en uniforme chamarré au geste large et au verbe haut. J'ai admiré la salle des pas perdus (...) là se démène une statue furibonde de Pierre Corneille; il est représenté ici en matamore de l'Ambigu-Comique (Stendhal,Mém. touriste, t.2, 1838, p.114).Supériorité qu'a l'arlequinade pure et simple, quand l'arlequinade pure et simple ne subit pas une éclipse: or, telle est l'heure, car voici Pierrot et le matamore Pamphile, ce museau de Colombine et, lui-même, Arlequin rappelés sur des planches par M.Maurice Dreyfus et par sa fantaisie (Mallarmé,Dern. mode,1874, p.751). B. − P. ext. Faux brave, vantard plus courageux en paroles qu'en actes. Synon. bravache, fanfaron, hâbleur.Air, arrogance, grimaces de matamore; attitude, discours, ton de matamore. Alors, c'était la guerre, la boucherie de Pellieux. Tous nos matamores reculaient à l'idée de ne plus se trouver seulement en face de foules désarmées. On pense bien que le gouvernement s'empressa de démentir cette histoire (Clemenceau,Vers réparation,1899, p.283): . L'autorité n'est pas une parade plus ou moins semblable à celle des matamores de basse-cour. Et s'il est vrai qu'elle se démontre mieux avec un peu d'apparat, les peuples sages réduisent cette nécessité à la mesure congrue.
Mounier,Traité caract.,1946, p.463. ♦ Jouer, faire le matamore. Se donner avec ostentation l'attitude d'un brave. Lamontette, en rentrant auprès des deux femmes, fit le matamore: il dit de grands mots sur de très petites choses; fit des amphigouris sans fin sur ce que nous avions dit (Restif de La Bret.,M. Nicolas,1796, p.143).Et tu vois mes soldats jouer les matamores et les soudards − et se complaire à ton erreur − pour goûter quelque part, au fond d'eux-mêmes, et comme en fraude, le goût merveilleux du don à l'amour (Saint-Exup.,Citad.,1944, p.943). II. − Adjectif. A. − Qui est propre au personnage de Matamore; qui rappelle ce personnage. Style matamore. Un tragédien célèbre, connu sous la Restauration comme sous l'Empire pour sa diction quelque peu gasconne et matamore, fait monter le tailleur du théâtre (...) et lui demande son costume du premier acte (R. de Beauvoir,Français peints par eux-mêmes, Le Tailleur, t. 5, 1842, p.246).Tous les éclectismes de style se donnent rendez-vous dans cet idiome inouï, (...) où la rusticité du dicton populaire s'allie à des périodes extravagantes sorties du même moule où Cyrano coulait ses tirades matamores (Murger,Scène vie boh.,1851, p.13). B. − [En parlant d'une pers., de ses attitudes] Bravache, fanfaron. M. de Barcos ne trouva bon dans aucun temps, ni d'aller lui-même à Rome pour son propre compte, ni d'y envoyer plus tard ces docteurs un peu bruyants et matamores, Saint-Amour et autres, pour y soutenir et y plaider les cinq propositions (Sainte-Beuve,Port-Royal, t. 2, 1842, p.217).Filous, fripons, procureurs de femmes, chevaliers d'industrie à l'allure digne, à l'air matamore qui semble dire: «Le premier qui me traite de gredin, je le crève» (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Femme de Paul, 1881, p.1218). REM. Matamorer, matamoriser, verbe intrans.Jouer les matamores. La pompe espagnole acheva de gâter tous les poètes (...). Ils parlèrent tous en matamores et en capitans (...). On matamorisait tout autant à la ville (A. France,Génie lat.,1909, p.45).L'aubergiste, tout harnaché de belles joues beafsteack (...) allait de table en table, matamorant (Delteil dsRheims1969). Prononc. et Orth.: [matamɔ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist. 1630 subst. masc. «brave, vantard» (A.d'Aubigné, Avantures de Faeneste, IV ds
Œuvres, éd. E. Réaume et F. de Caussade, t. 2, p.644). Empr. à l'esp. Matamoros, nom d'un faux brave de comédie qui ne cesse de se vanter de ses exploits contre les Maures (d'où le personnage du Matamore ds les comédies du xviies. : 1607, Rodomontades espagnoles. Colligees des Commentaires des tres-espouventables, terribles et invincibles Capitaines, Matamores, Crocodille et Rajabroqueles [titre] ds Quem. DDL t. 21); proprement «tueur de Maures» (de mata, forme verbale de matar «tuer», v. matador et de Moros, plur. de Moro «Maure»). Bbg. Boulan 1934, p.80. _ Quem. DDL t. 21. |