| MARRON1, subst. masc. A. − Fruit comestible de certaines variétés de châtaigniers, plus volumineux que la châtaigne, de forme arrondie, enveloppé dans une capsule épineuse, et dont l'écorce lisse est de couleur brun-roux. Marrons bouillis, braisés, rôtis; crème, purée de marrons; gauler, ramasser des marrons. On servit (...) une dinde blanche pleine de marrons confits dans du vin (Maupass.,Contes et nouv.,t.2, Lég. Mt St-Michel, 1882, p.1255).Parfois (...) il apportait à Rainette, en hiver, des marrons grillés, en été, un bouquet de cerises (Rolland,J.-Chr.,Buisson ard., 1911, p.1305): 1. On fait cercle autour du feu (...) et, entre les chaises, le chat et le chien de la maison, intéressés par l'éclatement des marrons poussés sous la cendre chaude, après avoir été fendus. Et la veillée commence.
Pesquidoux,Chez nous,1923, p.117. ♦ Marrons déguisés*, glacés*. ♦ Chaud* les marrons! ♦ Marchand de marrons. Marchand qui, en hiver, fait griller des châtaignes, des marrons, dans la rue afin de les vendre aux passants. Il avait appelé d'un signe un marchand de marrons, installé en face, dans une étroite guérite (Zola,Bonh. dames,1883, p.741). − Expr. fig. 1. [P. allus. à la fable de La Fontaine Le Singe et le chat] Tirer les marrons du feu (pour qqn). Entreprendre une action difficile, risquée, pour le seul profit d'autrui, sans bénéfice personnel. Les révolutions se font toujours de la même manière, par des niais qui s'imaginent travailler pour eux-mêmes et qui tirent les marrons du feu pour les autres (Mérimée,Lettres ctessede Montijo,t.2, 1869, p.360): 2. Quand nous aurons, sur notre sol français, une solide armée américaine pour prendre la relève, alors nous pourrons souffler un peu, et attendre en spectateurs que l'Amérique nous tire les marrons du feu!
Martin du G.,Thib.,Épilogue, 1940, p.807. 2. Pop. Synon. châtaigne, gnon.Donner, flanquer un marron. Donner un coup de poing. Encaisser un marron. Recevoir un coup de poing. Il m'avait pris par le bras pour me faire sortir de force, alors je lui ai mis un marron (Courteline,Client sér.,1897, 3, p.58).Jacques (...) descend un de ses adversaires d'un direct au menton (...) les types protestent. On est pas ici pour recevoir des vrais marrons, ça n'est plus du jeu (Queneau,Loin Rueil,1944, p.164). B. − P. anal. 1. [de couleur] Couleur de marron, en appos. couleur marron. D'un ton brun-roux rappelant celui de l'écorce des marrons. Un homme de moyenne taille (...) vêtu d'un caban de couleur marron (Gautier,Fracasse,1863, p.319).On serrait la classique couverture sur le coussin, derrière la selle couleur de marron d'Inde (Montherl.,Bestiaires,1926, p.415).Emploi adj. inv. Costume, redingote, pardessus marron; drap, lainage marron. L'autre [petit chat] n'est, des oreilles à la queue, que zébrures pain brûlé sur champ marron très clair, comme une fleur de giroflée (Colette,Mais. Cl.,1922, p.245).Une mère énorme, en robe de soie marron (Camus,Étranger,1942, p.1138): 3. ... elle voyait tout autour d'un front chauve une broussailleuse couronne de cheveux blancs et dans une belle figure brune, deux yeux marron clair, gais et honnêtes comme ceux d'un chien.
Green,Journal,1928-34, p.269. Rem. Certains aut. considèrent que marron est devenu un véritable adj. et l'accordent avec le subst. qu'il qualifie. Si les acteurs sont bien à gauche et au bord vous verrez leurs pourpoints marrons (Jacob, Cornet dés, 1923, p.213). Ma pauvre abeille, tu crois que tous les yeux sont gris. Il y en a des bleus, des marrons, des verts et des noirs (Sartre, Mains sales, 1948, 3etabl., 1, p.60). 2. [d'aspect] a) Domaine des sc. − BOTANIQUE ♦ Marron de cochon. Racine du cyclamen. (Dict. xixes.). ♦ Marron d'eau. Fruit de la macre. (Dict. xixeet xxes.). Synon. châtaigne* d'eau. ♦ Marron (d'Inde). Graine arrondie, brune et luisante du marronnier d'Inde, qui n'est pas comestible et entre dans des préparations pharmaceutiques. Extrait de marron d'Inde. Alcoolature stabilisée de marron d'Inde (Codex, Nouv. Suppl., 1908, p.4).Avec un bruit de pierre lancée à travers les branches, un marron d'Inde tomba de l'arbre et s'écrasa sur le sol (Chardonne,Épithal.,1921, p.428). ♦ Marron noir. Variété d'agaric. (Dict. xixes; ds Quillet 1965). − ZOOL. Marron épineux. Variété de coquillage. (Dict. xixeet xxes.). Synon. chame. b) Domaine techn. − HIST. DE LA COIFFURE. Grosse boucle de cheveux arrondie et nouée d'un ruban. Le père de mon ami, en habit de droguet à fleurs et en perruque à marrons, était assis (Jouy,Hermite,t.4, 1813, p.252). − PYROTECHNIE. Pétard cubique ou cylindrique constitué d'une boîte de carton remplie de poudre en grains, et dont la détonation évoque l'éclatement d'une châtaigne sur le feu. (Dict. xixeet xxes.). − TECHNOL. Grumeau, noyau coagulé dans une table de plomb mal fondue, dans une pâte mal pétrie, dans une pierre à chaux. (Dict. xixeet xxes.). c) Jeton ou plaque de métal numéroté(e) qui servait à vérifier le passage régulier d'un surveillant, d'un gardien chargé d'effectuer une ronde, ou la présence à son poste d'un employé, d'un ouvrier. [Le sergent] introduit un marron dans la boîte (Vidal, Delmart,Caserne,1833, p.194): 4. ... un surveillant de ronde, qui inspectait le dortoir d'en bas du bâtiment-neuf, au moment de mettre son marron dans la boîte à marrons, − c'est le moyen qu'on employait pour s'assurer que les surveillants faisaient exactement leur service; toutes les heures un marron devait tomber dans toutes les boîtes clouées aux portes des dortoirs...
Hugo,Misér.,t.2, 1862, p.57. d) Arg. Marron (sculpté). Visage, personne grotesque. (Ds Delvau 1866). Quand tu donnes ce que tu appelles (...) une soirée à tes marrons sculptés d'amis (quelle collection!) − est-ce que je ne me dépense pas? (Durandeau,Civ. et milit.,1878, p.6). REM. Marronner, verbe trans.,coiffure, vx. Coiffer (les cheveux) en grosses boucles. La coiffure la plus récente et de meilleur goût inventée par les femmes d'abord et qui vient d'être adoptée par les hommes, est formée par des boucles «marronnées» toutes égales (Stéphane,Art coiff. fém.,1932, p.148). Prononc. et Orth.: [maʀ
ɔ
̃], [mɑ-]. Timbre [ɑ] au contact de r et ,,parce que la prétonique (...) est initiale`` (Mart. Comment prononce 1913, p.35). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1526 «fruit du marronnier» (C. Gruget, Les Diverses leçons de Pierre Messie, p.888); 1640 loc. tirer les Marrons du feu avec la patte du chat (Oudin Curiositez); 2. 1718 Marrons d'inde (Ac.); 3. 1706 couleur de maron ([D. A. de Brueys], L'Avocat Pathelin, 1715, sc. 3, p.13); 1750 Maron nom de couleur (J. Hellot, L'Art de la teinture des laines, p.485). B. 1. 1680 coiffure (Rich.); 2. 1752 pyrotechnie (Trév.); 3. id. «jeton que les personnes chargées de faire une ronde devaient déposer dans une boîte pour marquer leur passage» (ibid.); 4. 1764 maron roti «sorte de limaçon de mer» (Valmont de Bomare, s.v. limaçon); 5. 1777 «noyau non calciné d'une pierre passée au four à chaux» (Encyclop. Suppl.); 1782 «grumeau dans la pâte à pain» (Encyclop. méthod. Arts et métiers t.1, p.281b). C. 1821 arg. «des coups, de la bagarre» emploi partitif (Ansiaume, Arg. Bagne Brest, fo6 vo, § 67: Prens toutes tes Baioffes [armes à feu], car il pourra bien y avoir du marron); 1881 «coup au visage» (Rigaud, Dict. arg. mod., p.244). Empr. à l'ital. marrone «grosse châtaigne comestible» (dep. début xives., Cenne de La Chitarra ds Batt.; cf. lat. médiév. marro, -onis, 1176, doc. de Côme ds Nov. gloss.), prob. dér. d'un rad. prérom. marr- «pierre, rocher», att. de l'Italie au Portugal, particulièrement dans les Alpes et les Pyrénées (v. J. Hubschmid ds Romanica Helvetica t.41, pp.52-57). Le mot a prob. pénétré en fr. par la région lyonnaise (v. K. Baldinger ds Mél. Gardette (P.). 1966, p.61). Fréq. abs. littér.: 149. Bbg. Dauzat (A.). Notes lexicol. Fr. mod. 1954, t.22, pp.84-88. _ Hope 1971, pp.209-210. _ Mack. t.2 1939, p.201. _ Quem. DDL t.17. _ Terracini (B.). Problemi di etimologia preromana. Archivio glottologico italiano. 1954, t.39, pp.120-141. |