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MARTYR, -YRE, subst.
A. − HIST. DU CHRIST. Personne à qui on a infligé des supplices et/ou la mort parce qu'elle a refusé d'abjurer sa foi. Martyr de la foi; auréole, couronne, gloire, palme, robe du martyr; os, reliques, sang des martyrs. Il y a entre autres la chapelle de saint Vincent de Collioure, martyr du troisième siècle, sous la persécution de Dacien (Barb. d'Aurev.,Memor. 4, 1858, p.102).La Gaule était devenue chrétienne et elle avait eu ses martyrs. L'Église de Lyon, illustrée par le supplice de Pothin et de Blandine, fut le centre de la propagande (Bainville,Hist. Fr., t.1, 1924, p.19):
1. Les femmes, les enfants, les jeunes hommes entouroient les vieillards qui rappeloient les exemples donnés par les plus fameux martyrs: Laurent de l'Église romaine, exposé sur des charbons ardents; Vincent de Saragosse, s'entretenant dans la prison avec les anges; Eulalie de Mérida... Chateaubr.Martyrs, t.3, 1810, p.64.
Martyr désigné. Celui qui devait souffrir le martyre. Ces vieux évêques abattus aux pieds d'un jeune homme désigné martyr (Chateaubr.Martyrs, t.1, 1810, p.58).
Martyr consommé. Celui qui a souffert la mort pour sa foi (cf. Littré).
Ère des martyrs. Celle qui commence à l'avènement de Dioclétien (Ac. 1835).
Avoir l'air d'un martyr. Il rayonne de fierté. Il me regarde, la tête renversée en arrière, les yeux mi-clos, la bouche entr'ouverte, il a l'air d'un martyr (Sartre,Nausée, 1938, p.149).Scènes de martyrs. Un véritable cinéma, qui connut un succès formidable avec ses scènes de martyrs, de bêtes féroces, de gladiateurs, d'arènes (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.110).
En partic. Le commun des martyrs. Office qu'on récite pour tous les martyrs qui n'ont pas un office propre.
Au fig. Être du commun des martyrs. Ne se faire distinguer par aucun talent, par aucune qualité (Ac. 1835, 1878).
Emploi adj. Diacres, évêques, prêtres martyrs. Le visage des saints martyrs lorsqu'ils confessoient Jésus-Christ au milieu des tourmens (Balzac,Annette, t.3, 1824, p.228).
B. − P. ext. Personne à qui on a infligé des supplices et/ou la mort pour une cause, un idéal. Une histoire, une nation riche en martyrs. Il faut des témoins de l'idée, ou des martyrs, c'est le même mot, c'est-à-dire des hommes de réelle substance, des hommes d'épaisseur (Alain,Propos, 1933, p.1171).Les listes des martyrs fusillés devant quoi nous restions un moment silencieux, béants d'horreur (Ambrière,Gdes vac., 1946, p.139):
2. Trois régiments s'étant révoltés à Nancy, l'Assemblée cette fois s'émut et chargea de la répression Bouillé qui commandait à Metz. La répression fut sévère et, pour les journaux «patriotes», les mutins du régiment de Chateauvieux devinrent des martyrs. Bainville,Hist. Fr., t.2, 1924, p.50.
En appos. Le roi(-)martyr. Louis XVI. Mon fils, si vous avez trempé vos mains dans le sang du roi martyr, confiez-vous à moi (Balzac,Épis. Terr., 1830, p.442).
Martyr de qqc.Victime de quelque chose.
1. [Le compl. désigne un principe, un idéal extérieur à soi auquel on sacrifie sa vie] Les martyrs de la liberté, de la patrie, de la résistance, de la science. Ce martyr des bons principes était fort âgé, et s'appelait le marquis de Puylaurens (Stendhal,L. Leuwen, t.1, 1835, p.227).Elle voyait dans l'archevêque Engelbert de Cologne un martyr de la justice et de la sûreté publique, que l'Église se hâta de mettre au nombre des saints (Montalembert,Ste Élisabeth, 1936, p.xxiv).
Héros et martyr de. Le 14 mai 1643 en effet disparaît ce prince à la fois timide et sublime, héros et martyr de l'idée monarchique (Brasillach,Corneille, 1938, p.243).
P. hyperb. Certains martyrs de la mode (...) ont des pierres à leurs chemises le matin, attachent leurs pantalons avec des boutons d'or (Balzac, Œuvres div., t.2, 1830, p.182).Le sort en est jeté: je serai jusqu'au terme le martyr de la traduction (Du Bos,Journal, 1923, p.350).
2. P. anal. [Le compl. désigne un sentiment, un impératif personnel, moral ou psychol.] Être le martyr de qqc.Payer un lourd tribut de souffrances par l'effet de. Être le martyr de son ambition, de son devoir, de la patience, de la probité, de ses passions, de son zèle:
3. On aime assez les catastrophes; mais on n'aime pas les supplices. Or, on ne nous donne là que les martyrs de l'amour, les uns étendus sur le chevalet de l'attente, d'autres déchirés de remords, tous avec une passion qui leur dévore le coeur. Joubert,Pensées, t.2, 1824, p.222.
C. − Personne qui a souffert ou qui souffre beaucoup physiquement ou moralement. Enfance de martyr. Ma pauvre amie sera, je crains, au rang des incurables et des martyrs (E. de Guérin,Lettres, 1841, p.411).Les premiers symptômes de la maladie qui devait faire de lui, pendant vingt-neuf ans, le mot n'est pas trop fort, un véritable martyr (Léautaud,Passe-temps, 1929, p.138):
4. Mieux que ses bavardages de pensionnaire, je goûtais cet ardent silence de petite martyre et parfois le désir me venait de pleurer tant elle paraissait, comme une enfant spartiate, cacher je ne savais quelle blessure. Mauriac,Robe prétexte, 1914, p.286.
Être le martyr de qqn.Souffrir de ses mauvais traitements, de sa tyrannie. Être le martyr de qqc.Souffrir de la maladie, souffrir beaucoup. Un martyr que ce jeune Daudet, le martyr du rhumatisme. Toujours des souffrances, et des souffrances qu'il n'endort qu'avec de la morphine (Goncourt,Journal, 1882, p.176).
En appos. Bouffon-martyr. Souffre-douleur. Il devint un souffre-douleur, une sorte de bouffon-martyr, de proie donnée à la férocité native, à la gaieté sauvage des brutes qui l'entouraient (Maupass.,Contes et nouv., t.2, Aveugle, 1882, p.312).
D. − Emploi adj.
[Le subst. désigne une pers., une collectivité qui subit des mauvais traitements, de cruelles souffrances] Enfant, peuple martyr; ville martyre. Bien entendu, nous n'avons pas renoncé à venger l'Alsace martyre (Sartre,Mots, 1964, 28).
[Le subst. désigne des arbres, la forêt] C'est la forêt sans eau, la forêt martyre, la forêt tantale, mourant de soif dix mois de l'année (Bernanos,Enfants humil., 1948, p.184).
Prononc. et Orth.: [maʀti:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1050 «celui qui a souffert la torture et la mort pour attester la vérité de la religion chrétienne» (Alexis, éd. C. Storey, 566); 1690 (Fur.: Martyr, se dit abusivement des Heretiques et des Payens qui souffrent pour la deffense de leur fausse Religion); b) 1176-81 fig. (Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette, éd. M. Roques, 4689); 2. 1690 «celui qui souffre beaucoup moralement ou physiquement» (Fur.); d'où 1694 (Ac.: On dit fig. qu'une personne est le martyr d'une autre pour dire qu'il souffre persecution à cause de luy). Empr. au lat. eccl. martyr, du gr. μ α ́ ρ τ υ ς, -υ ρ ο ς «témoin», d'où spéc. «témoin de Dieu, martyr». Au Moy. Âge, on trouve également la forme martre (v. T.-L. et Gdf.) forme conservée dans Montmartre «mont des martyrs». Fréq. abs. littér.: 1816. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3378, b) 2802; xxes.: a) 2876, b) 1612.