| MASTIC, subst. masc. A. − 1. Résine recueillie par incision du tronc du lentisque, dont on faisait dans le bassin oriental de la Méditerranée une gomme à mâcher très recherchée pour sa valeur gustative et ses vertus médicinales. Glyco veut dire chose douce. Le mastic de Chio est du glyco; les confitures de cerises sont du glyco; le rahat-loukoum est un excellent glyco (About,Grèce, 1854, p.395). 2. Résine entrant dans la composition d'une liqueur appréciée en Grèce. Un tonneau de raki de Chio au mastic stupéfia Coqueville, qui crut être tombé sur un tonneau d'essence de térébenthine (Zola,Cap. Burle, 1883, p.271).Un vin apéritif à la tisane de bourgeons de pin, et de «mastic», un autre apéritif à base de résine de lentisque, et de «raki» (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.179). − P. méton. Cette liqueur. Agamemnon sue à grosses gouttes dans mon verre de mastic en insultant la politique russe qui enferme dans une forteresse de Bohême notre noble Ypsilanti (Adam,Enf. Aust., 1902, p.360). − Arg., vieilli. Mastic ou mastic vert. Absinthe. Je paie l'absinthe. (...) − Mastics verts! deux! (D'Esparbès,Demi-soldes, 1899, p.121). B. − Substance plastique durcissant à l'air, généralement à base de résine naturelle ou synthétique et de chaux, servant à boucher des trous, à colmater des fissures et à rendre des joints étanches ou à enduire une surface de manière à la rendre imperméable. Mastic de fontainier, de marbrier, de menuisier; mastic à greffer; mastic albumineux, bitumeux; mastic à la résine, de limaille. On protège (...) les bords de la feuille plastique par lutage sur 2 mm avec un mastic spécial à base de bitume (C. Duval,Verre, 1966, p.95): 1. À Saint-Jean de Latran, dans cette église fameuse par les conciles qui y ont été tenus, on trouve une telle quantité de colonnes de marbre, qu'il en est plusieurs qu'on a recouvertes d'un mastic de plâtre pour en faire des pilastres, tant la multitude de ces richesses y avait rendu indifférent!
Staël,Corinne, t. 1, 1807, p.241. 1. En partic. a) Mastic de vitrier; p. ell., mastic. Mastic préparé avec du blanc d'Espagne et de l'huile de lin, servant à fixer les vitres aux fenêtres de manière hermétique. Force a été de se rabattre sur un malheureux bâtiment de deux pièces, à peine achevé, encore blanc de plâtre, de peinture, de mastic, car il y a des vitres aux fenêtres (Gide,Retour Tchad, 1928, p.986).Quelle chaleur! Le mastic coulait le long des carreaux de la véranda... (Bernanos,Joie, 1929, p.625). − En appos. avec valeur d'adj. De la couleur du mastic de vitrier, beige clair. Un Deschamps représentant une femme habillée d'une robe mastic et se découpant sur fond lie de vin (Huysmans,Art mod., 1883, p.76).Ce qu'il était chic avec son pantalon à carreaux noirs et blancs, ses bottines vernies, son pardessus mastic et ses chapeaux (Mirbeau,Journal femme ch., 1900, p.333). b) ,,Mélange de cire, de ciment fin et de résine, destiné au moulage des pièces délicates`` (Adeline, Lex. termes art, 1884). P. méton. Objet façonné dans ce mastic. Quelques médaillons, quelques plâtres ou mastics destinés à rappeler à tout venant que «l'art est long si la vie est brève» et qu'on aurait eu le plus grand tort de se croire chez des bourgeois (Bloy,Femme pauvre, 1897, p.107). − P. métaph. On avait fait de lui un mastic, une espèce de chose argileuse qu'un ouvrier, doux comme la lumière, avait repétrie (Bloy,Femme pauvre, 1897, p.215). − Résine utilisée en dentisterie et en microscopie (d'apr. Méd. Biol. t. 2 1971). Mastic dentaire (Codex, 1884, p.460). 2. P. anal. Substance ayant l'aspect ou la consistance du mastic. Les équipements allemands et français, déchirés dans leur écorce de boue sèche, les monceaux suspects de vêtements englués d'un mastic brun rouge (Barbusse,Feu, 1916, p.165).Le kyste à mastic dont le contenu consiste en une bouillie jaunâtre, mollasse, ayant la consistance du mastic (Apert dsNouv. Traité Méd.fasc. 8 1925, p.151).On se bousculait autour de son guichet. On recevait son pain, des boules d'un mastic noirâtre (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.112). − Emploi adj. − Du riz au gratin, c'est complet! − Bon pour deux sous de colle! dit Favier en se servant. Les uns l'aimaient, les autres trouvaient ça trop mastic (Zola,Bonh. dames, 1883, p.547). C. − Au fig., arg. ou pop. 1. Gâchis, pagaille, ensemble d'événements confus. Arras à partir, puis Calais; les machines pour le port et ça va être l'heure des rapides. C'est toujours le même mastic (Hamp,Marée, 1908, p.41).Il n'y a de mastics que quand on veut mêler l'un de l'autre, l'un dans l'autre, les deux mondes, le monde riche et le monde pauvre, les deux systèmes, les deux langages (Péguy,V.-M., comte Hugo, 1910, p.676). 2. Arg. des typogr. a) Inversion de lignes, de mots ou de caractères dans une composition typographique. Lasse d'apprendre par coeur les extraits, coquilles, mastics, coqs-à-l'âne découpés dans les journaux et épinglés au mur (Colette,Apprent., 1936, p.76). b) Mélange de caractères dans la casse: 2. L'atelier hurlait au «mastic»! Il y avait grand tumulte. Il fallait ensuite remettre en place tout le caractère emmêlé. C'est une besogne fastidieuse. Distribuer des caractères en ordre, ce n'est déjà pas fort drôle, mais débrouiller le mastic, c'est désagréable et c'est lent.
Duhamel,Désert Bièvres, 1937, p.123. 3. Travail, besogne. S'endormir sur le mastic. ,,Faire une chose avec nonchalance`` (Delesalle, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., 1896, p.177). Cracher sur le mastic. Envoyer tout promener. Voir Huysmans, Soeurs Vatard, 1879, p.153.,,Péter sur le mastic. Renoncer à travailler`` (Delvau 1866, p.294). Qui c'est ici, demanda-t-il, qui veut trinquer de ses deux jours? Y a des clients pour péter su'l'mastic? Ça va bien, l'bureau est ouvert! (Courteline,Train 8 h 47, 1888, 1repart., vi, p.62). Prononc. et Orth.: [mastik]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1256 «résine jaunâtre qui découle du lentisque» (Aldebrandin de Sienne, Rég. du corps, 57, 18 ds T.-L.); 2. a) 1580 «sorte de ciment utilisé pour coller ou assembler certains objets, recouvrir une cassure, etc.» (Palissy, Discours admirables, p.298); b) 1834 «pâte crayeuse qui entre dans la composition de plusieurs ciments servant à obturer les dents» (Journ. de méd. et de chir. pratiques, V, 524 ds Quem. DDL t. 8); c) 1855 chier sur le mastic «abandonner l'ouvrage en cours» (d'apr. Esn.); 1879 cracher sur le mastic (Huysmans, loc. cit.); 1896 s'endormir sur le mastic (Delesalle, loc. cit.); d) 1857 pop. «situation confuse, méli-mélo» (d'apr. Esn.); e) 1867 typogr. (Delvau); 3. 1869 une grosse redingote couleur mastic (Flaub., Éduc. sent., t. 1, p.74). Empr. au b. lat. masticum, altér. du lat. class. mastiche, lequel est empr. au gr. μ
α
σ
τ
ι
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χ
η «gomme du lentisque». Fréq. abs. littér.: 81. Bbg. Quem. DDL t. 8, 16. |